Du sense of wonder à la SF métaphysique

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MF
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Message par MF » lun. nov. 23, 2009 2:14 pm

Lensman a écrit :C'est un peu le problème. On peut porter un regard sociologique, psychologique, politique, littéraire, métaphysique, psychanalytique, etc, sur la SF. Cela me paraît fort bien.
Est-ce à dire, pour autant, que la SF est une phénomène à tendance essentiellement ou sociologique, ou politique, ou métaphysique, etc?
C'est là une des confusions dans le débat: porte-t-on on regard selon tel point de vue sur la SF, ou prétend on que ce point de vue est central dans la SF?

Tout le monde va pousser des hurlements, ou hausser les épaules à se les déboiter (j'espère que personne ne va se suicider, sur le coup...), mais cela vient AUSSI d'un malentendu sur ce que l'on entend par SF (eh oui!) et que j'ai pointé en ironisant sur l'appellation "notre club", employée par Lem, qu'il présente de manière désinvolte comme si de rien n'était, mais que je perçois comme une tentative d'élargir d'un côté le champ de la SF (en y ajoutant des textes qui n'ont pas grand chose à y faire), tout en le restreignant de l'autre (en virant les fusées, par exemple).
Bref, comment dire? en instrumentalisant la SF.
+ 84

Je reste, peu ou prou et après 60 pages, convaincu que l'approche par la métaphysique que fait Lem relève, au moins pour partie, de sa propre définition de la SF.
Ou plus exactement du corpus SF qu'il fait sien.

Il me semble assez clair, au regard des commentaires/chroniques/critiques/notes de lecture/... faits sur l'antho, que certains textes/récits (le Ruellan par exemple) sont dans ou hors du corpus SF tel que peut le définir chacun.

Et inclure ces textes dans le corpus (sinon pourquoi le retenir dans l'antho) c'est, déjà, donner une couleur métaphysique à la SF.
Modifié en dernier par MF le lun. nov. 23, 2009 8:51 pm, modifié 1 fois.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

systar
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Message par systar » lun. nov. 23, 2009 2:18 pm

Roland C. Wagner a écrit : Et tu as aussi réformé la SF française d'une seule main en te rasant de l'autre ?
Tu viens de me donner envie de lancer des "Serge Lehman facts", comme pour Chuck.

Ce n'est pas Lehman qui aime la SF, c'est la SF qui aime Lehman.
Ce n'est pas Lehman qui lit de la métaphysique, c'est la métaphysique qui se lehmanise.
Quand tu penses à Serge Lehman, en réalité c'est Lehman qui te pense.
etc.
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » lun. nov. 23, 2009 2:19 pm

Lem a écrit :le choix de traiter ce matériel comme une charte esthétique consciente, au même titre que l'expressionnisme et le surréalisme – et non comme chose en soi.
Une dernière chose quand même : là, tu décris une partie de la démarche qui préside à l'écriture de Celui qui bave et qui glougloute, voire des Psychopompes de Klash.
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Message par Lem » lun. nov. 23, 2009 2:34 pm

Roland C. Wagner a écrit :tu décris une partie de la démarche qui préside à l'écriture de Celui qui bave et qui glougloute, voire des Psychopompes de Klash.
Mais totalement. Repérer cette démarche, ce fut même – tu t'en souviens probablement – l'objet de ma première critique publiée dans Yellow Submarine en 1990. A propos des Psychopompes, j'avais en particulier écrit :
(ce roman) pose le problème du réinvestissement du space-opera qui tourne à vide depuis quarante ans. La distance ironique qu'il place d'emblée entre lui et son sujet – et sa maîtrise évidente de l'arsenal du genre – le poussent à multiplier les propositions formelles : souci d'un effet de réel scientifique, intégration des acquis cyberpunks, socialisation du background, travail sur le langage et les références, et – par dessus tout ? – reconnaissance (donc légitimation, ce qui n'est pas rien pour un auteur postmoderne) de ce qui reste, au fond, la spécificité de ce type de récit : "le spiritualisme laïque, l'intuition de l'excellence cosmique, l'idée d'un dieu qui évolue avec ses créatures, l'impuissance des facultés humaines à découvrir la vérité (ce qui qui justifie le remplacement de la philosophie par la fiction" (citation de J. Goimard). Au moment où le space-opera anglo-saxon semble céder aux sirènes exclusives de la hard-science, il n'est sans doute pas inutile de retrouver les gadgets métaphysiques dont le genre a toujours été prodigue (voir la façon dont Lit-de-Rose est fait « prisonnier de l'image », Klash, chapitre X)…
Je l'ai déjà dit ailleurs : la théorie, à mes yeux, c'est la fiction prolongée par d'autres moyens. Ça ne veut pas dire que personne n'écrit la fiction en question. Tu l'écris, entre autres. Ce que je ne comprends pas, c'est la raideur de ta réaction alors qu'au fond, je pense que tu es d'accord.

