Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Erion
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Message par Erion » jeu. janv. 21, 2010 6:02 pm

Lem a écrit : Pardon mais je ne comprends pas la logique de ce paragraphe.
J'essaie de définir la SF, pas la littérature générale. Je m'intéresse donc aux marges de la SF, où se trouve précisément Borgès. Je fais exactement ce que tu dis au début : m'intéresser à une œuvre problématique (pour la SF) dans l'espoir d'apprendre quelque chose (sur la SF). Le fait que Borgès ne soit pas problématique pour le mainstream n'a, me semble-t-il, rien à voir.
Quand je parle d'oeuvres problématiques, elles doivent l'être des deux côtés. Je vais prendre un exemple que je connais assez bien, les minorités. Du temps de l'Autriche-Hongrie, les Tchèques et les Allemands se définissaient assez bien, ils n'avaient pas de problème pour s'exclure l'un, l'autre (en fait, le nationalisme des deux côtés, était préoccupé par le fait que les frontières d'un groupe à l'autre étaient perméables, qu'on pouvait passer facilement d'un groupe à l'autre, mais les frontières existaient).
C'est quand on est arrivé au cas des juifs que tout s'est compliqué, parce qu'ils posaient problèmes aux deux groupes. Ils n'étaient pas assez allemands, il n'étaient pas assez tchèques. Qu'en fait-on ? D'où l'antisémitisme local, et aussi la volonté affichée de forcer les juifs à choisir leur identité tchèque ou allemande, en faisant pression (et finalement, la communauté juive s'est séparée entre la haute bourgeoisie, allemande et la petite bourgeoisie tchèque, je simplifie).
Les juifs ont posé des problèmes d'identité parce qu'on ne pouvait pas se contenter de les rejeter vers "le camp d'en face" (alors que les ouvriers allemands chassés par l'exode rurale, se déclarèrent facilement tchèque lors des recensements).
Ce qui fait qu'au final, on se rend compte que ce qui définit le mieux les Tchèques et les Allemands, c'est des considérations de classe, bien plus que de langue, d'histoire ou de religion. Les juifs jouent un rôle de révélateur.
C'est ce genre de révélateur qu'on cherche pour définir la SF par les marges. Du coup, Borgès est un mauvais révélateur, puisqu'il a été facilement adopté par la littérature générale, et n'est SF que par annexionnisme. Il ne pose de problème qu'à la SF, pas à la littérature générale (enfin disons, "plus").
Quelle est l'influence de Duchamp sur le domaine ? Force est de reconnaître que près de huit décennies après son geste, les arts plastiques, pour la plupart des gens, ce sont encore des peintures et des sculptures. Mais il y a aussi ceux qui connaissent Duchamp et qui savent que ce n'est pas aussi simple. Que c'est même très compliqué.
Duchamp n'a pas réalisé QUE le ready made, ce n'était qu'une oeuvre. Il a surtout PEINT "nu descendant l'escalier", qui est un grand classique, et appartient à l'histoire de la peinture, pas uniquement comme une plaisanterie.

une de ses anthologies a été préfacée par Ursula LeGuin et qu'on trouve une Introduction à la littérature américaine de JLB mentionnant Lovecraft, Heinlein, Van Vogt et Bradbury.
Borgès était influencé par la SF, aucun problème. Et il a influencé des écrivains comme Herman Melville a influencé des écrivains. Mais il a aussi influencé Umberto Eco, et pas pour une oeuvre de SF.
Je crois qu'en cherchant un peu, on finirait par se rendre compte que Borgès pèse de tout son poids sur la SF.
Oh, en cherchant, on peut aussi trouver que Shakespeare a pesé de tout son poids sur la SF. Il y a une différence entre les courants littéraires engendrés par Verne ou Gibson, et la simple influence. Il y a eu des "copies" de Verne, des "copies" d'histoires à la Neuromancien, de même qu'il y a des "copies" d'histoires à la Dick, qui se sont diffusées dans les couches "basses" de la SF (Matrix en est un exemple). Est-ce que l'influence de Borgès est de la même nature ? Est-ce qu'il a généré des "copies" dans la SF la plus populaire ? (en fait, spontanément, j'ai UN exemple qui me vient en tête, c'est un épisode de la série Kino no tabi, qui met en scène le livre contenant le monde. Ca fait UN, dans tout l'ensemble des mangas, c'est quand même pas super énorme.)
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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 6:05 pm

