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-Il y a effectivement ce regard de la société sur certains individus, on sent en arrière-plan la préoccupation sociale et politique de vos propos. Il y a aussi comme intérêt d'une grande partie de vos livres la multiplication des points de vue, celui de Sue et de Richard dans Le Glamour par exemple. Il y a bien sûr cette question de l'invisibilité, mais aussi la façon que chacun peut avoir d'appréhender la réalité, de la transformer. C'est aussi le cas dans Les Extrêmes ou Futur intérieur. Mais dans ces romans, cette perception de la réalité est travaillée par l'intermédiaire d'une « machinerie » alors que dans Le Glamour tout passe uniquement par le doute. Est-ce qu'on pourrait considérer que le véritable fil conducteur, qui traverse l'ensemble de vos romans c'est cette question de comment regarder la réalité, comment la percevoir et peut-être comment y échapper ? Vous savez par rapport à la perception de la réalité, prenez un simple objet, sa forme, sa couleur : ma perception de celui-ci va peut-être bien différer de la votre. C'est la même chose pour un évènement sportif : prenez deux personnes qui viennent d'assister à un match, il ont certainement vu des choses différentes, ils n'ont pas forcément le même avis, pourtant ils ont assisté au même match. Quand j'étais plus jeune, l'idée de la « machinerie », pour expliquer la transformation de la réalité, me paraissait être un passage obligé, un mécanisme auquel je devais me plier. En vieillissant, je ne me sens plus obligé d'en passer par là. La clé de la réalité c'est la mémoire. Nous sommes la somme de nos souvenirs, c'est ce qui nous aide à supporter la vie, à continuer d'aller de l'avant mais personne ne partage sa mémoire, chacun fonctionne sur ses propres souvenirs. Une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle perd la mémoire et sa vision de la réalité change, elle se trouve altérée. J'ai écrit beaucoup de livres sur la perte de mémoire, l'invisibilité dans Le Glamour est une métaphore de la perte de mémoire, les personnages du livre quelque part sont rayés de la mémoire collective. J'ai écrit 3 livres : Futur Intérieur, La Fontaine pétrifiante et Le Glamour qui traitent chacun de leur façon de la perte de mémoire. Ce n'est pas une question de maladie, c'est une question de perception différente des souvenirs. Dans La Fontaine pétrifiante, le personnage principal participe à une loterie qui lui permet de gagner la vie éternelle, mais le prix à payer pour celle-ci est l'effacement de ses souvenirs alors il commence à rédiger ses mémoires et quand on lit ce qu'il a écrit, on se rend compte qu'il n'a pas écrit ses mémoires mais un nouveau roman, il est devenu un personnage de fiction de sa propre histoire. |