Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 11:25 am

Daelf a écrit :
Le_navire a écrit :Putain, Lem, écris nous des romans, merde !
Alors là, je ne peux que plusqueplussoyer. Si j'ose m'exprimer ainsi.

(mais je sais pas si j'ose, cela dit je suis d'accord.)
Moi, les nouvelles, ça me va! Mais je ne dis pas non aux romans, hein!!
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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 11:28 am

fabrice a écrit :
bormandg a écrit :$Pourquoi les derniers candidats qu'ont été La Horde du Contrevent et Le Déchronologue n'ont-ils pas réussi à obtenir ce succès hors SF? Je ne sais pas. J'attends l'oeuvre qui réussira.
La Horde du contrevent s'est vendu à plus de 50 000 exemplaires en poche, décompte en cours.
Qu'appelles-tu un succès hors-SF ?
J'allais le dire... Il me semblait que c'était une réussite, y compris commerciale.
Et qui nous dit que le "Déchronologue" ne va trouver aussi un public plus large?
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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 11:34 am

jlavadou a écrit :
Le_navire a écrit :Putain, Lem, écris nous des romans, merde !
C'est amusant de dire ça à quelqu'un qui, en 2 ans, a sorti quand même 3 des plus beaux récits de SF de ces dernières années (selon moi, bien sûr). Certes, ce sont des BD et pas des romans, mais cela reste des récits de SF.
Pareil.
Phénomène curieux, on voit réapparaître le mot "récit", qui me semblait assez peu usité depuis longtemps pour désigner une fiction (on dit plutôt, couramment, qu'un témoin a fait un "récit" des faits). D'habitude, on disait "nouvelle". Je ne dis pas qu'on ne disait plus jamais "récit", mais c'était devenu rare.
Ces phénomènes de changement de vocabulaire font toujours mon étonnement.
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silramil
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Message par silramil » jeu. déc. 17, 2009 11:56 am

Gérard Klein a écrit : Sauf que, désolé, Renard n'a rien écrit sur le rétrécissement de l'homme, mais Marc Wersinger qui publie dans Le Figaro en 1947 (j'ai dix ans et je le lis en ramenant le journal à mon grand-père) La Chute dans le néant, que je reprendrai en Ailleurs et demain:classiques en 1972. Jacques Spitz si l'on veut, avec L'Homme élastique.
Quel que soit le sujet dont on parle, un minimum de culture et de précision sied.
Matheson plagie, sans doute sans le savoir, Wersinger.
Hum, je faisais référence au débat qu'on trouve dans les colonnes de Fiction (n° 45, 47 et 48, août - octobre novembre 57) « A propos de l'affaire Renard-Matheson » , qui comme Lensman le rappelait portait sur Un homme chez les microbes et l'Homme qui rétrécit. je n'ai que mes notes sous les yeux et je ne sais si tu mentionnais Marc Wersinger à l'époque, mais c'est très probable.

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Message par silramil » jeu. déc. 17, 2009 12:07 pm

Lem a écrit :Disons que, dans la mesure où le propos est de raconter l'histoire de la SF en France en tenant compte de ses étapes proto et arché, puis roman scientifique, la chronologie commencera à une date appropriée (et pas en 1911 à New York, ce qui est un autre choix).
ça, c'est sûr que l'histoire de Sadoul peut difficilement prétendre à l'objectivité...
et je ne le considère pour ma part que comme une source et non une référence (ce qu'il ne revendique pas, puisqu'il écrit que son bouquin doit servir à de futurs chercheurs pour faire le boulot systématiquement).

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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 12:20 pm

