Du sense of wonder à la SF métaphysique
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Il n'y a rien de surnaturel dans Ubik. C'est une technologie qui permet de garder les morts dans cet état et de communiquer avec eux.MF a écrit :UBIK ?silramil a écrit :Hum... un exemple ? applicable à la littérature en question ?
Je ne vois pas en quoi ma définition est statique. Elle est positionnelle : est surnaturel tout ce qui n'est pas naturel. Or, par naturel s'entend ici tout ce qui existe dans la réalité. Par surnaturel, tout ce dont il est impossible de rendre compte, tout ce qui sort des cadres, mais a une action quand même.
Un meilleur exemple est "Le goût de l'immortalité". Pourtant il a reçu le Nouveau Grand Prix de la Science-Fiction Française. Les éléments relevant du fantastique ne lui retire pas son appartenance à la science-fiction. Commme quoi il y a toujours des exceptions et des romans difficile à classer.
Je ne comprends pas la question. J'imagine qu'il ne devrait pas y avoir de deuxième négation.Sand a écrit :
Définir "ce qui n'est pas illusoire", et mieux qu'en disant "c'est ce qui n'est pas réel.
Et je ne comprends pas la limitation.
Ce qui n'est pas illusoire est réel.
Ce qui est illusoire n'est pas réel.
Il y a une infinité de nuances à apporter à cela, mais ces nuances se situent dans le champ de la phénoménologie, donc dans la perception.
Ce qui est illusoire a comme degré de réalité l'influence qu'il a sur ceux qui le pensent réel, selon certaines limites (un faux médicament peut avoir un effet placebo, mais l'effet placebo ne suffira pas à traiter n'importe quoi, et peut simplement dissimuler les symptômes).
Si un magicien fait croire à un policier qu'il vient effectivement de couper son assistante en deux, le policier va arrêter le magicien. L'illusion aura eu un effet, elle a donc un degré de réalité, puisqu'elle a eu un effet. Mais il s'agit d'une erreur de perception, non de la chose elle-même.
Si des sectateurs prennent Chtulhu pour un dieu, ça ne fait pas de lui effectivement un dieu.
Un monde contenant des dieux est un monde dyadique. Il y existe deux ordres de réalité incompatibles.
Un monde rationnel est unique (quel que soit son nombre de dimensions et même si c'est un multivers). Les dieux peuvent y être expliqués, donc soumis à la raison. Or, rationaliser la magie, ou la surnature, c'est comme expliquer un mystère ou identifier la source d'une illusion d'optique. On reste capable de se souvenir de ce qu'on a ressenti, mais le mystère a disparu et l'illusion d'optique ne fait plus le même effet.
J'avais fait une petite analyse de ce roman chez Jules de chez Smith d'en face, j'en copie ce qui est pertinent ici.Matthieu a écrit :Il n'y a rien de surnaturel dans Ubik. C'est une technologie qui permet de garder les morts dans cet état et de communiquer avec eux.MF a écrit :UBIK ?silramil a écrit :Hum... un exemple ? applicable à la littérature en question ?
Je ne vois pas en quoi ma définition est statique. Elle est positionnelle : est surnaturel tout ce qui n'est pas naturel. Or, par naturel s'entend ici tout ce qui existe dans la réalité. Par surnaturel, tout ce dont il est impossible de rendre compte, tout ce qui sort des cadres, mais a une action quand même.
Un meilleur exemple est "Le goût de l'immortalité". Pourtant il a reçu le Nouveau Grand Prix de la Science-Fiction Française. Les éléments relevant du fantastique ne lui retire pas son appartenance à la science-fiction. Commme quoi il y a toujours des exceptions et des romans difficile à classer.
(je suis cohérent jusqu'à l'obsession avec mon référentiel de pensée, j'en ai peur).Ce qui est à l'oeuvre dans le roman est bien plutôt une rationalisation du surnaturel, même si la narratrice se montre remarquablement avare de précisions (ce qui est compréhensible étant donné que c'est une lettre à destination d'un concurrent et partenaire potentiel).
Le point de départ est "et s'il y avait un fond de vérité dans certaines superstitions vaudoues" ; et l'immortalité envisagée ici a pour précurseurs celle des Hommes Vivants de Claude Farrère ou plus précisément celle de Jack Barron.
Il est notable, à cet égard, que le terme zombie n'est pas employé pour désigner les immortels en question, mais des drogués.
