Le Cycle de Foreigner comporte 11 romans actuellement publiés et un 12eme en cours de publication.
En France deux volumes sont sortis en J'ai Lu : le Paidhi et Le retour du Phoenix. Tous les deux ont été traduits pas Iawa Tate.
Le problème, outre les titres, les couves (la seconde était meilleure tout de même, bien que très décalée par rapport au sujet) et une traduction qui n'a pas satisfait tous les lecteurs, c'est que ces deux volumes n'ont pas étés vendus comme des suites (une mention vague en 4 de couve du second), et que les autres n'ont jamais été traduits.
Or la série est conçue par arcs de trois volumes qui se suivent. S'arrêter au bout du deuxième roman, c'est laisser l'histoire inachevée... On peut par contre lire chaque arc séparément, même s'ils constituent une fresque globale qui se suit chronologiquement.
Mnémos a décidé de s'engager sur la publication des trois premiers volumes, et on croise les doigts pour que ça marche assez bien pour qu'on s'engage sur les trois suivants...
On a donc repris les titres originaux : Etranger, puis Envahisseur, puis Héritier.
Les couves sont de Lasth.
Et on a finalement décidé, alors qu'il était au début prévu une simple refonte de la trad des deux premiers avant d'entamer la trad du troisième, de reprendre entièrement les dites trads à zéro.
C'est ma faute. J'aime tellement ces bouquins, et Iawa écrivant plutôt bien, j'ai eu beau les lire et les relire, puis leurs suites en anglais, au moins 4 ou 5 fois, je pensais sincèrement qu'une simple reprise de la trad originale suffirait. Raté.
Le style sera donc moins littéraire, mais plus efficace, je l'espère du moins, en particulier sur la cohérence des personnages.
Pour l'histoire :
Le premier roman est particulier puisqu'il s'ouvre sur deux nouvelles écrites avant le reste. C'est DAW, l'éditeur, qui a fait le choix de les insérer en début de roman, et à mon avis, à juste titre, même si la première donne un ton space op au début du roman, alors qu'il ne l'est pas (Et même si les arcs suivants eux, reviennent taquiner le space op).
On démarre donc sur l'histoire d'un vaisseau de colons qui se perd dans l'espace et ne réussi à survivre qu'au prix du sacrifice d'une partie de son équipage et de ses colons. Il parvient à reprendre la route pour venir se réfugier en orbite d'une planète viable, mais déjà habitée.
Dans la nouvelle suivante, on découvre qu'après avoir construit une station spatiale, un clivage s'est formé entre les humains : l'équipage du vaisseau ne rêve que de repartir découvrir les étoiles et si possible, retrouver la terre, tandis que les stationautes ne songent qu'à se faire une place sur la planète, au risque de se heurter à une population qui en est à peine au stade de la découverte de la vapeur. Et qui se donne les moyens de le faire, créant les conditions d'un premier contact quelque peu... aventureux.
Puis le roman démarre pour de bon. Nous sommes presque deux cents ans après l'arrivée des premiers colons sur la planète et il y a déjà eu une guerre, dite Guerre de l'Arrivée, entre les deux espèces. Les humains, supérieurs en technologie mais tellement moins nombreux, se sont fait ratatiner proprement. Un traité est né de cette guerre : les humains restent confinés sur la vaste île de Mospheira, où ils sont tolérés en échange d'un transfert progressif de technologie. Un humain, un seul, est autorisé à résider sur le continent, auprès du chef de l'Association la plus importante de la planète. Il est le paidhi, l'interprète. Il surveille les conditions du transfert de technologie, et ajuste le vocabulaire et les connaissances de la langue et de la culture ateva pour ses compatriotes.
Bren Cameron, dernier des paidhi en date, est un jeune homme d'un genre plutôt sérieux, un administratif un peu "premier de la classe" allergique à la violence, même s'il a parfaitement conscience que ses deux gardes du corps sont des miliciens et des Assassins patentés, dans une société où l'assassinat est considéré comme un moyen légal de résoudre les conflits...
Sauf que l'assassin qui tente de le tuer un beau jour ne l'a pas fait dans les formes, et que sa vie bascule brusquement dans une violence qui lui fait prendre conscience que les humains, une fois de plus, pourraient s'être trompés sur la nature profonde de la société ateva, et de ce qui y lie les individus entre eux. Il est toujours délicat de comprendre que les sentiments humains n'ont pas d'équivalent dans une population chez qui les interactions sociales relèvent du casse-tête, et qui accordent à la numérologie une place centrale dans la moindre de leurs actions, dans la moindre de leurs paroles...
Cherryh s'amuse beaucoup dans ce cycle : sans même parler du ton des romans, qui ne sont pas sans humour, elle s'amuse avec la politique (elle adore, hein ? C'est sa spécialité) et elle s'amuse avec la langue et la difficulté de la traduire quand les fondamentaux sont opposés.
Et comme toujours, elle met au centre de son récit la difficulté des rapports à l'autre, surtout quand l'autre ne paraît pas, de loin, si différent, et qu'il est plus difficile encore de se souvenir en permanence qu'il manque pourtant des références communes fondamentales...
C'est un bouquin que j'ai souvent réussi à faire lire avec bonheur à des non-amateurs de SF, et pourtant, on ne fait pas plus SF que ça... Deux choses jouent, à mon avis : d'abord, l'état de la civilisation ateva dans le premier arc est proche de la terre du XXeme siècle : on a des voitures et des autoroutes, des téléphones, des chemins de fer et des armes à feu... Ne manque, et pour de bonnes raisons, que le regard vers les étoiles. Ensuite parce que l'histoire pourrait être transposée à toute rencontre entre deux civilisations y compris deux civilisations humaines, à quelques détails majeurs tout de même, mais le fond reste celui de tout récit centré sur le rapport à l'autre...
Faut pas me lancer sur mes Cherryh, non, faut pas...
Le Navire