silramil a écrit :
Lem a écrit :Disons que, dans la mesure où le propos est de raconter l'histoire de la SF en France en tenant compte de ses étapes proto et arché, puis roman scientifique, la chronologie commencera à une date appropriée (et pas en 1911 à New York, ce qui est un autre choix).
ça, c'est sûr que l'histoire de Sadoul peut difficilement prétendre à l'objectivité...
et je ne le considère pour ma part que comme une source et non une référence (ce qu'il ne revendique pas, puisqu'il écrit que son bouquin doit servir à de futurs chercheurs pour faire le boulot systématiquement).
C'est un pur travail d'amateur (au bon sens du terme) et qui ne s'en cache pas. A la même époque, on avait, en librairie, chez des éditeurs aussi ésotériques que "L'âge d'homme", "Marabout" et "Albin Michel", le Versins, le van Herp et et le Sadoul.
Aucun n'est une "histoire" au sens "scientifique" du terme. Ce sont tous des travaux d'amateurs. Par contre, n'importe quelle personne de formation universitaire pouvait s'en emparer, et en pressurant un peu, s'en servir comme base de travaux d'envergure. à moins de vivre sur la planète Mars (décidément, la SF...), c'était à la portée du premier imbécile venu de se procurer ces livres.
On en fera d'autres, on en fait d'autres, pas de problème. Mais la leçon est comprise: c'est une affaire qui se passe entre gens que ça intéressent. (Par exemple, Gérard a cité ceux du "Rocambole", c'est un exemple).
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Modifié en dernier par Lensman le jeu. déc. 17, 2009 12:25 pm, modifié 6 fois.

Lem

Message par Lem » jeu. déc. 17, 2009 12:20 pm

Le_navire a écrit :
Lem a écrit :Ecrire ce livre sera un grand plaisir, si j'y parviens. Le reste… n'est pas très important.
Et te lire le sera tout autant.
Mais je vais quand même te dire, parce que je bous un peu fort, là : est-ce que tu as conscience que Roland et toi, vous vous valez dans le genre foutage de gueule ?
Sauf que lui il y va franco de port, et que tu nous fais dans le subtil mépris. Et tu m'excuseras, mais quand Roland se fout de ma gueule, du coup, je préfère carrément.
Est-ce qu'on est censé être assez cons pour ne pas s'en rendre compte ? Parce que non, hein ?
Navire, je ne comprends pas de quoi tu parles.
Qu'ai-je (que t'ai-je) écrit qui soit de nature à te faire réagir ainsi ?
Tu connais le milieu des prescripteurs et cela te pousse à me mettre en garde : "tu vas soouffrir cher Lem". Je te réponds que je prendrai plaisir à écrire la fameuse Histoire et que le reste (j'imagine : assumer les idées du livre, affronter les réfutations critiques, les ricanements ou l'indifférence – bref, la "souffrance" que sont susceptibles de m'infliger les prescripteurs) est sans importance. Il n'y a là nul foutage de gueule.

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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 12:28 pm

Lem a écrit :
Le_navire a écrit :
Lem a écrit :Ecrire ce livre sera un grand plaisir, si j'y parviens. Le reste… n'est pas très important.
Et te lire le sera tout autant.
Mais je vais quand même te dire, parce que je bous un peu fort, là : est-ce que tu as conscience que Roland et toi, vous vous valez dans le genre foutage de gueule ?
Sauf que lui il y va franco de port, et que tu nous fais dans le subtil mépris. Et tu m'excuseras, mais quand Roland se fout de ma gueule, du coup, je préfère carrément.
Est-ce qu'on est censé être assez cons pour ne pas s'en rendre compte ? Parce que non, hein ?
Navire, je ne comprends pas de quoi tu parles.
Qu'ai-je (que t'ai-je) écrit qui soit de nature à te faire réagir ainsi ?
Tu connais le milieu des prescripteurs et cela te pousse à me mettre en garde : "tu vas soouffrir cher Lem". Je te réponds que je prendrai plaisir à écrire la fameuse Histoire et que le reste (j'imagine : assumer les idées du livre, affronter les réfutations critiques, les ricanements ou l'indifférence – bref, la "souffrance" que sont susceptibles de m'infliger les prescripteurs) est sans importance. Il n'y a là nul foutage de gueule.
L'indifférence, c'est sans aucune importance (c'est peut-être ce qui est le plus difficile à admettre): les gens que ça intéresse ne seront pas indifférents. Les ricanements, ce sera de nouvelles occasions de rigoler...
Oncle Joe

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Message par silramil » jeu. déc. 17, 2009 12:35 pm

Mode parenthèse ON
Lensman a écrit : Mais la leçon est comprise: c'est une affaire qui se passe entre gens que ça intéresse.
mais il y en a que ça intéresse, parmi les universitaires... mais la méthode suivie jusqu'ici n'a pas suffi.


Mode parenthèse OFF

sur ce, je vous laisse quelque temps.