Lem a écrit : (Sur l'influence de JLB sur le domaine, ce serait un travail à soi seul. Je jette un coup d'œil à l'Encylopédie de C&N et j'y trouve une remarque sur la puissante influence qu'il a eu sur Gene Wolfe, sur le fait qu'il peut être considéré comme un précurseur de Dick et Vonnegut à propos de la question de la nature de la réalité, qu'une de ses anthologies a été préfacée par Ursula LeGuin et qu'on trouve une Introduction à la littérature américaine de JLB mentionnant Lovecraft, Heinlein, Van Vogt et Bradbury. Qu'enfin, de nombreuses nouvelles de lui ont été reprises dans des anthologies de science-fiction. J'ajoute à ceci parce que ça me vient que JLB est devenu lui-même un personnage de sf (comme Kafka) dans au moins une nouvelle parue dans la GASF, ainsi que dans une très belle BD de Breccia (qui a aussi adapté Cthulhu). Son influence sur le monde de Cités Obscures est colossale. Il me semble qu'elle est sensible dans le premier Cube. Je crois qu'en cherchant un peu, on finirait par se rendre compte que Borgès pèse de tout son poids sur la SF.)
Seulement, pendant un moment, la SF a peu subi l'influence de Borgès. L'inverse est sans doute moins vrai.
"Pèse de tout son poids"… bof bof!
Jules Verne a pesé d'un poids plus considérable, et depuis beaucoup plus longtemps, c'est le moins que l'on puisse dire…

Oncle Joe

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MF
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 6:19 pm

Erion a écrit :Est-ce qu'il a généré des "copies" dans la SF la plus populaire ? (en fait, spontanément, j'ai UN exemple qui me vient en tête, c'est un épisode de la série Kino no tabi, qui met en scène le livre contenant le monde. Ca fait UN, dans tout l'ensemble des mangas, c'est quand même pas super énorme.)
Aux marges de la SF, on pourrait envisager de compter Pratchett (avec le L-Space) et Fforde (le monde du livre). Mais cette idée de la Bibliothèque de Babel n'est-elle pas bien antérieure à Borgès ? (toute la littérature autour de la kabbale)
Modifié en dernier par MF le jeu. janv. 21, 2010 6:31 pm, modifié 1 fois.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 6:23 pm

silramil a écrit :"le temps apparaît comme tel" ? qu'est-ce à dire? que montrer une scène où tout est immobile suffit à faire "apparaître le temps"?
Oui. C'est une image du temps. On montre ce qui se passe quand il n'est pas là. C'est une image négative, inversée mais elle fonctionne : elle donne à voir quelque chose qui est très difficile à représenter, provoque un choc esthétique et cognitif quand on le reçoit et permet, d'une certaine manière, de percevoir le temps autrement. Il y a quelque chose de très profond là-dedans et dans cette profondeur, il y a une vue sur le temps.
'il n'y a pas qu'un seul contexte pertinent pour ce type de réification (c'est-à-dire une matérialisation concrète, et non un jeu sur les mots comme dans les exemples de gangsters). La fantasy le fait, comme la SF. Et je pense qu'il y a des exemples possibles, sans jeu de mot, dans la littérature réaliste.

L'expression "son monde explosa", peut être une image figée : quelqu'un perd tout ce qu'il aimait en un instant. Mais cela peut devenir concret selon le contexte.
En SF, ça peut vouloir dire que quelqu'un vient de faire sauter une planète.
En fantasy, ça peut désigner l'oblitération intégrale d'un royaume magique.
En littérature réaliste, ça peut renvoyer à la démolition de la maison qu'un vieil homme a habitée toute sa vie et qu'il ne voulait pas quitter.
OK pour tout ça. Mais suis-moi bien, je vais essayer de te montrer le truc difficile :

J'écarte d'abord "Son monde explosa" en mode mainstream (ton dernier cas) qui est une pure métaphore, non réifiée. Quand on regarde "monde" dans un dictionnaire, on trouve d'abord "ensemble de tout ce qui existe", ensuite "Terre", etc…. Quand on pense "monde", dans la plupart des cas, on fait la même chose. Quand on dit "le monde" dans une conversation, on pense très rarement "ma maison". Il y a un sens propre et des sens plus ou moins figurés, métaphoriques. La maison comme monde, c'est une métaphore et elle est utilisée comme telle dans le roman réaliste : pour poétiser une situation humaine.

