Pour une approche quantique de la SF par Claude Ecken

Modérateurs : Eric, jerome, Jean, Travis, Charlotte, tom, marie.m

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » sam. janv. 29, 2011 8:37 pm

Lensman a écrit :
silramil a écrit :
Cf. ma réponse plus haut : s'il détecte des qualités communes, il n'est qu'un révélateur.

Cela dit, je placerai perso l'émergence de la science-fiction en aval de cet acte - Gernsback ne crée rien : il rend l'apparition possible.
Pour ce qui est des anthologies de lettres de fous, j'ai l'impression que ça a moins pris, d'un point de vue éditorial, que la science-fiction. Mais je peux me tromper, mon ignorance du corpus du tout-venant de la littérature générale est en train de devenir proverbiale...
Oncle Joe
Eh, on parle simplement de la nature des textes. pas besoin qu'ils aient du succèes pour ça.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » sam. janv. 29, 2011 8:43 pm

silramil a écrit :
Eh, on parle simplement de la nature des textes. pas besoin qu'ils aient du succèes pour ça.
Ah, la nature? comparer la nature des lettres de fous à celle des nouvelles de Wells ? C'est une question sérieuse?
Oncle Joe

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » sam. janv. 29, 2011 8:58 pm

Lensman a écrit :
silramil a écrit :
Eh, on parle simplement de la nature des textes. pas besoin qu'ils aient du succèes pour ça.
Ah, la nature? comparer la nature des lettres de fous à celle des nouvelles de Wells ? C'est une question sérieuse?
Oncle Joe
Hum.
Je n'ai jamais comparé l'un et l'autre, mais comparé le geste de Breton et le geste de gernsback
Quand Breton dit "ceci [lettre de fou] est de la littérature" c'est un geste artistique qui, quelle que soit la manière dont on l'interprète, fait entrer dans la littérature des textes qui n'y étaient pas.
Quand gernsback dit "ceci [les textes rassemblés dans sa revue] est de la scientifiction", c'est un geste artistique qui, quelle que soit la manière dont on l'interprète, est susecptible de faire rentrer ces textes dans la littérature de scientifiction.

De plus, j'ai bien dit qu'il ne les faisait pas rentrer dans quoi que ce soit, mais qu'il préparait le terrain pour l'écriture de textes de science-fiction, en donnant des modèles approximatifs avec ces textes.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » sam. janv. 29, 2011 8:59 pm

En plus cette question n'a rien à voir avec la choucroute, il y a eu diversion efficace.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 29, 2011 9:31 pm

Le_navire a écrit :
Lensman a écrit : Je réagis tout de même à ta remarque sur Breton, qui m'intrigue. Ce ne sont pas les lettres de fous qui sont de la littérature, c'est l'acte qu'effectue Breton avec les lettres de fous.
Yes.
Ouaip. Comme pour l'urinoir.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Avatar du membre
Roland C. Wagner
Messages : 3588
Enregistré le : jeu. mars 23, 2006 11:47 am

Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 29, 2011 9:33 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :La bizarrerie, pour moi, c'est qu'il faille du temps pour se rendre compte du caractère militant
Militer pour la SF, c'est une chose.
Militer pour la SF-en-tant-qu'elle-est-incompatible-avec-la-littérature-générale, c'est tout autre chose.

Pour faire moi-même une analogie, c'est comme si je prétendais 'écrire un article pour les droits de l'homme en général alors que mon intention réelle est de militer pour la Ligue des droits de l'homme. Les deux démarches sont tout à fait recevables – mais pas l'une déguisée en l'autre (car il existe d'autres organisations de défense des droits de l'homme que la Ligue).
Arrête de branler du chef, tu vas attraper une crampe.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

الكاتب يكتب

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » sam. janv. 29, 2011 9:42 pm

silramil a écrit :
Hum.
Je n'ai jamais comparé l'un et l'autre, mais comparé le geste de Breton et le geste de gernsback
Quand Breton dit "ceci [lettre de fou] est de la littérature" c'est un geste artistique qui, quelle que soit la manière dont on l'interprète, fait entrer dans la littérature des textes qui n'y étaient pas.
Quand gernsback dit "ceci [les textes rassemblés dans sa revue] est de la scientifiction", c'est un geste artistique qui, quelle que soit la manière dont on l'interprète, est susecptible de faire rentrer ces textes dans la littérature de scientifiction.

De plus, j'ai bien dit qu'il ne les faisait pas rentrer dans quoi que ce soit, mais qu'il préparait le terrain pour l'écriture de textes de science-fiction, en donnant des modèles approximatifs avec ces textes.
Des gestes artistiques ? oui.
Oncle Joe

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » dim. janv. 30, 2011 1:12 am

J'ai enfin lu cet article et il valait à soi seul l'achat de ce numéro de Bifrost. (en revanche, étrangement, je ne parviens pas à lire les pages des razzies, mes yeux se remplissent de petits coeurs quand j'essaie. C'est un peu pénible).
Lem a écrit :
Je l'ai lu, cet article, et il me laisse une impression mitigée.

