Les amateurs de SF connaissent forcément Philippe Caza, illustrateur majeur des livres du genre chez plusieurs éditeurs, dont J’ai Lu. Mais le talent de Caza ne se limite pas à l’illustration. Né en 1941, ce parisien (qui ne le restera pas très longtemps) démarre sa carrière dans la publicité, avant de se tourner vers l’illustration et la BD. Il fait son trou dans le neuvième art en publiant des histoires courtes dans Pilote (les fameuses Scènes de la vie de banlieue, reprises plus tard en album chez Dargaud puis chez les Humanoïdes Associés) puis dans Métal Hurlant. Les années 90 verront naître la grande saga de Caza : Le Monde d’Arkadi.
S’inscrivant dans une vaste histoire du futur (Les Chroniques de la Terre fixe) introduite par la série L’Âge d’ombre (démarrée dans Pilote puis ressortie en album chez Delcourt), ce cycle montre un monde à l’arrêt (la Terre ne tourne plus sur elle-même), victime d’un cataclysme dont on ne sait pas grand-chose et qui a introduit des mutations chez les survivants. Ceux-ci tentent, tant bien que mal, de résister aux conditions épouvantables d’un écosystème dévasté. Il existe pourtant un havre de paix, une cité, Dité, où des élus génétiquement parfaits vivent reclus, maternés par une intelligence artificielle, Hel. Celle-ci pourvoit à tous leurs besoins en les protégeant du Grand Extérieur et en leur diffusant les rêves d’Or-Fé, le cyborg poète. Un paradis ? Pas si sûr…
Sur cette base, Caza développe une saga mêlant SF, heroic fantasy et mythologie, et qui trouve son terme dans ce neuvième album, Le Jour de l’arche, vingt ans après ses débuts.
Dernières révélations
Après avoir ramené Or-Fé à Dité, Arkadi, Pan-Dra et Jonas réveillent les élus en demi-vie. Mais pour Arkadi la quête n’est pas terminée : il doit retrouver Kro-No, le dieu endormi, qui l’appelle dans ses rêves. À bord de Pro-Mé, ils gagnent le lieu où tout doit se résoudre, celui qui abrite la Masse, protégée par Légion. Ce sera l’occasion de découvrir ce qu’est cette Masse qui a donné son nom à l’ère de la Terre fixe, ainsi que l’identité de Kro-No, et, peut-être, de donner à la Terre l’énergie de revivre.
Une conclusion à la hauteur de nos attentes
Terminer un cycle aussi vaste avec une attente aussi forte des fans était une tâche sur laquelle Caza aurait pu se casser les dents. Et la crainte était réelle après la lecture des premières planches, qui voient renaître une nouvelle Pan-Dra sur un mode romantico-lyrique un peu trop… larmoyant. Heureusement, le scénario se reprend assez vite. Tout d’abord avec un voyage vers l’antre de Kro-No qui est l’occasion d’expliquer ce que sont la Masse et le rôle de Kro-No. Certes, le procédé est un peu artificiel (on a l’impression d’assister à un exposé), et il est un peu dommage d’être si explicite alors que l’auteur avait su jusqu’ici distiller ses informations par petites touches. Pourtant, les révélations sur l’histoire de la Terre fixe font mouche. Et la suite également : on y voit un Arkadi guidé par la volonté de reprendre le contrôle d’un monde à l’abandon et de redonner aux êtres vivants qui l’habitent toute leur légitimité. C’est dans l’esprit assez écologique mais certainement pas anti-technologique, puisque Caza sous-entend que les conséquences négatives de la science d’aujourd’hui ne resteront pas forcément une fatalité dans l’avenir.
Au final, Le Jour de l’arche conclut de belle manière une fresque qui mêle SF et mythologie, sans fixer de limite précise entre ces deux domaines. C’est ça qui fait tout le sel du Monde d’Arkadi : un mélange équilibré entre science et poésie, avec une pincée d’aventure. On retiendra notamment la thématique de l’opposition entre l’ombre et la lumière, fil conducteur de la série, qui s’affranchit de tout manichéisme (« Il n’y a pas de mal absolu, il n’y a que des pôles ») et que Caza mène à son terme tout naturellement.
Un graphisme qui a évolué
Côté dessin, le résultat est plus mitigé. Le choc a eu lieu à la parution du septième tome, après neuf ans d’interruption. Il était inévitable que le style de Caza évolue sur ces vingt années. Mais l’évolution ne s’est pas faite dans le bon sens. Le trait est plus dur, les visages plus saillants, et l’expression de ceux-ci a été simplifiée au même titre que les décors. La précision et la chaleur des dessins du Caza des années 90 semblent avoir été gommées, lissées, rendant le graphisme de l’auteur un peu moins distinguable par rapport au reste de la production actuelle. Cette impression est renforcée par une colorisation qui a cédé à l’appel de l’informatique, pas toujours utilisée à bon escient. On pense par exemple au tramage du ciel de nuit rejoignant l’horizon, aux notes jouées par Or-Fé ou aux effets de transparence un peu trop voyants.