Même si la narratrice habille d'un discours superstitieux les procédés employés, rien n'indique que les potions fabriquées par iasmitine puis elle-même soient magiques. Il a même été possible à la narratrice, sans initiation, d'en reconstituer rapidement la procédure.
silramil a écrit :
Et je ne comprends pas la limitation.
Ce qui n'est pas illusoire est réel.
Ce qui est illusoire n'est pas réel.
Comment fait-on la différence ?
Quand il est impossible de savoir ?
Mais bon, MF a un peu triché en mettant Ubik sur le tapis, c'est un piège ^^
Matthieu a beau essayé de nous en rappeler les prémices parfaitement scientifiques et rationnels, il ne signale pas que ces prémices sont sujet à caution, la "source" qui les explique n'étant pas fiable. Communication entre les morts, ou délire du protagoniste ? Ou encore autre chose ?
Impossible de faire la différence.
cf. aussi Total recall, et Matrix dans une certaine mesure.
oh, et cette nouvelle d'Egan, "Rêves de transition" (qui a le défaut d'une conclusion/explication, à mon goût. Encore qu'on peut essayer de se dire que ce n'est pas une "vraie" explication, mais encore une auto-explication, et qu'on ne saura jamais ce qui se passe)
Et ?Sand a écrit :Impossible de faire la différence.
Quand on ne peut pas faire la différence entre un chien et un loup à cause de la lumière trompeuse, cela fait-il du chien un loup, ou inversement?
Ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas déterminer ce qu'il en est pour certains cas limites que ces cas limites représentent des situations intermédaires. Ce sont des cas indécis, du fait d'un manque d'information délibérément mis en place, afin de produire une oeuvre troublante et frappante, ce qui est légitime et parfois très réussi. Quand l'auteur a décidé qu'on ne pourrait pas faire la différence, et bien on peut proposer une interprétation ou une autre, ou laisser la question en suspens. Mais on ne pourra pas dire que les deux solutions (surnaturel ou rationnel) sont vraies simultanément, uniquement qu'il est impossible de trancher.
On peut jouer tant qu'on veut dans les zones grises, cela ne transformera pas l'illusion en réalité. On pourra simplement dire qu'on ne sait pas si c'est une illusion ou une réalité.
Quant à la question de savoir ensuite s'il convient de dire "ceci est de la SF" et "cela est de la fantasy", et bien il n'y a aucun mal à dire que c'est parfois indécidable, si l'auteur a fait en sorte de brouiller les pistes.
Après tout, le fantastique a longtemps été uniquement un genre établi sur le brouillage systématique entre le réalisme et le récit surnaturel.
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Pas compliqué.MF a écrit :Y'a que moi que ce que j'ai souligné étonne ?silramil a écrit :Eh bien, étant donné que les dieux sont des êtres surnaturels, c'est-à-dire transcendant la matière, tout dieu présent dans la science-fiction, type de texte n'admettant pas de surnature, est un être matériel, donc pas un dieu au sens où l'entendent les religions.
Et, au passage, si quelqu'un peu me faire trois lignes claires, simples, partagées et fédératrices sur le concept de surnature, je prends.
Car, vu de ma fenêtre, c'est a peu près aussi hétérogène que la métaphysique (ça varie dans le temps et l'espace).
- La surnature étend à l'Être la dualité âme et corps.
- La nature est accessible à l'homme et explicable par lui, du moins en principe. La surnature ne l'est pas car elle le transcende et lui demeure inaccessible sauf révélation, très localement..
- La nature procède de la surnature en ce sens qu'elle en découle, en est la création et que, subtilement mais pas nécessairement, elle lui est soumise.
J'ai débordé les trois lignes mais pas les trois propositions.
Il me semble que c'est clair ; maintenant fédérateur, parce que si cela signifie que tout le monde est d'accord, je ne sais pas parce que je voudrais que quelqu'un m'explique en trois lignes claires et fédératrices, le terme fédérateur.
Dieu
Mon immortalité est provisoire.
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Définir réalité, facile mais je préfère parler de réel.Sand a écrit :Hérétique ! La cuisine est une science !
MF a écrit :UBIK ?silramil a écrit :Hum... un exemple ? applicable à la littérature en question ?
