Cher Oncle Joe,Lensman a écrit :Je suis tout à fait d'accord, sauf sur le problème de la taille du texte, où je continue à penser que l'ambition psychologique du texte nécessitait de plus grands développements de l'univers psychologique du personnage principal, et des autres (notamment la rêveuse). Mais JCD est certainement un très grand écrivain de SF, particulièrement en ce qui concerne la fabrication d'univers technologique et l'art d'y plonger le lecteur, l'art de nous y faire "croire" un moment. C'est en fait assez rare, sous nos climats.Gérard Klein a écrit :
Je mettrai tout juste deux bémols légers: une tendance à la surécriture (mes systèmes non augmentés de reconnaissance de forme ont été sensibles à des rythmes alexandrins), mais je serai bien le dernier à lancer une pierre à JCD de ce chef; une tonalité à l'occasion un peu sirupeuse, mais on sait que JCD est un grand sentimental ; avec dans les deux cas quelques formules du coup quelque peu outrées, voire "fin de siècle". Rien que quelques traits de crayon ne puisse régler. Et une touche d'ironie aurait été la bienvenue, pimentant le côté sucré.
Je ne partage pas non plus (pour une fois) l'avis d'Oncle Joe selon lequel le texte aurait demandé la dimension d'un roman. C'est une nouvelle dense, bien construite, où tout est nécessaire et rien n'est inutile, avec peut-être un poil excessif d'agitation sur la fin. Mais sans doute difficile de faire autrement.
Je ne partage pas du reste non plus l'avis de Dunyach selon lequel la longue nouvelle serait la dimension la mieux adaptée à la sf. Toutes les longueurs lui conviennent selon arrivage.
J'ai bien aimé aussi la nouvelle d'Éric Holstein qui, accessoirement, met en valeur celle de Catherine Dufour en préparant en quelque sorte sa lecture.
@+.
La connexion Holstein/Dufour m'a frappé aussi; Une belle veine satirique, mais sans lourdeur, et surtout avec décontraction, ce qui n'est pa si courant non plus en SF française.
Il est vrai qu'en fin de compte, le terme de "morbide" n'est pas si pertinent. A vrai dire, à bien y réfléchir, c'est presque le contraire: André Ruellan nous rappelle qu'il vaut mieux être en bonne santé.
Oncle Joe
Nonobstant l'admiration que je voue à votre érudition, il vous reste à acquérir de l'expérience comme critique et éventuellement comme éditeur. Nous allons nous efforcer d'y remédier.
Sur la longueur, il est évident que Dunyach a fait le bon choix. Surtout psychologiquement.
Moire (un nom un peu lourd, le destin pour les Grecs, mais qui s'en souvient de nos jours?) est manifestement une redoutable chieuse. J'sais pas quoi faire, comme disait l'égérie héroïne de Godard. Le narrateur est immature grave et dépourvu du moindre sens de l'auto-dérision. Son acolyte a un peu pété les plombs avant même son accident.
Maintenant développe tout ça format roman. Ça te donnerait Emma Bovary fricotant avec le grand Meaulnes plus une touche de Radiguet façon Guy des Cars, tout ça dans l'espace. Rien que d'y penser, j'en ai le poil glacé. Tandis que là, c'est enlevé. Juste ce qu'il faut.
Sur la surécriture virant au sirupeux, je citerai juste une phrase, à titre d'exemple prophylactique, qui m'a fait brusquement rigoler, ce qui n'était sans doute pas l'intention de l'auteur:
"Moire me tourne le dos; la courbure indéchiffrable de ses fesses me donne envie de l'arracher de là et de l'emporter jusqu'à mon appartement puis, au delà, jusqu'aux étoiles."
Le "jusqu'aux étoiles" est de trop, et même le reste, en particulier indéchiffrable. Comme on le sait, du sublime au pathétique et de là au grotesque, il y a la même distance que du Capitole à la Roche Tarpéïenne.
Mais ça n'a aucune importance. Un coup de feutre noir et la nouvelle s'améliore.
Il convient juste de se souvenir que l'ironie doit être volontaire. Involontaire et ressentie comme un parasite par le lecteur, elle ne pardonne pas. Mais c'est très local. La nouvelle reste très bonne. C'est comme une pointe de moisi sur la confiture. Il suffit de l'enlever de la pointe du couteau.