Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » ven. déc. 18, 2009 10:54 pm

Gérard Klein a écrit :Ça y est, j'ai retrouvé son nom, l'immense Paul Gillon, 13 rue de l'espoir, plus fort que Pérec.
Et qui a fait aussi de la science-fiction avec le gigantesque Forest.
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Le_navire
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Message par Le_navire » ven. déc. 18, 2009 11:06 pm

Gérard Klein a écrit : alors que le navire est en flammes et en train de sombrer.
Nan mais ho, ça va hein ? On le saura... :twisted:


Dieu a écrit :Une Histoire de la science-fiction en France, incluant la proto-sf, la sf archaïque et la sf moderne, reste à écrire. Elle serait essentielle, non seulement à la compréhension du genre, mais bien au delà, à un élargissement de l'histoire de la littérature dans ce pays.


Je ne pense pas que qui que ce soit puisse prétendre le contraire. La question est plutôt, est-ce qu'avant de s'y lancer (y en a pour cinq à dix ans de boulot, un machin pareil, si on veut faire ça avec rigueur) Serge n'a pas autre chose à faire ? J'ai un avis, mais pas une réponse, hein ?
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Lensman
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Message par Lensman » ven. déc. 18, 2009 11:30 pm

Gérard Klein a écrit :J'ai eu plus qu'une fois l'impression, sur ce fil, qu'on y débattait sur la validité du principe d'Archimède et ses limites, alors que le navire est en flammes et en train de sombrer.

Cela dit et sans me lancer dans un nouvel intermède, le soupçon sur Verne est fondé sur l'absence chez lui de spéculation intellectuelle et plus encore sur le refus délibéré d'entrevoir une interaction prospective entre la technologie et la société. D'où sa manie, que je crains d'avoir été le premier à souligner dans mes articles de Fiction, "Pour lire Verne", de détruire à la fin de tous ses romans la merveille scientifique. Pas de restes, pas de conséquences.
Pour moi la science-fiction moderne apparaît avec le thème de l'action de la technoscience sur la société. Évident chez Wells et dans une certaine mesure chez Rosny, il est peut-être un peu plus ancien. À voir.
Le plus désespérant (de manière rétrospective, si j'ose dire), c'est Robida. Lui, il parle de l'avenir, et met vraiment en scène ses innombrables extrapolations technologiques. C'est foisonnant! Mais... c'est pour faire de la satire!
Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a un vrai problème en France, depuis bien longtemps, avec ce que tu désignes par l'"interaction prospective entre la technologie et la société", domaine dont je ne suis pas sûr qu'il passionnait tant que cela Maurice Renard. Sa théorie prétendument fondatrice de la SF me paraît bien juste à ce niveau. Ce n'est pas la première fois que je le fais remarquer, mais à chaque fois, ce problème est évacué comme annexe, alors qu'il est flagrant qu'il est crucial.
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Lem

