Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. oct. 15, 2010 11:30 am

Lem a écrit :
it's hard to plan for problems when our eyes are on Heaven - that place where finally, all our problems are solved and we live happily ever after. It's a fantasy as old as recorded history, and unlike history, it never changes.
Je ne disais rien d'autre en écrivant :
des prédictions chiantes sur l'évolution de l'informatique, l'intégration des systèmes, la convergence des technologies, il y en a des tonnes et tout le monde s'en fout. Pourquoi celle de Vinge a-t-elle tant d'impact ? Parce qu'elle est eschatologique : elle annonce la fin du monde et l'avènement d'un autre, pleins de prodiges incompréhensibles. La question n'est pas qu'un esprit religieux puisse projeter sur ce scénario ses affects personnels mais le choix même de placer ce scénario sur la limite.
Euh, l'impact du truc de Vinge, faudrait pas exagérer, non plus. Son truc date du siècle dernier, du temps de la fameuse “fin de l'histoire”, et, bon, ça se sent. C'est déjà plus désuet qu'un robot ménager et à peine moins qu'une voiture volante.

En fait, j'ai dû déjà le dire, j'hallucine de voir ça remis sur le tapis comme si c'était toujours d'actualité, alors que, comment dire ? il y a eu au cours des quinze dernières années quelque chose qui ressemble bel et bien à une évolution technologique qui a impacté (bouh le vilain mot) la majeure partie de la population mondiale.

Accessoirement, la fin d'un monde et l'avènement d'un autre, plein de prodiges incompréhensibles, ça me rappelle furieusement quelque chose…
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Erion
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Message par Erion » ven. oct. 15, 2010 11:40 am

Lem a écrit :
it's hard to plan for problems when our eyes are on Heaven - that place where finally, all our problems are solved and we live happily ever after. It's a fantasy as old as recorded history, and unlike history, it never changes.
Je ne disais rien d'autre en écrivant :
des prédictions chiantes sur l'évolution de l'informatique, l'intégration des systèmes, la convergence des technologies, il y en a des tonnes et tout le monde s'en fout. Pourquoi celle de Vinge a-t-elle tant d'impact ? Parce qu'elle est eschatologique : elle annonce la fin du monde et l'avènement d'un autre, pleins de prodiges incompréhensibles. La question n'est pas qu'un esprit religieux puisse projeter sur ce scénario ses affects personnels mais le choix même de placer ce scénario sur la limite.
Hm, pourtant la citation de l'article dit pas vraiment ça, voire pas du tout.
Et l'article dit en lui-même que nous avons déjà vécu plusieurs Singularité (La pénicilline par exemple), et cela n'a jamais empêché la science-fiction d'exister, bien au contraire (ça, c'est moi qui le rajoute).

Si Verne, Wells et d'autres auteurs ont pu créer de la proto SF en pleine révolution industrielle, si l'âge d'or de la SF a existé en plein développement technologique, il n'y a aucune raison pour que, tout d'un coup, les auteurs de SF soient dépassés par les avancées techniques et scientifiques.

En revanche, ce qui a changé, c'est le discours sur la technologie, le discours sur la science, qui émane de la société.

C'est pour ça que j'ai quand même la grosse impression qu'invoquer la Singularité vingienne frôle l'imposture. Attribuer aux découvertes techniques et scientifiques la responsabilité d'une limite, c'est un moyen bien pratique pour ne pas penser comment nous, êtres sociaux appartenant à l'Europe, nous avons modifié notre rapport à la science et à la technologie.