Je précise à toutes fins utiles que cette impression est respectueuse du travail de Claude, de son désir de prendre le sujet au sérieux et de, réellement, le penser. C'est bien parce qu'il accomplit cet effort qu'on peut discuter du résultat et le juger plus ou moins réussi.

Je ne fais pas une analyse détaillée – je n'ai pas le temps et je n'ai lu le texte qu'une seule fois, sans prendre de notes – mais un simple relevé de ce qui me semble ses points forts & faibles.
Je réponds dans les mêmes conditions, en gardant l'article pas loin.
Deux points forts : l'ambition intellectuelle et la contextualisation historique qui est, selon moi, le fer de lance du papier. Cela dit, ce n'est peut-être pas ainsi que Claude l'a conçu. Son propos est de revenir une nouvelle fois sur le problème de la définition et de montrer que s'il reste sans solution depuis près d'un siècle, c'est parce que les définisseurs n'ont pas encore fait leur révolution copernicienne – ou plutôt "bohrienne" : la SF ce n'est pas X ou Y mais X et Y. Le mot-clé, ce n'est pas X, Y, ni aucun autre terme soi-disant définisseur mais "et". La SF est deux choses en même temps et il faut admettre cette dualité pour unifier ses propriétés en un tout cohérent. Bref, la SF est un objet quantique qui se comporte, tantôt d'une façon, tantôt d'une autre. Ce découpage est posé au début de l'article ("la SF comme particule" ; "la Sf comme onde") et structure ses développements ultérieurs.
Nous sommes d'accord sur les points forts. C'est du boulot sérieux, documenté, très utile.
En revanche, je crois que tu fais une erreur d'interprétation potentiellement problématique ici.
Il ne s'agit pas de poser la SF en objet paradoxal (union de deux choses contradictoires en même temps) mais d'établir selon quelles logiques on peut répartir les oeuvres en science-fiction / non science-fiction, afin d'en souligner les insuffisances. Les catégories empruntées à la mécanique quantique ne servent qu'à illustrer ces méthodes de classement.
L'approche "corpusculaire" se concentre sur les objets de la SF, ce qui conduit à classer en fonction d'éléments de surface - présence ou non de thèmes de SF.
L'approche "ondulatoire" consiste à valoriser la cohérence et la continuité des hypothèses envisagées, sans s'attarder sur la présence de thèmes de SF.
L'une et l'autre approches sont critiquées, car elles poussent à inclure des oeuvres contestables et à manquer des oeuvres importantes.

Il n'est pas question, au moment où sont évoquées les deux approches, de croiser leurs ensembles, mais bien de souligner à quelles foires d'empoigne chacune peut mener.

S'ensuit alors une longue récapitulation historique qui remonte au tout début du XXème siècle et s'intéresse aux premières perceptions/intuitions du genre naissant, montrant que ladite dualité était présente dès le départ. Le statut de Verne, Rosny, Wells, les travaux de Marcel Réja (que je ne connaissais pas), ceux de Maurice Renard, la faiblesse théorique de Gernsback lorsque vient son tour d'aborder le sujet vingt ans plus tard (mais Claude fait de cette faiblesse une force, expliquant que l'approche pragmatique de Gernsback est justement la clé de son succès)… tous ces moments fondateurs, non seulement du problème de la définition mais de la SF comme catégorie, sont racontés avec un grand souci du détail. A mes yeux – mais j'admets volontiers que tout ceci m'intéresse anormalement et que ma perception est orientée par le fait que les analyses de Claude recoupent à peu près les miennes, que je suis donc impartial –, ce passage est le plus réussi de l'article ; de ce point de vue, il pose des jalons que tout critique désireux d'aborder le domaine ne pourra plus négliger. Rien que pour cela, ce texte mérite d'être lu.
Nous en sommes d'accord.
Je dirais même plus: Claude parvient à faire de ces débats un peu vieillots un sujet captivant. J'ai malgré tout quelques réserves sur la manière de faire progresser le raisonnement historique, mais c'est mineur.
Pour ce qui est de l'usage du terme "science-fiction" pour parler de la littérature d'imagination scientifique, j'ai mes réserves, mais là je commencerais à parler de mes théories et plus de celles de Claude.
Les points faibles : le caractère arbitraire ou forcé de certains enchaînements logiques qui reflète à petite échelle – c'est du moins ainsi que je l'explique – le caractère arbitraire ou forcé du texte lui-même.
Je ne suis pas très sûr de comprendre ce que cela signifie. Est-ce à dire que Claude veut démontrer à toute force une thèse et qu'il choisit parfois d'ignorer des arguments incompatibles avec elle ?
Pour ma part, je ne suis pas tout à fait certain qu'il y a une thèse bien précise - j'ai l'impression que ce texte vaut plus par l'expérience qu'on en fait (on sent à quel point c'est compliqué et déjà pensé depuis longtemps) que par les conclusions qu'on en tire.

