Vous avez bossé ! et je n'ai pas le temps de tout reprendre aujourd'hui. Mais la réponse à ta question, Oncle, peut-être projetée à l'envers sur les divers problèmes soulevés depuis hier.Lensman a écrit : je vois (je vois!) de l'hétéroclitisme dans des tas de textes de SF (on peut prendre Guieu, ou Bessière, ou Henneberg, et bien d'autres). Il faut faire avec. Justement, je me demande comment il faut "gérer" cela, si on se place dans la logique de légitimation.
Il y a du métaphysique (des concepts réifiés, merci JDB) dans la SF ; il y a, sur le même mode, du religieux, du mythique, de l'ésotérique – parfois dans des textes splendides, des classiques dont personne ne voudrait se passer.
Or, le genre s'appelle science-fiction. Je ne suggère aucun changement de nom du type spéculative fiction (bien que ce dernier terme ait été créé justement pour signaler que la SF ne parlait pas que de science), aucune réécriture de l'histoire mais je crois que pour placer "les gens" dans le bon état d'esprit devant un texte SF, il faut proposer une définition, créer une représentation générale qui intègre la présence potentielle de tous ses éléments et non la seule anticipation scientifique rationnelle.
C'est ça la stratégie de légitimation : apprendre aux gens à lire la SF. Non se soumettre aux critères esthétique de la Générale de littérature, mais établir à l'intérieur de celle-ci notre propre norme comme légitime.
Encore faut-il que nous soyons au clair avec notre propre norme. Qu'appelons-nous SF ? S'il y a du M dedans, et aussi du R, du Mth, de l'E, (tous sous forme réifiée) ne faut-il pas le dire, surtout si certains grands chefs d'œuvre s'appuient dessus (comment expliquer que l'Enfer quand Dieu n'est pas présent est de la SF alors qu'il n'y a ni science ni futur dedans mais la théologie chrétienne réalisée ?)
Il me semble qu'on n'a pas le choix. Lister tous les cas de figure ne pourra jamais donner une définition exhaustive (ni même lisible). Essayer de trouver le plus petit commun dénominateur est la chose à faire mais quel est ce point commun ? Mon choix personnel est un effet subjectif, historiquement associé aux origines du genre et sur lequel on peut se coordonner : le sow. Il est licite de réifier du M, du R ou même de l'E car ce que la SF vise, c'est la création du sow chez le lecteur. Celui-ci doit donc s'attendre à toutes sortes de possibilités quand il ouvre un texte de SF, non juste à une extrapolation rationnelle des futurs scientifiques – et cette disponibilité, c'est justement l'état d'esprit qu'on recherche.
Enfin, en postulant (mais je fais évidemment preuve d'un optimisme infondé) que ce qui précède est jugé acceptable, peut-on franchir un pas de plus et essayer de trouver un point commun objectif à la liste de tous les registres auxquels la SF emprunte ses objets de réification : science spéculative, métaphysique, religieux, mythologique, ésotérique ? Il me semble que, historiquement aussi bien que conceptuellement, "métaphysique" est le point commun le plus juste.