Erion a écrit :Est-ce qu'il n'y a pas une dimension métaphysique dans l'Etranger de Camus ? Chez Hugo, chez Cervantès ou Shakespeare ?
On commence enfin à se rapprocher de noyau du problème.
Je n'ai pas relu
l'Etranger depuis mes quinze ans mais je me souviens qu'une scène m'a particulièrement marqué (j'entends par là que quand je pense à ce roman, c'est elle qui me revient en premier). La scène où le narrateur (Meursault, c'est ça ?) découvre, pendant sa détention, que s'il se concentre suffisamment, il est capable de retrouver le souvenir intégral de son passé, qu'il peut revivre chaque jour de sa vie quasiment seconde par seconde et qu'il est donc, d'une certaine manière, à l'abri de "l'ennui" au sens le plus large (qu'il contient un infini). C'est une scène qui n'est pas sans rappeler certains moments du
Talon de fer de London.
On pourrait établir un parallèle semblable entre le passage de Wells précité et certains moments de
A la recherche du temps perdu, de Proust.
Il y a donc de la métaphysique dans la littérature, y compris au XXème siècle. Mais, comme je l'ai écrit dans la préface de
Retour, uniquement sous l'angle de la linguistique ou, en ce qui concerne les exemples ci-dessus, de la psychologie. La métaphysique disparaît en tant que science, en tant qu'ambition de saisir "les choses premières et dernières" pour ne subsister que comme émotion biographique, expérience de l'intériorité intensément subjectives.