Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Matthieu
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Message par Matthieu » ven. nov. 27, 2009 12:43 pm

Lensman a écrit :Je vais poser le problème par un autre exemple.
Imaginons un monde dans lequel la mécanique quantique (et peut-être d'autres sciences, j'avoue que ça me navre un peu qu'on ne parle pas des autres) ne donne pas les mêmes résultats. Tout s'avère plus "simple" (façon de parler), on finit par trouver une sorte de particule "ultime", avec des propriétés données, et que l'on ne peut plus "décortiquer" (une "matière" ultime, la fameuse "étoffe"). En gros, elle sert à fabriquer tout l'univers. Très bien. Un monde "matérialiste", au sens" primaire" du terme, je suppose.
Est-ce que cela supprimerait la métaphysique? bien sûr que non. Pourquoi tout ça? Pourquoi tout ça? On ne se débarrasse pas de la métaphysique.
Oncle Joe
PS: bon, il y a la théorie Matthieu, qui identifie physique et métaphysique. Mais là, je te laisse le sonder pour que tu voies par toi-même ce qu'il entend par métaphysique... et par physique...
Déjà, ce n'est pas "ma" théorie. C'est celle de David Lewis, d'Everett, de Tegmark et autres. Et on ne peut pas vraiment classer Tegmark dans les matérialistes, vu que pour lui le monde physique découle d'un réalisme mathématique.

Et effectivement, même si on découvre la "Théorie du Tout", cela ne serait pas une preuve indiscutable sur la nature de l'univers. Ce serait juste un élément de réponse.

Remarques, dans les sciences de la vie, la science à déjà largement empiété sur la philosophie. Il n'y a pas si longtemps, la nature du vivant était hors de porté de nos connaissances et un sujet d'étude de la philosophie. Maintenant, même s'il nous reste encore immensément à découvrir en biologie, nous avons des réponses fiables sur ce sujet.

Lem

Message par Lem » ven. nov. 27, 2009 12:57 pm

Lensman a écrit :[Même de mon temps, en 2e, au lycée, en 1971, il y a 38 ans, en cours de physique, on n'en était plus là...
Ma remarque portait sur les cours de physique de ma fille, au collège. Cela dit, j'ai aussi dans ma famille une jeune fille qui se destine à la physique. Il y a quelques années, je ne sais plus si elle était en terminale ou en prépa mais je me souviens lui avoir posé la question : mécanique quantique ? Elle m'a répondu : bien sûr (contente de voir que quelqu'un autour d'elle connaissait l'expression) et m'a brièvement parlé de ses cours, essentiellement mathématisés. Quand je lui ai demandé comment elle concevait la relation entre son domaine et la réalité (au sens flou et large que ce mot peut avoir dans une conversation de dimanche après-midi), elle m'a regardé d'un air interloqué. Elle ne se posait pas vraiment la question. Pas du tout en fait. Pour elle, il s'agissait de maîtrise technique, de savoir résoudre des équations. Le contenu épistémologique de l'enseignement était inexistant parce que le contenu technique était autosuffisant. Je lui ai demandé "mais en gros, le réel, c'est quoi ?" Elle m'a répondu "les atomes".
Bilan des enseignements : curiosité éteinte et matérialisme induit. Et c'était une jeune fille douée.
J'ai donc de gros doutes, Oncle, sur ton "on n'en était plus là". Il suffit de constater ici même à quel point l'autolimitation interprétative de la mq est mal comprise (quand elle est connue). Je crois au contraire que pour l'essentiel, on en est "toujours là".
Mais je t'ai posé quelques questions sur la nature de la métaphysique.
Tes expériences de pensée sur la particule ultime ? Je vais y réfléchir mais j'aimerais aussi que tu répondes : as-tu compris ma position ? Comprends-tu à quel point foireux et limite hétéroclite étaient insultants ? Pourquoi me lis-tu si mal ?

