Du sense of wonder à la SF métaphysique

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systar
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Message par systar » mer. déc. 02, 2009 1:57 pm

Lensman a écrit :
systar a écrit :Attendons le post de Gérard Klein, et puis la suite du dialogue avec Lem.
Ouais, on va simplifier. Philosophie, métaphysique... tout ça, c'est le même genre de came.
Oncle Joe
Toi, ne commence pas à m'asticoter!

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 2:00 pm

Lensman a écrit :c'est l'art de Dieu de rétablir l'harmonie au sein de Ses créatures, au prix de quelques... simplifications...
Ou plus humainement l'art de lire ce qui est imprimé.
Dans la fameuse préface, Lem a écrit :La fin du déni qui a frappé la science-fiction pendant un siècle ne peut produire aucune signification si la raison du déni n'est pas elle-même élucidée. Dans ma préface à Escales sur l'horizon, j'ai situé un peu vite la coupure au lendemain de la première guerre mondiale en m'appuyant sur la haine des sciences que le conflit avait fait naître chez beaucoup d'intellectuels. (…) D'autres facteurs ont contribué [au déni] : le mythe de la "clarté française" – cette politique de la langue décryptée par Henri Meschonnic qui proscrit l'usage des néologismes et des termes de science dès le premier Dictionnaire de l'Académie en 1653. Les préjugés de classe et l'anti-américanisme, surtout après 1950 ; l'échec de Renard ayant liquidé le roman scientifique français de la mémoire collective malgré un catalogue de trois mille titres, l'importation du label SF et sa mise en œuvre dans des collections spéciales, surtout dédiées aux traductions, ont fait naître une nouvelle image-écran : celle d'un genre pour ados décérébrés. (…) Mais ces raison, même combinées, ne sont pas suffisantes. Car la littérature américaine a aussi été aimée, en France, autant et plus qu'ailleurs. La vigueur psychorigide avec laquelle les gardiens de la langue veillent à sa pureté n'a pas empêché Céline. Et l'emploi de règles abstraites tirées des mathématiques et de lexiques parallèle a fait la réputation de l'Oulipo. Ces arguments auraient pu être retournés. Il faut donc qu'il y ait une variable cachée. Il y en a une. Et c'est la métaphysique.
A comparer s'il vous plaît aux 120 pages qui précèdent où aucune de ces questions n'a été abordée mais où on a abondamment glosé sur ma tentation hétéroclite, on se demande pourquoi.
Le déni n'est devenu un problème que lorsqu'Erion, Roland, Sylvie ont, à ma grande surprise, remis le terme en cause. Je rappelle qu'un déni, selon le dictionnaire, c'est "le refus d'accorder ce qui est dû" et que les deux expressions-type citées en exemple, c'est le déni de justice et le déni de la réalité ("refus de reconnaître une réalité traumatisante"), opération qui peut être effectuée de manière consciente, semi-consciente, inconsciente et pour de multiples raisons qu'il s'agit de comprendre. Quelle erreur de ma part d'employer un mot aussi confus et incompréhensible. Heureusement, Gérard est intervenu :
Gérard a écrit :s'il recouvre une ignorance naïve ou délibérée, une occultation, un mépris, un dénigrement, un procès en dissolution, j'accepte ["déni"]comme outil de travail.
.
… et le mot est soudain devenu limpide pour tout le monde. Ce que c'est que de l'autorité !

La métaphysique a été un problème dès le début et Oncle se réjouit qu'on élimine le terme pour lui préférer "philosophie". Je suppose donc qu'Oncle et tous ceux qui l'ont suivi sur ce terrain ont une définition intuitive parfaitement claire de la philosophie, de son histoire, de ses écoles de pensée, de ses problématiques. Si on s'en tient aux significations originelles, étymologiques du terme, par exemple, la science-fiction peut dans cette optique être reçue comme la littérature de la sagesse, de sa recherche, voire de son amour. Ou encore comme la littérature qui cherche le Beau et le Vrai. Nuance décisive. Je comprends qu'Oncle préfère de très loin ce terme à "métaphysique" qui réduit le champ la philosophie (puisque c'en est une partie), aux questions de l'origine, de l'être, de l'espace et du temps, de l'identité.
Il y a de la philosophie dans toute la littérature du XXème siècle (pour ne prendre qu'un exemple bien français : l'existentialisme).
Il n'y a de métaphysique que dans la science-fiction.

