L'histoire, assez simple : la terre est envahie par des "entités", qui prennent le contrôle sans même daigner faire la guerre, ni répondre aux tentatives de communication des humains.
Dans ce contexte, une famille assez particulière fait perdurer, sinon un mouvement ayant des actions concrètes, au moins l'idée de résistance et de liberté du genre humain.
Il s'agit de la famille Carmichael, lignée de blonds aux yeux bleus avec une sorte de tradition "militaire-pacifiste".
Mon avis :
Bon, contrairement à ce qu'en dit Eric (et plein d'autres gens qui ont fait des critiques de ce bouquin sur le net), moi j'ai pas trouvé le début si mauvais ni ennuyeux. Mais c'est sans doute dû au fait que, comme je disais ailleurs, je débute en SF, donc j'ai pas eu le sentiment de lire un truc déjà rebattu 150 fois.
J'ai donc été séduite tout de suite par cette histoire, où dès le départ l'humanité voit réduite en cendres sa légendaire arrogance, par des créatures tellement supérieures à tous points de vue (pas uniquement technologique) qu'elles ne se donnent même pas la peine de se battre ou de communiquer.
Pour reprendre une image qui est utilisée par un des personnages du roman, c'est comme si une fourmilière se révoltait contre l'humain qui la foule au pied.
Le roman commence donc sur quelque chose de très "apocalyptique" (le grand silence du début = lorsque les entités coupent l'électricité sur toute la planète ; le chaos ; la pandémie).
Puis quitte tout à fait cette ambiance pour entrer dans une histoire qui redevient totalement humaine. Finalement les entités ne sont presque là que pour créer un décor, dans lequel des humains, et plus particulièrement une lignée d'humains, vont évoluer, réfléchir, se révolter, et chercher un moyen d'action.
C'est bien sur un bouquin sur la liberté, mais qui va plus loin que la notion de liberté face à un esclavage matériel, ou la nostalgie d'une liberté passée.
Ca questionne ce que serait véritablement la liberté. Et ce, par un personnage bien particulier, qui s'oppose à tous les autres par sa manière d'exister (ou de non-exister ), celui de Khalid.
Le livre s'achève sur
SPOILERS
FIN SPOILERSune fin aussi hallucinante que prévisible.
En lisant, on traverse un peu tous les états des personnages, de la colère à l'énergie d'action pour résister à l'envahisseur, et jusqu'au défaitisme total.
Comme eux, on croit au début qu'il y aura un moyen de renvoyer l'envahisseur chez lui. Et puis petit à petit, on se rend bien compte que
1. il n'y a aucun moyen (toutes les attaques se soldent par des échecs, voire une indifférence totale de la part des entités, exactement comme l'effet de la piqure de fourmi sur le bras de l'humain)
2. la notion d'envahisseur se dilue, jusqu'à presque disparaitre. Ceci au travers des nouvelles générations, qui ont toujours connu le monde avec les entités, et l'acceptent donc tel quel, en essayant de s'y frayer un chemin et de s'y faire une vie la plus agréable possible.
Et l'on se prend à réfléchir, à se demander comment tout ça va finir.
Et à arriver à l'évidence que les humains ne repousseront pas les entités, donc soit elles resteront, soit elles s'en iront d'elles-mêmes (un semblant de "happy end" donc, si on veut).
Et comme on imagine qu'un auteur essaye généralement de clore son histoire sur "quelque chose", une sorte d'aboutissement ou de dénouement, il parait fort probable que ce dénouement soit le départ des entités.
Pas de surprise donc.
Mais ce qui est très très intéressant dans cette fin, c'est qu'elle permet à l'auteur de pousser jusqu'au bout son questionnement sur la liberté, jusqu'à aboutir à une conclusion pas terrible pour l'opinion que l'on peut avoir de l'espèce humaine dans son ensemble.
Il y a bien sur une petite lueur d'"espoir", quelque chose de vivant et dynamique, en la personne du jeune Frank Carmichael, qui décide d'utiliser son énergie à reconstruire.
Mais globalement, ce qui apparait c'est qu'il ne faut pas grand chose pour transformer des populations entières en moutons idolatres d'un quelconque pouvoir, même si ce pouvoir les opprime (surtout ?), et jusqu'à sombrer dans le néant si ce pouvoir disparait.
Du libre arbitre, de la capacité de se prendre en main, d'agir pour soi, de réfléchir, d'évoluer, de prendre du recul, qui sont soi-disant l'apanage de l'espèce humaine, ... plus rien, nada.
Voilà de quoi réfléchir, justement...
Silverberg fait ici, comme en d'autres occasions, la démonstration par a+b que la SF est un genre particulièrement adéquat pour décrire et analyser le monde qui nous entoure.
Car sous couvert d'histoires "extraordinaires", avec super-technologie et aliens aux airs de calmars géants, la SF s'élève au-dessus du réel, le quitte un instant pour mieux y revenir et avec une vue plus perçante et lucide.