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marypop
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Message par marypop » ven. nov. 27, 2009 1:05 pm

Matthieu a écrit : Cependant, je soutiens quand même une partie de l'argumentation de Lehman : l'idée que la métaphysique est dénigrée par la philosophie contemporaine et que la science-fiction permet de continuer à explorer ses concepts.
hum ... j'ai du rater un passage.

Mais pour moi "le rejet de la SF" dont il était question faisait référence au rejet par le public.

Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.

C'est là même une inversion savoureuse, de parler d'un rejet d'une élite alors même que dans le fil d'à côté il est question de transfert ou non des achats de masse sur la fanatsy plus accessible (ou supposée telle)

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MF
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Message par MF » ven. nov. 27, 2009 1:07 pm

Lem a écrit :Peux-tu expliquer ?
Arghhh ! J'ai droit à combien de pages ?

HS

L'idée de la théorie du Tout, dans son principe de recherche unificatrice, trouve ses racines dans l'optimisme des lumières. La science pourrait Tout expliquer. Et si possible en une seule équation, vous seriez bien aimables : la théorie du Tout, en réalité du ToutTout.

La thermodynamique (en particulier, mais pas seulement, en faisant apparaître la notion d'entropie) fait émerger plusieurs écueils contre lequel cet optimisme est venu se fracasser, même si la rumeur du naufrage n'est parvenue que bien plus tardivement :
- certaines grandeurs (comme l'entropie) ne peuvent être "manipulée" qu'en utilisant les statistiques
- l'approche par les statistiques nécessite le développement "d'expérience de pensée" avec, par exemple, quelque chose d'aussi signifiant que le Démon de Maxwell (lorsque l'on en vient à introduire la notion de démon dans une expérience scientifique, le ver est dans le fruit)
- la thermodynamique est la base de la "révolution industrielle" (version négative de la "révolution des lumières"), première étape de la domestication technique de la science
- l'interprétation simpliste du deuxième principe de la thermodynamique (la mort de l'univers et la fin de toute chose dans la stase thermique), ce qui est une forme (dévoyée, j'en conviens) de théorie du Tout.
/HS
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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bormandg
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Message par bormandg » ven. nov. 27, 2009 1:42 pm

Lensman a écrit :
Matthieu a écrit :
Je suis assez en accord avec toi. Il y a foultitudes de romans de SF qui ne traitent ni de la métaphysique ni du religieux. Et même sur l'absence de rejet. On adore toujours se plaindre.

Cependant, je soutiens quand même une partie de l'argumentation de Lehman : l'idée que la métaphysique est dénigrée par la philosophie contemporaine et que la science-fiction permet de continuer à explorer ses concepts.
Soutenir une partie de l'argument de Lehman tel que tu le proposes, ça, c'est parfaitement jouable, il me semble. Cela n'est pas tout à fait la même chose que de soutenir que la métaphysique serait au cœur de la SF, hypothèse qui laissait en plan des pans gigantesques du domaine, ce qui est pour le moins gênant quand on s'intéresse à la caractérisation d'un genre.
On s'intéresse donc à une composante de la SF (entre parenthèse, on pourra aussi se demander si cette composante "métaphysique" est absente partout ailleurs, et là, j'avoue que je n'en ai strictement aucune idée...)
Cependant, même sur cette partie, il va falloir jouer serré, en essayant de montrer des exemples de rejets formulés d'une manière ou d'une autre, explicite ou implicite, par le monde littéraire, au motif du caractère métaphysique. Et pour cela, ce n'est pas tellement la SF qu'il faut étudier, mais les exemples de critique de la SF par les critiques de littérature générale. Ce n'est en rien le tour qu'avait pris la discussion, mais justement, on pourrait repartir là-dessus. Je suppose que Lem a des biscuits, sur ce sujet.

Il y aura aussi un autre problème. Si on part de l'idée du rejet, il faudra aussi se demander pourquoi la partie "non métaphysique" de la SF est AUSSI rejetée.