Restent le monde magique de la fantasy et la planète de la sf. OK. Incontestablement, il y a d'un côté une réification dans un cadre magique, de l'autre la même chose dans un cadre scientifique. La métaphore réifiée n'est apparemment pas le privilège de la SF. Ai-je bien compris ton argument ?

Le truc difficile est ici : il y a une réification antérieure à ces deux-là. Antérieure à la magie, antérieure à la science. Il y la réification "neutre" disons – celle qui consiste à matérialiser l'image sans expliquer comment ni pourquoi. Qui n'a besoin d'importer aucun système extérieur pour se justifier (la magie, la science) parce que ce qui la justifie, c'est la cohérence interne dans la façon dont elle décline les conséquences de la réification. C'est ce que fait Borgès avec La bibliothèque de Babel : il ne dit évidemment (et heureusement) rien des échafaudages et des quantités de briques dont la Bibliothèque a eu besoin parce que ça la détruirait instantanément : elle est un monde clos, autonome, gouverné par la logique, c'est tout. C'est la même chose avec mon exemple des tueurs de temps sur Saint-Germain : ils arrêtent le temps, ils le relancent, on n'explique rien, on se contente de regarder les conséquences de cet état de chose. Ce n'est pas plus scientifique que magique, c'est neutre.
Or que constaté-je quand je lis ces textes "neutres" ? Que je ressens, que beaucoup de lecteurs et de critiques (mais peu ici, apparemment) ressentent l'effet SF. Certains diront peut-être que c'est du fantastique. D'autres diront (dans l'exemple de Saint-Germain), que c'est de la fantasy urbaine. Pourquoi pas ? Mais historiquement, la SF a toujours fait bon accueil/repéré/engendré ce genre de textes. C'est donc qu'elle a reconnu en eux un élément de sa propre nature.

Est-ce que tu comprends mieux ce que je cherche ? Avant toute immersion dans un système rhétorique ou esthétique, il y a une réification neutre et elle produit l'effet SF. On est aux limites du domaine ; il n'y a ni futur, ni science ; il n'y a que des images, des concepts, des idées, des faits de langue extraordinaires matérialisés par la littérature.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » jeu. janv. 21, 2010 6:29 pm

silramil a écrit :Mmm.

Dans Les Tueurs de temps, un vaisseau spatial est pris par erreur au piège d'une mine temporelle. Ils découvrent qu'ils sont dans un lointain passé et ne peuvent rentrer chez eux. Ils utilisent leur technologie pour conquérir le système solaire où ils ont atterri, notamment parce que leur capitaine pense découvrir les responsables de leur déplacement temporel par ce moyen. En définitive, ils parviennent à causer suffisamment de problèmes pour que les empires temporels indirectement responsables finissent par les ramener à leur époque.
Je laisse volontairement de côté de nombreux détails significatifs, mais le titre "Tueurs de temps" renvoie surtout au fait que des soldats luttent contre le temps, mais pas contre le phénomène physique du "temps", mais contre des "maîtres du temps", en quelque sorte. Il me semble qu'il faudrait un meilleur exemple de métaphore.

La réification de métaphore n'est qu'un phénomène parmi d'autres dans la science-fiction, et cela ne lui est pas exclusif. L'imagination scientifique, la fantasy et le fantastique peuvent l'employer également. Le Horla, exemple cité plus haut, m'a toujours paru fort abusivement récupéré par les tenants de la SF. La créature qui pourrait exister ailleurs que dans l'imagination délirante de celui qui tient le journal n'est absolument pas définie. Seuls ses effets sont perceptibles : hypnose, absorption de fluide, et de vie. Supposer qu'il s'agit d'un mutant, d'un extraterrestre ou de toute chose rationalisable n'est pas plus (ni moins) autorisé que de supposer qu'il s'agit d'une sorte de fantôme ou de vampire.
Quelle que soit l'interprétation (fantastique ou imagination scientifique), la même réification a lieu.

