Priest - la fontaine pétrifiante

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Laurent Kloetzer
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Priest - la fontaine pétrifiante

Message par Laurent Kloetzer » lun. nov. 20, 2006 10:44 am

Je reprends ici le sujet discuté dans la section cinéma.
Je viens donc de lire la fontaine pétrifiante
(petit compte-rendu ici)

Mélanie a écrit : C'est rien de le dire. Je me rappelle surtout avoir été éblouie par la première partie : ce type tout seul dans cette pièce vide qui écrit et réécrit son histoire, en s'éloignant de plus en plus des faits pour essayer d'en capturer l'essence... C'est une des descriptions les plus saisissantes que j'aie lues du processus créatif. Je crois qu'il n'y a que "Misery" de King qui m'a fait le même effet. J'aime un peu moins la deuxième partie du livre, peut-être parce qu'elle me parle moins directement. Enfin je l'ai aimée, mais sans prendre la même baffe qu'à la lecture du début.
Je me vois une nouvelle fois forcé de mitouiser. Le début est plus frappant que la fin, même si j'avoue avoir été agréablement perdu dans les errances du personnage principal. Ce livre mélange des fantasmes d'écrivain (le début, la relation au manuscrit) et plus spécifiquement masculins : la relation tout à fait solipsiste du héros aux femmes, de la femme réelle - sa copine - à la femme rêvée - Seri. J'ai reconnu dans tous ces mécanismes psychologiques des choses que j'avais vécues et ça m'a un peu glacé...
Le personnage principal est un type très antipathique que je ne peux m'empêcher de très bien comprendre.

Avec la fontaine pétrifiante et une femme sans histoire, Priest pose des observations et des questions très intéressantes sur l'écriture, à travers des personnages qui incarnent un aspect un peu "extrême" de l'écrivain - et, plus largement, du fonctionnement de l'imagination. Personnellement, je trouve ça passionnant.

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Eric
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Message par Eric » lun. nov. 20, 2006 11:09 am

Ça a été mon premier Priest. C'est le genre de prise de contact qui fait que ça passe ou ça casse. Je me suis, moi aussi perdu dans ce livre, mais on s'y laisse délicieusement couler. C'est brillant, parce qu'on sent affleurer une vraie folie qui doit être un peu commune à tous les auteurs.

La fin est une non fin typique de Priest, mais elle est assez bien trouvée.

Grand livre si vous êtes porté sur les romans un peu contemplatifs.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

sophie
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Message par sophie » sam. févr. 07, 2009 6:29 pm

Mon troisième Priest, après Le monde inverti et Une femme sans histoires, que j'avais aimés mais pas compris complètement, j'en étais sortie avec une petite frustration.
Il y avait néanmoins chez Priest quelque chose qui m'attirait, qui m'intriguait, qui piquait ma curiosité, et j'ai donc attaqué ce roman.
Je l'ai lu pratiquement d'une traite, et là j'ai eu vraiment le sentiment de rentrer dans l'univers. Je ne dis pas que j'ai compris ! Ca serait assez prétentieux, et surtout hors de propos, parce que justement le livre propose de se perdre dans des méandres incroyables sur la vie, la mémoire, la mort, l'amour, le vrai et le mensonge, l'écriture, l'imagination, l'inconscient, les rêves....... et j'en oublie sûrement...

Il le dit au début. C'est à propos de l'écriture du manuscrit, mais ça me semble aussi un gros clin d'oeil qui concerne le roman lui-même, son écriture peut-être et aussi sa lecture.
"Ce phénomène était inaccessible à ma compréhension. C'était quelque chose que je sentais à un niveau purement instinctif ou émotionnel."

Disons que c'est une autre forme de compréhension, c'est la "compréhension" qu'on a d'un film de Lynch, c'est à dire quelque chose qui prend une forme particulière et étrange, quelque chose qui crée des sensations, des sentiments, que l'on intègre d'une manière ou d'une autre, en transposant dans sa propre réalité, mais qui ne pourrait pas être décrit avec des mots.