Je donne deux exemples de tels maillons faibles :
Houlà, je vais être obligé de scinder la démonstration de Lem, j'espère qu'on s'y retrouvera quand même.
– dès l'exposé de sa problématique ("la Sf comme particule", p. 117), Claude montre une tendance certaine à sauter directement des prémisses aux conclusions. Qu'est-ce que "la SF comme particule" selon lui ? "En schématisant beaucoup, une vision corpusculaire de la SF s'attache à ses thèmes et ses codes comme les robots, les images un peu jaunies du space opera, les histoires de voyages dans le temps" etc. Bref, c'est la SF comme inventaire, comme collection d'objets. Cette définition fonctionne-t-elle ? Claude répond : "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie – ce qui n'empêche pas d'en faire commerce avec les plus naïves franges de consommateurs, généralement enfants, qui peuvent aussi être grands."
Je l'ai déjà dit plus haut, mais je le répète. Il me semble qu'il y a un malentendu initial ici. La démarche de Claude ne consiste pas à imposer, par la rigueur de l'analogie, une définition particulière de la science-fiction. Il utilise la mécanique quantique à des fins d'illustration, pour donner une structure à ses développements.
De plus, son objectif lorsqu'il oppose les deux approches de la SF n'est pas d'établir des critères indéniables, mais de montrer les limites de chaque approche.
Ici : "se fonder sur les thèmes ? mais ça nous impose de prendre en compte la verroterie" - et il ne le refuse même pas, il dit juste que c'est un effet secondaire désagréable.
On voit tout de suite le problème : à peine ébauchée la problématique de "la SF comme particule" (la difficulté de définir de cette manière), Claude introduit un jugement de valeur ("ça impose d'admettre la verroterie") qui n'a rien à voir. Il déduit d'une conséquence désagréable de son postulat (désagréable et surtout non prouvée : car il y a des tonnes de verroterie dans la SF qui sont bien… de la SF) l'inanité dudit postulat. C'est une faute de raisonnement qui se produit dès le début du papier et, à mon sens, entache toute la suite.
Je reconnais que, présenté comme cela, c'est problématique.
Néanmoins, tu interprètes de manière excessive et trop tranchée.
- Oui, il y a bien un jugement de valeur.
- Oui, ce jugement de valeur est indépendant du postulat initial. Ou plus exactement, il s'agit d'un effet secondaire.
- Non, il ne remet pas en cause la place de la verroterie dans la SF. Au contraire, il souligne la difficulté de faire l'unanimité si on s'avise de déplacer le curseur pour faire sortir de la SF des oeuvres employant ses objets.
- Non, cela n'implique pas l'inanité de cette approche - cela en marque les limites opératoires.
En somme, la présence de verroterie dans la SF empêche de considérer le critère thématique comme une clef d'explication parfaite de la SF.
Même si je ne suis pas complètement d'accord, il n'y a pas ici de faute logique à mon sens.
Qui plus est, cette faute est immédiatement suivie/compliquée d'une autre qui la démultiplie : "Définir un récit de SF par sa seule quincaillerie n'est pas pertinent. Mais son absence rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun. L'émerveillement seul ne suffit pas, ou alors il faut intégrer au corpus tout thriller technologique (…) qui déclenche cette émotion particulière. La SF n'a pas le monopole du sense of wonder."
Alors, là, je suis à 100% avec lui, comme nous avons eu l'occasion d'en parler dans le fil M.
Ceci arrachera peut-être un sourire à ceux qui se souviennent du fil M, mais peu importe. Claude pose une chaîne logique qui cède à la première traction :
1) il fait comme s'il avait démontré l'impossibilité de définir par la quincaillerie alors que sa démonstration n'est qu'un jugement de valeur (il faudrait admettre la verroterie)
Pas d'accord, comme expliqué plus haut.
2) il place à cet endroit stratégique une charnière logique tellement nébuleuse qu'il est presque impossible de l'approuver ou de la réfuter, tout simplement parce qu'elle ne veut rien dire : "L'absence [de quincaillerie] rend tout autant impossible l'assimilation d'un texte qui n'en comporte aucun." Le "aucun" final ne paraît renvoyer à rien. J'ai beau relire, je suis incapable de répondre à la question "aucun quoi ?". Le plus logique est de supposer qu'il s'agit d'une faute, que Claude voulait écrire "aucune" (auquel cas le mot renvoie alors à la quincaillerie.) Mais même si tel est bien le cas, ce moment-clé du raisonnement me paraît extraordinairement obscur. En substance : "Définir par la quincaillerie n'est pas pertinent mais l'absence de quincaillerie rend impossible le classement dans la SF d'un texte sans quincaillerie."
Je suis d'accord avec l'hypothèse de la coquille : lire "aucune" à la place de "aucun".
Je ne comprends pas ce qui te gêne dans cette phrase, sinon qu'elle est un peu maladroite.
Définir par la "seule quincaillerie" n'est pas pertinent pour comprendre la science-fiction, selon lui. (il y aurait de quoi nuancer) mais en revanche, s'il n'y a pas du tout de quincaillerie, on n'est pas dans de la SF, mais dans un autre type de texte, qui émerveille d'une manière similaire.
Je reconnais qu'on peut ne pas être d'accord avec lui là-dessus, mais pas sur l'obscurité de ce point.
Ce n'est pas du pinaillage, c'est le cœur même de la démonstration de Claude. Il n'en est qu'au début de son papier, il commence à exposer les raisons pour lesquelles il va falloir adopter à l'endroit de la SF une attitude quantique (apprendre à la considérer comme particule et onde). Il essaie donc de prouve que la définition "comme particule" ne suffit pas. Le problème, c'est qu'il ne le prouve pas. Cela obère à mes yeux toute la suite du texte.
Il ne le prouve pas ici, mais un tout petit peu plus bas, lorsqu'il parle des difficultés à établir des limites à partir de l'émerveillement provoqué par les objets scientifiques.
Mais je reconnais qu'il ne se donne pas à fond là-dessus. D'une certaine manière, le seul fait qu'une deuxième approche (comme onde) soit possible et donne des résultats suffit à établir que la première n'est pas entièrement satisfaisante.
Deuxième exemple de maillon faible : la conclusion (p. 143). Je n'entre pas dans les détails, je suis déjà trop long. Après avoir posé sa problématique puis retracé l'histoire de la définition, Claude généralise son approche et multiplie les analogies quantiques à la recherche de conséquences inattendues et peut-être révélatrices (par exemple : "On pourrait poursuivre longtemps ce jeu, en tentant de se pencher sur le principe d'exclusion de Pauli pour vérifier, au sein de cette littérature, la façon dont la SF repose sur le critère d'originalité (…) Ces analogies très ludiques pourraient se révéler porteuses de sens.")