Cette réification, de métaphores, de concepts, de tout ce qu'on veut, n'est qu'une des manifestations de la poétique de la science-fiction, centrée autour de la matérialisation de ses objets. Il s'agit de rendre concrets, solides, dans l'esprit du lecteur, des objets fictionnels. C'est un phénomène intéressant, mais ce n'est ni central, ni exclusif à la SF.
Maupassant dans Le Horla fait très explicitement référence à une espèce qui remplacera l'humain et donc à une théorie de l'évolution plus Lamarckienne que Darwinienne. Je détaille ça dans une de mes préfaces, probablement à L'échelle de Darwin ou Les enfants de Darwin. Donc l'annexion par la sf est légitime. Maupassant a d'autre part écrit une nouvelle L'homme de Mars qui en relève également. Pas les textes sous la main, mais faciles à trouver.
Modifié en dernier par Gérard Klein le jeu. janv. 21, 2010 6:50 pm, modifié 1 fois.
Mon immortalité est provisoire.

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 6:37 pm

Lem a écrit :
Le truc difficile est ici : il y a une réification antérieure à ces deux-là. Antérieure à la magie, antérieure à la science. Il y la réification "neutre" disons – celle qui consiste à matérialiser l'image sans expliquer comment ni pourquoi. Qui n'a besoin d'importer aucun système extérieur pour se justifier (la magie, la science) parce que ce qui la justifie, c'est la cohérence interne dans la façon dont elle décline les conséquences de la réification. C'est ce que fait Borgès avec La bibliothèque de Babel : il ne dit évidemment (et heureusement) rien des échafaudages et des quantités de briques dont la Bibliothèque a eu besoin parce que ça la détruirait instantanément : elle est un monde clos, autonome, gouverné par la logique, c'est tout. .
Cela ne peut pas être "neutre". Borgès, il est comme nous, il est dans la culture, il va utiliser le concept de bibliothèque, qui nous parle à tous, qui est très facile à appréhender, mais signifie un arrière fond culturel (il aurait tort de s'en priver!) . Quand tu dis "heureusement", c'est une façon de parler. L'auteur de SF qui va se fatiguer à essayer de décrire quelque chose de plausible qui pourrait ressembler à la bibliothèque de Babel, se livre à une entreprise beaucoup plus courageuse, à mes yeux, notamment parce qu' il prend beaucoup plus de risques, à tous les niveaux: invraisemblance (on repèrera les défauts), obsolescence du texte (les techniques risquent de rendre ridicules ses conjectures)…
C'est bien justement là que je vois une grande différence entre Borgès et la démarche de la SF.
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Modifié en dernier par Lensman le jeu. janv. 21, 2010 6:39 pm, modifié 1 fois.

Giangi
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Message par Giangi » jeu. janv. 21, 2010 6:38 pm

Lem a écrit : comment définis-tu la SF centrale, le cœur du genre ? Comme la fiction des sciences futures ? Mais que faire alors de tous les textes centraux où il n'y a ni science ni futur ? Que faire de L'homme quir rétrécit ? Que faire de Je n'ai pas de bouche et il faut que je crie (prix Hugo, quand même). Que faire de L'oreille interne ? Que faire du géant noyé ? Que faire du climat général de La quatrième dimension qui a joué un tel rôle dans l'histoire du genre ? Du Prisonnier ? Du Don ou de La séparation ? Quel est le statut de l'uchronie ? Ce ne sont pas des textes ou des objets marginaux, des trucs bizarres dont personne ne sait quoi faire – mais carrément des classiques. (...) Mais que je sache, cette définition n'existe pas.
Personnellement, il a assez longtemps que je me contente de ce qui n'est pas vraiment une définition, plutôt une sorte de bornage :
La SF, c'est des fictions dont la caractéristique est de se dérouler dans des portions de l'histoire collective de l'humanité, imaginaires, mais potentielles, et qui à ce titre font partie de notre univers rationnellement plausible. Il me semble que cela permet d'inclure les textes que tu cites ici et, je crois, de simplifier un peu le débat…
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 6:47 pm