Oncle Joe
Vu que je prends la discussion en route, j'en ai certainement manqué beaucoup de morceaux, mais là, je souscris.
Je résume ce que je comprends et que je partage: la SF (ou une partie de la SF, voir plus loin) a une dimension métaphysique. Et, selon Lem, ce serait une cause importante de son rejet.
En fait la présence de métaphysyque s'applique à la partie SF de spéculation, cela ne concerne pas les parties "romanesques" type space op, qui servent d'ailleurs de prétexte à la négation par l'establishment littéraire de toute la SF, en particulier de ce qu'ils ne veulent pas accepter mais n'osent pas attaquer.
Autrement dit, au niveau de l'establishment pseudo-littéraire ("mainstream"), le rejet porte sur la dimension métaphysique, évitée dans la "grande littérature", tout en étant formulé en utilisant la partie non concernée de la SF.
Pour ce qui est du public, je me permets d'en douter. Encore que le reproche que j'entends en général est plutôt "La SF, ça prend la tête" (qui vise l'abus de physique et celui de métaphysique) que "La SF est infantile". Mais cela vient des gens d'un certain âge (40 ans min.), pas des jeunes que la réflexion, souvent, n'arrête pas. Eux, ils lui reprocheraient plutôt de manquer de "fun", non?
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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bormandg
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Message par bormandg » ven. nov. 27, 2009 1:52 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :[Même de mon temps, en 2e, au lycée, en 1971, il y a 38 ans, en cours de physique, on n'en était plus là...
Ma remarque portait sur les cours de physique de ma fille, au collège. Cela dit, j'ai aussi dans ma famille une jeune fille qui se destine à la physique. Il y a quelques années, je ne sais plus si elle était en terminale ou en prépa mais je me souviens lui avoir posé la question : mécanique quantique ? Elle m'a répondu : bien sûr (contente de voir que quelqu'un autour d'elle connaissait l'expression) et m'a brièvement parlé de ses cours, essentiellement mathématisés. Quand je lui ai demandé comment elle concevait la relation entre son domaine et la réalité (au sens flou et large que ce mot peut avoir dans une conversation de dimanche après-midi), elle m'a regardé d'un air interloqué. Elle ne se posait pas vraiment la question. Pas du tout en fait. Pour elle, il s'agissait de maîtrise technique, de savoir résoudre des équations. Le contenu épistémologique de l'enseignement était inexistant parce que le contenu technique était autosuffisant. Je lui ai demandé "mais en gros, le réel, c'est quoi ?" Elle m'a répondu "les atomes".
Bilan des enseignements : curiosité éteinte et matérialisme induit. Et c'était une jeune fille douée.
J'ai donc de gros doutes, Oncle, sur ton "on n'en était plus là". Il suffit de constater ici même à quel point l'autolimitation interprétative de la mq est mal comprise (quand elle est connue). Je crois au contraire que pour l'essentiel, on en est "toujours là".
Lem, puis-je me permettre de te signaler un fait, que j'ai réalisé à retardemenyt, mais qui s'applique depuis longtemps, même pour nous quand nous étions élèves, et qui est aujourd'hui à la base même de la vision de l'enseignement par les élèves? C'est le principe selon lequel "Ce qu'on fait au lycée n'a rien à voir avec le monde extérieur, on y apprend des techniques qui ne servent que au lycée et qui n'ont rien à voir avec la vie dans le monde réel".
Soyons réaliste: ce principe existe depuis très longtemps. Il est particulièrement visible, depuis toujours, dans la façon de recevoir l'enseignement des langues, le français ou l'anglais enseignés et appris au lycée avec aussi peu de rapport avec la vie courante que pour le latin classique et le grec ancien.
Mais les jeunes (de maintenant?, non, de toujours, même nous en notre temps) considèrent ce qu'ils apprennent au lycée, maths, physque, histoire, philosophie... comme totalement coupé de toute application à la réalité du monde. Faut-il avoir terminé ses études avant de se poser la question d'utiliser hors lycée ce qu'on y a appris?
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. nov. 27, 2009 2:00 pm

Je profite d'une pause pour une remarque…

Un truc dont tu ne tiens pas compte, Lem, lorsque tu dis qu'il faudrait enseigner aux élèves etc., c'est du niveau général des élèves en question. Niveau qui a clairement baissé ces quinze dernières années, avec une accélération depuis quelque chose comme un lustre.