Pourquoi pas ? Mais outre que le "jeu" paraît de plus en plus artificiel et forcé au fil des pages (même en tenant compte de la dimension ludique revendiquée par l'auteur), le "sens" espéré paraît soudain extrêmement ténu quand on vient à la conclusion :
– "De l'incompatibilité entre la mécanique quantique et la relativité générale découle le fait qu'il ne sert à rien de tenter de faire admettre la SF auprès des instances de légitimation (les deux se développent indépendamment l'une de l'autre).
– De même il est tout aussi vain d'inscrire la SF dans un système macrocosmique soumis à l'influence de la gravitation : les jeux et les enjeux ne sont pas les mêmes. La manière d'aborder l'œuvre n'est pas la même : cela est visible chez les auteurs passés d'une littérature à l'autre ou dans la façon dont est "vendu" au lecteur de littérature tout court un ouvrage relevant de la SF. Les tentatives éditoriales ou marketing de la SF allant dans ce sens ont, à ce jour, échoué. La starisation de l'auteur, invité régulier des plateaux télé, au sommaire de magazines grand public, sollicité pour donner son avis sur n'importe quelle question, n'est pas envisageable, sauf à s'extraire du système quantique pour se densifier en relativité générale". Ces deux littératures restent incompatibles entre elles comme les deux systèmes physiques dont elles relèvent…


Je ne reviens pas sur le fait que le raisonnement de Claude est faussé dès le début. Même en faisant semblant de croire qu'il se tient de bout en bout, que l'analogie fonctionne et produit des conséquences logiques qui, transposées dans le monde normal (où la SF n'est pas un objet quantique), peuvent donner du sens, voilà un gros effort conceptuel pour aboutir, en substance, à… la réaffirmation que SF et littérature générale ne peuvent pas se mélanger – c'est à dire à pas grand-chose. (Je remarque d'ailleurs que Claude, dont la culture scientifique est très supérieure à la mienne, fait une proposition risquée quand il écrit que "les deux [mécanique quantique et relativité générale – ie – SF et littérature générale] se développent indépendamment l'une de l'autre." Ah bon ? La cosmologie ne se sert jamais des résultats de la MQ, ni vice-versa ?) Un pas grand-chose qui se rétrécit encore car Claude oublie un fait élémentaire dans toute sa démonstration : il n'existe pas non plus de définition de la littérature. S'il avait pris en compte cette donnée, il aurait rangé SF et littgen dans le même domaine quantique et tout aurait été à refaire. Mais – et c'est sans doute la raison pour laquelle il saute si vite des prémisses aux conclusions aux moments-charnières de son papier – Claude a probablement un but dès le départ et ce but est précisément sa conclusion : prouver l'incompatibilité. Son papier est, quoi qu'il arrive, intéressant, mais il est surtout intéressé. Il ne déduit pas les conséquences logiques de son analogie de base : il déduit de son analogie une conclusion qu'il veut rétro-prouver par des conséquences pseudo-logiques.
Alors, là, j'ai un peu du mal à trouver par où commencer.