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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 1:03 pm

silramil a écrit :Mode parenthèse ON
Lensman a écrit : Mais la leçon est comprise: c'est une affaire qui se passe entre gens que ça intéresse.
mais il y en a que ça intéresse, parmi les universitaires... mais la méthode suivie jusqu'ici n'a pas suffi.


Mode parenthèse OFF

sur ce, je vous laisse quelque temps.
Il y a aussi des gens anormaux chez les universitaires... ça rassure... hé hé!
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » jeu. déc. 17, 2009 2:11 pm

silramil a écrit :
Lem a écrit :
Lensman a écrit :Et cela a constitué un genre?
Oui.
Pas une catégorie éditoriale (ça, c'est la contribution spécifique de Gernsback et tout ce qui en est sorti ensuite : le fandom et le début de l'interaction systématique entre auteurs, la variation sur les thèmes, etc). Mais un genre, c'est indiscutable. C'est en toutes lettres dans l'article de Renard, dans les interviews de Rosny, dans les éditos et autres papiers de Messac.
Le terme de genre est piégé. On peut désigner ce qu'on veut avec.
Mais même en admettant qu'un genre ait été constitué et que les quelques écrits d'époque l'attestent, ce genre n'est pas le genre recouvert par la catégorie éditoriale science-fiction, car il ne suit pas la même esthétique et ne fonctionne pas de la même manière, même si on y retrouve des procédés et des images en commun.
Sur la question du genre, je colle ci-dessous les extraits du papier de Renard qui me semblent significatifs. Tu remarqueras que Renard utilise "genre" à propos du merveilleux-scientifique comme du roman policier, c'est à dire qu'il inaugure l'acception générale dont on se sert encore aujourd'hui quand on parle de la SF ou du polar comme genres (ce qui est peut-être erronné mais c'est un autre problème) :
S’il n’est pas prématuré de discuter des choses à la minute où elles achèvent seulement d’affirmer leur existence », écrit Renard au début de son article, « le roman merveilleux-scientifique est mûr pour l’étude critique. Produit fatal d’une époque où la science prédomine sans que s’éteigne pourtant notre éternel besoin de fantaisie c’est bien un genre nouveau qui vient de s’épanouir et dont L’île du docteur Moreau de Wells et Le peuple du pôle de Derennes peuvent nous fournir deux exemples assez typiques.
(…)
Je dis bien que c’est un genre nouveau. Jusqu’à Wells, on en pouvait douter. En effet, avant l’auteur de La guerre des mondes, les rares ouvriers de ce qu’on devait nommer plus tard le merveilleux-scientifique ne se sont livrés à son œuvre que de loin en loin, occasionnellement et, semble-t-il, par jeu. Tous l’ont traité comme une fantaisie sans lendemain ; aucun ne s’y est spécialisé ; la plupart l’ont combiné avec d’autres éléments : Cyrano de Bergerac en fait un support d’utopies ; Swift l’utilise comme armature à dresser des satires ; de nos jours, Flammarion lui demande de concrétiser un peu certaines métaphysiques trop abstraites pour le lecteur moyen ; quant à Edmond About, il le prend à l’envers, le tourne au comique et fait ainsi, avant la lettre, la parodie d’un genre à venir. (…) La série de ces productions bâtardes, mixtes, est d’ailleurs loin d’être close ; les utopistes qui ont “besoin d’un monde” possèdent là un moyen de dépaysement trop précieux pour l’abandonner, et les satiriques ne sauraient se priver des ressources que leur offre un tel procédé d’allégorie et d’allusion.
(…)
Edgar Poe, avec deux contes seulement, La vérité sur le cas de M. Valdemar et Les souvenirs de M. Auguste Bedloe, fonda le roman merveilleux-scientifique pur, comme il instaura le roman policier avec trois autres nouvelles prototypes, mais celles-là si complètes et synthétiques, si absolument définitives, qu’en cette matière, il ne pouvait susciter que des imitateurs et pas un seul disciple. Par contre, dans le monde merveilleux-scientifique, il eut des apôtres célèbres puisque Villiers de l’Isle-Adam écrivit L’Eve moderne, Stevenson Le docteur Jeckyll et Mr Hyde et puisqu’enfin, voici H. G. Wells. Avec ce dernier, le genre qui nous occupe se déploie dans toute son ampleur intégrale, et ce mot composé, dont les hommes se prennent à le désigner, consacre sa vie et certifie son être à la manière d’un baptème. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Si la maîtrise de Wells à imaginer et à mettre en valeur des thèmes de merveilleux-scientifique a fait la gloire du romancier anglais, tous ses livres sont loin d’en être autant de types. Je ne retiens comme tels que cinq romans et quelques nouvelles. (…) Il y a aussi d’autres ouvrages – fort curieux du reste, et qui font de Wells un véritable novateur – où ce n’est plus la science, mais la seule logique (considérée non comme science mais comme habitude de l’esprit) qui vient se mêler au merveilleux. Je les écarte aussi et propose d’appliquer à ces fables l’épithète de merveilleux-logique, réservant celle de merveilleux-scientifique pour celles qui nous présentent l’aventure d’une science poussée jusqu’à la merveille ou d’une merveille envisagée scientifiquement.
Sur le problème plus général de la différence entre roman scientifique et sf, une remarque :