Gérard Klein a écrit : Maupassant dans Le Horla fait très explicitement référence à une espèce qui remplacera l'humain et donc à une théorie de l'évolution plus Lamarckienne que Darwinienne. Je détaille ça dans une de mes préfaces, probablement à L'échelle de Darwin ou Les enfants de Darwin. Dons l'annexion par la sf est légitime. Maupassant a d'autre part écrit une nouvelle L'homme de Mars qui en relève également. Pas les textes sous la main, mais faciles à trouver.
Pour le "Horla", on pourrait interpréter le texte comme les délires d'un fou, même si la théorie de l'évolution est vraie. On peut annexer sans problème à la SF, mais il y a un jeu avec l'ambiguité. Il faudrait une bonne adaptation holywoodienne avec Will Smith pour lever l'ambiguité, et les Todorv et cie cesseraient de nous casser les pieds.
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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 6:51 pm

Lensman a écrit :Pour le "Horla", on pourrait interpréter le texte comme les délires d'un fou, même si la théorie de l'évolution est vraie. On peut annexer sans problème à la SF
Tu veux dire que, d'une manière générale, les délires de fou sont annexables sans problème à la SF ?

Non ?

... 446 pages...
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 6:55 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :Pour le "Horla", on pourrait interpréter le texte comme les délires d'un fou, même si la théorie de l'évolution est vraie. On peut annexer sans problème à la SF
Tu veux dire que, d'une manière générale, les délires de fou sont annexables sans problème à la SF ?

Non ?

... 446 pages...
Heu… on va dire, certaines fictions contenant des délires de fou fictif (pas de "s" à fictif). Heu... ce n'est pas assez clair… je réfléchis…
Oncle Joe

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Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 7:01 pm

Giangi a écrit :Personnellement, il a assez longtemps que je me contente de ce qui n'est pas vraiment une définition, plutôt une sorte de bornage :
La SF, c'est des fictions dont la caractéristique est de se dérouler dans des portions de l'histoire collective de l'humanité, imaginaires, mais potentielles, et qui à ce titre font partie de notre univers rationnellement plausible. Il me semble que cela permet d'inclure les textes que tu cites ici et, je crois, de simplifier un peu le débat…
Je comprends l'envie de simplifier, pas de problème.
Et je n'oblige personne à se poser les questions que je me pose.
Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002. Et d'après ta définition, ce n'est pas de la science-fiction (le monde de la nouvelle n'a aucune chance potentielle d'arriver jamais dans notre univers rationnellement plausible).
Désolé – pour moi.

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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 7:05 pm

Pour amuser tout le monde, je vous donne l'extrait de la 4e de couverture du roman "Le satellite de l'Amande" de Françoise d'Eaubonne.
Une personne qui a entendu parler de la SF (elle a été publiée en Rayon Fantastique…) , et un roman paru en 1975 (cela fait un moment que, par exemple, A&D existe, avec une assez bonne réputation).

"L'humanité vient de connaître, au XXIe siècle, une mutation décisive: l'ectogénèse - ou procréation sans la collaboration de l'homme - est devenu le seul mode de transmission de la vie […] Cette petite planète féconde en merveilles et en surprises trouble et fascine la chroniqueuse. Le lecteur devient bientôt aussi perplexe qu'elle et commence à comprendre qu'il ne lit pas un space-opera et que cette histoire n'a rien à voir avec la science-fiction, ni avec le roman d'anticipation qu'il croyait avoir ouvert.
Ce conte, à lire au second degré, évoquera à la fois les fantasmes et les problèmes concrets d'une époque charnière comme celle où il fut écrit. Le soleil Amande est peut-être le nom de Demain."

Et c'est signé: "Françoise d'Eaubonne".

On est habillé pour l'hiver: pas du space-opera, pas de la science-fiction, pas de l'anticipation!

