La servante écarlate - Margaret Atwood

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sophie
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La servante écarlate - Margaret Atwood

Message par sophie » lun. oct. 08, 2007 4:51 pm

Dans une société totalitaire de la fin du XXème siècle, la démographie est en chute, ce qui justifie pour les extrêmistes au pouvoir l'instrumentalisation des femmes.
Elles perdent tous leurs droits, et sont réduites à la soumission. Celles qui ont la "chance" d'être fertiles sont utilisées par les élites pour la reproduction, les autres sont envoyées ramasser des déchets toxiques ou purement et simplement éliminées.

L'histoire racontée est celle d'une de ces Servantes, femmes employées pour la reproduction, silhouettes mornes vêtues de rouge et allant toujours par deux pour se surveiller mutuellement.
Elle raconte sa vie chez un "Commandant" et son épouse, une vie faite de peur, de soumission, d'abnégation de soi et de son statut d'être humain.

C'est un roman marquant et qui laisse une sensation pesante, dérangeante, qui oblige à réfléchir, sur tout ce qui y est évoqué : le totalitarisme bien sur, et l'une de ses composantes récurrentes : sacrifier les individus au "bien commun" (bien défini par une poignée de gens bien placés, évidemment) ; autre composante récurrente : hiérarchiser le système et organiser de petits espaces de pouvoir intermédiaire, de manière à éviter toute rébellion.
Il est question aussi, de par la thématique centrale du livre, de la condition de la femme.
Mais il ne s'agit pas d'un roman féministe, au sens où il n'y a aucun esprit revendicatif ou revanchard là-dedans.
C'est simplement une projection, un grossissement de ce qui peut se passer dans le cas où le renouvellement de l'espèce serait en danger, quelles qu'en soient les raisons (pollution, maladies ou autre).
Une réflexion sur le fait que les femmes portent la vie, et sur la manière dont ce fait peut être utilisé pour les asservir, les utiliser, ou même les éliminer si elles ne remplissent pas l'office "pour lequel elles sont prévues".
Et puis sur la manière dont cette donnée biologique impacte les relations entre les femmes elles-mêmes, certaines pouvant oublier leur "sororité" avec les autres pour devenir des tyrans, se vengeant peut-être ainsi de n'être pas elles-mêmes "comme il faudrait" (fertiles, ou belles, ou séduisantes, ou autre...).
Ce qui est pointé du doigt ici, c'est que l'instrumentalisation des femmes passe notamment par les femmes elles-mêmes, ce n'est pas uniquement le fait des hommes. C'est un fait "connu", mais qui mérite toujours d'être rappelé, parce que c'est aussi une clé de libération...

Attention SPOILERS
La fin du roman est un peu déroutante parce qu'elle donne une toute autre dimension à l'histoire, à la fois en la rapprochant du réel, et à la fois en la limitant un peu.
L'épilogue historique, qui fait comprendre que cette histoire est un document retrouvé plusieurs années après, lorsque le régime a changé, donne une sorte d'espoir, ou atténue le côté sombre du récit qui précède. Une sorte de respiration à la fin : ouf, ça n'a pas duré.
Ca fait comprendre aussi que ce qui était raconté, sans mention de lieu ni vraiment de date, puisque la servante n'avait pas accès aux informations extérieures, ne se passait que dans un seul pays finalement.
Il était donc théoriquement possible d'en sortir, ça n'était pas la planète entière qui était tombée dans l'extremisme.

Ceci limite donc un peu la portée de l'histoire, dans le sens où ça fait "moins peur".
Mais ce soulagement est en fait illusoire, et avec beaucoup de finesse, l'auteur rapproche du coup son histoire de notre réalité, on peut même si on réfléchit 5 minutes faire des parallèles avec des pays existants.
Et la réflexion que ce livre propose reprend alors toute son envergure.

FIN SPOILERS

Au niveau de l'écriture sinon, c'est très bien écrit, et très agréable à lire.
Il y a une certaine poésie dans le style, des images qui restent en tête ; une manière de décrire les sentiments qui est simple et très juste.

Un très bon livre donc, qui mérite d'être lu et aussi qu'on prenne un peu le temps après de se poser pour réfléchir à ce qu'il soulève comme questions...

tj
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Message par tj » lun. oct. 08, 2007 6:49 pm

...et le film était au niveau du roman, pour une fois , ce qui ne gache rien !

rmd
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Message par rmd » mar. oct. 09, 2007 7:18 am

On pourra remarquer qu'on trouve à peu près la même situation (les etats-unis dirigés par des integristes religieux) dans l'histoire du futur d'Heinlein. Ce qui ne manque pas de piquant quand on connait les déclarations d'Atwood concernant la SF.
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.

sophie
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Message par sophie » mar. oct. 09, 2007 7:57 am

Ah tiens, qu'est-ce qu'elle dit de la SF Margaret Atwood ? Naïvement, moi j'aurais classé son bouquin en SF, vu que c'est de l'anticipation, d'ailleurs je crois qu'à la biblio il était répertorié comme ça...

rmd
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Message par rmd » mar. oct. 09, 2007 8:46 am

Je ne me souviens pas de la citation exacte, mais c'était a peu près "je ne fais pas de la sf, il n'y a pas de monstres avec des tentacules dans mes livres".
Après des années de cérémonie du Thé, il n’y a rien de meilleur que de vomir de la Bière.

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sandrine.f
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Message par sandrine.f » mar. oct. 09, 2007 9:23 am

la citation exacte (dans la mesure où, s'agissant de paroles prononcées sur les ondes de la BBC, on puisse en avoir une trace fiable) est :
talking squids in outer space
Mais c'est de même tonneau que :
"No, it certainly isn't Science Fiction. Science Fiction is filled with Martians and space travel to other planets, and things like that. That isn't this book at all. The Handmaids Tale is Speculative Fiction in the genre of Brave New World and Nineteen Eighty Four. Nineteen Eighty Four was written not as Science Fiction but as an extrapolation of life in 1948. So, too, The Handmaids Tale is a slight twist on the society we have now."

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