Je me suis retenu jusqu'ici de faire allusion aux débats qui ont suivi, mais une chose que je ne comprends pas, c'est ton refus de voir ce qu'il y a de ludique dans le texte de Claude.
Son analogie n'est pas rigoureuse, elle est poétique. Il l'oublie à peu près totalement dans les parties les plus documentées sur l'histoire littéraire. Il place ici ou là des références, mais on pourrait enlever le début et la fin du texte en gardant l'essentiel du sens documentaire.
Par ailleurs, ce n'est pas de l'analogie avec la mécanique quantique qu'il tire la conclusion que littérature générale et science-fiction ne font pas bon ménage, mais bien de sa partie historique.
p. 138 "On a vu, à travers ce long détours aux sources de la SF que la science-fiction s'intègre mal au reste de la littérature"
Ce n'est qu'à la suite de sa démonstration historique qu'il entreprend de schématiser de façon un peu construite les rapports entre l'édifice littéraire (non pas la littérature comme production esthétique, mais le champ littéraire,avec ses instances de légitimation) et le domaine de la SF.
En fait, il ne produit pas une analogie, mais une série de métaphores filées.

Globalement, sa "conclusion" est un long délire ("il ne faut jamais s'interdire de délirer", p. 142). Lui prêter l'intention de faire une démonstration rigoureuse et impeccable est donc étrange.
Par ailleurs, la toute fin du texte ne s'accorde pas avec une volonté de "prouver l'incompatibilité" : il appelle de ses voeux une critique qui, enfin, permettrait de traiter d'un même mouvement la science-fiction et le reste de la littérature.

J'avoue quand même que cela me laisse perplexe, car je n'ai jamais compris la difficulté qu'il peut y avoir à penser ensemble littérature de science-fiction et littérature en général.
J'aime beaucoup Claude et j'ai le plus grand respect pour lui alors, ma propre conclusion sera souriante : bien essayé.
Ben justement, c'est un essai. Une oeuvre d'art. Avec une visée esthétique.
Et c'est plutôt marrant comme texte.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » dim. janv. 30, 2011 1:19 am

Et sinon, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de définition de la littérature (enfin, si, selon moi) qu'elle a automatiquement un statut quantique.
Si on suit les images et lesmétaphores de Claude, on s'aperçoit qu'il n'y a rien de fixé ni de définitif dans la littérature non plus, mais que ce sont des problèmes gravitationnels (des histoires de planètes et de satellites) qui renvoient au jeu des instances de légitimation et de reconnaissance.
La difficulté de définir la littérature me paraît effectivement d'ordre macrocosmique, non pas quantique.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Lem

Message par Lem » dim. janv. 30, 2011 3:06 am

Silramil : jolie lecture.

Je reviens sur quelques points importants :
silramil a écrit :je crois que tu fais une erreur d'interprétation potentiellement problématique ici.
Il ne s'agit pas de poser la SF en objet paradoxal (union de deux choses contradictoires en même temps)…
C'est le résultat auquel Claude parvient – alors il faut bien supposer que c'est de ça qu'il s'agit : "La notion de dualité onde-corpuscule permet de comprendre que ce qu'on appelle souvent des particules peut aussi avoir un comportement ondulatoire et donc présenter des interférences : qu'on le veuille ou non, qu'on ait du mal à l'accepter (mais la mq défie aussi le sens commun) la science-fiction est définitivement double. (…) Tout le monde en puisant dans ses souvenirs parvient à retrouver des exemples exhibant de telles contradictions et a tendance à séparer le ton grain de l'ivraie à l'aune de ses préférences. Il en résultera deux ensembles qui sont tous deux de la SF." (p. 142)
mais d'établir selon quelles logiques on peut répartir les oeuvres en science-fiction / non science-fiction, afin d'en souligner les insuffisances. Les catégories empruntées à la mécanique quantique ne servent qu'à illustrer ces méthodes de classement.
Ne frôle-t-on pas le sophisme ici, Silramil ? A ce compte-là, on peut aussi bien écrire que Niels Bohr n'a utilisé les catégories "particules" et "ondes" dans la mq que pour constater leurs insuffisances en tant que méthodes de classement des phénomènes microphysiques. (1) L'usage du concept du dualité va bien au-delà d'une telle constatation.
Il n'est pas question, au moment où sont évoquées les deux approches, de croiser leurs ensembles, mais bien de souligner à quelles foires d'empoigne chacune peut mener.
Il en est totalement question, au contraire. C'est le but explicite que se donne Claude dans son introduction : "On peut néanmoins proposer de réunir [les définitiions] qui ont une validité partielle, reconnue et partagée, dans une méta-définition." (p. 115) Qu'est-ce d'autre, cette démarche, que "croiser les ensembles" ?