C'est pas la technique qui nous dépasse, c'est nous qui avons choisi de la laisser nous dépasser.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. oct. 15, 2010 11:57 am

Erion a écrit :C'est pas la technique qui nous dépasse, c'est nous qui avons choisi de la laisser nous dépasser.
Alors là tu vois, Onkrr, personne n'est capable d'imaginer ce qui se passera si un être humain arrive un jour à faire du feu.
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Message par Lem » ven. oct. 15, 2010 12:01 pm

Roland C. Wagner a écrit :Euh, l'impact du truc de Vinge, faudrait pas exagérer, non plus. Son truc date du siècle dernier, du temps de la fameuse “fin de l'histoire”, et, bon, ça se sent. C'est déjà plus désuet qu'un robot ménager et à peine moins qu'une voiture volante.
Je n'ai pas souvenir d'un objet théorique formalisé par un auteur de science-fiction qui ait eu autant d'impact dans et hors le genre, sur lequel on ait écrit des dizaines, peut-être des centaines d'articles et d'essais de science, de philo, de prospective – en aussi peu de temps. D'après la page wikipedia consacrée au sujet (la survoler permet quand même de prendre la mesure du phénomène) …
…une « université d'été de la Singularité » (Singularity University) a été créée en 2009 avec le concours de Google et de la NASA et offrira chaque été neuf semaines de cours sur le sujet à 120 étudiants pour la somme de 25 000 dollars.
"Halluciner de voir ça remis sur le tapis comme si c'était toujours d'actualité" est peut-être un peu prématuré ; on est encore, au minimum, dans la queue de comète. C'est un élément important du débat sur le déclin actuel de la sf (que tu ne ressentes pas ce déclin est ton affaire, peut-être ton privilège, mais le problème se pose quand même dans ces termes) ; et c'est aussi un élément du débat M.
Modifié en dernier par Lem le ven. oct. 15, 2010 12:12 pm, modifié 1 fois.

Lem

Message par Lem » ven. oct. 15, 2010 12:07 pm

Erion a écrit :la citation de l'article dit pas vraiment ça, voire pas du tout.
Et l'article dit en lui-même que nous avons déjà vécu plusieurs Singularité
Ce n'est pas ce dont nous parlions.
Pete Bondurant a remis le sujet sur le tapis pour demander quel était son rapport avec M.
J'ai suggéré que la singularité était un discours de type prophétique, voire eschatologique ; Oncle et toi m'avez objecté que la prophétie était "dans l'œil de l'observateur".
Le papier dont tu as posté le lien va dans le sens de mon intuition ("c'est une rêverie aussi vieille que l'Histoire").

Pour le reste – la pénicilline, les précédentes révolutions techniques et la possibilité de sauter en imagination par-dessus l'actuelle – c'est autre chose…

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Lensman
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Message par Lensman » ven. oct. 15, 2010 12:27 pm

Erion a écrit : En revanche, ce qui a changé, c'est le discours sur la technologie, le discours sur la science, qui émane de la société.

C'est pour ça que j'ai quand même la grosse impression qu'invoquer la Singularité vingienne frôle l'imposture. Attribuer aux découvertes techniques et scientifiques la responsabilité d'une limite, c'est un moyen bien pratique pour ne pas penser comment nous, êtres sociaux appartenant à l'Europe, nous avons modifié notre rapport à la science et à la technologie.

C'est pas la technique qui nous dépasse, c'est nous qui avons choisi de la laisser nous dépasser.
Les auteurs de SF, d'ailleurs, ne se sont pas privés d'imaginer des futurs se basant sur l'adoption, de manière dominante, d'attitudes de ce type par la société. C'est un des intérêts de la SF, de pouvoir broder sur ce genre de chose.

Oncle Joe

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. oct. 15, 2010 12:30 pm

Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Euh, l'impact du truc de Vinge, faudrait pas exagérer, non plus. Son truc date du siècle dernier, du temps de la fameuse “fin de l'histoire”, et, bon, ça se sent. C'est déjà plus désuet qu'un robot ménager et à peine moins qu'une voiture volante.
Je n'ai pas souvenir d'un objet théorique formalisé par un auteur de science-fiction qui ait eu autant d'impact dans et hors le genre, sur lequel on ait écrit des dizaines, peut-être des centaines d'articles et d'essais de science, de philo, de prospective – en aussi peu de temps. D'après la page wikipedia consacrée au sujet (la survoler permet quand même de prendre la mesure du phénomène) …
Je ne vois pas en quoi le fait que des gens continuent de discuter d'un truc obsolète en faisant comme s'il ne l'était pas lui donne un “impact” quelconque.

