Je ne l'ai que survolée mais – sous réserve d'une relecture attentive – l'approche qui consiste à déduire l'arrière-monde du film d'un certain nombre de détails par ailleurs fascinants et bien observés par GW (l'absence de portables, d'ordinateurs, d'horloges à affichage numérique, etc.) ne me passionne pas spécialement. C'est un peu comme si le critique faisait ce que Nolan ne fait pas : construire un monde sf "plein". Mais son texte est intéressant et assez fin.Erion a écrit :Et la critique de Westfahl, oui/non/pas ?
Du sense of wonder à la SF métaphysique
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Je crois qu'il va te dire qu'il a plus de genoux.Lem a écrit :Je pars en vacances demain pour un mois sans net, c'est dommage…Roland C. Wagner a écrit :C'est magnifique, tu es d'une mauvaise foi d'anthologie.
Sinon, qu'as-tu en réserve à part l'argument Erion-like ("tu es de mauvaise foi car tu es de mauvaise foi" ?) Dans son texte, Sylvie dit qu'il y a une tendance de la sf à ne plus faire le saut qui permet de rompre avec le présent, de passer au grandiose avenir. Dans ma notule, je dis que dans la sf, il y a raréfaction des futurs possibles. Où est le scandale intellectuel ?
Le fait de dire qu'il y a une tendance de la sf à ne plus faire le saut, ça ne signifie pas que c'est égal à "il y a raréfaction des futurs possibles". Dans le premier, c'est une tendance des auteurs (qui peut s'inverser, ça dépend d'eux, et l'histoire de la pensée et de l'art montre bien que dès qu'on pense qu'il y a un mur, on trouve des artistes pour le franchir.). Dans l'autre, c'est toi qui décrète que les futurs possibles se raréfient (tu parles au nom des auteurs).
Il me semble quand même beaucoup moins aventureux de postuler que les auteurs de SF manquent d'imagination que de dire "il n'y a plus beaucoup de futurs possibles". D'autres ont fait le même postulat que toi entre la fin du XIXe et le début du XXe, et ils s'en sont mordus les doigts.
Et je ne parle même pas des prédictions de ce style, appliquées à l'informatique.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/
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Lem:
"Faire vraiment de la SF", c'est déduire la cascade de conséquences logiques d'un postulat – en grossissant le trait pour le rendre aussi visible, spectaculaire et central que possible.
Enfin, c'est une manière (que j'apprécie beaucoup, d'ailleurs), mais loin d'être la seule... Quand on lit Dune, on comprend bien que c'est un futur lointain, il y a plein d'allusions, mais fort heureusement, l'auteur ne nous raconte pas toutes ses déductions en cascades (qu'il n'a évidemment pas faites... je l'espère, du moins...) qui ont amené à la situation où on se trouve. Mais le lecteur comprend que ça ne sort pas de rien, que ce n'est pas un artifice, et que ce n'est pas plus mal qu'il s'interroge, en rêvassant, sur la manière dont peuvent évoluer les sociétés, sur les modèles historiques du passé, etc. Ce n'est pas "tiens, je vais poser comme postulat que la lune est un gros fromage et en tirer des conséquences" (comme dans un bel épisode de Wallace et Gromitt) ou "tiens, je vais imaginer un monde où toute personne qui éternue se transforme immédiatement en comptable assermenté et en tirer des conséquences". La SF, ce n'est pas ce qui se passe dans Rhinocéros de Ionesco (on en a déjà parlé...), même s'il peut y avoir des liens, personne n'en disconvient.
Oncle Joe
"Faire vraiment de la SF", c'est déduire la cascade de conséquences logiques d'un postulat – en grossissant le trait pour le rendre aussi visible, spectaculaire et central que possible.