skip la partie historique.
Silramil a écrit :
Lem a écrit :Les points faibles : le caractère arbitraire ou forcé de certains enchaînements logiques qui reflète à petite échelle – c'est du moins ainsi que je l'explique – le caractère arbitraire ou forcé du texte lui-même.
Je ne suis pas très sûr de comprendre ce que cela signifie. Est-ce à dire que Claude veut démontrer à toute force une thèse et qu'il choisit parfois d'ignorer des arguments incompatibles avec elle ?
C'est en effet mon impression.
Pour ma part, je ne suis pas tout à fait certain qu'il y a une thèse bien précise - j'ai l'impression que ce texte vaut plus par l'expérience qu'on en fait (on sent à quel point c'est compliqué et déjà pensé depuis longtemps) que par les conclusions qu'on en tire.
Hmm. On y reviendra. C'est un point important mais on peut le traiter à part.
Je l'ai déjà dit plus haut, mais je le répète. Il me semble qu'il y a un malentendu initial ici. La démarche de Claude ne consiste pas à imposer, par la rigueur de l'analogie, une définition particulière de la science-fiction. Il utilise la mécanique quantique à des fins d'illustration, pour donner une structure à ses développements.
Il n'y a pas de malentendu, comme je crois l'avoir montré plus haut dans ce post. Il y a une lecture de son analogie comme assez forte. Je dis bien : "assez" ; je ne suis pas obtus, j'ai perçu la nature ludique de certains développements eckeniens. Mais au final, il me semble que ce texte et son contexte émettent davantage de messages en faveur d'une lecture "sérieuse" que d'une lecture "poétique". C'est lié à la question immédiatement précédente (thèse bien précise ou non). On verra plus tard.
De plus, son objectif lorsqu'il oppose les deux approches de la SF n'est pas d'établir des critères indéniables, mais de montrer les limites de chaque approche.
Déjà vu plus haut. Tu choisis de lire le projet de départ comme une version faible ("montrer les limites"). Mais Claude écrit bel et bien dans son intro que son but excède cette simple reconnaissance des limites. Il y a un projet de méta-définition. Il faut bien tenir compte de ces mots qui formulent le projet du texte, dès la première page.
Je reconnais que, présenté comme cela, c'est problématique.
Néanmoins, tu interprètes de manière excessive et trop tranchée.
- Oui, il y a bien un jugement de valeur.
- Oui, ce jugement de valeur est indépendant du postulat initial. Ou plus exactement, il s'agit d'un effet secondaire.
- Non, il ne remet pas en cause la place de la verroterie dans la SF. Au contraire, il souligne la difficulté de faire l'unanimité si on s'avise de déplacer le curseur pour faire sortir de la SF des oeuvres employant ses objets.
- Non, cela n'implique pas l'inanité de cette approche - cela en marque les limites opératoires.
En somme, la présence de verroterie dans la SF empêche de considérer le critère thématique comme une clef d'explication parfaite de la SF.
Même si je ne suis pas complètement d'accord, il n'y a pas ici de faute logique à mon sens.
Voir à nouveau au-dessus. Le projet est explicitement plus fort que cette simple constatation des limites. Et voir aussi mes premiers échanges avec MF sur le sens de la phrase : "Se limiter à cette seule définition impose de ranger dans le corpus tout ce qui comporte un seul ou l'autre de ces éléments. De ce point de vue, il existe des romans sentimentaux de SF, pas seulement dans Harlequin, des comédies et des récits pour la jeunesse dont la liste serait interminable et qui relèvent autant de la SF que la verroterie de la bijouterie". Sens qui varie suivant qu'on en souligne certaines parties ou d'autres.
(Si j'écris : "Ce roman policier est un polar comme moi je suis le pape", que veux-je dire ? Que c'est un roman policier ou non ?)

La suite plus tard, éventuellement.


(1) Oui, oui, je sais… Quelqu'un va finir par débarquer pour m'expliquer que c'est bien ce que Niels Bohr a fait.

Avatar du membre
Eons
Messages : 6338
Enregistré le : sam. févr. 17, 2007 6:49 pm
Localisation : Le cœur de Flandre
Contact :

Message par Eons » dim. janv. 30, 2011 8:36 am

Lem a écrit :A ce compte-là, on peut aussi bien écrire que Niels Bohr n'a utilisé les catégories "particules" et "ondes" dans la mq que pour constater leurs insuffisances en tant que méthodes de classement des phénomènes microphysiques.
C'est ce qu'on appelle effet de Bohr, on ne s'en méfie jamais assez. :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » dim. janv. 30, 2011 8:57 am

silramil a écrit :
Il ne s'agit pas de poser la SF en objet paradoxal (union de deux choses contradictoires en même temps) mais d'établir selon quelles logiques on peut répartir les oeuvres en science-fiction / non science-fiction, afin d'en souligner les insuffisances. Les catégories empruntées à la mécanique quantique ne servent qu'à illustrer ces méthodes de classement.
L'approche "corpusculaire" se concentre sur les objets de la SF, ce qui conduit à classer en fonction d'éléments de surface - présence ou non de thèmes de SF.
L'approche "ondulatoire" consiste à valoriser la cohérence et la continuité des hypothèses envisagées, sans s'attarder sur la présence de thèmes de SF.
L'une et l'autre approches sont critiquées, car elles poussent à inclure des oeuvres contestables et à manquer des oeuvres importantes.