Je ne vois pas en quoi ma définition est statique. Elle est positionnelle : est surnaturel tout ce qui n'est pas naturel. Or, par naturel s'entend ici tout ce qui existe dans la réalité. Par surnaturel, tout ce dont il est impossible de rendre compte, tout ce qui sort des cadres, mais a une action quand même.![]()
définir "réalité" ^^
Sinon, les chercheurs en philo que j'ai vus étaient embarrassés au sens "merde, on avait rien vu", pas au sens "on sait pas quoi en faire".
La vie concrète dépasse toutes les fictions, je le savais d'expérience, mais toutes les philosophies aussi, cet épisode l'a démontré ^^ Elle aura toujours un temps d'avance (et personnellement, ça me stupéfie toujours autant)
C'est ce qui dit non quand on lui propose une expérience qui ne marche pas.
Mon immortalité est provisoire.
La Revue des Deux Mondes (depuis 1829), doyenne des périodiques françaisLensman a écrit :l'existence de revues spécifiques.
Je sais bien que leur époque glorieuse est passée depuis longtemps, mais justement, le fait qu'elles survivent encore vaille de vaille est un sujet d'étonnement pour moi. Elles devraient avoir disparu depuis longtemps. Au USA, il y a toujours F&SF, Analog et Isaac Asimov Magazine.
Il y a-t-il d'autres littératures dans ce cas?
Quelle serait la raison "forte" (à part l'inertie, le hasard, la bonne volonté de deux ou trois cinglés, etc) qui sous-tend cette existence aussi prolongée?
La Nouvelle Revue Française - NRF (1908-...)
Europe (1923- ..)
Les Temps modernes (1945-...)
Souffles (1950-...)
Action Poétique (1956-...)
Si c'est le cas, c'est une fonction : dans ce récit, le dieu est le personnage qui ne fait rien. Tu fais le même relevé sur une centaine de textes significatifs et tu obtiens une image de ce que les auteurs de sf font faire à leurs personnages de dieux. C'est une information.Tu comprends l'ntérêt ?Aldaran a écrit :Mais Silramil dit que dieu n'agissait pas dans ce roman. C'est pour ça que je lui ai donné raison (mais que je continue de ronger l'os contradictoire que soulève de nouveau MF).Lem a écrit :Suggestion. Le statut des objets de la sf est variable selon une multitude de facteurs qui rendent la question "rationnel ou non ?" très difficile à résoudre. Il pourrait être utile de se poser la question en terme de fonctions, un peu à la façon de ce que Propp a fait dans Morphologie du Conte
Bon, je t'accorde qu'il est possible d'avoir cette lecture du "Goût de l'immortalité".silramil a écrit : J'avais fait une petite analyse de ce roman chez Jules de chez Smith d'en face, j'en copie ce qui est pertinent ici.
Ce qui est à l'oeuvre dans le roman est bien plutôt une rationalisation du surnaturel, même si la narratrice se montre remarquablement avare de précisions (ce qui est compréhensible étant donné que c'est une lettre à destination d'un concurrent et partenaire potentiel).
Le point de départ est "et s'il y avait un fond de vérité dans certaines superstitions vaudoues" ; et l'immortalité envisagée ici a pour précurseurs celle des Hommes Vivants de Claude Farrère ou plus précisément celle de Jack Barron.
Il est notable, à cet égard, que le terme zombie n'est pas employé pour désigner les immortels en question, mais des drogués.
Même si la narratrice habille d'un discours superstitieux les procédés employés, rien n'indique que les potions fabriquées par iasmitine puis elle-même soient magiques. Il a même été possible à la narratrice, sans initiation, d'en reconstituer rapidement la procédure.
Un autre exemple: "Expérience Terminale" de Robert J. Sawyer. Une sorte d'IRM améliorée permet de détecter un phénomène particulier se situant dans le cerveau et qui pourrait bien être la manifestation du rattachement de l'âme au corps. Bien entendu, certains personnages soulignent qu'il ne s'agit en aucun cas d'une preuve de quoique ce soit.
Sawyer lui même laisse le lecteur se faire sa propre idée. Sauf que vu que le phénomène en question ne sert absolument à rien d'autre (il est possible de simuler completement le fonctionnement du cerveau, et la simulation ne montre pas le phénomène en question) la balance penche quand même beaucoup vers l'explication de l'existence de l'âme.
Ce roman à pas mal de bonnes idées, mais reste quand même très mauvais. Sachant que le jugement sévère que je lui porte est en partie du à cette surnature, que l'auteur suggère très fortement tout en prétendant le contraire.