Message par Lem » ven. déc. 18, 2009 11:44 pm

Le_navire a écrit :Lem je rejoins ce que disaient MF et Aldaran (et qui fut la cause de ma brusque montée de tension) Tu es un peu des fois vachement difficile à suivre.
D'accord.
Tu arrives avec une théorie, exposé dans une préface publiée.
Tu mets des plombes à la poser, le temps qu'on se soit tous entremordus le derrière aux moins quinze fois.
Tu justifies son existence en parlant du déni et de l'envie qu'on a d'en sortir.
Puis tu nous dis qu'en fait, ce qui t'intéresse c'est une histoire revisitée de la SF.
Et puis quand on t'interroge sur l'impact que tu penses qu'un tel travail puisse avoir dans la remise en cause du déni, tu me ponds : "ça n'a pas d'importance".
Il y a une phrase de Michel Foucault que j'ai déjà citée deux ou trois fois. "Si je savais ce que je pense avant de l'écrire, je ne l'écrirai pas." C'est un peu comme ça que ça se passe, pour moi. Ça ne veut pas dire que je ne prends pas la discussion au sérieux ou quoi que ce soit. Ça veut dire que j'ai des points de départ mais que je ne sais pas où ils mènent. Je n'avais pas du tout prévu de parler du projet d'Histoire ici. Mais après quelques dizaines de pages d'interrogations, de suspicion et aussi, parfois, de ricanements sur mes "buts", je me suis dit que le débat sur M gagnerait à être remis dans son contexte. Celui-ci n'est un mystère pour personne. La préface que tu évoques est le dernier d'une série de textes également publiés où j'ai abordé le problème de la métaphore (Vers la fiction analogique, la physique des métaphores), le rôle de la mythologie dans la SF, surtout via la BD (Exfiltration), la relation M/sense of wonder (La légende du processeur d'histoire, Par-delà le vortex), avec une inflexion sur la religion à un moment (Un souvenir du sac à charbon), l'analyse du refoulement du roman scientifique et sa survie clandestine dans la BD (Hypermondes perdus), sa présence dans l'univers des Humanoïdes Associés en remontant jusqu'à Ignis de Chousy (L'empire uchronique de Jean-Ferdinand Choublanc). Tous ces textes s'intéressent au déni sous tel ou tel de ses aspects. Mais ce que j'ai réalisé pendant ce fil, c'est que j'étais peut-être effectivement en train de sortir des articles et des monographies pour commencer à chercher une synthèse.

Et franchement, à la question "quel effet escompté ?", tu imagines ce que j'aurais essuyé ici si j'avais répondu : "décisif"… J'ai préféré garder la chose dans son configuration initiale : prudente et avec une dimension personnelle assumée. Que faire d'autre ? J'ai des espoirs pour cette aventure, tout le monde les connaît . Changer quelque chose, achever de liquider le déni, contribuer à établir la place et la légitimité de la SF ici. Une fois que j'ai dit ça, je ne vois pas ce que je peux faire de plus.
dans le contexte, j'avoue avoir pris cette phrase de travers, comme une équivalence de "de toute façon vous pouvez en penser ce que vous voulez, ça n'a pas d'importance"
Tu as compris que ce n'était pas le cas.
En gros, si M avait de l'intérêt à mes yeux parce que c'est un pôle d'intérêt qui dépasse le cadre de la SF, et qui peut être regardé de partout avec attention, alors qu'une histoire de la SF.... Elle ne se justifiera qu'à nos propres yeux, tu en abandonnes ce qui était prometteur, qui faisait débat, controversé, mais intellectuellement riche et stimulant, qu'on te suive ou pas et qui pouvait faire réfléchir un public (les prescripteurs, on a dit qu'on s'en fichait) élargi au fait que peut être la SF n'est pas ce qu'ils s'imaginent et qui se mettraient à en lire pour se faire une idée. Les mêmes, une Histoire de la SF... Ben je doute fort qu'ils la lisent, hein ?
Je ne partage pas ton point de vue. Personnellement, quand je relis les messages les plus aigus postés sur le fil – et il y en a qui touchent à tous les domaines culturels, tous les arts, toutes sortes d'activité – j'ai au contraire l'impression d'une très grande richesse, qui place à la fois la SF dans un cadre culturel ad hoc et aussi donne a ce cadre un lustre et un espace qu'on ne lui attribue pas en général (de l'Histoire comme figure de conciliation). L'hypothèse M a un rôle décisif à jouer de ce point de vue. Et on n'a pas encore sérieusement traité son implication dans la création du sense of wonder (où je pense qu'elle est décisive).
Mon conseil : c'est trop tôt pour être déçue, Navire. Il faut continuer à jouer.

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Erion
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Message par Erion » ven. déc. 18, 2009 11:50 pm

Gérard Klein a écrit : Enfin, contrairement à ce que dit Érion, si, bien entendu, le domaine de la science-fiction s'étend au delà de son expression littéraire et en particulier dans la bande dessinée d'avant-guerre et d'après, cela est aussi vrai pour d'autres domaines littéraires. Il y a de très nombreuses BD historiques dans Robinson, Le Journal de Mickey et Donald, et dans toutes les revues de BD d'avant la loi scélérate de 1949 et même après, de même qu'il existe de très nombreuses bandes policières (Dick Tracy) voire sentimentalo-psychologiques (de la petite Annie à celle interminable de (je ne retrouve plus son nom mais je l'ai bien connu et même fait travailler, un grand dessinateur, vous le connaissez tous, j'ai son nom sur le clavier) qui paraissait dans France-Soir et qui racontait la terrible histoire sentimentale d'une belle jeune femme, au total en bien plus grand nombre que celles de sf.
Ce qui revient à dire que la proposition d'Érion s'étend à tous les genres, pardon, à toutes les espèces littéraires, et n'a donc aucune validité particulière dans le domaine qui nous occupe.
Id pour le cinéma.
Non.

