Le grand silence - Robert Silverberg

Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

sophie
Messages : 86
Enregistré le : jeu. mars 16, 2006 6:44 pm

Le grand silence - Robert Silverberg

Message par sophie » mer. janv. 30, 2008 12:24 pm

Même si Eric a déjà dit pas mal de choses ICI, j'y vais de mon petit commentaire perso sur ce bouquin.

L'histoire, assez simple : la terre est envahie par des "entités", qui prennent le contrôle sans même daigner faire la guerre, ni répondre aux tentatives de communication des humains.
Dans ce contexte, une famille assez particulière fait perdurer, sinon un mouvement ayant des actions concrètes, au moins l'idée de résistance et de liberté du genre humain.
Il s'agit de la famille Carmichael, lignée de blonds aux yeux bleus avec une sorte de tradition "militaire-pacifiste".

Mon avis :
Bon, contrairement à ce qu'en dit Eric (et plein d'autres gens qui ont fait des critiques de ce bouquin sur le net), moi j'ai pas trouvé le début si mauvais ni ennuyeux. Mais c'est sans doute dû au fait que, comme je disais ailleurs, je débute en SF, donc j'ai pas eu le sentiment de lire un truc déjà rebattu 150 fois.

J'ai donc été séduite tout de suite par cette histoire, où dès le départ l'humanité voit réduite en cendres sa légendaire arrogance, par des créatures tellement supérieures à tous points de vue (pas uniquement technologique) qu'elles ne se donnent même pas la peine de se battre ou de communiquer.
Pour reprendre une image qui est utilisée par un des personnages du roman, c'est comme si une fourmilière se révoltait contre l'humain qui la foule au pied.

Le roman commence donc sur quelque chose de très "apocalyptique" (le grand silence du début = lorsque les entités coupent l'électricité sur toute la planète ; le chaos ; la pandémie).
Puis quitte tout à fait cette ambiance pour entrer dans une histoire qui redevient totalement humaine. Finalement les entités ne sont presque là que pour créer un décor, dans lequel des humains, et plus particulièrement une lignée d'humains, vont évoluer, réfléchir, se révolter, et chercher un moyen d'action.

C'est bien sur un bouquin sur la liberté, mais qui va plus loin que la notion de liberté face à un esclavage matériel, ou la nostalgie d'une liberté passée.
Ca questionne ce que serait véritablement la liberté. Et ce, par un personnage bien particulier, qui s'oppose à tous les autres par sa manière d'exister (ou de non-exister :D), celui de Khalid.

Le livre s'achève sur
SPOILERS
une fin aussi hallucinante que prévisible.
En lisant, on traverse un peu tous les états des personnages, de la colère à l'énergie d'action pour résister à l'envahisseur, et jusqu'au défaitisme total.
Comme eux, on croit au début qu'il y aura un moyen de renvoyer l'envahisseur chez lui. Et puis petit à petit, on se rend bien compte que
1. il n'y a aucun moyen (toutes les attaques se soldent par des échecs, voire une indifférence totale de la part des entités, exactement comme l'effet de la piqure de fourmi sur le bras de l'humain)
2. la notion d'envahisseur se dilue, jusqu'à presque disparaitre. Ceci au travers des nouvelles générations, qui ont toujours connu le monde avec les entités, et l'acceptent donc tel quel, en essayant de s'y frayer un chemin et de s'y faire une vie la plus agréable possible.

Et l'on se prend à réfléchir, à se demander comment tout ça va finir.
Et à arriver à l'évidence que les humains ne repousseront pas les entités, donc soit elles resteront, soit elles s'en iront d'elles-mêmes (un semblant de "happy end" donc, si on veut).
Et comme on imagine qu'un auteur essaye généralement de clore son histoire sur "quelque chose", une sorte d'aboutissement ou de dénouement, il parait fort probable que ce dénouement soit le départ des entités.

Pas de surprise donc.
Mais ce qui est très très intéressant dans cette fin, c'est qu'elle permet à l'auteur de pousser jusqu'au bout son questionnement sur la liberté, jusqu'à aboutir à une conclusion pas terrible pour l'opinion que l'on peut avoir de l'espèce humaine dans son ensemble.
Il y a bien sur une petite lueur d'"espoir", quelque chose de vivant et dynamique, en la personne du jeune Frank Carmichael, qui décide d'utiliser son énergie à reconstruire.
Mais globalement, ce qui apparait c'est qu'il ne faut pas grand chose pour transformer des populations entières en moutons idolatres d'un quelconque pouvoir, même si ce pouvoir les opprime (surtout ?), et jusqu'à sombrer dans le néant si ce pouvoir disparait.
Du libre arbitre, de la capacité de se prendre en main, d'agir pour soi, de réfléchir, d'évoluer, de prendre du recul, qui sont soi-disant l'apanage de l'espèce humaine, ... plus rien, nada.
Voilà de quoi réfléchir, justement...
FIN SPOILERS

Silverberg fait ici, comme en d'autres occasions, la démonstration par a+b que la SF est un genre particulièrement adéquat pour décrire et analyser le monde qui nous entoure.
Car sous couvert d'histoires "extraordinaires", avec super-technologie et aliens aux airs de calmars géants, la SF s'élève au-dessus du réel, le quitte un instant pour mieux y revenir et avec une vue plus perçante et lucide.

