Lem a écrit :Les points faibles : le caractère arbitraire ou forcé de certains enchaînements logiques qui reflète à petite échelle – c'est du moins ainsi que je l'explique – le caractère arbitraire ou forcé du texte lui-même. Je donne deux exemples de tels maillons faibles :
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Ce n'est pas du pinaillage, c'est le cœur même de la démonstration de Claude. Il n'en est qu'au début de son papier, il commence à exposer les raisons pour lesquelles il va falloir adopter à l'endroit de la SF une attitude quantique (apprendre à la considérer comme particule et onde). Il essaie donc de prouve que la définition "comme particule" ne suffit pas. Le problème, c'est qu'il ne le prouve pas. Cela obère à mes yeux toute la suite du texte.
Alors, on va essayer de faire simple et précis. De remettre les choses dans leur contexte et d'apporter des éléments à ceux qui n'ont pas encore lu l'article.
A mon sens, Claude Ecken ne demande rien à personne, et certainement pas d'adopter une attitude quantique.
Il constate l'impossibilité de vouloir donner une définition ultime de la science-fiction : "
Revenir sur la définition de la science-fiction une bonne fois pour toutes me semble ici illusoire, après tant de tentatives et d'échecs..." (p. 115)
Puis il propose, non pas une définition, mais des pistes de travail : "
Mais on peut néanmoins proposer de réunir celles qui ont une validité partielle, reconnue et partagée, dans une méta-définition. Le but n'est pas de se substituer aux précédentes, plutôt de susciter des travaux qui enrichiraient le débat avec de nouvelles perspectives" (p. 115)
On est loin d'une volonté d'imposer une attitude.
Puis Claude Ecken fait une analogie avec le changement de paradigme qu'a imposé à la science la physique quantique (l'impossibilité de donner une définition univoque de ce qu'est une particule) : ""
La physique quantique, elle, se penche sur la nature de la matière à l'échelle de d'infiniment petit. Changeons donc de perspective. Il semble en effet que la "matière" science-fiction aurait tout à gagner si elle héritait de l'équivalent littéraire des propriétés de la physique quantique, à commencer par la dualité onde-corpuscule. Sans considérer le fait qu'une telle comparaison s'accorde parfaitement à son teint" (p. 115-116)
Il propose donc à son lecteur cette analogie (rien à voir avec une métaphore, réifiée ou pas) par laquelle il l'invite à faire un pas de coté : Et si nous regardions la SF à travers le prisme de la dualité corpuscule/onde ? Est-ce que ça aurait quelque chose à nous dire ?
[
Ciel, que cela est cocasse. Vouloir explorer un pan de la littérature avec des outils scientifiques ! Mais où vont-ils chercher tout cela ? Vous verrez que bientôt ils prétendront nous vendre les livres en tube et qu'au lieu de lire, nous devrons avaler un comprimé de Zola ou de Flaubert. Enfin, pendant qu'ils s'occupent ainsi, ils ne sont pas tentés d'inventer de nouvelles bombes ou de changer le climat... ]
Commence donc un chapitre, intitulé "
La science-fiction onde et particule". C'est un titre, une accroche.
Je ne pense pas que Claude Ecken croit que la science-fiction soit une onde et/ou une particule (sauf, bien sur, si il a été enlevé et remplacé par une de ces étranges créatures habitant cette terre non pas parallèle mais perpendiculaire sur laquelle, par un étonnant basculement de référentiel, la littérature et la physique ont vu leurs domaines d'action échangés, ce qui parait toutefois peu probable, la rédaction de Bifrost veillant au grain à ce sujet depuis la tentative d'invasion Klingon de mars 1999)
Et je ne pense pas qu'il tente de le démontrer. C'est une analogie ! Un jeu de l'esprit.
Puis viens le sous-chapitre "
La science-fiction est une particule" (p.116-118) dans lequel il montre la limite d'une définition de la SF uniquement basée sur les caractéristiques des textes (objets contenus dans...).
Ce chapitre se concluant par "
C'est au moment d'exclure du corpus Michel et la soucoupe volante de Georges Bayard ou Alice et la soucoupe volante de Caroline Quine, à ne pas confondre avec Caroline et la soucoupe volante de Lelio, que se pose la question et que le débat est ajourné", il me semble difficile d'être plus explicite (au moins en terme de second degré) sur le type d'exercice auquel se livre Claude Ecken : démontrer par l'absurde que cette approche (particule/objet) ne peut prétendre à l'universalité.
Dans le deuxième sous-chapitre intitulé "
La science-fiction est une onde" (p.118-119), il se livre au même exercice en examinant les limites d'une définition de la SF basée sur les propriétés de ses textes. [
intermède geek : la SF comme langage -> après la SF orientée "objet", la SF orientée "propriété" ].
Par le même type de démonstration, il montre l'inanité de croire cette approche définitionnelle comme universelle.
Puis, il arrive à la conclusion de ce chapitre : "
Le seul moyen de faire consensus est de reconnaître que les repères sont brouillés, et durablement. C'est l'époque qui veut ça." (p.120 lignes 8 à 12).
Donc, loin de professer des "
raisons pour lesquelles il va falloir adopter à l'endroit de la SF une attitude quantique", Claude Ecken utilise, par ce qui me semble une habile analogie, une méthode et un mode de raisonnement scientifique
(je sais, c'est curieux de vouloir parler de science quand l'on parle de science-fiction ^^) pour aboutir à une conclusion simple qui devrait être gravée sur tous les frontons : "
Arrêtez de vous prendre la tête avec une tentative de définition univoque de la SF, c'est voué à l'échec."
Cela peut paraître une évidence, voir un truisme. Et on peut se dire que 4 pages complètes pour en arriver là, alors que nous le savions tous (mais nous sommes de mutants -ou des surhommes, je ne sais plus-), c'est un peu long. Oui, peut-être, sans doute. Mais pour avoir une démonstration étayée, robuste, il fallait sans doute ça.
Et surtout, surtout, comme il l'écrit : "
Le but n'est pas de se substituer aux précédentes, plutôt de susciter des travaux qui enrichiraient le débat avec de nouvelles perspectives". Alors, les gars (z'et les filles), à vos outils conceptuels !
Et ce ne sont que 4 pages sur 30. Le reste est encore meilleur.
(d'un autre coté, il est tout à fait possible que je me plante complètement. Donc, merci par avance à Claude Ecken, si d'aventure il lit ce post, de ne pas hésiter à me ridiculiser devant tout le monde...)