Du sense of wonder à la SF métaphysique

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systar
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Message par systar » mar. déc. 08, 2009 2:19 am

Lensman a écrit :
systar a écrit :
bormandg a écrit :le canon de l'Académie.
Dont l'influence sur l'avis des mundanes (coucou Roland!) avoisine le néant.

A Noël, tout le monde va offrir au beau-frère prout-prout qui casse les roustons à tout le monde à table le dernier Goncourt.
Marie N'Diaye, donc, dont il paraît que les trois femmes puissantes sont intéressantes littérairement.
Je crois que, sur ce fil, tout le monde s'en tappe, du Goncourt.
Oui, mais c'est une des composantes de notre réflexion.
Quand on dit à Serge qu'il a tort de s'emmerder à tenter de donner à la SF une légitimation intellectuelle hors du lectorat déjà clairement identifié SF, on manifeste aussi un problème, à mon sens.
Quand on est sûr de la qualité, de la richesse, de la profondeur, de l'émotion et des idées qu'on véhicule, on n'a aucun souci, aucun état d'âme, pour trouver anormal de ne pas être reconnu par tout le monde (symboliquement, culturellement, mais aussi pécuniairement).

Enfin, c'est ma perception de la chose.

Quand je vois l'appétit intellectuel des copains de la philo, je trouve curieux qu'ils n'aient jamais cru pouvoir trouver dans la SF de quoi se rassasier (entre autres types de rassasiements possibles).

Et là, la démarche de Serge devient pertinente, très vite (indépendamment des questions de rigueur méthodologique qui sont ici disputées)

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Lensman
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Message par Lensman » mar. déc. 08, 2009 2:29 am

Lem a écrit : Je propose d'en ajouter un autre qui n'était pas cité jusqu'ici et qui semble pouvoir rendre compte de la perception du genre comme "ridicule". Ce qui est rejeté sous cette perception, c'est l'élément métaphysique de la sf (car au XXème siècle, la métaphysique a été jugée comme globalement "ridicule").
Est-ce que ça répond à ta question ?
J'ai déjà posé la question, mais ce qui n'est toujours pas évident pour moi, c'est comment l'ensemble des prescripteurs arrive à bien repérer les éléments métaphysiques, et comment savent-ils qu'il faut les rejeter?
Pour ma part, je ne suis pas prescripteur, mais je n'avais jamais entendu parler de ce rejet (je ne plaisante pas) avant que tu n'avances ton hypothèse.
Est-ce qu'il n'y a que moi dans cette situation? suis-je à ce point à côté de la plaque, et ignare, en matière culturelle, pour ne m'être jamais aperçu de cela?
J'admettrai très bien d'être à côté de la plaque (ça m'arrive souvent...), mais j'aimerais savoir quelle est la perception des amis du Forum à ce sujet.
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Message par bormandg » mar. déc. 08, 2009 2:33 am

systar a écrit :[Quand on dit à Serge qu'il a tort de s'emmerder à tenter de donner à la SF une légitimation intellectuelle hors du lectorat déjà clairement identifié SF, on manifeste aussi un problème, à mon sens.
Tu as vu qui dire ça? On discute sur la "variable cachée", sur la forme de légitimation que Serge croit fondamentale ou même plutôt pour savoir si cette légitimation-là est fondamentale ou pas plus importante que les autres; mais personne ne conteste que la légitimation, la disparition du "déni", serait une bonne chose. Enfin, je n'ai pas vu quelqu'un dire que la légitimation serait inutile.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Message par Lensman » mar. déc. 08, 2009 2:35 am

systar a écrit :
Quand je vois l'appétit intellectuel des copains de la philo, je trouve curieux qu'ils n'aient jamais cru pouvoir trouver dans la SF de quoi se rassasier (entre autres types de rassasiements possibles).
Evidemment, ce n'est pas si simple, mais il vaudrait mieux leur poser la question à eux, leur demander comment ils arrivent à se passer de cette chose formidable qu'est la SF. Si ils répondent: "Ah; mais on n'était pas au courant", tu peux leur répondre de ma part: "Eh bien, n'hésitez pas à vous renseigner."
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Message par bormandg » mar. déc. 08, 2009 2:40 am

Lem a écrit : Je propose d'en ajouter un autre qui n'était pas cité jusqu'ici et qui semble pouvoir rendre compte de la perception du genre comme "ridicule". Ce qui est rejeté sous cette perception, c'est l'élément métaphysique de la sf (car au XXème siècle, la métaphysique a été jugée comme globalement "ridicule").
Est-ce que ça répond à ta question ?
Ce qui est jugé ridicule, dans le cas particulier des livres SF qui ont une composante métaphysique (mais les autres ne sont pas jugés moins ridicules) ce n'est pas] l'élément métaphysique en tant que telle, c'est la prétention à la "réification" de la métaphysique par la SF. Encore que, comme je l'ai écrit il y a qq messages, les critiques et le public "littéraire" reconnaitront et applaudiront comme de la "vraie métaphysique" le réemploi par un auteur littéraire de bribes d'idées mal comprises et piquées à des auteurs de SF par un auteur reconnu (D'Ormesson, Rufin, ...)...
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Message par bormandg » mar. déc. 08, 2009 2:43 am

