Latium, Romain Lucazeau (Oct. et nov. 2016)
Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m
Tiens, en vrac :
Bon, j'ai peu de temps, étant surchargé de corrections avant les conseils, alors voilà les remarques que j'ai faites au fil de ma lecture de Latium de Romain Lucazeau la semaine dernière :
Ce que je trouve d'extraordinaire dans le bouquin, c'est que Lucazeau a fourni un travail équivalent à celui de Vian dans L'écume des jours, mais là où celui-ci organisait un monde fantastique où tout se prenait au pied de la lettre, il a, par son monde d'I.A., permis aux philosophies rationnalistes de trouver un univers où elles étaient non seulement appropriées mais constituaient même le substrat de l'existence de ces Dei ex machina.
Bon, rejeton d'un agrégé de philo et d'une certifiée de Lettres classiques, enseignant moi-même les lettres depuis une trentaine d'années et fou de S.F. depuis une quarantaine, ce bouquin était fait pour moi.
Ca me plait beaucoup, entre autres les références philo qui me rappellent ma terminale, il y a 36 ans de cela ; à l'époque, j'avais rejoint le camp de Voltaire qui taillait des croupières au mec Leibnitz, mais là, vu qu'il s'agit d'I.A., les monades sans porte ni fenêtre paraissent nettement plus appropriées.
Quant à Corneille, pareil, j'ai toujours eu un gros faible pour L'illusion comique et il me semble bien qu'elle est sous-entendue en filigrane.
Un truc qui me surprend, c'est que Gilles Dumay a toujours clamé son mépris des adjectifs en abondance, or ici il y a pléthore.
Les notes de bas de page ne me dérangent pas, dans un tout autre genre, j'avais beaucoup apprécié La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao de Juno Diaz dont un bon quart en était constitué avec une histoire de Saint Domingue subjective à souhait.
En revanche, je ne partage pas les comparaisons avec Banks et Simmons, je procède souvent par analogies mais là, je trouve trop peu d'éléments concordants.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas mis autant de temps pour lire un bouquin, faut dire que je m'interromps tout le temps, plié en deux par les références truquées de Lucazeau, la maïeutique socratique mise au service d'un... accouchement, le dilemme cornélien posé à des canidés, les réminiscences platoniques appliquées aux I.A., etc.
Et puis, au début, j'étais gêné par le mélange des étymons grecs et latins, mais, à bien y regarder, c'est exactement ce qu'a fait le néoclassicisme et c'est donc parfaitement justifié.
Bref, pour le premier volume, un régal !
Tiens, à part les références à Simmons, un robot nostalgique de l'espèce humaine qui aide une espèce canidée à transcender, ça ne vous rappelle rien ?
Et une I.A. s'incarnant dans la forme de l'être aimé (une jeune fille), ça ne vous provoque pas une réminiscence platonicienne, mmmh ?
Tiens, tant qu'on y est, à un moment, il est clairement dit que, du point-de-vue des barbares, les I.A. représentent l'équivalent du cycle des Berserkers de Saberhagen ou de la Mante dans La grande rivière du ciel de Benford.
Tiens, dans les innombrables références, certes Martian emprunte au Gritche, mais le baron Harkonnen n'est pas loin, d'autant plus que, comme Léto, Titus, l'empereur dieu "renonce à son humanité pour se fondre dans les noèmes"
Et, tant qu'on y est, la relation de Plautine avec les plebeii fait irrésistiblement penser à Maria dans Metropolis, mais aussi à C'mell, héroïne des sous-êtres dans les Seigneurs de l'instrumentalité.
Et donc au final, comme je l'avais pensé dès le début, ne jamais oublier que Corneille est l'auteur de L'illusion comique... les masques tombent, les marionnettes s'effacent derrière leurs manipulateurs... Plautine, à force d'aller de mystère en mystère, transforme un parcours initiatique en récit de formation et boucle la boucle, ce fut un régal !
Cependant, peut-être pour souligner ce parcours, j'ai trouvé que Lucazeau abusait des déplacements longs et lents avec pléthore de descriptions alourdissant le récit, ça plus quelques passages sans grand intérêt (les belugas par exemple) aurait pu alléger la bête d'une bonne centaine de pages.
Bon, j'ai peu de temps, étant surchargé de corrections avant les conseils, alors voilà les remarques que j'ai faites au fil de ma lecture de Latium de Romain Lucazeau la semaine dernière :
Ce que je trouve d'extraordinaire dans le bouquin, c'est que Lucazeau a fourni un travail équivalent à celui de Vian dans L'écume des jours, mais là où celui-ci organisait un monde fantastique où tout se prenait au pied de la lettre, il a, par son monde d'I.A., permis aux philosophies rationnalistes de trouver un univers où elles étaient non seulement appropriées mais constituaient même le substrat de l'existence de ces Dei ex machina.
Bon, rejeton d'un agrégé de philo et d'une certifiée de Lettres classiques, enseignant moi-même les lettres depuis une trentaine d'années et fou de S.F. depuis une quarantaine, ce bouquin était fait pour moi.
Ca me plait beaucoup, entre autres les références philo qui me rappellent ma terminale, il y a 36 ans de cela ; à l'époque, j'avais rejoint le camp de Voltaire qui taillait des croupières au mec Leibnitz, mais là, vu qu'il s'agit d'I.A., les monades sans porte ni fenêtre paraissent nettement plus appropriées.
Quant à Corneille, pareil, j'ai toujours eu un gros faible pour L'illusion comique et il me semble bien qu'elle est sous-entendue en filigrane.
Un truc qui me surprend, c'est que Gilles Dumay a toujours clamé son mépris des adjectifs en abondance, or ici il y a pléthore.