Oncle Joe, hilare

Lem

Message par Lem » jeu. janv. 21, 2010 7:12 pm

Lensman a écrit :Mais prendre un immense corpus, avec, je ne sais pas "Ralph 124641+", "Ptah Hotep", "Révolte sur la lune", "En remorquant Jéovah" et dire: je vais trouver une définition qui fait tenir tout ça, notamment ces textes, cela ne me paraît pas avoir beaucoup de sens.
Aha ! C'est peut-être là que je fais preuve d'une fougue excessive (mais tu es bourré de dattes, tu ne vas pas me le reprocher). Car ces quatre textes ont indiscutablement un point commun : ils ont tous été publiés sous l'étiquette SF. Sadoul parle de tous sauf du Morrow dans son Histoire, mais c'est parce qu'il l'a écrite il y a trente-cinq ans. Si j'écrivais mon propre truc, je les citerais tous y compris le Morrow comme un intéressant cas-limite.
Et je poursuis : si ces quatre textes ont été publiés sous l'étiquette, c'est au minimum qu'ils ont été jugés SF par leurs éditeurs. Tu me diras : les éditeurs aiment bien jouer sur les marges, créer une tension entre le cœur de genre et des choses étranges, pas vraiment dedans. Pourquoi pas ? Mais ce faisant, les éditeurs ont aussi élargi la perception du genre, la position cognitive du lecteur : ils lui ont appris qu'en ouvrant un livre de SF, on pouvait tomber sur ce genre de choses (c'est ce que j'ai toujours considéré par exemple ; je n'ai jamais été déçu de ne pas trouver de sciences futures dans un texte de SF, je savais que j'aurais de toute façon l'Effet, d'une manière ou d'une autre). En publiant des trucs bizarres, pas vraiment dedans, sous l'étiquette, les éditeurs ont élargi le corpus et élargi la sensibilité de leurs lecteurs, poussé d'autres auteurs à se risquer dans les mêmes zones : bref ils ont élargi la SF. S'intéresser à celle-ci en 2010 implique de prendre tout ça en compte.

Tu dis souvent que la SF est un état d'esprit. Quand je parle de position cognitive, je dis à peu près la même chse. Tu dis souvent que la SF évolue. Je montre que s'intéresser aux marges et à la façon dont elles ont élargi le genre est une façon d'entériner ce processus. Je suis plus docile que tu ne crois.

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Message par MF » jeu. janv. 21, 2010 7:16 pm

Lem a écrit :Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002.
Ça n'en fait pas forcément une œuvre de science-fiction. Si ?
Sauf erreur de ma part, ces 3 prix récompensent, dans la catégorie "best novelette", tant des œuvres de Science-Fiction que de Fantasy.
Chiang a lui-même indiqué dans une interview que c'était de la "straight fantasy."
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
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Message par Lensman » jeu. janv. 21, 2010 7:17 pm

Lem a écrit :
Giangi a écrit :Personnellement, il a assez longtemps que je me contente de ce qui n'est pas vraiment une définition, plutôt une sorte de bornage :
La SF, c'est des fictions dont la caractéristique est de se dérouler dans des portions de l'histoire collective de l'humanité, imaginaires, mais potentielles, et qui à ce titre font partie de notre univers rationnellement plausible. Il me semble que cela permet d'inclure les textes que tu cites ici et, je crois, de simplifier un peu le débat…
Je comprends l'envie de simplifier, pas de problème.
Et je n'oblige personne à se poser les questions que je me pose.
Mais je ne peux pas me contenter de cette définition. L'Enfer quand Dieu n'est pas présent de Ted Chiang est un classique de la SF. Il a raflé les prix Locus, Nebula et Hugo en 2002. Et d'après ta définition, ce n'est pas de la science-fiction (le monde de la nouvelle n'a aucune chance potentielle d'arriver jamais dans notre univers rationnellement plausible).
Désolé – pour moi.
"Harry Potter" a eu le Hugo…
Le problème est que si tu fabriques une définition de la SF dans laquelle il y a "Harry Potter", au prétexte, imparable, que ce roman (enfin, un des romans) a eu le Hugo, il ne va plus y avoir grand chose en matière de littérature de l'imaginaire, comme on dit, qui va échapper à la SF…
Tu penses vraiment que c'est utile?
Oncle Joe

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