(Et pour superscience, j'ai bien précisé remise en circulation.)

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DuncanI
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Message par DuncanI » lun. nov. 23, 2009 2:54 pm

systar a écrit :
Roland C. Wagner a écrit : Et tu as aussi réformé la SF française d'une seule main en te rasant de l'autre ?
Tu viens de me donner envie de lancer des "Serge Lehman facts", comme pour Chuck.

Ce n'est pas Lehman qui aime la SF, c'est la SF qui aime Lehman.
Ce n'est pas Lehman qui lit de la métaphysique, c'est la métaphysique qui se lehmanise.
Quand tu penses à Serge Lehman, en réalité c'est Lehman qui te pense.
etc.
Mais alors, de Lem ou de Chuck, qui a raison ? Vers qui se tourner quand on est dans le désarroi ? Vertigineux, tout ça.

systar
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Message par systar » lun. nov. 23, 2009 2:57 pm

DuncanI a écrit :
systar a écrit :
Roland C. Wagner a écrit : Et tu as aussi réformé la SF française d'une seule main en te rasant de l'autre ?
Tu viens de me donner envie de lancer des "Serge Lehman facts", comme pour Chuck.

Ce n'est pas Lehman qui aime la SF, c'est la SF qui aime Lehman.
Ce n'est pas Lehman qui lit de la métaphysique, c'est la métaphysique qui se lehmanise.
Quand tu penses à Serge Lehman, en réalité c'est Lehman qui te pense.
etc.
Mais alors, de Lem ou de Chuck, qui a raison ? Vers qui se tourner quand on est dans le désarroi ? Vertigineux, tout ça.
Quand Chuck croise Serge Lehman, il baisse les yeux.
Tu as la réponse à ta question.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » lun. nov. 23, 2009 3:13 pm

Lem a écrit :Ce que je ne comprends pas, c'est la raideur de ta réaction alors qu'au fond, je pense que tu es d'accord.
Les Psychopompes, c'est un truc que j'ai écrit il y a vingt ans, un travail sur les tropes et l'esthétique de la quincaillerie. Avec le recul, je dirai qu'il devait y avoir de ma part une volonté de "laxisme", en ce sens que certains aspects fondamentaux du livre qui relèvent clairement du questionnement métaphysique ne reçoivent pas d'explication, ni de cautionnement physique. Mais ils sont en quelque sorte concrétisés via l'emploi d'une certaine esthétique et d'analogies scientifiques imagées.

Dans Poupée aux yeux morts, qui est antérieur, c'est tout le contraire : l'esthétique contribue fortement à la création d'un arrière-plan destiné à être détruit, et les questionnements métaphysiques reçoivent des réponses toutafé naturelles, si j'ose dire. Évidemment, c'est plus difficile et j'ai sans doute écrit Les Psychopompes pour me reposer de Poupée.

Dans un cas comme dans l'autre, la variable cachée, c'est l'humour.
Lem a écrit :(Et pour superscience, j'ai bien précisé remise en circulation.)
Et aussi que le sens a été altéré au passage, j'ai bien noté, t'en fais pas.
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Shalmaneser
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Message par Shalmaneser » lun. nov. 23, 2009 3:33 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Shalmaneser a écrit :Ah. C'est du français, je crois...
Oui, mais ça ne donne pas plus de sens à ta phrase.