L'intertextualité, l'usage de références communes, de variations sur des thèmes ou des objets inventés par d'autres est observable dès Verne (Le Sphinx des glaces est une "suite" de Pym, comme plus tard Les montagnes hallucinées de Lovecraft). Ignis de Chousy est une parodie explicite de Verne, comme le Fanradoul de Robida. Le passé merveilleux, nouvelle d'Octave Béliard de 1909, est la première histoire de voyage temporel vers le passé avec circuit fermé et la machine de Wells est citée en tant que telle dans le corps du texte (comme si Wells avait entendu parler d'une machine authentique) de même que les martiens de La guerre des mondes apparaissent dans Le mystère des XV de La Hire. Renard en personne remarquera que Wells a fait une erreur dans l'extrapolation logique de L'homme invisible (si un tel homme existait, il serait forcément aveugle car etc) et écrira pour donner corps à son objection L'homme qui voulut être invisible. Théo Varlet, dans La grande panne, confronte son héros à des entités extraterrestres en forme de globules rougeâtres, comme enflammés, et quand il les voit pour la première fois, dit quelque chose comme "on eût dit les fameux Xipéhuz de M. Rosny").Tout ceci est déjà typique du fonctionnement de la science-fiction et je crois qu'on observe la même chose dès les années 1900 aux Etats-Unis : Oncle, n'y a-t-il pas là-bas un roman intitulé Edison conquers Mars où l'inventeur construit un vaisseau capable d'aller sur la planète rouge rendre la monnaie de leur pièce aux envahisseurs wellsiens ?

Intuitivement, je dirais ceci. La différence entre le roman scientifique (ou la scientific romance) et la sf n'est pas de nature mais de degré. L'apport de Gernsback, c'est la structure éditoriale dont il dote le nouveau genre et qui multiplie par mille les interactions entre auteurs et engage la SF dans son fonctionnement "quasi scientifique" (toutes les innovations thématiques sont comme déposées dans le domaine public, chacun part du principe qu'elles sont connues et n'ont plus besoin d'être ré-expliquées, quand une innovation est réfutée sur le plan logique, elle n'est plus considérée comme valide, etc.) C'est précisément en référence à ce système particulier que Campbell, plus tard, transformera Astounding en Analog : parce que la SF, de ce point de vue fontionnel, est "un analogue" de la science si je me souviens bien de la citation. Et cette idée est également dans les articles de Renard.

Mais par ailleurs, il est évident que la SF américaine a ses caractéristiques propres et que sa diffusion massive à partir de 1950 a instantanément ringardisé le roman scientifique qui n'avait pas su a) transformer son fond culturel commun en subculture, b) élargir son champ spéculatif à la "plus grande échelle" (espace et futurs lointains) à quelques exceptions près, c) s'affranchir des tropismes bien franchouilles de la belle écriture. Quant à savoir si c'était une limite intrinsèque du roman scientifique ou un effet des accidents de l'Histoire (deux guerres mondiales, à chaque fois survenues au moment où la mayonnaise était en train de prendre), c'est une autre affaire.