Lensman a écrit :
systar a écrit :
Quand je vois l'appétit intellectuel des copains de la philo, je trouve curieux qu'ils n'aient jamais cru pouvoir trouver dans la SF de quoi se rassasier (entre autres types de rassasiements possibles).
Evidemment, ce n'est pas si simple, mais il vaudrait mieux leur poser la question à eux, leur demander comment ils arrivent à se passer de cette chose formidable qu'est la SF. Si ils répondent: "Ah; mais on n'était pas au courant", tu peux leur répondre de ma part: "Eh bien, n'hésitez pas à vous renseigner."
Oncle Joe
Et s'ils répondent "Il est évident qu'il ne peut pas y avoir de questions philosophiques traitées de manière convenable dans une fiction "scientifique", les auteurs et les lecteurs de SF ne seraient pas capables de les comprendre"? Parce que c'est bien comme ça que se formule le jugement "cartésien" sur la SF, non?
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Message par systar » mar. déc. 08, 2009 2:54 am

Lensman a écrit :
systar a écrit :
Quand je vois l'appétit intellectuel des copains de la philo, je trouve curieux qu'ils n'aient jamais cru pouvoir trouver dans la SF de quoi se rassasier (entre autres types de rassasiements possibles).
Evidemment, ce n'est pas si simple, mais il vaudrait mieux leur poser la question à eux, leur demander comment ils arrivent à se passer de cette chose formidable qu'est la SF. Si ils répondent: "Ah; mais on n'était pas au courant", tu peux leur répondre de ma part: "Eh bien, n'hésitez pas à vous renseigner."
Oncle Joe
N'aie crainte; j'ai élaboré empiriquement une stratégie pour les convertir!
J'ai un certain nombre d'auteurs que j'aime bien désigner comme "Cheval de Troie", qui servent à établir une tête de pont en territoire ennemi, et ensuite on élargit :wink:

Du reste, quand on veut faire découvrir quelque chose en littérature à un ami, on a le droit à un ou deux livres, avant d'être identifié "goûts-de-chiottes". C'est là qu'il ne faut pas se louper.
mais désormais j'ajouterai, à la fin de mon laïus prosélyte: "et puis, dans notre milieu, notre Tonton érudit et bienveillant, s'il était là, t'encouragerait à fouiner un peu plus par toi-même!"

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Message par systar » mar. déc. 08, 2009 2:56 am

bormandg a écrit : Parce que c'est bien comme ça que se formule le jugement "cartésien" sur la SF, non?
Non.

Jamais croisé.

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Message par Lensman » mar. déc. 08, 2009 2:56 am

bormandg a écrit :[
Et s'ils répondent "Il est évident qu'il ne peut pas y avoir de questions philosophiques traitées de manière convenable dans une fiction "scientifique", les auteurs et les lecteurs de SF ne seraient pas capables de les comprendre"? Parce que c'est bien comme ça que se formule le jugement "cartésien" sur la SF, non?
Ce en quoi ils auront raison: quelle idée de passer par la fiction pour traiter de ce type de problème! Par contre, ce type de problème peut servir de soubassement à une fiction, qui est une construction artistique dans laquelle des éléments de réflexion peuvent être présents. Mais une fiction, c'est à dire un jeu, auquel personne n'est obligé de jouer s'il n'aime pas ça.
Dans nos débats, on perd souvent de vue que nous parlons de fiction à but de distraction (les gens lisent des romans, des nouvelles, pas des traités ou des thèses), et donc je le rappelle souvent...
Oncle Joe

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Message par Lensman » mar. déc. 08, 2009 3:01 am

systar a écrit : Du reste, quand on veut faire découvrir quelque chose en littérature à un ami, on a le droit à un ou deux livres, avant d'être identifié "goûts-de-chiottes". C'est là qu'il ne faut pas se louper.
mais désormais j'ajouterai, à la fin de mon laïus prosélyte: "et puis, dans notre milieu, notre Tonton érudit et bienveillant, s'il était là, t'encouragerait à fouiner un peu plus par toi-même!"
Ah, l'enthousiasme de la jeunesse!
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Message par systar » mar. déc. 08, 2009 3:02 am

Lensman a écrit :
bormandg a écrit :[
Et s'ils répondent "Il est évident qu'il ne peut pas y avoir de questions philosophiques traitées de manière convenable dans une fiction "scientifique", les auteurs et les lecteurs de SF ne seraient pas capables de les comprendre"? Parce que c'est bien comme ça que se formule le jugement "cartésien" sur la SF, non?
Ce en quoi ils auront raison: quelle idée de passer par la fiction pour traiter de ce type de problème! Par contre, ce type de problème peut servir de soubassement à une fiction, qui est une construction artistique dans laquelle des éléments de réflexion peuvent être présents. Mais une fiction, c'est à dire un jeu, auquel personne n'est obligé de jouer s'il n'aime pas ça.
Dans nos débats, on perd souvent de vue que nous parlons de fiction à but de distraction (les gens lisent des romans, des nouvelles, pas des traités ou des thèses), et donc je le rappelle souvent...
Oncle Joe
Ben curieusement, et venant de la philo, j'aurais envie de penser que, par moments, quand la pensée rationnelle systématique bute, elle peut faire appel à la fiction.
La fiction peut permettre d'aller plus loin que la pensée purement conceptuelle.
Mais là encore, c'est "intuitif", il faudrait que j'arrive à étayer cela...