On devrait en rire aujourd'hui.

On en rira de toute manière dans quelques lustres.

La Singularité, c'est un bon vieux truc pour éviter de penser l'avenir.

Un truc de paresseux.

Lem a écrit :
…une « université d'été de la Singularité » (Singularity University) a été créée en 2009 avec le concours de Google et de la NASA et offrira chaque été neuf semaines de cours sur le sujet à 120 étudiants42 pour la somme de 25 000 dollars.
"Halluciner de voir ça remis sur le tapis comme si c'était toujours d'actualité" est peut-être un peu prématuré ; on est encore, au minimum, dans la queue de comète.
Dans tes rêves, mon chéri.

Lem a écrit :C'est un élément important du débat sur le déclin actuel de la sf (que tu ne ressentes pas ce déclin est ton affaire, peut-être ton privilège, mais le problème se pose quand même dans ces termes) ;
Ah, le fantasme du déclin, fallait bien qu'il ressorte un jour !

Écoute, si tu as envie d'employer ce mème-là parce qu'il a une bonne capacité à se répliquer, c'est ton problème, mais il ne faudra pas venir te plaindre ensuite que “gnagnagna le déni gnagnagna la télé gnagnagna pourquoi que je vends pas autant que Houellebecq et Dantec réunis” ?

Le déclin, il est dans ta tête.

Manque de bol, la science-fiction, elle est dehors. Tu ne peux pas te l'approprier et t'approprier son histoire et son évolution en les réinterprétant pour qu'elles correspondent aux schémas qui sont dans ta tête.

Lem a écrit :et c'est aussi un élément du débat M.
Je suis désolé de te le faire remarquer, mais s'il y a eu débat, ben ça fait quand même un moment qu'il est fini, et que ton truc a été réduit sinon à néant, du moins à pas grand chose.

C'était une énorme connerie de lancer ce fil. Ça ne pouvait que te retomber dessus et c'est ce qui s'est passé.

Et c'est pas en faisant ton BHL devant trois journalistes et demi que ça va changer quoi que ce soit aux faits.
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Lensman
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Message par Lensman » ven. oct. 15, 2010 12:53 pm

Lem a écrit :
Erion a écrit :la citation de l'article dit pas vraiment ça, voire pas du tout.
Et l'article dit en lui-même que nous avons déjà vécu plusieurs Singularité
Ce n'est pas ce dont nous parlions.
Pete Bondurant a remis le sujet sur le tapis pour demander quel était son rapport avec M.
J'ai suggéré que la singularité était un discours de type prophétique, voire eschatologique ; Oncle et toi m'avez objecté que la prophétie était "dans l'œil de l'observateur".
Le papier dont tu as posté le lien va dans le sens de mon intuition ("c'est une rêverie aussi vieille que l'Histoire").

Pour le reste – la pénicilline, les précédentes révolutions techniques et la possibilité de sauter en imagination par-dessus l'actuelle – c'est autre chose…
Tout ce que je peux dire, c'est qu'un certain regard, en effet, peut lui plaquer un discours prophétique, voire eschatologique. Et effectivement, ce type de discours peut être considéré comme une "rêverie aussi vieille que l'Histoire". Les témoignages ne manquent pas, d'interpétations prophétiques. Les comètes, la peste, les tremblements de terre, les révolutions, le sida, et pouquoi pas la "singularité" ont pu être recouverts de ce manteau. C'est une attitude classique, "aussi vieille que l'Histoire"... ça doit même dater d'avant, aussi bien...
Mais enfin, il me semble qu'en SF, c'est plutôt le côté spéculation qu'on aime bien, plutôt que les séances d'arrachages de cheveux à poignée parce que ça va être la fin du monde, et qu'en plus, qu'on ne va rien y comprendre... des fins du monde, on en a treize à la douzaine, dans le genre SF, et ça n'êmpêche aucun lecteur de SF ni de dormir (sauf si le roman est vraiment passionnant...), ni de se raser le matin (bon, j'avoue, je ne me suis pas rasé ce matin...)