Enfin, il faut garder en tête qu'un certain nombre des caractéristiques de la SF US qui ont tant séduit et émerveillé le public français à partir de 1950 ne sont pas tant liées à la SF qu'à la fiction américaine, au sens le plus large : rapidité et nervosité du récit (opposition quasi caricaturale entre deux formats éditoriaux : la nouvelle là-bas, le roman-feuilleton ici) ; absence de fioritures littéraires (la sociologie des auteurs joue un rôle, leur indifférence à tout acaémisme et leur professionnaisme aussi) ; simplicité naturaliste des descriptions, de l'action, des dialogues (alors qu'ici, les histoires sont souvent racontées ad post par un narrateur qui les a vécues ce qui "coince" l'intrigue) ; innovation sociologique dans le casting des personnages (bien des héros du roman scientifique français sont des nobles, des grands bourgeois ou des scienifiques fonctionnaires, avec tout ce que ça suppose de dialogues guindés), etc. Pour le dire en une phrase : dans la SF américaine, une part de la nouveauté relève d'une tradition fictionnelle différente de la nôtre, une tradition qui n'est pas spécifiquement SF mais le produit d'une littérature dont les deux sources sont le journalisme et le cinéma alors que la nôtre s'appuie sur la poésie et le théâtre (et est donc souvent théatrâle et poétique). Le saisissement devant la nouveauté du roman noir prend d'ailleurs sa source au même endroit. C'est pourquoi faire la part des choses objectives entre roman scientifique et sf est si difficile.
Modifié en dernier par Lem le jeu. déc. 17, 2009 2:37 pm, modifié 1 fois.

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Message par Transhumain » jeu. déc. 17, 2009 2:24 pm

Le_navire a écrit :
Lem a écrit : Ecrire ce livre sera un grand plaisir, si j'y parviens. Le reste… n'est pas très important.
Et te lire le sera tout autant.

Mais je vais quand même te dire, parce que je bous un peu fort, là : est-ce que tu as conscience que Roland et toi, vous vous valez dans le genre foutage de gueule ?
Sauf que lui il y va franco de port, et que tu nous fais dans le subtil mépris. Et tu m'excuseras, mais quand Roland se fout de ma gueule, du coup, je préfère carrément.
Est-ce qu'on est censé être assez cons pour ne pas s'en rendre compte ? Parce que non, hein ? :evil:
Je ne comprends pas non plus. Comme Lem l'a dit, l'écrivain donne existence à une oeuvre, à des travaux. Le laisse à disposition du public, qui certes en fait ce qu'il veut. Où est le mépris ?...

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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 2:25 pm

Lem a écrit :
Mais par ailleurs, il est évident que la SF américaine a ses caractéristiques propres et que sa diffusion massive à partir de 1950 a instantanément ringardisé le roman scientifique qui n'avait pas su a) transformer son fond culturel commun en subculture, b) élargir son champ spéculatif à la "plus grande échelle" (espace et futurs lointains) à quelques exceptions près, c) s'affranchir des tropismes bien franchouilles de la belle écriture. Quant à savoir si c'était une limite intrinsèque du roman scientifique ou un effet des accidents de l'Histoire (deux guerres mondiales, à chaque fois survenues au moment où la mayonnaise était en train de prendre), c'est une autre affaire.
Il y a aussi cet environnement éditorial tout à fait particulier, qui consiste à aller chercher un public, à tenter de recruter des auteurs, à créer un "mouvement" (je ne sais pas si c'est le bon terme) qui va passer par des aspects aussi déconcertants que le courrier des lecteurs (c'est un exemple). Cette interaction producteurs des textes/lecteurs (consommateurs) des textes, me semble une dynamique très particulière. Il y a un côte "rendre dedans", "qui m'aime me suive", qui suscite en passant une sorte d'enthousiasme (la création des fanzines américains, par des gamins genre Bradbury), une appropriation, j'allais écrire "populaire", mais ça ne va pas. Une appropriation par un public, pas forcément "populaire", qui se reconnaît en un clin d'œil dans cette affaire.
Pour moi, c'est très puissant, c'est plus fort que les textes mêmes, quelque part.
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » jeu. déc. 17, 2009 2:45 pm

Lensman a écrit :Pour moi, c'est très puissant, c'est plus fort que les textes mêmes, quelque part.
Je suis d'accord mais qu'est-ce que ça donne si on pousse l'idée jusqu'à son terme (et je le fais sans aucune ironie, en étant prêt à accepter le résultat) : que la différence entre roman scientifique et sf, c'est le courrier des lecteurs ?
Après tout, pourquoi pas ?