Enfin, c'est une manière (que j'apprécie beaucoup, d'ailleurs), mais loin d'être la seule... Quand on lit Dune, on comprend bien que c'est un futur lointain, il y a plein d'allusions, mais fort heureusement, l'auteur ne nous raconte pas toutes ses déductions en cascades (qu'il n'a évidemment pas faites... je l'espère, du moins...) qui ont amené à la situation où on se trouve. Mais le lecteur comprend que ça ne sort pas de rien, que ce n'est pas un artifice, et que ce n'est pas plus mal qu'il s'interroge, en rêvassant, sur la manière dont peuvent évoluer les sociétés, sur les modèles historiques du passé, etc. Ce n'est pas "tiens, je vais poser comme postulat que la lune est un gros fromage et en tirer des conséquences" (comme dans un bel épisode de Wallace et Gromitt) ou "tiens, je vais imaginer un monde où toute personne qui éternue se transforme immédiatement en comptable assermenté et en tirer des conséquences". La SF, ce n'est pas ce qui se passe dans Rhinocéros de Ionesco (on en a déjà parlé...), même s'il peut y avoir des liens, personne n'en disconvient.
Oncle Joe
"Dans le premier cas (Sylvie), c'est une tendance des auteurs…"Erion a écrit :[Le fait de dire qu'il y a une tendance de la sf à ne plus faire le saut, ça ne signifie pas que c'est égal à "il y a raréfaction des futurs possibles". Dans le premier, c'est une tendance des auteurs (qui peut s'inverser, ça dépend d'eux, et l'histoire de la pensée et de l'art montre bien que dès qu'on pense qu'il y a un mur, on trouve des artistes pour le franchir.). Dans l'autre, c'est toi qui décrète que les futurs possibles se raréfient (tu parles au nom des auteurs).
"Dans l'autre (moi), tu parles au nom des auteurs…"
La différence ne me paraît pas foudroyante.
On peut évidemment, si on le veut vraiment, chercher des nuances de sens et de vocabulaire mais au moment de faire cette analyse, il m'a paru important de rappeler que cette incapacité de la sf contemporaine à s'affranchir du présent (ou : à entrer dans le futur, comme on le faisait "naturellement" autrefois) avait été théorisée par Sylvie avant. Je ne pensais vraiment pas que ça poserait autant de problème.
La nature de la réalité n'est pas (pour moi) une question métaphysique (c'est du "comment"). La réalité, c'est la réalité, qu'elle prenne plusieurs formes, ou non, et on fait ce qu'on peut pour l'appréhender. Par contre, le "pourquoi" de la réalité, c'est une question métaphysique (ça me semble d'ailleurs la seule question métaphysique digne de ce nom, et pour moi - mais ça ne concerne que moi - ce n'est pas une question avec une réponse concevable ; les puristes diront que ce n'est pas une question, mais je fais des concessions à nos ancrêtres métaphysiciens).Lem a écrit :Mon post ne répondait pas à cet aspect de la question.Lensman a écrit :Zéro métaphysique pour l'instant dans ta description, ce qui me rassure, effectivement!
Comme toutes les œuvres de ce registre – Dick, Galouye, Jeury, etc. –, la question centrale du film est la nature de la réalité. Y a-t-il une réalité de référence ? Si nous pouvons évoluer dans des rêves qui semblent aussi réels que le réel, notre monde n'est-il pas lui aussi un rêve ? Dans ce cas, est-il possible d'en sortir ? (Que se passe-t-il quand on meurt ?)
Il y a également une interrogation entremêlée sur la nature subjective du temps et la possibilité de l'éternité subjective mais je te laisse le plaisir de découvrir tout ça par toi-même.
La subjectivité fait partie de la réalité (les gens autour de nous ne manquent pas de nous le rappeler...) et n'a vraiment rien de métaphysique...
(Je pourrais indiquer ici une expérience faite ce matin à propos de chouquelles pour mieux expliciter cela, mais cela va vous ennuyer. Je la mettrai en forme plus tard pour le 3615 ma life).
Oncle Joe
Tu es, Oncle, un peu comme George quand il emploie "cartésien" dans le sens inverse de l'acception courante sans le dire à personne et s'insurge ensuite que tout le monde ne partage pas cet usage. Tu peux dire et répéter "la nature de la réalité", "la nature du temps", "la subjectivité" "ne sont pas des questions métaphysiques" si ça te fait plaisir. Ou tu peux aller voir Inception et te régaler devant un beau film de science-fiction.