Heureusement, Caza nous gratifie quand même de très belles planches, notamment dans la représentation des entrailles obscures de la terre et de la Masse, prouvant que son talent est intact. Alors, aurait-il sacrifié l’originalité de sa « patte » à une efficacité accrue de sa productivité ? Nous laisserons le lecteur se faire lui-même un avis…
Un cycle majeur de la BD de SF
Il n’en reste pas moins que Le Monde d’Arkadi est un cycle majeur de la BD de SF, et que Le Jour de l’arche en constitue une conclusion réussie. Avec, dans les planches finales, des rappels visuels plutôt bien trouvés des tomes précédents, symboles d’une boucle bouclée de belle manière.
S’inscrivant dans une vaste histoire du futur (Les Chroniques de la Terre fixe) introduite par la série L’Âge d’ombre (démarrée dans Pilote puis ressortie en album chez Delcourt), ce cycle montre un monde à l’arrêt (la Terre ne tourne plus sur elle-même), victime d’un cataclysme dont on ne sait pas grand-chose et qui a introduit des mutations chez les survivants. Ceux-ci tentent, tant bien que mal, de résister aux conditions épouvantables d’un écosystème dévasté. Il existe pourtant un havre de paix, une cité, Dité, où des élus génétiquement parfaits vivent reclus, maternés par une intelligence artificielle, Hel. Celle-ci pourvoit à tous leurs besoins en les protégeant du Grand Extérieur et en leur diffusant les rêves d’Or-Fé, le cyborg poète. Un paradis ? Pas si sûr…
Sur cette base, Caza développe une saga mêlant SF, heroic fantasy et mythologie, et qui trouve son terme dans ce neuvième album, Le Jour de l’arche, vingt ans après ses débuts.
Dernières révélations
Après avoir ramené Or-Fé à Dité, Arkadi, Pan-Dra et Jonas réveillent les élus en demi-vie. Mais pour Arkadi la quête n’est pas terminée : il doit retrouver Kro-No, le dieu endormi, qui l’appelle dans ses rêves. À bord de Pro-Mé, ils gagnent le lieu où tout doit se résoudre, celui qui abrite la Masse, protégée par Légion. Ce sera l’occasion de découvrir ce qu’est cette Masse qui a donné son nom à l’ère de la Terre fixe, ainsi que l’identité de Kro-No, et, peut-être, de donner à la Terre l’énergie de revivre.
Une conclusion à la hauteur de nos attentes
Terminer un cycle aussi vaste avec une attente aussi forte des fans était une tâche sur laquelle Caza aurait pu se casser les dents. Et la crainte était réelle après la lecture des premières planches, qui voient renaître une nouvelle Pan-Dra sur un mode romantico-lyrique un peu trop… larmoyant. Heureusement, le scénario se reprend assez vite. Tout d’abord avec un voyage vers l’antre de Kro-No qui est l’occasion d’expliquer ce que sont la Masse et le rôle de Kro-No. Certes, le procédé est un peu artificiel (on a l’impression d’assister à un exposé), et il est un peu dommage d’être si explicite alors que l’auteur avait su jusqu’ici distiller ses informations par petites touches. Pourtant, les révélations sur l’histoire de la Terre fixe font mouche. Et la suite également : on y voit un Arkadi guidé par la volonté de reprendre le contrôle d’un monde à l’abandon et de redonner aux êtres vivants qui l’habitent toute leur légitimité. C’est dans l’esprit assez écologique mais certainement pas anti-technologique, puisque Caza sous-entend que les conséquences négatives de la science d’aujourd’hui ne resteront pas forcément une fatalité dans l’avenir.
Au final, Le Jour de l’arche conclut de belle manière une fresque qui mêle SF et mythologie, sans fixer de limite précise entre ces deux domaines. C’est ça qui fait tout le sel du Monde d’Arkadi : un mélange équilibré entre science et poésie, avec une pincée d’aventure. On retiendra notamment la thématique de l’opposition entre l’ombre et la lumière, fil conducteur de la série, qui s’affranchit de tout manichéisme (« Il n’y a pas de mal absolu, il n’y a que des pôles ») et que Caza mène à son terme tout naturellement.
Un graphisme qui a évolué
Côté dessin, le résultat est plus mitigé. Le choc a eu lieu à la parution du septième tome, après neuf ans d’interruption. Il était inévitable que le style de Caza évolue sur ces vingt années. Mais l’évolution ne s’est pas faite dans le bon sens. Le trait est plus dur, les visages plus saillants, et l’expression de ceux-ci a été simplifiée au même titre que les décors. La précision et la chaleur des dessins du Caza des années 90 semblent avoir été gommées, lissées, rendant le graphisme de l’auteur un peu moins distinguable par rapport au reste de la production actuelle. Cette impression est renforcée par une colorisation qui a cédé à l’appel de l’informatique, pas toujours utilisée à bon escient. On pense par exemple au tramage du ciel de nuit rejoignant l’horizon, aux notes jouées par Or-Fé ou aux effets de transparence un peu trop voyants.
Heureusement, Caza nous gratifie quand même de très belles planches, notamment dans la représentation des entrailles obscures de la terre et de la Masse, prouvant que son talent est intact. Alors, aurait-il sacrifié l’originalité de sa « patte » à une efficacité accrue de sa productivité ? Nous laisserons le lecteur se faire lui-même un avis…
Un cycle majeur de la BD de SF
Il n’en reste pas moins que Le Monde d’Arkadi est un cycle majeur de la BD de SF, et que Le Jour de l’arche en constitue une conclusion réussie. Avec, dans les planches finales, des rappels visuels plutôt bien trouvés des tomes précédents, symboles d’une boucle bouclée de belle manière.