Oncle Joe

Lem

Message par Lem » ven. oct. 15, 2010 2:47 pm

Roland C. Wagner a écrit :Je ne vois pas en quoi le fait que des gens continuent de discuter d'un truc obsolète en faisant comme s'il ne l'était pas lui donne un “impact” quelconque.
C'est incroyable, le nombre de gensqui perdent leur temps– sans doute trop paresseux ou trop effrayés par le futur ou pas au courant du caractère caduc de leur objet d'étude – et continuent de se poser la question qui fâche (et même d'en faire des produits dérivés…

Heureusement, la sf contemporaine et son état de forme insolent n'ont rien à voir avec ça – pas plus d'ailleurs que le problème M. C'étaient juste les schémas dans ma tête.
Et c'est pas en faisant…
Brisons là.

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dracosolis
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Message par dracosolis » ven. oct. 15, 2010 3:01 pm

Gérard Klein a écrit :
dracosolis a écrit :
Lem a écrit :
Hoêl a écrit :Lem , il me semble que pour beaucoup sur ce forum Heinlein est également un auteur culte .
Bien sûr. Mais ce n'est pas lui faire injure que de rappeler qu'il n'a jamais eu ici une popularité équivalente à celle rencontrée aux USA ; les lecteurs français lui ont toujours préféré les fous.
certes, mais je crains que les fans ne soient pas tout à fait responsables ...
vu qu'il fut longtemps de bon ton dans Notre Club de renvoyer RAH au vide ordure des crypto fascistes^^
(or c'est NC qui dirigeais les collecs^^)
Chère Draco,

je plaide non-coupable. J'ai publié plusieurs fois, aussi souvent que j'ai pu, RAH, et je récidive en ce moment.
Mais peut-être ai-je été exclu de Notre Club sans le savoir.
En tout cas, je n'ai jamais renvoyé ma carte.

(À la réflexion, je ne l'ai jamais reçue non plus).
dans la mesure Gérard où je t'ai crédité maintes fois, coram populo et même par voie de presse, de ma découverte de Heinlein...
(par les juveniles, entre autres, et moi je les revendique les juveniles et leur sf de"boy scout"-- oui si je suis écrivain, RAH n'est pas innocent, qu'il soit versé cette pièce à son procès en sorcellerie )....
tu ne pouvais pas te sentir visé par mes propos :)
Antéchrist N°4
Idéologue Relativiste à mi-temps
Antéchrist N°4 :

Lem

Message par Lem » ven. oct. 15, 2010 3:01 pm

Lensman a écrit :Mais enfin, il me semble qu'en SF, c'est plutôt le côté spéculation qu'on aime bien
Is this spirituality or science? Perhaps it is the melding of both–more shades of Heinlein, this time the weird religions founded by people who took Stranger in a Strange Land way too seriously.

After all, this is a system of belief that dictates a means by which we can care for our bodies virtuously and live long enough to transcend them. It is a system of belief that concerns itself with the meddling of non-believers, who work to undermine its goals through irrational systems predicated on their disbelief. It is a system of belief that asks and answers the question of what it means to be human.

It’s no wonder that the Singularity has come to occupy so much of the science fiction narrative in these years. Science or spirituality, you could hardly ask for a subject better tailored to technological speculation and drama.