Il n'est pas question, au moment où sont évoquées les deux approches, de croiser leurs ensembles, mais bien de souligner à quelles foires d'empoigne chacune peut mener.



C'est l'aspect élégant de son analogie. C'est une manière élégante (que l'on pourra ressortir dans les salons littéraires...) de rappeler que, dans les discussions sur la SF, ainsi que les discussions sur la réception de la SF, on saute sans arrêt du problème du fond à celui de la forme (lesquels fond et forme ne recouvrent pas toujours exactement la même chose, ni n'ont le même statut selon les théories littéraires, me semble-t-il), en ne parvenant pas (ou très difficilement) à mener un discours satisfaisant combinant les deux aspects. L'amusant de l'analogie est qu'en physique, il n'est pas pas facile facile non plus de concilier les deux visions, et que les discussions sont très vives sur la manière dont il faut gérer cette dualité.
Toutes proportions gardées, bien sûr ! Ce n'est pas une théorie du fonctionnement de la littérature, mais cela met en garde, justement, avec humour (mais souvent, ça provoque des réticences, pas, parce qu'on associe souvent l'humour à une absence ou à un refus de réflexion sérieuse) vis à vis des théories de la littérature (y compris lorsqu'elles sont sous-jacentes dans le discours du critique). Selon la théorie de la littérature adoptée par le critique (que ce dernier évite souvent de préciser, en faisant comme si tout le monde avait la même que la sienne, ce qui pourtant se saurait), le statut de la SF s'en trouve modifié.
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le dim. janv. 30, 2011 9:53 am, modifié 3 fois.

Avatar du membre
Lensman
Messages : 20391
Enregistré le : mer. janv. 24, 2007 10:46 am

Message par Lensman » dim. janv. 30, 2011 9:47 am

Lem:

(1) Oui, oui, je sais… Quelqu'un va finir par débarquer pour m'expliquer que c'est bien ce que Niels Bohr a fait.

Ce serait peut-être présomptueux... Mais bon, on est dans les notes de bas de page, qui est ta manière de distiller de l'humour dans le fil...
Je crois que tout le monde a bien compris que, dans le texte de Claude, il n'est pas question d'utiliser le sens profond (s'il y en a un, et pour les bienheureux qui le perçoivent) de la mécanique quantique pour expliquer les paradoxes de la définition introuvable et la réception incertaine de la SF. Il s'agit juste d'analogies qui apportent un cadre et un point de vue séduisants (qui n'a pas eu, surtout dans notre milieu, de discussions enflammées sur la mécanique quantique, avec des degrés de compétence chez les interlocuteurs, y compris soi-même, souvent un poil surévaluées?).
Ce qui me surprend, c'est qu'on puisse penser (de fait, tu n'es pas le seul, il y a JFS qui a été déconcerté) que c'était à prendre comme une sorte de construction qui se serait voulu rigoureuse à but puissamment démonstratif... Imaginons un instant qu'il n'y ait pas eu d'"erreurs logiques", et que Claude ait résolu, dans l'enthousiasme général, certains des problèmes théoriques les plus difficiles sur lesquels se disputaient les théoriciens de la littérature... c'est qu'on aurait basculé dans un monde merveilleux à la Jasper Fforde...
Ce malentendu (amusant, si, si) levé, je suppose qu'on va passer à la suite...
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le dim. janv. 30, 2011 10:08 am, modifié 1 fois.

Avatar du membre
Erion
Messages : 5025
Enregistré le : sam. oct. 21, 2006 10:46 am

Message par Erion » dim. janv. 30, 2011 10:03 am

D'ailleurs, n'oublions pas que le titre de l'article est : "Pour une approche quantique de la définition de la SF" et non pas "Pour une définition quantique de la SF".
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

Avatar du membre
silramil
Messages : 1836
Enregistré le : sam. oct. 18, 2008 8:45 am

Message par silramil » dim. janv. 30, 2011 11:18 am

Le point de fixation me paraît être l'intention décelable (ou non) de Claude.

Je dirais, en toute amitié(1), que c'est un point faible de l'article. Il n'est pas évident de voir où l'auteur veut en venir. Il n'y a pas d'annonce de plan, ni de direction claire (je reviendrai plus bas sur la "méta-définition"). On passe de manière abrupte de la première analogie quantique à une série de considérations historiques qui ne sont pas organisées très clairement. Enfin, on quitte la partie historique pour retrouver l'imagerie quantique et des propositions très générales pour interpréter la situation de la science-fiction et de ses acteurs.

Néanmoins, si nous ne considérons que la partie introductive et la partie conclusive pour y déterminer ce qui, exactement, est en jeu dans l'article, que trouvons-nous ?

Intro.
- Des considérations générales sur ce qui se produit en cas de crise d'un milieu : exclusions en série, déchirements intestins.
- Des réserves sur la nature de la crise, compte tenu des éléments positifs.
- Un désir d'intervenir, pour éclairer cette crise, sur la question de la définition.