Ces BD non SF n'ont jamais participé à la constitution de leur genre, contrairement à la SF.
Quand on lit Marc Lévy, on ne voit que d'autres romans équivalents. Quand on lit certains textes ou romans de SF, on y voit des romans de SF, mais AUSSI de la BD, du cinéma, du jeu vidéo, etc. Ces domaines s'interpénètrent (faudrait voir ce qu'il en est pour la fantasy et le fantastique, c'est fort possible ; à discuter aussi des rapports entre littérature érotique et cinéma, je n'en sais rien, mais ça ne m'étonnerait pas.).
Mais la SF est un des rares genres où tout a été lié à un moment ou un autre. C'est sans doute aussi un élément qui expliquerait à quel point l'illustration SF a été importante pour les collections, et pour les magazines. Les illustrations de la littérature général ne prédisposent pas au genre.
Il n'est pas rare que la 4eme de couverture d'un roman de SF fasse référence à de la BD ou à un film, alors que pour la littérature générale, c'est le film comme produit dérivé qui est un élément d'attraction.

Ca rejoint la définition de ce qu'est une "pop-culture", une culture où les domaines sont connectés.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lem

Message par Lem » sam. déc. 19, 2009 12:09 am

Lensman a écrit :Le plus désespérant (de manière rétrospective, si j'ose dire), c'est Robida. Lui, il parle de l'avenir, et met vraiment en scène ses innombrables extrapolations technologiques. C'est foisonnant! Mais... c'est pour faire de la satire!
Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a un vrai problème en France, depuis bien longtemps, avec ce que tu désignes par l'"interaction prospective entre la technologie et la société", domaine dont je ne suis pas sûr qu'il passionnait tant que cela Maurice Renard.
Le passionnait, sans doute pas. Mais il en avait je crois conscience – et pour le montrer, il choisit précisément ton exemple. C'est la suite immédiate de sa réfutation de Verne comparé à Wells, postée plus haut :
Et puisque nous sommes sur ce terrain, creusons encore un fossé plus profond entre Wells et Robida qui, dans son trop fameux XXème siècle, n'a fait que supposer exaucés quelques-uns de nos désidératas les moins relevés et les plus superflus, sans se soucier d'obtenir ce résultat de façon cohérente, ni d'en tirer la moindre conséquence.
Ce que Renard ne traite pas, c'est la question du futur – encore moins celle du futur lointain. L'impact social à grande échelle de la technologie est à peine effleuré chez lui. Disons qu'à ses yeux (c'est ainsi que je le perçois mais il faudrait saisir tout le texte pour être sûr) l'avenir comme lieu de déploiement de la technologie spéculative est une pétition de principe presque naturelle, une technique littéraire dont le but est de matérialiser le potentiel de la science et de la technologie. De faire toucher du doigt que la recherche est susceptible de nous emmener dans des directions totalement inattendues. Pour lui, le roman scientifique est l'instrument culturel qui doit permettre l'intégration de ce potentiel dans "l'intelligence du progrès". Mais le futur en tant que tel n'est pas son problème. Il le dit dans un autre article, celui sur Rosny :
L'imagination inventive n'a qu'exceptionnellement la prétention de vaticiner. Lorsque ses inférences viennent à se confirmer, c'est une victoire qu'elle n'a pas cherchée. Elle peut se mouvoir hors du temps, et ce n'est pas le long de l'avenir qu'elle a coutûme d'aller. Le propre du merveilleux-scientifique, n'est pas de devancer, en pointe d'avant-garde, la marche de l'heure mais de pousser des incursions latérales sur les flancs de la réalité, de patrouiler en marge de la certitude, non pour acquérir la connaissance du futur mais pour obtenir une bonne compréhension du présent. La seule ambition d'un tel romancier est d'arriver à faire déborder un peu le contenu sur l'incertain, à faire légèrement rayonner la clarté sur la pénombre. (…) Nos contes les plus abracadabrants sont donc susceptibles d'une certaine réalisation. l'avenir pourrait fort bien légitimer, mais en les transposant, nos pires sophismes.
Oncle a écrit :Sa théorie prétendument fondatrice de la SF me paraît bien juste à ce niveau. Ce n'est pas la première fois que je le fais remarquer, mais à chaque fois, ce problème est évacué comme annexe, alors qu'il est flagrant qu'il est crucial.
On n'a pas sérieusement discuté du problème du futur, qui est très compliqué. Mais sans provocation de ma part : la théorie de Gernsback est tout aussi limitée sur d'autres points ! La différence n'est pas là à mon avis. En 1909, Renard fait la théorie d'un genre littéraire. Dix sept ans plus tard, Gernsback amorce la création d'une subculture appuyée sur un outil éditorial. Ils parlent de la même chose (la SF) mais dans un cadre et avec des objectifs différents. Je ne vois pas ce que l'apport de Gernsback enlève au caractère pionnier de Renard.