Papageno
Messages : 2270
Enregistré le : dim. sept. 10, 2006 10:28 am
Localisation : Auxerre (Yonne)

Message par Papageno » mer. janv. 30, 2008 9:33 pm

[..] où dès le départ l'humanité voit réduite en cendres sa légendaire arrogance, par des créatures tellement supérieures à tous points de vue[..]
Oui et c'est une image très "Wellsienne".
Cela fait echo a celle de Wells des la première page de "La Guerre des mondes"
Avec une suffisance infinie, les hommes allaient de-ci de-la par le monde, vaquant à leurs petites affaires, dans la sereine sécurité de leur empire sur la matière. Il est possible que sous le microscope, les infusoires fassent de même.

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » jeu. janv. 31, 2008 12:24 am

Mais Silverberg n'en n'a pas fait mystère. Le Grand Silence est "sa réponse" à la Guerre des Mondes de Wells.

Qui d'autre, honnêtement, peut se permettre de dire ça sans sombrer dans le grotesque ?
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » jeu. janv. 31, 2008 1:09 am

Ce livre reste une "claque" énorme.

Très peu de dechets, voire aucun.

Je sais que peu seront d'accord avec moi, mais je le considère comme le meilleur livre de Silverberg.

pijiel
Messages : 10
Enregistré le : ven. sept. 28, 2007 6:37 pm

Message par pijiel » ven. févr. 01, 2008 6:08 pm

J'y ai vu une métaphore sur la période communiste dans les pays de l'Est

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » ven. févr. 01, 2008 6:50 pm

???

Dans la russie soviétique et dans les pays de l'Est, le pouvoir "tout puissant" en place influait directement et volontairement sur les activités et même les pensées quotidiennes.

Soit l'exacte contraire du pouvoir "tout-puissant" en place dans le livre.

Peux-tu développer ton point de vue ?

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » ven. févr. 01, 2008 11:12 pm

Ouais, pareil... je suis curieux de voir en quoi ça rappelle la Russie soviétique...
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Soleil vert
Messages : 504
Enregistré le : mar. déc. 26, 2006 2:17 am

Message par Soleil vert » sam. mars 08, 2008 8:52 pm

Objectivement le meilleur Silverberg de cette dernière période même si subjectivement je lui en préfères d'autres.
On retrouve un thème cher à l'auteur : le renoncement.
Parfois j'en comprends l'utilisation romanesque (ici), parfois je ne comprends pas.
Que signifie t'il pour Silverberg (pragmatisme, point de vue philosophique... ?)

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » sam. mars 08, 2008 11:20 pm

Soleil vert a écrit :Objectivement le meilleur Silverberg de cette dernière période même si subjectivement je lui en préfères d'autres.
On retrouve un thème cher à l'auteur : le renoncement.
Oui mais le renoncement comme source vers un nouveau départ.

Tu vas me trouver monomaniaque, mais je trouve ça très juif comme thématique.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » dim. mars 09, 2008 2:12 am

Le renoncement ???

Ce qui m'a plu dans ce livre (qui le seul silverBob dans ma "bibliothèque idéale"... ) c'est justement le NON-renoncement de cette famille tout au long des générations qui se suivaient.

Quel renoncement ???


Sauf si vous parlez du reste de l'humanité ?

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » dim. mars 09, 2008 9:38 am

Il y a le renoncement de l'Humanité, mais aussi le renoncement à certaines valeurs, au profit de cette seule obsession de la résistance des Carmichael, qui finissent par perdre aussi, une part de leur humanité pour combattre les aliens.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » dim. mars 09, 2008 1:29 pm

Heu, moi je n'appelle pas ça du renoncement mais une adaptation aux besoins du moment.

Je serai le premier à être obsedeé par la Résistance et seulement la Résistance dans un monde où des E.T comme ceux là seraient présent.

Et tant pis pour la recherche en microbiologie et pour les Sushi fait maison.
Je laisse ces produits de luxe à mes "Enfants" enfin libérés du joug E.T grâce à cette "Résistance obsessionelle".

Pour l'Humanité passive, Renoncement où tout simplement la Nature Humaine qui pousse à "suivre le mouvement" ?

Tu sais, celle qui actuellement voit "Bienvenue chez les Ch'tis", qui avant était allé voir "Titanic" ; encensait Sarkozy mais maintenant dit du mal de Carla Bruni etc..

Soleil vert
Messages : 504
Enregistré le : mar. déc. 26, 2006 2:17 am

Message par Soleil vert » dim. mars 09, 2008 2:05 pm

Euh, mais comment j'ai pu écrire celà ?
Je vais consulter le Dr Bull ...
Il a bien une thématique du renoncement chez Silverberg, mais pas dans cet ouvrage.Par contre dans "soleil de minuit" il ya bien une altération physique et dans "La face des eaux", carrement un renoncement à l"humanité... en contrepartie d'un nouveau départ effectivement.

Avatar du membre
Eric
Administrateur - Site Admin
Messages : 5185
Enregistré le : ven. déc. 16, 2005 1:03 pm
Localisation : Paris

Message par Eric » dim. mars 09, 2008 2:28 pm

Mais dans le Grand Silence aussi, a bien y songer, il y a une part de renoncement.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

Avatar du membre
Bull
Messages : 1604
Enregistré le : mar. juil. 18, 2006 6:02 pm

Message par Bull » dim. mars 09, 2008 3:34 pm

Eric a écrit :Mais dans le Grand Silence aussi, a bien y songer, il y a une part de renoncement.
Je suis desolé, mais je ne suis pas d'accord Eric.

Ou sinon, rajouter à ta phrase :

"Mais à bien y songer, dans tout livre quel qu'il soit, il y a une part de renoncement".

Le Grand Silence : c'est un grand NON au renoncement.
Pour une fois qu'une oeuvre de Silverberg est différente du reste, n'essaye pas de la remettre dans le "droit chemin" !

Eric, je te somme de d'y renoncer !

Répondre

Retourner vers « Vos dernières lectures »