Les notes de bas de page ne me dérangent pas, dans un tout autre genre, j'avais beaucoup apprécié La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao de Juno Diaz dont un bon quart en était constitué avec une histoire de Saint Domingue subjective à souhait.
En revanche, je ne partage pas les comparaisons avec Banks et Simmons, je procède souvent par analogies mais là, je trouve trop peu d'éléments concordants.
Ca faisait longtemps que je n'avais pas mis autant de temps pour lire un bouquin, faut dire que je m'interromps tout le temps, plié en deux par les références truquées de Lucazeau, la maïeutique socratique mise au service d'un... accouchement, le dilemme cornélien posé à des canidés, les réminiscences platoniques appliquées aux I.A., etc.
Et puis, au début, j'étais gêné par le mélange des étymons grecs et latins, mais, à bien y regarder, c'est exactement ce qu'a fait le néoclassicisme et c'est donc parfaitement justifié.
Bref, pour le premier volume, un régal !
Tiens, à part les références à Simmons, un robot nostalgique de l'espèce humaine qui aide une espèce canidée à transcender, ça ne vous rappelle rien ?
Et une I.A. s'incarnant dans la forme de l'être aimé (une jeune fille), ça ne vous provoque pas une réminiscence platonicienne, mmmh ?
Tiens, tant qu'on y est, à un moment, il est clairement dit que, du point-de-vue des barbares, les I.A. représentent l'équivalent du cycle des Berserkers de Saberhagen ou de la Mante dans La grande rivière du ciel de Benford.
Tiens, dans les innombrables références, certes Martian emprunte au Gritche, mais le baron Harkonnen n'est pas loin, d'autant plus que, comme Léto, Titus, l'empereur dieu "renonce à son humanité pour se fondre dans les noèmes"
Et, tant qu'on y est, la relation de Plautine avec les plebeii fait irrésistiblement penser à Maria dans Metropolis, mais aussi à C'mell, héroïne des sous-êtres dans les Seigneurs de l'instrumentalité.
Et donc au final, comme je l'avais pensé dès le début, ne jamais oublier que Corneille est l'auteur de L'illusion comique... les masques tombent, les marionnettes s'effacent derrière leurs manipulateurs... Plautine, à force d'aller de mystère en mystère, transforme un parcours initiatique en récit de formation et boucle la boucle, ce fut un régal !
Cependant, peut-être pour souligner ce parcours, j'ai trouvé que Lucazeau abusait des déplacements longs et lents avec pléthore de descriptions alourdissant le récit, ça plus quelques passages sans grand intérêt (les belugas par exemple) aurait pu alléger la bête d'une bonne centaine de pages.
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littéralisation ?Lucazeau a fourni un travail équivalent à celui de Vian dans L'écume des jours, mais là où celui-ci organisait un monde fantastique où tout se prenait au pied de la lettre, il a, par son monde d'I.A., permis aux philosophies rationalistes de trouver un univers où elles étaient non seulement appropriées mais constituaient même le substrat de l'existence de ces Dei ex machina.
Voilà, aux sens littéraire et lilttéral.Soleil vert a écrit :littéralisation ?Lucazeau a fourni un travail équivalent à celui de Vian dans L'écume des jours, mais là où celui-ci organisait un monde fantastique où tout se prenait au pied de la lettre, il a, par son monde d'I.A., permis aux philosophies rationalistes de trouver un univers où elles étaient non seulement appropriées mais constituaient même le substrat de l'existence de ces Dei ex machina.
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C'est comme pour Lovecraft, là y'a un style et c'était difficile de lui "rentrer dans le lard" (en tout cas, je ne me suis pas senti capable de le faire). L'auteur a de lui-même viré nombre d'ajectifs et adverbes par rapport au manuscrit qu'il m'avait soumis (plus long de 10% environ, ai-je envie de dire, mais c'est une appréciation à la louche normande).Hoêl a écrit : Un truc qui me surprend, c'est que Gilles Dumay a toujours clamé son mépris des adjectifs en abondance, or ici il y a pléthore.
C'est un premier roman, j'ai parfois l'impression que cette dimension est totalement occultée par l'ambition du projet.
En tout cas, je suis ravi que le livre plaise (à beaucoup), déçu évidemment qu'il déplaise à certains (mais c'est la loi du genre). Il se vend bien. On retire le T1 ce mois-ci. On retire le T2 normalement en janvier. C'est le plus grand succès francophone de la collection depuis qu'elle existe (17 ans maintenant) - je mets à part la réédition des Histoires secrètes de Sherlock Holmes, qui va être dure à battre (mais tu peux le faire, Romain !).
Il y aura quelques petites corrections sur les nouvelles éditions, et des dos modifiés pour différencier le T1 du T2 une fois mis en linéaire (ce qui m'avait échappé, mea culpa, quand on regarde un BAT on passe souvent à côté de l'essentiel).
GD
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Non, non, pas du tout, on peut très bien apprécier le livre sans ces références qui ne sont pas nécessaires à la compréhension de l'intrigue, mais c'est vrai qu'on perd une partie du sel de l'affaire avec la façon malicieuse dont Lucazeau détourne les poncifs de la culture classique en les passant au crible des classiques de la S.F.Soleil vert a écrit :Pigé, Latium est un test de connaissances. L'auteur lit les chroniques et note les copies.Hoêl a écrit :Ah, oui, j'oubliais, pour Leibnitz, le fait que le conte philosophique s'achève avec le jardinier, ça ne vous évoque rien ? Allons, ne soyez pas candides !
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https://www.youtube.com/watch?v=hlOFq_q0Hro
La critique littéraire de Julien Burri, extrait de la nouvelle matinale de Couleur3 : réveil à 3.
GD
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Latium dans ActuaLitté : https://www.actualitte.com/article/livr ... aise/82992