Toute la fin du roman à cet égard est remarquable d'ailleurs (après une cinquantaine de pages un peu pénibles, un peu "agaçantes" pour reprendre le mot utilisé dans la chronique du Cafard cosmique).
SPOILERS
La façon de déconstruire ce qui a été construit, le fait que le manuscrit soit blanc, le retour à la pièce blanche du début...
FIN SPOILERS

C'est un bouquin remarquable à bien des égards de toute façon...
La "description" du fonctionnement de l'inconscient et de l'imagination est très fine, et renvoie le lecteur à ses propres errances intérieures.

Il y a une question intriguante aussi qui est posée, et dont la réponse est laissée... en blanc...
c'est celle de l'immortalité. Avec l'histoire du manuscrit : à un premier degré, on peut dire que quelqu'un qui a écrit un livre, qui plus est son histoire, sur le papier, est devenu immortel. Dans une certaine vue métaphorique de l'immortalité.
Parallèle avec le traitement d'immortalité de la Loterie.
Immortalité qui passe pas une mort, non pas physique, mais mentale. Le personnage le dit lui-même : la mémoire et l'existence sont étroitement liées. Or, après le traitement, le patient a perdu toute sa mémoire.
Comme si pour vivre éternellement, il fallait être mort déjà. La technologie défie la mort, mais symboliquement, elle le fait simplement en provoquant cette mort et en la "soignant".
Bon, y'a plein d'autres choses soulevées, je vais pas écrire un roman pour parler du roman :lol:
Mais le fait que ça n'est pas une véritable immortalité, puisque c'est seulement l'usure du corps et la maladie qui sont stoppées.
Donc l'épée de Damoclès est toujours là, on peut toujours se prendre une poutre sur la tronche ou se faire écraser par un bus.
De même qu'écrire sa vie est un leurre d'immortalité.

Il y a des choses aussi sur la définition de soi. Le personnage se retrrouve enfermé dans sa propre définition de lui-même. Il ne peut plus évoluer. Donc quelque part... il est "mort". Il est figé, comme les objets dans la fontaine pétrifiante.

Bon je m'arrête là. Roman passionnant en tout cas.
Et ça me donne encore plus envie de lire les autres bouquins de Priest.

fredgev
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Message par fredgev » lun. févr. 09, 2009 2:13 pm

C'est étrange, lorsque la librairie des 4 chemins a organisé une rencontre avec C.Priest, en décembre dernier à Lille, j'étais justement en train de lire ce bouquin. Je passerais outre le fait que la thématique de ce livre résume à elle-seule tout mon intérêt pour la littérature. Le but. La raison. Le pourquoi.
Ce qui m'a frappé, c'est donc que j'étais en cours de lecture, et que je l'ai dit à l'auteur. J'en étais au deuxième tiers, et il m'a dit de prendre garde, que je risquais de devenir fou si j'allais plus avant. Ce sur quoi il se trompait puisque c'était déjà fait.
Bref, quelques minutes plus tard, un autre spectateur lui demandait quelle était l'oeuvre dont il était le plus fier, et sans hésitation, il a répondu "the affirmation". On a beaucoup souligné les similitudes entre l'oeuvre de Priest et celle de Dick (je pense que c'est le dans ce roman en particulier qu'on peut en trouver la cause). Priest a répondu de façon magistrale. Il a dit que Dick remettait en cause la réalité dans les actes de ses personnages, alors que lui la remettait en cause dans leur personnalité.
Je ne sais pas pourquoi je ressors tous ces trucs. sans doute parce que c'est un livre qui m'a marqué de façon définitive, comme ubik, par exemple. Et que c'est sans doute le moyen le plus direct pour aborder l'oeuvre de ce génie. Tellement plus simple et plus dépouillé que les chefs d'oeuvre de mise en scène que sont le prestige ou la séparation... Qui parlent pourtant strictement de la même chose.

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