Cory Doctorow

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Lensman
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Message par Lensman » ven. oct. 15, 2010 3:36 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Mais enfin, il me semble qu'en SF, c'est plutôt le côté spéculation qu'on aime bien
Is this spirituality or science? Perhaps it is the melding of both–more shades of Heinlein, this time the weird religions founded by people who took Stranger in a Strange Land way too seriously.

After all, this is a system of belief that dictates a means by which we can care for our bodies virtuously and live long enough to transcend them. It is a system of belief that concerns itself with the meddling of non-believers, who work to undermine its goals through irrational systems predicated on their disbelief. It is a system of belief that asks and answers the question of what it means to be human.

It’s no wonder that the Singularity has come to occupy so much of the science fiction narrative in these years. Science or spirituality, you could hardly ask for a subject better tailored to technological speculation and drama.


Cory Doctorow
Si l'on décide d'avoir une approche spiritualiste du sujet, je ne doute pas qu'on y trouve son compte. Encore faut-il être dans cette école de pensée, il ne dit pas autre chose ("science or spirituality", on choisit selon sa sensibilité). La sensibilité spiritualiste, ce n'est pas donné à tout le monde.
Attention tout de même au terme "spirituality" employé de manière un peu désonvolte: ce n'est pas parce qu'on s'intéresse au phénomène de la conscience que l'on est un spiritualiste...
Il serait parfois plus prudent de traduire en français certaines de ces citations, pour voir si nous comprenons tous bien la même chose. En matière de philosophie, les vocabulaires français et anglo-saxons ne se recoupent pas toujours très bien.

Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le ven. oct. 15, 2010 5:44 pm, modifié 1 fois.

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Message par Pete Bondurant » ven. oct. 15, 2010 4:14 pm

Il y a même de la Singularité dans Le Fleuve des dieux, "le meilleur bouquin de SF de l'année". Traitée de façon intéressante, en plus.

Lisez-le, lisez-le, lisez-le, c'est un livre qui nous réconciliera tous, mes frères, les métaphysiciens et les physicalistes, les cyberpunks et les space op', les fous de Brunner et les les fans de Dick, la SF politique, sociologique, anthropologique, et la hard science, et il me semble que c'est un objet sur lequel on pourrait tester les diverses hypothèses émises sur ce fil. Une sorte d'expérience, autour d'un livre qui jusqu'ici ne faisait pas partie du corpus, et qui contient tous les éléments (IA, contexte religieux, etc.) pour postuler au rang d'oeuvre du "coeur de genre" défini par Lem. Ou pas.

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Message par Lensman » ven. oct. 15, 2010 5:56 pm

Pete Bondurant a écrit :Il y a même de la Singularité dans Le Fleuve des dieux, "le meilleur bouquin de SF de l'année". Traitée de façon intéressante, en plus.

Lisez-le, lisez-le, lisez-le, c'est un livre qui nous réconciliera tous, mes frères, les métaphysiciens et les physicalistes, les cyberpunks et les space op', les fous de Brunner et les les fans de Dick, la SF politique, sociologique, anthropologique, et la hard science, et il me semble que c'est un objet sur lequel on pourrait tester les diverses hypothèses émises sur ce fil. Une sorte d'expérience, autour d'un livre qui jusqu'ici ne faisait pas partie du corpus, et qui contient tous les éléments (IA, contexte religieux, etc.) pour postuler au rang d'oeuvre du "coeur de genre" défini par Lem. Ou pas.
Je n'ai pas pu, calé après 150 pages. Mais je m'aperçois que ce n'est pas le première fois que j'ai du mal avec cet auteur.
En revanche, on trouve aussi tout cela dans Iain Banks, un de mes auteurs préférés...
Le "contexte religieux", au sens où le phénomène religieux est présent dans le monde décrit dans un roman (comme dans le monde habituel), ce n'est pas ce qui manque en SF, et on pourra y trouver de belles descriptions de personnages "religieux".
Par contre, le "contenu religieux", lui, il dépend soit d'une option de l'auteur (qui s'y investit, genre C.S. Lewis), soit de la vision du lecteur (qui reporte sur le monde de fiction décrit l'approche qu'il a déjà dans le monde habituel).