Toujours le même débat: réfléchir à la nature du temps, c'est faire de la métaphysique? Etudier la vie et le problème de son apparition, c'est faire de la métaphysique? non.Lem a écrit :Tu es, Oncle, un peu comme George quand il emploie "cartésien" dans le sens inverse de l'acception courante sans le dire à personne et s'insurge ensuite que tout le monde ne partage pas cet usage. Tu peux dire et répéter "la nature de la réalité", "la nature du temps", "la subjectivité" "ne sont pas des questions métaphysiques" si ça te fait plaisir. Ou tu peux aller voir Inception et te régaler devant un beau film de science-fiction.
Par contre, se demander pourquoi nous sommes là, oui.
Tu n'es pas d'accord?
Tu ne fais pas de ditinction fondamentale entre le "pourquoi" et le "comment"?
Par ailleurs, je n'ai pas l'impression d'être exceptionnel dans ma position (ça n'est pas forcément rassurant, en soi, mais ça oblige au moins ceux qui ne pensent pas comme moi à en tenir compte et devrait les interroger sur l'impression qu'ils ont que leur vision sémantique - si j'ose écrire - est égémonique).
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le jeu. juil. 22, 2010 2:28 pm, modifié 1 fois.
- Roland C. Wagner
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Lem a écrit :"Dans le premier cas (Sylvie), c'est une tendance des auteurs…"Erion a écrit :[Le fait de dire qu'il y a une tendance de la sf à ne plus faire le saut, ça ne signifie pas que c'est égal à "il y a raréfaction des futurs possibles". Dans le premier, c'est une tendance des auteurs (qui peut s'inverser, ça dépend d'eux, et l'histoire de la pensée et de l'art montre bien que dès qu'on pense qu'il y a un mur, on trouve des artistes pour le franchir.). Dans l'autre, c'est toi qui décrète que les futurs possibles se raréfient (tu parles au nom des auteurs).
"Dans l'autre (moi), tu parles au nom des auteurs…"
La différence ne me paraît pas foudroyante.
Alors je vais donner l'avis d'un auteur pris au hasard, le premier qui me tombe sous la main. On me pardonnera donc de faire la question et la réponse.
Question : « Y a-t-il une raréfaction des futurs possibles ? »
Réponse : « Non. »
Il me semble que la preuve est faite que les deux phrases ne sont pas équivalentes.
Accessoirement, mon petit doigt qui est très malin me suggère que Sylvie parlait peut-être du sentiment ressenti par certains auteurs d'une raréfaction des futurs possibles, d'où sans doute l'emploi du terme « tendance ».
Je plains les auteurs en question de la lourde infirmité dont ils sont affligés et je tiens à les assurer de ma compassion sincère, mais n'étant pas moi-même handicapé de la capacité à me projeter dans une infinité d'avenirs possibles, j'ai quand même un peu mal à imaginer à quoi peut bien ressembler de vivre dans un univers (mental ?) étriqué, rétréci, rabougri et refermé sur lui-même.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)
الكاتب يكتب
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... ça, c'est une évidence, quand on voit les grimaces de certains quand on leur parle du futur, qu'ils voient ... sans avenir. Dieu est mort, peut-être, mais pas la fainéantise.Roland C. Wagner a écrit :Accessoirement, mon petit doigt qui est très malin me suggère que Sylvie parlait peut-être du sentiment ressenti par certains auteurs d'une raréfaction des futurs possibles, d'où sans doute l'emploi du terme « tendance ».
Oncle Joe
Quand cette réflexion s'appuie sur la perception subjective du temps, la comparaison entre le temps perçu dans (ce qui est supposé être) le réel et (ce qui est supposé être) le rêve, oui, c'est de la métaphysique.Lensman a écrit :Toujours le même débat: réfléchir à la nature du temps, c'est faire de la métaphysique?
Non. Mais je n'ai pas parlé de ça, et le film de Nolan non plus.Etudier la vie et le problème de son apparition, c'est faire de la métaphysique? non.
