BD : Joann Sfar s'autointerview

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Joann Sfar s'autointerview sur son blog et ça donne ça :

Extrait :

-Mais les nouveautés ne paraissent plus. Vous abandonnez-vos lecteurs en plein milieu, vous ne savez pas conclure?
Joann Sfar : On me demande ça souvent et je crois que j'ai besoin de raconter en quelques mots ce que c'est, pour moi, de faire des albums de bandes dessinées. Ce sont des voix. Petit Vampire. Le Minuscule Mousquetaire. Grand Vampire. Chacun de ces personnages c'est une voix. A chaque fois, j'essaie que chaque album constitue une histoire complète. Et j'annonce la suite en fin d'album pour dire que cette petite voix n'est pas morte, qu'on l'entendra à nouveau un jour. Pour moi, les personnages fictifs disent des choses beaucoup plus intimes que des carnets autobiographiques. Ce sont des moments où j'ai besoin de m'identifier à un vampire, à un bagarreur ou à une fille qui aime son chat.

Je voulais dire que je sais écrire des histoires avec un début un milieu et une fin. Quand j'écris pour le cinéma, je crois que c'est ce que je parviens à donner. Mais mes albums, ça a toujours été un peu différent. ils obéissent à l'envie d'être avec ces personnages, de partager avec eux une espèce de danse, je demande de leurs nouvelles. certains de mes personnages sont très heureux quand je suis triste. D'autres se fichent complètement de mon état d'esprit et ont leurs propres préoccupations. Il y en a enfin quelques uns qui se mèlent de ma vie, qui ont des opinions et se prennent pour moi. je crois que Moebius ou Crumb décrivent admirablement la schyzophrénie dont je parle ici.

La bande dessinée a toujours constitué pour moi un salut possible. C'est finalement mes seuls moments de vrai bonheur, sans le sentiment d'inadéquation avec le monde. Quand je m'assieds pour dessiner je ne me dis pas "il y a trois ans que tu n'as pas dessiné le chat du rabbin, dargaud attend, travaille!". Si c'était comme ça je ne dessinerais jamais. J'ouvre un carnet blanc et je me dis qui parlera aujourd'hui? un peu comme si on se demandait quel copain on veut appeler. Ou comme si on pouvait choisir la chaîne de télévision intime qu'on veut allumer.
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