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Message par Lensman » sam. déc. 19, 2009 12:23 am

Lem a écrit :. Je ne vois pas ce que l'apport de Gernsback enlève au caractère pionnier de Renard.
Ce que ça enlève, c'est que sans cela, la science-fiction ne fonctionne pas. Que le problème du futur soit compliqué, nous n'en doutons pas (comme si le reste était simple…), mais du côté américain, il est abordé sans aucun complexe (les Américains ne semblent pas avoir conscience du fait que c'est compliqué). Une des premières grandes BD américaines, justement est une BD de SF, "Buck Rogers" (1929), qui part d'une nouvelle de 1928, comme nous le savons tous. C'est l'audace américaine qui est remarquable, pas la pusillanimité française, en tout cas, c'est comme ça que je vois les choses, c'est là que la science-fiction existe vraiment: dans ce mouvement.
Cela n'enlève rien à mon intérêt puissant pour l'histoire des idées conjecturales Je le répète, des fois que quelqu'un en douterait...
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Message par Lensman » sam. déc. 19, 2009 12:29 am

Je ne me souviens plus si Renard a écrit un texte se passant dans l'avenir.
Mine de rien, le roman (1911) de Gernsback se passe dans l'avenir. Lui, en tout cas, ça le passionnait, même s'il n'avait pas la belle plume théorique de Renard.
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Message par Lem » sam. déc. 19, 2009 12:37 am

Lensman a écrit :C'est l'audace américaine qui est remarquable, pas la pusillanimité française, en tout cas, c'est comme ça que je vois les choses, c'est là que la science-fiction existe vraiment: dans ce mouvement.
Hum. Es-tu sûr que ça concerne la science-fiction ? A partir des années 30-40, "l'audace américaine" se distingue de la "pusillaninimité française" dans à peu près tout. Le cinéma, la radio, la télévision, l'édition, la peinture, la musique, le style littéraire, l'industrie, l'économie, la guerre… Ce mouvement que tu admires, ce n'est pas celui de la SF ; c'est celui de toute la société américaine. Ce que tu reproches à la vieille France, ce n'est pas la timidité du roman scientifique ; c'est l'absence des pulps et du cinémascope, hors toute question de genres. C'est ne pas être l'Amérique. Pourquoi pas ? Moi aussi, j'ai longtemps été tenu dans cet enchantement qui me faisait paraître gris tout le reste. Mais tu devrais te demander si cette confusion entre "SF" et "US" ne brouille pas ta perception du domaine ici. (Petite provoc mais vraie question.)