Question intéressante. Peut-être que la métaphysique, c'est précisément le questionnement qui fait cette distinction n'opère plus. Par exemple : "Pourquoi vivre ?" est une question métpahysique. "Comment vivre ?" est une question morale (ou politique). Mais si tu parviens à répondre à la première, tu réponds aussi à la seconde (en principe ; tu déduis de ta métaphysique une morale et une politique).Tu ne fais pas de ditinction fondamentale entre le "pourquoi" et le "comment"?
Ouais, enfin, le "pourquoi", c'est le domaine absolu de la religion (la Science n'y peut pas grand chose. Elle ne peut pas dire pourquoi l'univers existe plutôt que pas). On remarquera que la science-fiction ne s'intéresse pas forcément non plus au pourquoi. Dire que la réalité n'est pas ce que nous pensons, les scientifiques le font depuis des siècles, depuis qu'on a montré que la Terre était ronde. Mais dès qu'un auteur de SF s'aventure dans le pourquoi (pourquoi le réel existe, pourquoi le temps existe, etc...), y'a comme un problème.Lensman a écrit :Toujours le même débat: réfléchir à la nature du temps, c'est faire de la métaphysique? Etudier la vie et le problème de son apprition, c'est faire de la métaphysique? non.Lem a écrit :Tu es, Oncle, un peu comme George quand il emploie "cartésien" dans le sens inverse de l'acception courante sans le dire à personne et s'insurge ensuite que tout le monde ne partage pas cet usage. Tu peux dire et répéter "la nature de la réalité", "la nature du temps", "la subjectivité" "ne sont pas des questions métaphysiques" si ça te fait plaisir. Ou tu peux aller voir Inception et te régaler devant un beau film de science-fiction.
Par contre, se demander pourquoi nous sommes là, oui.
Tu n'es pas d'accord?
Oncle Joe
Et, comme par un fait étrange (pas étrange justement), la question du "pourquoi" est très bien mise en scène par la fantasy. Les mythes qui sont créés expliquent tout ça. Alors que Dune échoue à expliquer pourquoi Arrakis existe et est la seule planète de l'univers à générer l'épice (mais on sait dans le livre comment l'épice est produite, et c'est un enjeu qui court tout au long du cycle).
Il faudrait recenser les auteurs qui donnent une réponse au "pourquoi", en SF. A première vue, sans aller dans le détail, il me semble que les seuls "pourquoi", ce sont les motivations des personnages.
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Mais en quoi? Le rêve est une manifestation du réel, comme n'importe quel ressenti.Lem a écrit :Quand cette réflexion s'appuie sur la perception subjective du temps, la comparaison entre le temps perçu dans (ce qui est supposé être) le réel et (ce qui est supposé être) le rêve, oui, c'est de la métaphysique.Lensman a écrit :Toujours le même débat: réfléchir à la nature du temps, c'est faire de la métaphysique?
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Oncle Joe
"Pourquoi vivre", c'est aussi une question morale. La Troisième République n'a eu de cesse de chercher la réponse et de l'inculquer à ses citoyens, tout en refusant la métaphysique et la transcendance.Lem a écrit : Par exemple : "Pourquoi vivre ?" est une question métpahysique. "Comment vivre ?" est une question morale (ou politique). Mais si tu parviens à répondre à la première, tu réponds aussi à la seconde (en principe ; tu déduis de ta métaphysique une morale et une politique).
La réponse à "pourquoi vivre" peut aussi bien être métaphysique que morale, cela dépend si on croit à une force supérieure ou pas.
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Je ne pense pas non plus qu'il y en ai tant que cela (c'est assez casse gueule, comme question...).Erion a écrit :Il faudrait recenser les auteurs qui donnent une réponse au "pourquoi", en SF. A première vue, sans aller dans le détail, il me semble que les seuls "pourquoi", ce sont les motivations des personnages.
Oncle Joe
J'aime beaucoup ce nouveau concept de preuve. Très métaphysique.Roland C. Wagner a écrit :Alors je vais donner l'avis d'un auteur pris au hasard, le premier qui me tombe sous la main. On me pardonnera donc de faire la question et la réponse.
Question : « Y a-t-il une raréfaction des futurs possibles ? »
Réponse : « Non. »
Il me semble que la preuve est faite que les deux phrases ne sont pas équivalentes.