Que, par ailleurs, Gérard ne soit pas du tout convaincu par mon hypothèse est plus que son droit. C'est pratiquement son devoir et j'ai hâte de lire ses arguments.
Modifié en dernier par Lem le mer. déc. 02, 2009 2:07 pm, modifié 1 fois.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 2:04 pm

systar a écrit :
Lensman a écrit :
systar a écrit :Attendons le post de Gérard Klein, et puis la suite du dialogue avec Lem.
Ouais, on va simplifier. Philosophie, métaphysique... tout ça, c'est le même genre de came.
Oncle Joe
Toi, ne commence pas à m'asticoter!
Moi, j'ai peut-être mauvais esprit, je peux être de mauvaise foi (toujours justifiée, quand elle est sincère), je peux être lent à la compréhension, mais enfin, quand Lem a parlé de métaphysique, j'ai essayé de comprendre ce qu'il essayait de dire (si!), et pourquoi il n'a pas employé le terme consensuel de "philosophie". Mais il paraît que c'est juste qu'il s'est exprimé maladroitement.. Evidemment que non.
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marypop
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Message par marypop » mer. déc. 02, 2009 2:07 pm

Dans la fameuse préface, Lem a écrit :La fin du déni qui a frappé la science-fiction pendant un siècle ne peut produire aucune signification si la raison du déni n'est pas elle-même élucidée. Dans ma préface à Escales sur l'horizon, j'ai situé un peu vite la coupure au lendemain de la première guerre mondiale en m'appuyant sur la haine des sciences que le conflit avait fait naître chez beaucoup d'intellectuels. (…) D'autres facteurs ont contribué [au déni] : le mythe de la "clarté française" – cette politique de la langue décryptée par Henri Meschonnic qui proscrit l'usage des néologismes et des termes de science dès le premier Dictionnaire de l'Académie en 1853. Les préjugés de classe et l'anti-américanisme, surtout après 1950 ; l'échec de Renard ayant liquidé le roman scientifique français de la mémoire collective malgré un catalogue de trois mille titres, l'importation du label SF et sa mise en œuvre dans des collections spéciales, surtout dédiées aux traductions, ont fait naître une nouvelle image-écran : celle d'un genre pour ados décérébrés. (…) Mais ces raison, même combinées, ne sont pas suffisantes. Car la littérature américaine a aussi été aimée, en France, autant et plus qu'ailleurs. La vigueur psychorigide avec laquelle les gardiens de la langue veillent à sa pureté n'a pas empêché Céline. Et l'emploi de règles abstraites tirées des mathématiques et de lexiques parallèle a fait la réputation de l'Oulipo. Ces arguments auraient pu être retournés. Il faut donc qu'il y ait une variable cachée. Il y en a une. Et c'est la métaphysique.
A comparer à :
message de Dieu a écrit :La première est: y-a-t-il un déni opposé à la littérature de science-fiction en France depuis au moins un demi-siècle dans les milieux culturellement dominants et notamment dans la presse, l'audiovisuel voire la sphère politico-culturelle ?
Je ne fais pas du mauvais esprit, ce qui est évident pour toi ne l'est pas forcément pour les autres.
Quand tu parles de déni qui a frappé la science fiction, en faisant référence à la haine des sciences ayant frappé certains intellectuels, par exemple, il n'est simplement pas limpide pour moi que tu parles d'un déni desdits intellectuels.
Surtout, encore une fois, quand cela peut s'accompagner parallèlement d'un non-achat en librairie par la plupart des gens.

Donc quand Gérard l'écrit, c'est pour moi plus simple à comprendre.
Avec beaucoup sur ce fil, vous maniez très bien le verbe, les concepts philosophiques, certaines subtilités de la langue, mais c'est méconnaître aussi le niveau de certains lecteurs qui ne vont pas aussi vite (saletés de scientifiques qui n'aiment pas les raccourcis de preuves !)

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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 2:09 pm

Lem a écrit :
La métaphysique a été un problème dès le début et Oncle se réjouit qu'on élimine le terme pour lui préférer "philosophie". .
Je ne me réjouis pas: j'ironise! J'ai été... sidéré de voir comment Dieu a éliminé le fond du problème!
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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » mer. déc. 02, 2009 2:14 pm

Lem a écrit :Le déni n'est devenu un problème que lorsqu'Erion, Roland, Sylvie ont, à ma grande surprise, remis le terme en cause.
Sans doute parce qu'il manquait un support sociologique à cette idée.

Et ton affirmation selon laquelle le déni était terminé depuis, en gros, 1995, n'a rien arrangé, au contraire.

J'attends la suite du développement de Gérard. J'espère y trouver des explications, ou du moins des pistes pour expliquer l'effacement progressif de la science-fiction littéraire dans les médias depuis le début du siècle.
Lem a écrit :la science-fiction peut dans cette optique être reçue comme la littérature de la sagesse, de sa recherche, voire de son amour. Ou encore comme la littérature qui cherche le Beau et le Vrai.
C'est sûr que Doc Smith cherchait le Beau et le Vrai.
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Message par Roland C. Wagner » mer. déc. 02, 2009 2:15 pm

marypop a écrit :Donc quand Gérard l'écrit, c'est pour moi plus simple à comprendre.
+42
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MF
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Message par MF » mer. déc. 02, 2009 2:15 pm

