Fabrice Colin parle des festivals

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Si je puis me permettre une petite intervention : dédicaces et interventions en milieu scolaire, c'est quand même pas la même chose, à mon avis.
En dédicaces, on assure avant tout la promotion d'un bouquin. Le but est de vendre des livres, de se faire connaître, donc de gagner de l'argent. Quand, dans un salon comme celui du Mans, je signe 200 ouvrages en deux jours, ça commence à ne plus être dérisoire du tout. Évidemment, pour celui ou celle qui n'a qu'un bouquin à présenter, c'est une autre chanson. Mais il y en a qui aiment ce boulot de VRP et à force, je crois que la présence régulière d'un auteur en salon est payante. Il y en a, en tout cas, à qui ça a vraiment servi. A côté de ça, le boulot est quand même assez rudimentaire : on sourit (ou pas), on discute, on signe, les libraires sont généralement sympa et il y a des coups à boire le soir - je me réjouis généralement d'aller dans des salons car je sais que je vais voir des copains. Les copains, pour un écrivain, c'est fondamental. Je bosse tout seul toute la journée. En ce qui me concerne, je dis "oui" aux salons quand ça pas l'air trop moisi, quand j'ai des sorties importantes à ce moment-là, et/ou quand il y a des interventions en amont.
Les interventions, je vois ça comme un vrai boulot. D'abord, c'est en semaine. Ensuite, c'est épuisant - surtout avec des classes de 4e ou 3e. Et puis on est un peu en mission, en tout cas c'est comme ça que je le vois : on est censé donner aux élèves le goût de la lecture, les sensibiliser à la chose écrite, présenter une vision autre que strictement scolaire. A chaque intervention, j'essaie de donner le maximum. Je lis des extraits. Je parle d'autres livres que les miens. Je réponds aux mêmes sempiternelles questions en donnant l'impression que c'est la première fois de ma vie qu'on me les poses. Certains jours, c'est super. A d'autres moments, les élèves sont chiants, la rencontre n'a pas été préparée, on a mal à la tête : c'est pas top. Mais on fait le taf quand même. La vraie vie, quoi. Alors, certes, les prestations sont bien payées, mais c'est aussi du temps où on n'écrit pas, et quand on se barre à l'autre bout de la France, qu'on se tape huit heures de transport dans une seule journée avec des enfants qui pleurent ou des consultants qui consultent par téléphone, le lendemain, c'est pas simple de fonctionner. Donc, en moyenne, je considère que c'est pas du fric volé. Autre chose : en général, c'est du fric de l'état. Or, je rappelle qu'un écrivain n'a pas de retraite, et qu'il ne bénéficie d'aucun système genre intermittent du spectacle. Si je me casse un bras, je suis vraiment dans la merde. Je ne suis pas du genre à gémir sur mon sort mais pour une fois qu'un système nous est favorable, on ne va pas se flageller en se disant que vraiment, c'est trop sympa.
Sinon, se faire payer pour signer des bouquins, je trouve ça assez délirant.

Fabrice Colin
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