La chaîne Arte vient d'annoncer la diffusion le 18 octobre prochain d'un documentaire de Marie Thiry intitulé "Sorcières – Chronique d'un massacre".
Elle reviendra sur les cas de sorcelleries qui ont marqué la Renaissance.
Il sera aussi sur Arte.tv du 11 octobre au 16 décembre.
Voici la - longue - présentation :
"Sale temps pour les femmes.
Comment expliquer l’existence de chasses aux sorcières qui, dans l’Europe de la Renaissance, firent des dizaines de milliers de victimes, en grande majorité des femmes ? L’épisode tragique de la province basque du Labourd en 1609 éclaire trois aspects de la question.
Quels furent les mécanismes ayant mené à la plus meurtrière chasse aux sorcières en France, dans le Pays basque de 1609 ? Pourquoi un tel acharnement ? Mêlant entretiens, reconstitutions et séquences animées, le documentaire de Marie Thiry (Le chevalier au dragon - Le roman disparu de la Table ronde) nous plonge au cœur de la pensée démonologique, une doctrine profondément misogyne, qui fit des milliers de victimes en Europe du XVe au XVIIe siècle.
En 1609, dans la province basque du Labourd, se déroule le dernier et le plus sanglant épisode de chasse aux sorcières en France. Quatre-vingts personnes, principalement des femmes, sont brûlées à l’issue d’un procès itinérant de quatre mois, mené par Jean d’Espagnet, président au parlement de Bordeaux, et le juge Pierre de Lancre. Mandatés par Henri IV, ils étaient initialement chargés d’apaiser un simple conflit local autour des revenus du nouveau port de Ciboure. Mais cette querelle dégénère rapidement en une vague d’accusations de sorcellerie. De village en village, leur tribunal alimente et amplifie les dénonciations populaires, déformées par l’imaginaire démonologique. Pour faire avouer les prétendues sorcières, ils recourent à la délation et à la torture, en s’appuyant sur les grands traités de démonologie, comme le célèbre Malleus Maleficarum ("Marteau des sorcières"), publié en 1486 et largement diffusé grâce à l’imprimerie. Alors que dans la plupart des régions d’Europe ce sont surtout les femmes âgées qui sont victimes des chasses aux sorcières, au Labourd, des jeunes filles sont principalement visées. Pierre de Lancre, obsédé par l’idée de leur copulation avec le diable lors du "rituel du sabbat", laisse libre cours à ses fantasmes et transgresse toutes les limites du droit. Il instrumentalise des centaines d’enfants, contraints à témoigner contre leurs proches. Ce zèle fanatique finit par susciter des résistances. Le retour des marins pêcheurs partis à Terre-Neuve et l’intervention de l’évêque de Bayonne, soucieux de protéger les familles des notables, abrègent cette effroyable mécanique d’accusations.
Rendre justice
Convoquant les témoignages éclairés de spécialistes de la chasse aux sorcières (historiens, archivistes, anthropologues...) de Bayonne à Lausanne en passant par Strasbourg et Pampelune, et également l'essayiste Mona Chollet, autrice de l'essai best-seller Sorcières – La puissance invaincue des femmes (éd. La découverte), cette enquête saisissante décrypte les mécanismes cruels, irrationnels et misogynes qui conduisirent quatre-vingts personnes à la mort. Grâce à un prenant montage d'entretiens, de reconstitutions tirées du film Les sorcières d’Akelarre (2020) de Pablo Agüero, et de séquences animées, la réalisatrice Marie Thiry souligne à quel point les autorités religieuses et politiques, s'en prirent aux femmes, mais aussi aux traditions païennes et aux rites dévolus aux solstices d'été et d'hiver, dont serait issu le fameux balai de la sorcière. Nourrie d’extraits du film La sorcellerie à travers les âges de Benjamin Christensen (1922) et de gravures, animées à partir de celles ornant le livre publié par Pierre de Lancre en 1612, cette étude rigoureuse d'une des faces les plus sombres de la Renaissance rend aussi justice à toutes celles que la folie religieuse et misogyne de cette époque a voulu effacer."