Quand tu vois que des lecteurs de SF dans la tranche 20-30 te regardent avec des yeux ronds pleins d'incompréhension quand tu dis que la science-fiction s'intéresse à la science (une idée pourtant simple et évidente, quasiment un truisme), tu peux te demander comment ils pourraient comprendre quoi que ce soit à la physique quantique — alors la métaphysique quantique (1), n'en parlons pas !


(1) Expression dont je me permets de rappeler que je l'ai inventée en 1996, ce qui montre bien que j'avais déjà conscience à l'époque du fait qu'il y a de la métaphysique dans la science-fiction.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Message par Sand » ven. nov. 27, 2009 2:05 pm

Une proportion (que j'espère réduite à l'échelle nationale, mais majoritaire dans certaines zones) de collégiens et lycéens ne savent pas libeller une enveloppe et coller le timbre dans le coin qui va bien.

Je ne sais pas où on n'en est plus, mais on en est là.

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Message par systar » ven. nov. 27, 2009 2:07 pm

Roland C. Wagner a écrit :Je profite d'une pause pour une remarque…

Un truc dont tu ne tiens pas compte, Lem, lorsque tu dis qu'il faudrait enseigner aux élèves etc., c'est du niveau général des élèves en question. Niveau qui a clairement baissé ces quinze dernières années, avec une accélération depuis quelque chose comme un lustre.
Cette lucidité-là me plaît.
Dans l'absolu, on peut toujours faire plein de trucs sympas avec les élèves.
Au quotidien, on peut en faire... un peu moins.

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Message par Eons » ven. nov. 27, 2009 2:08 pm

marypop a écrit :Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu es sûre de ton chiffre ? Parce que ça fait à peu près 2/3 d'une personne... :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par marypop » ven. nov. 27, 2009 2:23 pm

Eons a écrit :
marypop a écrit :Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu es sûre de ton chiffre ? Parce que ça fait à peu près 2/3 d'une personne... :lol:
Je ne suis sure de rien, mais il me semble que les livres de philisophie contemporaine ne sont pas encore en tête de gondole chez mon libraire. Tu as saisi l'idée.

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Message par systar » ven. nov. 27, 2009 2:28 pm

marypop a écrit :
Eons a écrit :
marypop a écrit :Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu es sûre de ton chiffre ? Parce que ça fait à peu près 2/3 d'une personne... :lol:
Je ne suis sure de rien, mais il me semble que les livres de philisophie contemporaine ne sont pas encore en tête de gondole chez mon libraire. Tu as saisi l'idée.
Bon, Marypop, c'est pas la peine de retourner le couteau dans la plaie! :lol:

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Message par marypop » ven. nov. 27, 2009 2:30 pm

systar a écrit :
marypop a écrit :
Eons a écrit :
marypop a écrit :Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu es sûre de ton chiffre ? Parce que ça fait à peu près 2/3 d'une personne... :lol:
Je ne suis sure de rien, mais il me semble que les livres de philisophie contemporaine ne sont pas encore en tête de gondole chez mon libraire. Tu as saisi l'idée.
Bon, Marypop, c'est pas la peine de retourner le couteau dans la plaie! :lol:
Tant que personne ne me répondra sur le rapport entre le rejet global de la sf et le rejet par une élite qui lirait de la philosophie contemporaine sans qu'on la menace d'un flingue sur la tempe je peux insister :)

Cette catégorie de lecteurs relève pour moi du mythe, je n'en ai jamais croisé. Je m'aventure même à dire que l'on se rapproche de la fantasy là !