Il me semble que la thématique "singulière" de la science-fiction, c'est l'ensemble des possibles, et que l'"outrepasser" revient à écrire de la fantasy.
Alors ce ne sont pas les termes "singulier" et "outrepasse" qui posent problème, mais le mot "thématique", qui est à replacer dans son contexte précis : j'entendais par là, en répondant à Oncle Joe, le matériel thématique de la SF : fusées, pistolasers et vaisseaux spatiaux. Le sens que tu accordes à ce terme, ici, est beaucoup plus large ("ce dont parle la SF"), et englobe notamment le questionnement métaphysique, me semble-t-il.
Quant à savoir si "outrepasser" la thématique de la SF, au sens où elle prend en charge "l'ensemble des possibles", revient à faire de la Fantasy, ça pourrait être une piste intéressante...
Lem a écrit :La différence entre nous n'est pas dans l'amour. Elle est dans le choix de traiter ce matériel comme une charte esthétique consciente, au même titre que l'expressionnisme et le surréalisme – et non comme chose en soi. J'ai l'impression que c'est ce qu'exprime Shalmaneser de son côté.
On peut le dire comme ça, oui !

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Message par Eons » lun. nov. 23, 2009 3:36 pm

systar a écrit :Ce n'est pas Lehman qui aime la SF, c'est la SF qui aime Lehman.
Ce n'est pas Lehman qui lit de la métaphysique, c'est la métaphysique qui se lehmanise.
Quand tu penses à Serge Lehman, en réalité c'est Lehman qui te pense.
etc.
Déjà qu'on avait la Suisse alehmanique... :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » lun. nov. 23, 2009 3:37 pm

Shalmaneser a écrit :Alors ce ne sont pas les termes "singulier" et "outrepasse" qui posent problème, mais le mot "thématique", qui est à replacer dans son contexte précis : j'entendais par là, en répondant à Oncle Joe, le matériel thématique de la SF : fusées, pistolasers et vaisseaux spatiaux.
Ah, la quincaillerie.

C'est plus clair en effet.
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Message par Lem » lun. nov. 23, 2009 4:30 pm

Tiens (puisque le fil sur l'antho est clos) ! Je ne sais pas qui est ce gars mais il a reçu le message, préface + fictions.

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Message par Le_navire » lun. nov. 23, 2009 5:04 pm

Eons a écrit :
Lensman a écrit :Personnellement, je préfère "Celui qui n'est parti de rien pour arriver nulle-part, n'a de merci à dire à personne".
Oncle Joe
Ç'aurait été sumpa pour son auteur de le citer : Pierre Dac. :wink:
Ben, non.
c'est d'Alphonse. Pierre Dac le lui a piqué sans remords...
"Ils ne sont grands que parce que vous êtes à genoux"