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Message par Lensman » sam. déc. 19, 2009 12:47 am

Lem a écrit :
Lensman a écrit :C'est l'audace américaine qui est remarquable, pas la pusillanimité française, en tout cas, c'est comme ça que je vois les choses, c'est là que la science-fiction existe vraiment: dans ce mouvement.
Mais tu devrais te demander si cette confusion entre "SF" et "US" ne brouille pas ta perception du domaine ici. (Petite provoc mais vraie question.)
De quel domaine? Je parle de la science-fiction, pas du seul merveilleux scientifique.
Tu devrais te demander, de ton côté, pourquoi tu dois te livrer à tous ces détours pour éviter un problème central, crucial de la SF qui est sa projection dans l'avenir.
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Message par Lensman » sam. déc. 19, 2009 1:00 am

Provocation pour provocation, je pourrais dire que tu confonds l'approche historique avec la rédaction des bases d'une uchronie: que se serait-il passé si les USA n'avaient pas existé? (en gros... il faudrait affiner, pour l'uchronie, tout de même...) Y aurait-il eu un genre, ressemblant quelque part à ce que nous apppelons science-fiction dans notre monde, mais qui serait français (ma foi, ça aurait pu continuer à s'appeler le "merveilleux scientifiique", pourquoi pas?). Un monde où Renard aurait été une sorte de Gernsback français (si j'ose dire), théoricien et en plus vrai homme de lettres. Un genre où il serait question de conjecture et d'émerveillement basés sur la science, mais où il ne serait pas plus question que cela de futur.
Ce n'est pas faire de l'histoire ça, c'est faire de l'uchronie. J'aime aussi beaucoup, cependant...
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Message par JDB » sam. déc. 19, 2009 8:09 am

Erion a écrit :
Gérard Klein a écrit : Enfin, contrairement à ce que dit Érion, si, bien entendu, le domaine de la science-fiction s'étend au delà de son expression littéraire et en particulier dans la bande dessinée d'avant-guerre et d'après, cela est aussi vrai pour d'autres domaines littéraires. Il y a de très nombreuses BD historiques dans Robinson, Le Journal de Mickey et Donald, et dans toutes les revues de BD d'avant la loi scélérate de 1949 et même après, de même qu'il existe de très nombreuses bandes policières (Dick Tracy) voire sentimentalo-psychologiques (de la petite Annie à celle interminable de (je ne retrouve plus son nom mais je l'ai bien connu et même fait travailler, un grand dessinateur, vous le connaissez tous, j'ai son nom sur le clavier) qui paraissait dans France-Soir et qui racontait la terrible histoire sentimentale d'une belle jeune femme, au total en bien plus grand nombre que celles de sf.
Ce qui revient à dire que la proposition d'Érion s'étend à tous les genres, pardon, à toutes les espèces littéraires, et n'a donc aucune validité particulière dans le domaine qui nous occupe.
Id pour le cinéma.
Non.

Ces BD non SF n'ont jamais participé à la constitution de leur genre, contrairement à la SF.
Quand on lit Marc Lévy, on ne voit que d'autres romans équivalents. Quand on lit certains textes ou romans de SF, on y voit des romans de SF, mais AUSSI de la BD, du cinéma, du jeu vidéo, etc. Ces domaines s'interpénètrent (faudrait voir ce qu'il en est pour la fantasy et le fantastique, c'est fort possible ; à discuter aussi des rapports entre littérature érotique et cinéma, je n'en sais rien, mais ça ne m'étonnerait pas.).
Mais la SF est un des rares genres où tout a été lié à un moment ou un autre. C'est sans doute aussi un élément qui expliquerait à quel point l'illustration SF a été importante pour les collections, et pour les magazines. Les illustrations de la littérature général ne prédisposent pas au genre.
Il n'est pas rare que la 4eme de couverture d'un roman de SF fasse référence à de la BD ou à un film, alors que pour la littérature générale, c'est le film comme produit dérivé qui est un élément d'attraction.

Ca rejoint la définition de ce qu'est une "pop-culture", une culture où les domaines sont connectés.
Plutôt d'accord avec Erion, à condition de bien distinguer les périodes historiques et les zones d'influence culturelles.
D'où la nécessité ici d'une approche historique.