Pour ma part, je vois dans la fiction un mode de pensée à part entière, et jamais uniquement un jeu, ou une distraction.
Parfois, je mets de côté l'aspect "pensant" de la fiction, mais dans toute oeuvre réussie, il n'est jamais totalement absent.

La plupart du temps, on lit de la SF pour prendre du plaisir, et la pensée vient par surcroît, ou, disons: la nouveauté des idées apportées par la SF ne viendra que par surcroît.
Mais je crois aussi que le titre français du tome II de Jameson: Penser avec la science-fiction, n'est pas un titre trompeur.

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Message par Lensman » mar. déc. 08, 2009 3:07 am

systar a écrit :
La plupart du temps, on lit de la SF pour prendre du plaisir, et la pensée vient par surcroît, ou, disons: la nouveauté des idées apportées par la SF ne viendra que par surcroît.
Mais je crois aussi que le titre français du tome II de Jameson: Penser avec la science-fiction, n'est pas un titre trompeur.
La SF me donne souvent à réfléchir, c'est vrai, mais j'ai toujours à l'esprit qu'il s'agit d'une production d'illusionnistes (je suis fasciné par les illusionnistes...).
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Message par Matthieu » mar. déc. 08, 2009 3:10 am

systar a écrit : Quand on est sûr de la qualité, de la richesse, de la profondeur, de l'émotion et des idées qu'on véhicule, on n'a aucun souci, aucun état d'âme, pour trouver anormal de ne pas être reconnu par tout le monde (symboliquement, culturellement, mais aussi pécuniairement).
Enfin, dans le monde réel, c'est à dire pas chez ceux qui décident du Goncourt et leur bande, la plupart des gens savent ce que c'est que la science-fiction et même en lisent.

N'importe quelle bibliothèque municipale à son rayon SF, plus ou moins grand. Pareil pour les librairies généralistes.

Lem

Message par Lem » mar. déc. 08, 2009 3:24 am

Erion a écrit :C'est un problème de logique.
De la part du gars qui postule "science = ridicule donc", je m'attends à tout.
Tu prends qu'il y a de la métaphysique dans la SF (ce qui est différent de dire que la SF= métaphysique). Tu prends qu'il y a un effacement de la métaphysique au XXe siècle. Et tu relies les deux.
La corrélation s'appuie sur plus d'éléments et ils sont plus consistants. C'est deux ou trois pages avant.
En plus, tu prends de manière totalement naïve, les arguments des défenseurs de la proto-sf comme si ce qu'ils disaient représentaient le réel, la réalité.
Je me sers de ce que j'ai. Je n'ai pas la collection complètes de toutes les revues littéraires françaises du XXème siècle. J'ai des textes critiques sf que j'exploite autant que je peux pour étayer l'hypothèse et essayer d'imaginer des pistes de recherches.
Alors soit tu le fais en critique interne, soit tu trouves des critiques externes. C'est ça le point de départ qui devrait servir ta réflexion. Alors que tu nous présente le point d'arrivée comme évident.
Constantin Tsiolkovski : "Je fais l'hypothèse que la Lune est un monde solide. Nous devrions pouvoir y poser un engin."
Erion : "COMMENT osez-vous faire une TELLE hypothèse alors que VOUS n'êtes pas allé sur la LUNE ?"
Modifié en dernier par Lem le mar. déc. 08, 2009 4:06 am, modifié 1 fois.

Lem

Message par Lem » mar. déc. 08, 2009 3:34 am

Sand a écrit :Je me répète encore : la SF cumule les "tares" : d'origine américaine (réelle ou supposée, c'est comme ça que la SF est perçue), ET avec de la métaphysique, ET avec du techno-blabla, ET avec tout un pan mal séparé de l'ésotérisme (et un auteur qui a fondé une secte), ET avec aussi tout un pan pas très bien écrit, ET [insérer ici arguments moultement développés]
C'est ça, voilà.
Ma contribution (pour l'instant encore hypothétique) à cette liste : la métaphysique et la frontière floue, dans l'esprit du public, avec l'ésotérisme et les trucs bizarres : deux causes de rejet (ou une cause dédoublée) que la critique interne a jusqu'ici écartées en grommelant cela-n'a-rien-à-voir-avec-nous.

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