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Message par systar » ven. nov. 27, 2009 2:38 pm

marypop a écrit :
systar a écrit :
marypop a écrit :
Eons a écrit :
marypop a écrit :Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu es sûre de ton chiffre ? Parce que ça fait à peu près 2/3 d'une personne... :lol:
Je ne suis sure de rien, mais il me semble que les livres de philisophie contemporaine ne sont pas encore en tête de gondole chez mon libraire. Tu as saisi l'idée.
Bon, Marypop, c'est pas la peine de retourner le couteau dans la plaie! :lol:
Tant que personne ne me répondra sur le rapport entre le rejet global de la sf et le rejet par une élite qui lirait de la philosophie contemporaine sans qu'on la menace d'un flingue sur la tempe je peux insister :)

Cette catégorie de lecteurs relève pour moi du mythe, je n'en ai jamais croisé. Je m'aventure même à dire que l'on se rapproche de la fantasy là !
Mes amis jeunes profs de philo, ou étudiants de philo, ou bons lecteurs de philo:
souvent, il n'y a pas eu rejet de leur part, mais méconnaissance.
Pour eux, ce n'est même pas qu'ils méprisent la démarche SF, c'est qu'elle ne leur venait pas à l'idée, comme si ça n'existait pas, ou plus. Certains correspondent à la catégorie: "ado, j'ai lu Asimov, Bradbury, un peu Dick, mais je sais pas trop pourquoi, j'ai arrêté d'en lire".
Mais j'arrive assez bien à leur proposer des machins de SF et de fantasy qui finalement leur plaisent.

Mais ils ne sont pas représentatifs...

Autre façon de poser le problème: si le rejet de la SF le plus récent à surtout pris la forme d'un oubli, ou d'une occultation, plus que d'une levée de boucliers et d'une dépréciation réelle, à quelle richesse apportée par la littérature générale cela serait-il dû?
(neutralisons par avance la fausse réponse: "la qualité du style"...)

Lem

Message par Lem » ven. nov. 27, 2009 2:45 pm

marypop a écrit :Mais pour moi "le rejet de la SF" dont il était question faisait référence au rejet par le public.
Hors, je ne crois pas que le rejet éventuel par les 0.000001% de français qui s'adonnent à la philosophie contemporaine ait un rapport.
Tu fais une erreur déjà commise sur ce fil. Un objet culturel peut très bien être massivement consommé et subir un rejet/déni (dans la préface, j'ai plutôt employé le second terme) de la part des élites et des prescripteurs. Ce fut le cas de la bande dessinée, par exemple, jusqu'à ce qu'ait lieu la légitimation des années 80. Depuis cette date, la BD reste un succès éditorial mais est admise comme une forme d'expression légitime, ce qui prouve que les deux termes ne s'impliquent ni ne s'excluent : ils sont indépendants et toutes les combinaisons sont possibles (la poésie est légitime mais inexistante éditorialement).