Edité : une autre façon de décrire ce phénomène, c'est de dire qu'il effondre la hiérarchie classique, européenne et spécialement française, du processus littéraire où l'auteur est une puissance inaccessible à ses lecteurs. Dans la SF des pulps, les auteurs écrivent des textes qui sont attaqués ou encensés dans le courrier des lecteurs par des fans qui rêvent de prendre la plume eux aussi ; ils n'hésitent pas à répondre aux attaques ou à en lancer d'autres en intervenant dans le courrier des lecteurs du numéro suivant. Les fans frustrés de ne pas voir leurs lettres (ou leurs nouvelles) publiées créent des fanzines et c'est sans doute parce qu'ils ne jugent pas le statut d'auteur comme une chose intimidante ou vénérable, mais comme un état qu'on peut atteindre en travaillant. Il y a là une sorte de bain… disons, démocratique assez ennivrant puisqu'on peut se dire "qu'on y est" simplement en lisant (je ne sais plus qui a fait remarquer qu'ici, sur le fil, les auteurs parlaient à leurs lecteurs potentiels à visages découverts, et vice-versa, et que c'était une situation spéciale). Ce que j'aimerais savoir, c'est si une telle chose est spécifique à la sf, dans les pulps, ou si elles s'est produite dans d'autres genres.

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Message par Lensman » jeu. déc. 17, 2009 3:13 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Pour moi, c'est très puissant, c'est plus fort que les textes mêmes, quelque part.
Je suis d'accord mais qu'est-ce que ça donne si on pousse l'idée jusqu'à son terme (et je le fais sans aucune ironie, en étant prêt à accepter le résultat) : que la différence entre roman scientifique et sf, c'est le courrier des lecteurs ?
Après tout, pourquoi pas ?

Edité : une autre façon de décrire ce phénomène, c'est de dire qu'il effondre la hiérarchie classique, européenne et spécialement française, du processus littéraire où l'auteur est une puissance inaccessible à ses lecteurs. Dans la SF des pulps, les auteurs écrivent des textes qui sont attaqués ou encensés dans le courrier des lecteurs par des fans qui rêvent de prendre la plume eux aussi ; ils n'hésitent pas à répondre aux attaques ou à en lancer d'autres en intervenant dans le courrier des lecteurs du numéro suivant. Les fans frustrés de ne pas voir leurs lettres (ou leurs nouvelles) publiées créent des fanzines et c'est sans doute parce qu'ils ne jugent pas le statut d'auteur comme une chose intimidante ou vénérable, mais comme un état qu'on peut atteindre en travaillant. Il y a là une sorte de bain… disons, démocratique assez ennivrant puisqu'on peut se dire "qu'on y est" simplement en lisant. Ce que j'aimerais savoir, c'est si une telle chose est spécifique à la sf, dans les pulps, ou si elles s'est produite dans d'autres genres.
La question de savoir si ça se produit ailleurs m'intéresse aussi... Je ne sais pas y répondre... il faut demander à nos grands spécialistes de la littérature.
Même poussée à son terme, l'idée n'aboutit pas qu'au courrier des lecteurs. Ce courrier, il serait plutôt au début du phénomène.
Ce qui se passe, c'est ce que tu décris (schéamtiquement): des gens qui interviennent, des apprenti auteurs qui envoient des textes (et qui pour une poignée -quelle poignée! - deviendront des écrivains), la production des fanzines, ce que j'appelle l'interactivité ("démocratique" est un terme qui aurait bien amusé Campbell..). Ce n'est pas "démocratique", mais il y a une interaction active. La partie visible en est les réunions, les fameuses conventions, les fanzines, toutes ces choses qui provoquent tant de ricanements. Contrairement à ce que pas mal de gens pensent, ce n'est pas seulement un folklore rigolo et ridicule. Oui, c'est rigolo et ridicule, mais c'est une forme de culture.
Pour moi (on peut être en désaccord), c'est au cœur de la SF. La science-fiction n'est pas simplement une gigantesque collection de textes où il est question de merveilleux scientifique, du futur, d'utopie, de "sense of wonder" (quel que soit ce qu'on met derrière l'expression), et choses plus bizarres encore. C'est un mouvement culturel spécifique.
Oncle Joe

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