Le site laspirale.org a mis en ligne une
interview croisée de Sylvie Denis et Roland C.Wagner à propos de Norman Spinrad puisqu'ils ont traduit son dernier roman : Il est parmi nous.
Voici un extrait :
"Où et comment situez-vous Norman Spinrad sur l'échelle de l'évolution science-fictionnelle ? Je trouve par exemple surprenant de le voir relativement peu cité aux côtés des cyberpunks dont il me semble pourtant constituer au minimum un ancêtre éclairé. D'ailleurs, Roland le souligne très justement dans sa chronique Le père, le fils et la maladie et je le cite : « Spinrad était fasciné par l'électronique, la vidéo et la dégradation de la société américaine dès les années 60 »...
Sylvie Denis : J'ai toujours pensé que Norman Spinrad parlait de choses dont j'avais moi aussi envie de parler, en mieux. Et puis dernièrement, je me suis souvenue que j'avais lu Les Solariens à quatorze ans, et que donc, ce qui m'intéresse a peut-être été influencé… Son analyse du mouvement cyberpunk était tout à fait juste, dans la mesure où il voit la technologie comme une extension normale de l'homo sapiens. Ce sont des gens qui écrivent de la SF pour parler de notre monde, pour mieux le comprendre. Et comme il y a un certain courant de pensée qui tente de persuader les gens que notre époque est compliquée et incompréhensible, ma foi, j'estime qu'ils font un travail indispensable pour la bonne santé intellectuelle de l'humanité !
Roland C. Wagner : Dans mon souvenir, Norman a été cité pas mal de fois comme un précurseur des Neuromantiques, comme il avait suggéré de les appeler. Je suis tenté de penser que non seulement il le mérite, mais qu'il est doublement, voire triplement précurseur des auteurs cyberpunks. À moins qu'un texte m'ait échappé, il est quand même le premier auteur de science-fiction à employer le rock dans le cadre d'une conjecture, vers la fin des années soixante. À la même période, il a exploré des univers psychédéliques dans des nouvelles comme « Carcinoma Angels » ou « En terrain neutre ». Jack Barron et l'éternité témoigne d'un intérêt pour la société de l'information qu'on ne trouve guère que chez Brunner, et encore. Il y a aussi d'une manière générale chez Norman une intégration du « savoir de la rue » par où il exprime ses préoccupations sociales. On retrouve tout ça dans l'esthétique cyberpunk : les mondes psychédéliques sont devenus des espaces virtuels numériques, la télé a été supplantée par le réseau, il y a le rock et il y a la rue…"