Etienne Barilier et André-François Ruaud sont en
interview sur le site Uchronies.
Ils évoquent leur essai sur le Steampunk :
"BC: En relisant ton essai, Etienne, et en feuilletant en même temps le Jack l'Éventreur d'André-François, je me demande si l'aspect essentiel du genre steampunk, parti d'une blague entre trois amis auteurs, est bel et bien de montrer une vision cynique, décalée et "gentiment" moqueuse du roman d'aventures XIXe siècle (le roman de grand-papa serais-je tenté de dire, avec ses lourdeurs, ses codes sociaux etriqués et petits bourgeois, son colonialisme paternel et sa bonne morale...), alors le steampunk, critique sociale des travers du XIXe ET du XXe siècle ?
Etienne Barilier: Je ne crois pas que ce soit un aspect essentiel, au sens où il servirait à la définition du genre, mais il est indubitablement présent dans nombre d’œuvres steampunk. On peut penser aux révoltes ouvrières décrites dans La Machine à différences de Bruce Sterling et William Gibson, ou encore L’Âge des Lumières de Ian R. MacLeod... Mais doit-on en faire des romans de la critique sociale ? Rien n’est moins sûr. Le steampunk n’a jamais été politiquement engagé, comme a pu l’être le cyberpunk en son temps. Cependant, n’oublions jamais la part de punk qui compose le steampunk ! Donc il permet des coups de pied dans la fourmilière, de mettre en scène la Révolution russe avec Bohème de Mathieu Gaborit, qui vient heureusement d’être réédité. La stratification claire de la société à la fin du XIXe, et son explosion au début du XXe permet toutes les métaphores et bien des excès. Notons enfin que le steampunk n’est pas, au sens strict, une critique du roman de grand papa, il est bien souvent une déclaration d’amour à ces mêmes romans, une relecture de ce qu’ils offraient.
André-François Ruaud: Dans le Bibliothèque rouge sur Jack l'Éventreur, nous nous sommes efforcés de brosser le portrait non pas du tueur — puisque, paradoxalement, il est fictif, seuls ses crimes sont réels — mais de sa cité : l'East End de Londres. Et il est indubitable que le commentaire social s'impose immédiatement. Ensuite, le steampunk pour sa part ayant eu une naissance purement ludique, ne se tourne qu'assez rarement vers une véritablement critique. Ceci dit, l'un des grands romans fondateurs du genre est La Machine à différences de Sterling & Gibson, roman critique s'il en est. Et j'estime que le steampunk n'est jamais aussi aussi fort, aussi pertinent, que lorsqu'il fonctionne ainsi : L’Âge des Lumières de Ian R. MacLeod est un des plus grand chef-d'œuvres du genre, et le récent Dream of Perpetual Motion de Dexter Palmer s'impose également d'emblée comme une œuvre majeure. En somme, le steampunk reproduit à son échelle la tension qui a toujours été entretenue dans la science-fiction en général, entre une part de romans populaires, venant de l'esprit "pulp", et une part de romans exigeants, la "spéculative fiction"."