Une interview en français d'Ursula Le Guin

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Les éditions Souffle Rêve viennent de mettre en ligne une interview d'Ursula Le Guin (dont ils ont édité une nouvelle).

Voici un extrait où elle évoque le livre de sa mère Ishi.

"Vous vous intéressez vivement à ces cultures bâties sur de l'éphémère, pas moins complexes, ni moins sophistiquées que les nôtres, mais que les chemins de l'Histoire menacent d'extinction, parfois violente... Ishi, le livre écrit par votre mère pour raconter comment votre père a recueilli le dernier indien Yana survivant des massacres du XIXème siècle, a-t-il eu une influence sur votre œuvre ?
Ursula Le Guin : Comme je l'ai souvent expliqué, je n'ai rien su d'Ishi, ni des relations de mon père avec lui, jusqu'au jour où ma mère a commencé à faire des recherches à son sujet pour écrire son livre. Je ne sais toujours pratiquement rien de lui en dehors de ce que j'ai lu dans ce livre.
Je crois que mon intérêt pour les sociétés fragiles, les cultures les plus diverses et ceux qui vont vivre chez des peuples étrangers pour apprendre quelque chose d'eux, est d'ordre plus général.
Il tient peut-être à une affinité de tempérament ou d'intellect avec mon père, qui était anthropologue. Comme je l'ai déjà mentionné ailleurs, il étudiait des sociétés tandis que j'en invente. J'ai lu en amateur une foule d'ouvrages d'anthropologie et d'ethnologie (et on peut retrouver ici et là dans mes œuvres des traces de Levi-Strauss, ainsi que de Shapir, de Geertz et d'autres encore). Quant au personnage de l'étranger en pays étranger, du marginal solitaire qui doit s'adapter à un monde nouveau pour survivre, c'est bien entendu un classique de la fiction. La fascination qu'il exerce est intemporelle, peut-être parce que, pendant notre enfance et notre adolescence, nous avons tous été des étrangers qui devaient s'adapter aux êtres souvent incompréhensibles et effrayants au milieu desquels ils vivaient.
Ce thème, ainsi que le relativisme culturel qui imprègne mes romans et mes nouvelles, dérive probablement aussi de la vision taoïste qui refuse de privilégier un ensemble d'impératifs moraux ou de règles de conduite, laissant toujours à l'individu le choix toujours contingent de la « Voie »."
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