Oncle Joe

Lem

Message par Lem » ven. oct. 15, 2010 6:25 pm

Je l'ai lu lu lu.

J'ai été impressionné mais pas séduit, pour plusieurs raisons.

D'abord, je suis handicapé par rapport à mes contemporains (surtout les Britanniques, j'imagine) : je ne ressens pas de fascination particulière pour Bollywood. Donc, l'intrigue IA-soap et l'histoire du "jardin sur le toit" m'ont laissé froid, je suis resté dehors et je les ai lues en spectateur, sans affect.

Ensuite, la densité d'indianismes (même avec le lexique final en renfort) m'a paru souvent décourageante. J'aime contextualiser mais là, c'est à peu près impossible et dans certains paragraphes, il y a des phrases vraiment incompréhensibles sans recours à l'appendice. Qui plus est (mais c'est peut-être moi qui vieillit, tout simplement), je n'ai pas ressenti d'accoutumance au fur et à mesure que j'avançais dans le livre ; à la page 400, j'étais toujours en train de faire des allers-retours entre le texte et le lexique pour vérifier le sens d'un terme déjà vu cinq ou six fois… Mémoriser un néologisme SF dont le sens est plus ou moins clair et le laisser agir sur la réception, ce n'est pas tout à fait la même chose que d'être sans cesse confronté à des termes non-traduits (pour transposer en allemand, ça donnerait : "Karl atteignit le höhepunkt en entrant dans Friedrichstrasse, mais un hund de la Polizei – un hubsch hund, il fallait en convenir, mais tout de même effrayant – le ramena sur le grund. L'heure n'était pas au mischung." (Je caricature mais, par moments, c'est presque ça.)

J'ai aussi trouvé la composition d'ensemble assez déséquilibrée. Je ne sais plus combien il y a de personnages (j'ai prêté le livre), sept je crois. Chacun d'eux a droit à deux ou trois tours de pistes (chapitres) individuels avant la dernière grande partie finale, très longue, où tous se croisent ou vivent leur acmé en simultané. C'est à la fois trop et trop peu…

Enfin, je n'ai pas tout à fait adhéré au subplot cosmologique. Je l'ai constamment ressenti comme une sorte de concession faite par l'auteur au cahier des charges de la sf (genre : "il faut quand même un truc pour les fans, un big dumb object dans les règles, sinon, je n'ai que des acteurs de soap opera virtuels, des ménagères dépressives, des hermaphrodites et des ministres pakistanais… Ça va pas le faire.)

Cela dit, je reconnais l'importance de ce livre. La ligne narrative qui implique le flic-krishna est géniale (l'idée même de ce flic) et, tout autour, on a une hauteur de vue prospective absolument hallucinante. L'écriture est bonne – un peu trop, même. J'ai trouvé que McDonald montrait souvent ses muscles ; mais ça aussi, c'est une affaire de goût personnel, je préfère les textes plus secs, moins démonstratifs. L'impression de dépaysement, d'immersion dans une Inde future est réelle et profonde, ce qui signifie sans doute que le lexique non-traduit finit par payer ; sur un esprit moins rétif que le mien, l'effet doit être beaucoup plus fort. Les spéculations technoscientifiques et sociales sont bluffantes ; on ressort de la lecture avec le sentiment d'avoir entrevu un avenir tout à fait plausible. Dans l'ensemble, on a donc effectivement une sorte d'état de l'art de la science-fiction ; je pense qu'il faut le lire. Du point de vue spéculatif, c'est un livre qui redéfinit la norme, ou une partie de la norme. Je regrette simplement avoir ressenti une telle fatigue à sa lecture mais encore une fois, c'est sans doute moi qui ait besoin d'être upgradé.

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