[quote="jlavadou"]
Cachou a écrit: |
Cleer n'est ni une apologie ni une critique de ce système. C'est un livre qui raconte une histoire à travers les yeux du système, un système non humain, qui vit par et pour lui-même, et qui ne peut donc avoir comme approche que celle de son efficience maximale. [...] C'est peut-être le seul message à retenir de Cleer : le fait que le monde de l'entreprise est en train de devenir une entité à part entière, pour laquelle la composante humaine n'est plus qu'un moyen et non une fin (on ne travaille plus vivre, mais on vit pour travailler). Pas de notion de Bien ou de Mal derrière tout ça, juste une constatation. |
Pour le premier point, on peut se demander quelles sont les limites, sur le plan du récit, d'un tel système représenté pour ce qu'il est, soit à travers ses yeux. La prise de position aurait été des plus lourdes, c'est certain, cela dit, cette neutralité pose problème. Outre le fait que l'esthétique m'ait plu, ce qui est déjà suffisant en soi, je ne considère pas que Cleer apporte quoi que ce soit de nouveau concernant le monde de l'entreprise (voir le deuxième point cité). Ces notions là, sans vouloir jouer au con, on en est quand même revenu depuis longtemps, il me semble. Enfin, on les a intégrées et admises depuis longtemps, voilà ce que je veux dire.
Je trouve que le traitement est intéressant, mais un peu limité de par son ambition première. Si bien que je n'ai pas pu m'empêcher (finalement) de ressentir le bouquin comme une charge froide contre le "monde" tel qu'il est proposé par les grandes (et moins grandes) multinationales. J'ai aussi bien perçu le type d'accomplissement dans l'oubli, vers une hypothétique lumière, représentée par les valeurs inverses (ou inhumaines, a-humaines pour reprendre d'autres termes), donc le roman tient sa logique et sa démonstration.
Ce que j'ai trouvé le plus réussi, ce sont les basculements psychiques de Charlotte, et les situations de dénuement dans lesquelles elle se retrouve, alors qu'elle bute contre l'arrivisme de Vinh et ses tendances mégalomanagériales. J'ai apprécié sa problématique de départ, les images qu'elle fuit et qui la minent, qui possèdent une certaine force d'impact.
Puis ça se noie plus en aval dans son vécu "corporate", ou elle a franchement déserté le port d'attache du quotidien et sa normopathie ; ce qui devient plus obscur, mais pas forcément moins intéressant. Explicite d'une autre manière pour les enjeux du récit, moins pour la démonstration.
Quant à Vinh, je ne l'ai pas trouvé si caricatural que ça, en ce sens qu'il cotoie une autre dimension de l'engagement, il est clairement de l'autre côté de la barrière, tout en "efficacité" telle qu'on pourrait la fantasmer ; telle qu'elle ne sera jamais possible dans la vie véritable.
Je me demande si, tout en reconnaissant les travers du système, les auteurs ne seraient pas fascinés par l'option Vinh, ou n'en auraient pas fait l'expérience de façon plus ou moins prolongée. A moins que ce ne soit moi que cela fascine. Difficile de ne pas parler de soi en voulant parler des autres !
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malkus