En résumé :

En France : durant les années 50, la BD est considérée comme un enfantillage -- aucune influence sur le développement de la SF. Viennent les années 60 et l'émergence d'un réseau d'amateurs de BD qui se constitue au sein du milieu des amateurs de SF, dans le but de promouvoir (au sens très large) la BD.
Puis vient l'explosion de la BD en France, en grande partie liée au phénomène Astérix. Le milieu de la BD se structure (revue d'études, conventions, festivals...) à une échelle que la SF n'a jamais connue en France. De plus en plus de lecteurs découvrent la SF grâce à la BD (Druillet, Christin/Mézières). La BD gagne peu à peu sa légitimité.
A noter, à cette époque, le rôle de passeur de Jean-Pierre Dionnet, qui parle de SF dans les supports BD et vice versa. Et puisqu'on parle de Dionnet...
Années 70: Métal hurlant. Tournant décisif à mon sens. Dans l'esprit collectif, la SF s'identifie plus ou moins à la BD de SF.

Pour revenir au propos d'Erion : dans le domaine de l'horreur US, l'influence de certaines BD (les EC Comics) a été profonde et durable.

Mais il faudrait lancer un autre fil sur ce sujet pour ne pas parasiter celui-ci.

Et d'ailleurs, puisqu'il appert au vu des dernières remarques de Lem qu'il utilise ce forum comme laboratoire et nous-mêmes comme bêta-testeurs de ses idées, je me demande si...

MODESTE PROPOSITION :
En plus des rubriques "Vos dernières lectures", etc, pourquoi ne pas en créer une nouvelle genre "Pour une histoire de la SF" où on pourrait développer tout ça ?

JDB

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Message par Lensman » sam. déc. 19, 2009 11:35 am

Pour les jeunes qui nous lisent, on rappellera les (en très gros) trois mousquetaires de la BD SF américaine (qui étaient quatre): "Buck Rogers" (1929, parti d'un récit (hum) d'Amazing Stories de 1928), "Flash Gordon" (1934), "Brick Bradford" 1934) et "Mandrake" (1934) (la dernière est moins spécialisée, encore que les aventures SF y soient nombreuses). Ces bandes arrivent chez nous dans les publications pour la jeunesse vers la fin des années 30. Il y a d'ailleurs un problème intéressant: aux USA, ces bandes sont publiées dans les grands journaux, et lues, on peut dire, par des millions de gens.L'impact est immense (il y a une vive concurrence, d'ailleurs). Mais ce public n'est pas un public enfantin; ces journaux américains sont destinés aux adultes. Les gamins les lisent bien évidemment (ils doivent piquer les suppléments du dimanche à leurs pères, ou ces derniers leur passent en cachette de leurs mères: solidarité masculine, concernant certains aspects de ces bandes). Chez nous, il y a un malentendu qui fait que ces bandes sont publiées comme étant très spécifiquement pour les enfants, d'où certains tiraillements quant à des aspects graphiques qui font pourtant la joie de certains bambins "avancés" (et qui ont vivement marqué certains lecteurs français, du genre Ruellan, Curval, Goimard, (et Lacassin), des noms qui vous disent quelque chose).
En France, un résultat de l'arrivée de ces bandes américaines sera la naissance d'une concurrence nationale, dont l'exemple le plus beau, qui parvient à sauver l'honneur et au-delà, c'est "Futuropolis" de Pellos (1937-38 je crois). Il y a énormément à dire sur ce chef-d'oeuvre (son scénariste reste mal repéré, d'ailleurs), que ce soit sur contenu, sa forme… et le décalage bizarre, du fait que ce serait plutôt une bande pour adolescents et adultes, mais pas pour les gosses. En France, on réussi aussi cet exploit de ne rien comprendre au ciblage du public, notamment parce que l'on coupe le monde en deux parties distinctes: adulte et gamin. Ce qui fait que la SF, qui fonctionne particulièrement bien à la jonction des deux, eh bien, elle est pour le moins mal placée...
Ce genre de pataquès sociologique fait partie de l'histoire de la SF, et a sans doute plus d'importance, d'après moi, que tel ou tel texte théorique.
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Message par Aldaran » sam. déc. 19, 2009 3:12 pm

JDB a écrit :MODESTE PROPOSITION :
En plus des rubriques "Vos dernières lectures", etc, pourquoi ne pas en créer une nouvelle genre "Pour une histoire de la SF" où on pourrait développer tout ça ?
Excellent, ça.
Mais faudra structurer un minimum avant. Et créer un fil jumeau pour déverser les trolls et autres coups de gueules parasites.

