La 24ème édition du Salon du Livre et de la Jeunesse de Montreuil était placée, cette année, sous le signe de la peur. Pas la peur d’une désaffection de public, car les 150 000 visiteurs étaient plus que jamais au rendez-vous cette année, mais la peur du noir, la peur du loup, la peur du monstre sous le lit ou dans le placard.
Pour faire peur aux enfants, le Salon avait mis les moyens : Clac Clac, une exposition-labyrinthe sur le mode Petit Poucet (« on va vous perdre ! ») avec six « moments de frayeur illustrés» par l’auteur-illustrateur Olivier Douzou et ses complices, Le train fantôme, un son-illustration-lumière effrayant pour les tout petits, La librrrairie bien sentie des ouvrrrages qui faisaient peurrr par la librairie Envie de Lire, Le Juke-Box 2, dans un décor de cubes et d'écrans tactiles pour découvrir l’œuvre et l’univers intime de six auteurs autour du thème « Noir, c’est noir ». Sans compter le Crip Crip Oups des grands méchants risques du quotidien, du Kiosque Presse horreur pour les jeunes.
Comme chaque année, entre deux stands d’éditeur, les couloirs du salon étaient envahis par des chérubins et ados en mal de lecture. Se bousculant entre les livres-jouets, les livres-jeux et les livres-cadeaux (Noël oblige), les bambins patientaient pour une dédicace, une démo (Ah, le stand d’Ubisoft !) ou une lecture sauvage (un extrait du prochain Eragon 3, le numéro de décembre du magazine Belles Histoires,…). Six parcours de lecture sur les deux étages du Salon étaient proposés aux jeunes visiteurs : « Au loup » pour les comptines lupestres, un parcours champêtre « Nuit et forêt », des parcours phobiques « Monstres et démons », « Ogres et sorcières », « Noir et polar », « Petites frousses ». Certains jeunes lecteurs (certaines classes notamment) ont joué le jeu. S’il faut « affronter ses peurs pour devenir grand », il est bon de les entretenir pour ne pas vieillir trop vite…
Côté cour, 322 exposants, 2 000 auteurs, 600 rendez-vous programmés (je vous laisse deviner les hectolitres d’encre et de jus de fruit), c’était THE rendez-vous de l’année. Le livre jeunesse étant un des rares segments du marché du livre à poursuivre sa croissance (désormais 15% du chiffre d’affaires du livre et plus de 70 millions d’albums vendus par an), rares étaient les défections. Toute la variété de la filière française du livre jeune était représentée : les petits éditeurs (Petit à petit, La Joie de Lire, Thierry Magnier, Orphie, Oskar, …) et les grands (Gallimard, Bayard, Milan, ...).
Côté cuisine, 150 rencontres, débats et cartes blanches étaient programmés le samedi et le lundi 2 décembre pour les enseignants, les bibliothécaires, les animateurs, les étudiants, les éditeurs ou les autres professionnels du livre et de l’enfance. 4 000 professionnels ont participé à des rendez-vous personnalisés. On n’a pas le nombre de contrats signés en coulisse, mais on devrait frôler les records.
Le Baobab de l’album 2008, qui récompense un ouvrage jeunesse de langue française créatif et inventif, a été attribué à Benoît Jacques pour La Nuit du visiteur, un album original auto-édité : la Mère-Grand attend le Petit Chaperon Rouge, mais un véritable défilé commence et la bonne vieille proie ne se souvient plus très bien de la formule pour débobiner la chevillette, à moins que ce ne soit le contraire…
Parmi les autres livres couronnés, on notera particulièrement : L’arche part à huit heures d’Ulrich Hub chez Alice-Jeunesse, Méto d’Yves Grevet chez Syros (prix Tam-Tam Roman), Le livre des terres imaginées de Guillaume Duprat chez Seuil Jeunesse et Jeanne de la zone de Frédérique Jacquet et Etienne Davodeau (Prix de la presse des jeunes). Rien que des bons livres, dont certains avaient déjà reçu les louanges d'ActuSF.
En ces temps de crise, 2008 aura été, malgré tout, un bon cru. Preuve que le thème de la peur était décidément bien dans l’air du temps !