Lem

Message par Lem » lun. nov. 23, 2009 5:46 pm

Oncle étant parti pour son raid hebdomadaire sur les DDL, je me prends à rêver qu'il oublie d'appuyer sur "reset" comme il fait d'habitude chaque jour (souviens-toi, Joe : tu n'es pas matérialiste ! Je ne suis pas hétéroclite ! On aime tous les deux les voitures volantes ! Et tu es pratiquement convaincu par mon hypothèse !) Et j'en profite pour aboutir une mini-chaîne argumentative qu'il aura le plaisir de découvrir en rentrant du Quartier Latin
Lem a écrit :Pourquoi vivre quand on est soi-même promis à la mort dans un univers promis à la mort ?
Oncle a écrit :Puisque le problème n'a pas de réponse (il paraît qu'on est tous d'accord), on ne peut que s'en lamenter, ou, éventuellement, on ignore. Cela dépend des tempéraments. Mais le rapport avec la SF, bof...
Gérard a écrit :Le Fleuve de l'éternité.…
Oncle a écrit :C'est plutôt la vanité de ces problèmes, qui est traitée dans le Fleuve de l'éternité...
Non, cher Oncle. La meilleure – et peut-être la seule – façon d'exprimer "la vanité de ces problèmes", c'est de faire ce que fait tout le reste de la littérature depuis un siècle et que tu as résumé très exactement : s'en lamenter ou l'ignorer. Accepter par avance le caractère absurde du monde. Ne jamais remettre sur la table le problème de l'immortalité. Ne jamais écrire le mot "Dieu". Ne jamais penser à l'après mais se concentrer sur le présent, uniquement sur le présent. Ne jamais évoquer ce qui pourrait excéder l'homme mais rester dans l'horizon indépassable du XXème siècle : le tourment biographique. Accepter "la donne" sans la discuter. Et si c'est trop dur : s'oublier dans la drogue, le sexe et le rock'n'roll (no future).
Ce n'est pas ce que fait la sf.
Même quand elle parle des dieux pour s'en moquer, les naturaliser ou les réduire ; même quand elle sécularise l'immortalité ; même quand elle met en scène la légende des siècles à venir qu'elle ne connaîtra jamais : elle en parle. Elle dit les mots. Elle montre ce que ça pourrait être. Elle continue de faire vivre ces problématiques qui ont été décrétées caducques partout ailleurs (nos futurs).
Ne prends qu'un seul exemple : Egan.
L'auteur apparemment le plus athée, le plus rationaliste, le moins "sentimental".
De quoi parlent la plupart de ses textes ? Du fait que la technoscience, telle que nous la concevons aujourd'hui et pouvons l'entrevoir dans ses développements futurs nous permettra peut-être d'accéder à l'immortalité, de choisir librement les déterminations de notre moi, de nous affranchir du caractère temporellement limité du monde physique et même de savourer l'extase mystique sans aucun recours à la transcendance. Et que cette entreprise prométhéenne, si elle a lieu, ne constituera pas un sacrilège ni un blasphème – aucun Divin Retour de Bâton à redouter – mais une conquête de la rationalité.
Très bien.
Mais comment Egan a-t-il formulé ses "buts" ? D'où les tire-t-il ? Pourquoi les juge-t-il désirables au point de vouloir délivrer par anticipation l'être humain de la culpabilité qu'il éprouvera au moment de les mettre en œuvre ? Les a-t-il tirés de son chapeau comme ça, par une analyse froide du potentiel de la technoscience ? Tiens, c'est marrant… Si on prolonge tel et tel truc, on pourrait être immortel…
Ou bien sait-il que ces besoins/désirs nous gouvernent toujours ?

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » lun. nov. 23, 2009 5:59 pm

Au sujet d'Egan…
[Les textes de Greg Egan] expriment, mieux que les navrantes imbécillités de « penseurs » incapables de comprendre la nature de cette étrange époque, ce qu'il en est de la vie à la fin du XXe siècle.
Toujours au sujet d'Egan…
Au XVIIème siècle, Pascal écrivait : « S’il y a un Dieu, il est infiniment compréhensible, puisque, n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport à nous ». Trois siècles plus tard, Greg Egan opte pour l’hypothèse inverse : il n’y a pas de dieu, dont l’Univers est par essence compréhensible. Et de même, alors que le penseur proposait de parier sur l’existence de Dieu, afin d’accéder au Paradis et à la vie éternelle dans le cas où Dieu existerait bel et bien, le romancier préfère nier son existence et placer l’homme face à ses responsabilités : en supposant que ce monde est le seul que nous connaitrons jamais, mieux vaut faire en sorte qu’il soit le plus agréable possible.
Juste histoire de donner du grain à moudre.
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Message par MF » lun. nov. 23, 2009 6:36 pm

Lem a écrit :Tiens (puisque le fil sur l'antho est clos) ! Je ne sais pas qui est ce gars mais il a reçu le message, préface + fictions.
Et il est fort, le gars en question.

En une seule phrase
du reste, certains textes «philosophiques» trahissent encore un complexe insidieux
il arrive à réconcilier les tenants de la métaphysique et ceux de la psychanalyse.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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