La SF (écrite) n'a certes jamais été "massivement consommée" ici comme ont pu l'être le polar ou le roman sentimental. Elle a connu ses heures pleines et ses heures creuses. Mais enfin, depuis l'apparition du label au début des années 50, elle n'a jamais cessé d'exister (contrairement par exemple au roman d'espionnage ou au roman de guerre qui ont disparu en tant que catégories éditoriales avec système de collections dédiées). La bibliographie post-1950 doit comporter quelque chose comme 4000 romans et peut-être le double de nouvelles. La question que je pose dans la préface n'est pas celle du rejet par le public mais du déni par les élites et les prescripteurs (déni dont je postule qu'il est en train de s'achever aujourd'hui ; mon étonnement est donc essentiellement rétrospectif). Je connais plusieurs histoires de la littérature française au XXème siècle qui font une place au roman policier et même à la BD mais où la SF n'apparaît pas. Le mot n'est même pas cité, comme si le genre n'existait pas. Je considère que c'est une sorte d'énigme ou d'anomalie et j'essaie de la comprendre. Pour ce faire, je reprends un instant les raisons déjà listées il y a dix ans dans la préface d'Escales sur l'horizon, par exemple :
– La haine des sciences et des techniques qui a saisi les intellectuels français après la première guerre mondiale et poussé à une disjonction complète science/littérature. "S'il y a de la science, ça ne peut pas être de la littérature".
– L'antiaméricanisme des mêmes. "Que ce soit de la littérature ou non, de toute façon, c'est américain".
– La réputation problématique de la SF comme texte (sa mauvaise qualité littéraire).
Rien qu'avec ces trois raisons, on devrait pouvoir élucider l'inexistence culturelle de la SF : une forme perçue comme douteuse sur le plan littéraire et de toute façon américaine n'a aucune place dans les histoires de la littérature française, ni dans son dispositif courant (médias, critique, théorie, prescription).

Mais je remarque aussi que ces raisons pourraient être retournées.
– Certes, il y a haine des sciences et des techniques. Mais un personnage aussi central dans l'histoire des lettres et de l'édition française que Raymond Queneau (qui a à la fois dirigé la Pléïade et contribué à introduire la SF moderne en France), la présence à ses côtés de gens comme Vian et Le Lionnais (mathématicien, comme l'a rappelé Gérard), la constellation pataphysique/oulipo où évoluaient des figures comme Calvino, Perec, Roubaut suggère que la légitimation était possible ; qu'il existait un lieu de conciliation, certes excentré (la SF peut difficilement être centrale) mais réel, que du point de vue culturel, la SF aurait pu être perçue au minimum comme un jeu un peu étrange, problématique peut-être mais pas intrinsèquement indigne. Pas au point de n'apparaître nulle part.
– Certes, il y a antiaméricanisme. Mais il y a tout aussi bien américanophilie. La littérature américaine a été ici autant décriée qu'elle a été adorée. Le roman noir (reconnu dès les années 70) et le cinéma américain (souvent vénéré) prouvent que l'origine supposée américaine de la SF ne constituait pas non plus un obstance décisif à la reconnaissance. (Cela dit, les choses seraient plus faciles si on arrivait à surmonter la coupure et l'amnésie collective qui a frappé toute la SF française d'avant-guerre, à se réapproprier notre histoire de la SF au lieu d'entériner nous-mêmes l'idée qu'elle est née aux USA, ce à quoi j'essaie d'apporter d'autres réponses, en remettant le papier de Renard en circulation et les textes chimériques).
– Certes, la SF est souvent mal écrite (mal traduite). Mais pas toujours. Et sans doute pas plus que les autres "genres". Qui plus est, l'étrangeté de son texte (inclusion de néologismes, usage du paradigme absent, refus des métaphores au profit des descriptions techniques, refus (ou incompétence assumée au niveau-) de la psychologie ne ne la condamnait pas forcément à l'inexistence. Le bref flirt du Nouveau roman avec le genre au motif que leurs programmes littéraires (pas de métaphores, pas de psychologie) étaient partiellement convergents prouve là aussi qu'une conciliation était possible. "A jeu bizarre, forme bizarre". Au minimum, la SF aurait pu recevoir cette légitimation-là et quand on regarde la place faite dans les histoires littéraires contemporaines à des mouvements comme le Surréalisme et à des auteurs comme Artaud ou Michaux, on se dit qu'il y avait la place, au moins une petite place.

D'où vient donc ce pas de place du tout ?

Puisque les raisons susmentionnées ne semblent pas à elles seules suffisantes, puisqu'elles auraient pu être retournées, il faut donc qu'il y ait un facteur supplémentaire. Une variable cachée.

Ce sont mes prémisses, un peu plus développées que dans la préface mais la substance est exactement la même. Vous m'allumez tout de suite ou je continue ?

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