Interview de Natacha Vas-Deyres sur la SF française

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Natacha Vas-Deyres est en interview ici. Elle parle de science fiction bien évidemment mais aussi de nos auteurs francophones. C'est passionnant. 


Extrait : 
Les contre-utopies anglaises ou russes critiquaient les totalitarismes de leur époque et leurs échos futurs. La critique politique est-elle aussi présente chez les auteurs de science-fiction français ? 

Oui ! Historiquement, Daudet par exemple, dans Les Morticoles, fait une critique de la IIIe République. C’est clair et net : cela vient d’un monarchiste. On a une remise en cause du système politique de la IIIe République. Lui-même est député, d’ailleurs. Après, dans les années 1910, 1920 ou 1930, on n’est pas tellement dans la critique politique parce que finalement, on a autre chose à faire dans la science-fiction. Inventer des mondes, par exemple, ou réfléchir sur le post-apocalyptique. 

Barjavel, par exemple, est un cas intéressant et l’on ne peut pas dire a priori qu’il soit un critique politique. Ravage a été publié en 1943 : on a beaucoup reproché à Barjavel une vision pétainiste de la société car dans Ravage, panne d’électricité, on revient à une utopie régressive, archaïque, paternaliste, etc. Du coup, même si cela n’a pas été reçu comme cela au moment de l’écriture, on a pu dire que Barjavel avait écrit une œuvre pétainiste… je pense qu’il faut nuancer le propos et dire simplement qu’il a écrit une œuvre de son temps avec les idées de son temps. À ce moment-là, il est d’ailleurs tout seul à écrire de la science-fiction. 

Après, en France, il faut bien se dire qu’il y a deux courants dans la science-fiction. On parle beaucoup des écrivains de science-fiction marqués à gauche, mais il y a aussi des écrivains assez conservateurs qui appartiennent à des courants de droite. Claude Farrère par exemple était ouvertement de droite : avec ses Condamnés à mort, il reste dans l’ambiguïté. On ne sait pas trop s’il prend la défense des ouvriers qui à un moment font la grève mais, en tout cas, son personnage de chef d’entreprise dictateur n’est pas présenté sous un jour si noir que ça. 

À partir des années 1960-1970 en revanche, et c’est la grande majorité, on trouvera des écrivains de gauche ou d’extrême gauche très engagés politiquement. Cette tradition-là s’est perpétuée. L’un des plus engagés dans les années 1970, c’est sûrement Jean-Pierre Andrevon qui a aujourd’hui 76 ans. Quelqu’un comme Ayerdhal aujourd’hui est un auteur qui va s’engager pour la défense des écrivains, et qui est plutôt marqué à gauche. 

Il y a donc totalement une réflexion politique derrière la science-fiction française. C’est même une tradition, qui va simplement retomber un peu par moment. On pourrait même dire qu’un écrivain français d’ailleurs, par tradition, se doit d’avoir une opinion politique, que ce soit dans la littérature générale ou dans la science-fiction. 


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