L'intention de l'auteur est décrite ainsi :

"Revenir sur la définition de la science-fiction une bonne fois pour toutes me semble ici illusoire (...). Mais on peut néanmoins proposer de réunir celles qui ont une validité partielle, reconnue et partagée, dans une méta-définition. Le but n'est pas de la substituer aux précédentes, plutôt de susciter des travaux qui enrichiraient le débat avec de nouvelles perspectives (2)."

Il s'agit donc de faire du méta, ce qui est toujours un peu risqué, mais pas pour proposer une définition cohérente et globale ("substituer aux précédentes") : uniquement tester les limites des unes et des autres tout en les inscrivant dans un rapport à la SF. Cela revient à dire qu'il ne va pas trancher entre des définitions.

- Ensuite Claude Ecken fait une proposition fantaisiste, mais qui a l'avantage de lui fournir un cadre de réflexion :
"Il semble que la "matière" science-fiction aurait tout à gagner si elle héritait de l'équivalent littéraire des propriétés de la physique quantique, à commencer par la dualité onde-particule. Sans considérer le fait qu'une telle comparaison s'accorde parfaitement bien à son teint (3)."

Le caractère fantaisiste est nettement signé par la dernière phrase. C'est une comparaison cosmétique (le teint de la SF) : il s'agit de relooker la SF pour voir ce que ça donne.

Corps de texte
1 ) Deux approches de la SF, selon les thèmes ou selon l'extrapolation. Aucune des deux ne suffit. C'est l'occasion de constater la variabilité historique de ce qui, ou non, est admis comme SF. => transition autour du rapport à la science.
2) Parallèle entre les difficultés initiales à distinguer la physique quantique et ses implications et la difficulté initiale à distinguer la SF et ses implications. Nuance sur le rôle de Gernsback, pionnier incapable d'aller au bout de ses propres idées. Importance de Wells.
3) Opposition historique en France entre littérature et science.
4) Propriétés de la science-fiction selon Réjà (ce qui est bizarre, vu que ce n'est pas de la SF qu'il parle, mais passons).
5) Rejet de la science en littérature, XIXe siècle. Parallèle avec le roman préhistorique.
6) Long développement sur les théories de Renard, en finissant sur la différence profonde avec Gernsback, qui a obtenu des effets dans la réalité sans bien mesurer ce qu'il faisait.

Enfin, le dernier point, qui se confond avec la conclusion

- La littérature "mimétique" fonctionnerait en suivant des lois de gravitation, parce que ses milieux opèrent à très large échelle. Il y a des mouvements et des écoles repérables à l'oeil nu et au téléscope si besoin. Inutile de passer à une échelle sub-atomique pour interpréter ce qui s'y passe.
- La littérature de science-fiction n'a pas produit, ou presque, de mouvement décelable à l'échelle macrocosmique. Un observateur armé d'un téléscope aurait au mieux vu passer la comète de la New Wave pendant les années soixante.
- Nuances apportées à cette comparaison imagée : il y a des simillitudes de fonctionnement entre le milieu littéraire "mimétique" et le milieu de la SF.

- La littérature "ordinaire" peut parfois produire des particules quantiques ; il n'y a donc pas de différence de nature profonde, mais simplement d'état. la SF est en général "radioactive", elle est instable.
- Proposition d'une taxinomie (un peu nébuleuse) des récits en fonction des particules.
- Les quatre ingrédients nécessaires à l'écriture : l'imagination, la réflexion, la documentation, et le style ; peuvent être alignés sur des machins quantiques. Le style correspondrait à la gravitation, c'est-à-dire qu'il intéresse surtout l'espace cosmologique mimétique, et n'affecte pas l'espace quantique.

Conséquences de l'analogie (délirante, de son propre aveu)
- Il y a des interférences quand on essaie de définir la SF - si on la prend par un bout, des choses nous échappent.
- Il faut prendre en compte tous les rameaux de la SF pour la comprendre.
- La SF ne peut pas mourir.
- Les textes de SF ne se contredisent pas entre eux.
- Pas de prophéties en SF, mais une cohérence interne.
- La SF ne peut pas être reconnue par les instances de légitimation.
- Le marketing à échelle cosmologique pratiquée par la littérature mimétique est inutile pour la SF
- Il reste à trouver une position critique permettant d'analyse ensemble SF et littérature mimétique.

Pour conclure, je dirais que, en faisant une série de métaphores filées, Claude Ecken se contente de produire une excellente synthèse de ce qui peut être dit sur la SF.
Sa "méta-définition" est, en fait, un état des lieux en temps de crise.


(1) Car, il faut le dire, Claude Ecken est un ami, et je lui décernerais volontiers un Prix Bisounours si un jour il a besoin d'amour, mais je crois qu'il y a encore de la marge.
(2) Claude Ecken, "Pour une approche quantique de la S-F", Bifrost, n° 61, janvier 2011, p. 115.
(3) Ibid., p. 115-116.
Ce dont on ne peut parler, il faut le faire.

Répondre

Retourner vers « Vos dernières lectures »