Sur les images de pulps postées plus tôt pour – si j'ai bien compris – montrer que la sf n'avait pas besoin de la métaphysique pour justifier son côté "pour ado", une suggestion. Pas plus que les grands thèmes, les images du genre ne sont nées de nulle part. Il serait intéressant d'en faire l'archéologie. Les gravures des Voyages extraordinaires ont leurs sources du côté des gravures des magazines géographiques ou scientifiques, mais pour les pulp – pour un type comme Virgil Finlay par exemple – je pense qu'une partie au moins de l'inspiration est à chercher dans
ça
ça
ou ça
… et par extension dans tout ce type de matériel (Doré a été mondialement célèbre). Les grandes scènes cosmogoniques sont à chercher où vous savez, les scènes mythologique dans la mythologie. Il y avait des femmes ailées et des plongées orbitales avant Hugo Gernsback. Toute la question est de savoir où.
ça
ça
ou ça
… et par extension dans tout ce type de matériel (Doré a été mondialement célèbre). Les grandes scènes cosmogoniques sont à chercher où vous savez, les scènes mythologique dans la mythologie. Il y avait des femmes ailées et des plongées orbitales avant Hugo Gernsback. Toute la question est de savoir où.
Coïncidence assez remarquable : juste après avoir posté sur Doré, je jette un coup d'œil sur France 5 et tombe sur un doc intitulé Tous connectés de Bernard Malaterre. On y parle à cet instant de Second Life ; Jacques Attali et Jean-Claude Guillebaud spéculent sur le virtuel, son avenir, son impact sur la société, etc. Je ne dis rien sur la qualité générale du doc et des propos car à l'instant où je comprends de quoi il est question, Guillebaud déclare (en substance) : "Nous ne savons pas quoi dire de pertinent, en fait, car nous n'avons pas eu le temps de penser cette situation. Le virtuel remet tout en cause. Les concepts de lieux. Les concepts de temps. Les concepts de personne. Nous n'avons pas les outils pour penser ce qui arrive."
Premier réflexe intérieur (comme d'habitude en gros) : "Si ce type avait lu de la sf, il serait quand même moins désemparé. Il saurait au moins que quelque part, il y a une forme littéraire qui travaille ces questions – à défaut de fournir des réponses – depuis vingt ans au moins, et plus encore si on remonte à Galouye et Dick".
Deuxième réflexe : "Eh mais… C'est le sujet du fil. Un intellectuel qui constate son dénuement théorique sur des concepts métaphysiques – face à ces mêmes concepts transformés en objets."
Premier réflexe intérieur (comme d'habitude en gros) : "Si ce type avait lu de la sf, il serait quand même moins désemparé. Il saurait au moins que quelque part, il y a une forme littéraire qui travaille ces questions – à défaut de fournir des réponses – depuis vingt ans au moins, et plus encore si on remonte à Galouye et Dick".
Deuxième réflexe : "Eh mais… C'est le sujet du fil. Un intellectuel qui constate son dénuement théorique sur des concepts métaphysiques – face à ces mêmes concepts transformés en objets."
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Je me suis dit que mon Leviathan ne serait pas totalement hors-sujet, pour faire suite à celui de Doré que tu viens de citer, Lem.
Une jolie petite question politico-métaphysique, et bien réifiée.
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Bruno - http://systar.hautetfort.com
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Le dieu de "For i am a jealous people" ?silramil a écrit :Pas le temps de répondre de manière détaillée, désolé. Je suis conscient que c'est une évaluation de la SF qui engage un système d'analyse tout entier, mais cela me paraît assez simple et défendable dans son ensemble. Il peut exister des cas limites difficiles à analyser...MF a écrit :Y'a que moi que ce que j'ai souligné étonne ?silramil a écrit :Eh bien, étant donné que les dieux sont des êtres surnaturels, c'est-à-dire transcendant la matière, tout dieu présent dans la science-fiction, type de texte n'admettant pas de surnature, est un être matériel, donc pas un dieu au sens où l'entendent les religions.
Et, au passage, si quelqu'un peu me faire trois lignes claires, simples, partagées et fédératrices sur le concept de surnature, je prends.
Car, vu de ma fenêtre, c'est a peu près aussi hétérogène que la métaphysique (ça varie dans le temps et l'espace).
"On devrait jamais quitter Montauban"