Lensman a écrit :
Ce n'est pas une chose si évidente que cela.
Quand tu lis, par exemple, un vieux "Dumarest" de E.C. Tubb, tu peux l'apprécier comme un "simple divertissement" et en tant que lecteur de SF, tu ne vas pas le confondre avec "Le temps incertain" de Jeury, ou "Dhalgren" de Delany (je mets ce titre pour faire plaisir à Georges). Ce lecteur n'a pas de mal à se fabriquer sa propre hiérarchisation . Et quand il va en parler avec d'autres lecteurs de SF, il va pouvoir se disputer en toute connaissance de cause (""Dumarest"? mais c'est nul! Tiens, je préfère encore Perry Rodhan, à tout prendre"; "Moi, j'adore"!", "Vous rigoler! Grainger des Etoiles (Brian Stableford), c'est autre chose!" "Vous avez quel âge?" etc.)
Mine de rien, il faut s'être fabriqué une culture, partagée avec d'autres, pour que la discussion ait un sens (je t'accorde que mes exemples de réponse ne vont pas loin, mais ça peut aller beaucoup plus loin...)
Par contre, une personne qui ne lit pas de SF, qui tombe sur un "Dumarest", cela n'aura pas tellement de sens de lui demander de "s'en remettre au livre lui-même". Il n'y a pas de référentiel "absolu" (même avec des guillements) qui peut lui permettre de juger de l'intérêt du livre, en tout cas pas de référentiel qui serait commun à tout le monde.
Pourtant, la lecture de "Dumarest" peut (pas nécessairement, bien sûr, mais peut) être très jouissive pour l'amateur de SF (il y en a qui n'aime pas, mais la question n'est pas là).
Porter un jugement "dans l'absolu" (et encore une fois, je parle pas d'un "absolu" absolu, mais d'un référent à peu près partagé par tout le monde au niveau de la littérature), cela ne veut pas dire grand chose. Cet espèce de référentiel général (ce serait un livre "bien écrit", par exemple) ne sert à rien, de mon point de vue. Or, l'envie de légitimation laisse entendre qu'il y aurait un référentiel de ce genre, et en fait, beaucoup de critiques (quasiment tous les critiques) font comme s'il existait, même si, quand on leur demande de le préciser, souvent, ils ne comprennent même pas la question posée.
Oncle Joe
J'arrive un peu tard, mais il faut bien que je te réponde, Oncle.
Et ma réponse est simple : je te parle des
textes, alors que tu me parles des
lecteurs. Le texte, c'est quand même quelque chose de tangible, qui existe indépendamment de la lecture, qu'on le veuille ou non ; il ne se plie pas à toutes les volontés, à tous les jugements ; il est à lui-même sa propre vérité, et ce, de façon
absolue (j'ai bien vu que tu n'aimais pas ce mot, c'est pour ça que je l'écris en italique), indépendamment de toute relation au lecteur (mais pas au monde).
Que les avis ou les analyses à son sujet puissent diverger, qu'on ne puisse jamais qu'approcher cette vérité, ou la suggérer, ou la réinventer, c'est une autre question.