Gérard Klein a écrit :Explique-t-elle pour autant le déni par l'élite, de la science-fiction?
Comme Le Navire, je ne le pense pas. Mais alors vraiment pas.
D'abord parce que cette élite se contrefout en général de ces grandes questions sauf quand elles lui permettent de faire des effets de manche. Ces questions ont pu agacer dans les années 1950 quelques scientifiques mais de toute façon, leur avis n'a jamais eu la moindre importance. Par exemple, il était interdit d'évoquer la possibilité de vie ailleurs jusqu'à ce que la génération suivante de scientifiques inventent l'exobiologie, souvent après avoir lu de la science-fiction qu'ils citent abondamment dans leurs ouvrages de vulgarisation.
Tu peux tout ramener à la sociologie (ici celle des organisations ?), mais les faits expliquent aussi les changements. Et parfois plus simplement et mieux.
La "conquête de l'espace", c'est (à la louche) 1955-1970.
Avant 1955, l'exobiologie c'était de la SF, surtout en France.
A partir de 1957, c'est devenu de l'astrobiologie parce que l'on sortait, enfin, de l'atmosphère.
1959 la lune, 1961 vénus. Les scientifiques avaient besoin de cette branche scientifique. Qu'ils aient lu de la SF ou pas.

Je ne sais pas si tu as des sources sur une "interdiction d'évoquer la possibilité de vie ailleurs" dans les années 50 ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par systar » mer. déc. 02, 2009 2:16 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :
La métaphysique a été un problème dès le début et Oncle se réjouit qu'on élimine le terme pour lui préférer "philosophie". .
Je ne me réjouis pas: j'ironise! J'ai été... sidéré de voir comment Dieu a éliminé le fond du problème!
Oncle Joe
Il va falloir une "théodicée" (au sens étymologique) pour rendre compte de cet escamotage divin!

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Lensman
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 2:21 pm

systar a écrit :
Il va falloir une "théodicée" (au sens étymologique) pour rendre compte de cet escamotage divin!
Décidément, on ne peut compter sur... personne!
Oncle Joe

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Message par Erion » mer. déc. 02, 2009 2:26 pm

Lem a écrit : Le déni n'est devenu un problème que lorsqu'Erion, Roland, Sylvie ont, à ma grande surprise, remis le terme en cause.
Tu as parlé de déni de la SF, par rapport à son contenu, comme s'il y avait une connaissance, une sorte d'acte volontaire spécifiquement à destination de la SF. Qu'il y ait des effets sociologiques, des effets de champs ou de concurrence à l'intérieur du champ littéraire, je n'y vois rien de scandaleux, mais il se porte aussi sur les autres littératures populaires.
C'est pour cela que j'ai parlé de "transparence", qui n'a pas ce même aspect "volontaire". Si les instances légitimatrices avaient VRAIMENT voulu écarter la SF du champ littéraire, elles auraient pu le faire (on voit très bien comment ça s'est passé avec la BD et la commission de censure. Ce n'est pas seulement l'érotisme ou la pornographie qui étaient écartés, mais tout propos sérieux, voire infra-politique).
Donc, le terme déni, ne me satisfait pas, déjà, et en plus, je ne considère pas que l'attitude des milieux littéraire vis-à-vis de la SF soit d'une nature si différente que vis-à-vis de la littérature sentimentale ou érotique. Et en tout cas, nullement lié au contenu des oeuvres en question.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Lensman » mer. déc. 02, 2009 2:29 pm

Lem a écrit : Il n'y a de métaphysique que dans la science-fiction.
.
Comme ça, j'aime! C'est comme dans van Vogt!
Tant qu'on ne se lance pas dans des raisonnements logiques, qu'on est dans l'exaltation, je suis!
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Message par MF » mer. déc. 02, 2009 2:37 pm

Lem a écrit :Il n'y a de métaphysique que dans la science-fiction.
Pas sûr. Le SNE ne continuerait-il pas à identifier comme catégorie éditoriale contenant de la métaphysique l'ésotérisme ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » mer. déc. 02, 2009 2:43 pm

MF a écrit :[Le SNE ne continuerait-il pas à identifier comme catégorie éditoriale contenant de la métaphysique l'ésotérisme ?
C'est précisément l'un des aspects du problème. Que là encore, sous l'effet du papier de Roland, il a été impossible de discuter sereinement.
Que trouve-t-on au rayon ésotérisme dans les librairies ? Des livres sur l'Atlantide, les pouvoirs parapsychologiques, les ovnis, les conspirations, etc.
Dans quelle littérature trouve-t-on les mêmes objets ?
(Je peux déjà voir les visages s'horrifier, les yeux grand s'ouvrir, les sourcils se froncer : "Non, non, en caucun cas, nous-n'avons-rien-à-voir-avec-ça !")

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Message par MF » mer. déc. 02, 2009 2:48 pm

Lensman a écrit :La métaphysique a été un problème dès le début et Oncle se réjouit qu'on élimine le terme pour lui préférer "philosophie". .
Je ne me réjouis pas: j'ironise! J'ai été... sidéré de voir comment Dieu a éliminé le fond du problème!
Mouais.
Il l'a ramené dans un espace mieux connu, car exploré et critiquement documenté depuis 40 ans : celui de la sociologie.
Est-ce que ça répond à tout ?
Modifié en dernier par MF le mer. déc. 02, 2009 2:49 pm, modifié 1 fois.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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