Lem

Message par Lem » sam. déc. 19, 2009 4:54 pm

Sur l'idée d'un fil historique : je vous laisse juges. Pas mal de choses ont été postées ici, déjà. Si ça continue sur un topic spécifique, j'y puiserai et contribuerai. Sinon, ça peut rester ici.

Pour revenir, peut-être une dernière fois, sur l'action éventuelle de l'Histoire envisagée, cette remarque : tout le monde sait que la SF en France, depuis 1950, a souffert d'un problème récurrent qu'on pourrait appeler "la malédiction des vingt ans", et qui a entravé son développement. Une génération découvre la SF à l'âge approprié (entre neuf et treize ans, disons). Un lectorat passionné se crée, suit le genre pendant une dizaine d'années, puis se rétracte peu à peu et quand cette génération atteint la trentaine, elle élimine la SF de ses lectures (du champ légitime, en considérant que c'était "un truc d'ado") à l'exception d'une poignée de fans purs et durs qui restent actifs. Puis, une nouvelle génération arrive et il faut presque tout reprendre à zéro car dans le creux, beaucoup d'instruments éditoriaux (et d'auteurs) ont disparu
Il y a eu la vague 1950-70, avec le pic en 60 : Présence du Futur, Le Rayon, Fiction, Galaxies, Satellite, et le premier Fleuve.
Il y a eu la vague 1970-90, avec le pic en 80 : Ailleurs & Demain, J'ai Lu, Pocket, Univers, Les années de la SF, Métal, etc.
Il y a eu la vague 1990-aujourd'hui (?) avec le pic en 2000 : Mnémos, Lunes d'Encre, Bifrost, Galaxies, les anthos du Fleuve, etc.
Il est évident que la crise périodique a découragé beaucoup de vocations d'auteurs. Du point de vue éditorial, le lectorat de la SF n'est pas cumulatif : il se développe jusqu'à un certain point (en n'embarquant qu'une toute petite partie du lectorat de la génération précédente), puis reflue (en ne laissant qu'une toute petite partie de lui-même à la génération suivante). Pour les auteurs, ça implique pratiquement l'impossibilité de faire carrière dans le domaine et nombreux sont ceux qui ont arrêté après dix ou quinze ans d'efforts, ou changé de genre, parce que financièrement, ça n'était jamais mieux que "difficile" et sans espoir tangible d'amélioration, sans reconnaissance critique qui puisse rendre la pilule moins amère à avaler, sans accès médiatique qui soit susceptible d'inverser la tendance.
– perdus après la première vague (en tant qu'auteurs de ficion) : Wul, Carsac, Demuth, Drode, Klein (partiellement, ok), etc.
– après la deuxième vague : Jeury, Brussolo, Andrevon, Houssin, Pelot, Douay, Jouanne etc.
– après la troisième vague : hem, on verra bien. Eventuellement moi, déjà.
Imaginez que tous ces auteurs aient simplement continué d'écrire un roman par an, une ou deux nouvelles, et que leur lectorat ait crû régulièrement. La SFF aurait un tout autre visage aujourd'hui. Il suffit de regarder ce qui s'est passé en BD où la légitimation des années 80 a permis aux lecteurs des 70ies de continuer à lire, et aux auteurs de continuer à créer. Regardez ce qu'est devenu le marché de la BD, l'œuvre et l'envergure de créateurs comme Mœbius, Bilal, Christin, les frères Schuiten, Andréas…

Naturellement, rien n'est aussi clair, aussi tranché. Des auteurs partent, puis reviennent, ou continuent d'écrire de la SF en pointillé. Des outils éditoriaux meurent mais transmigrent et font retour sous une autre forme. Le lectorat subsistant n'est pas nul. Mais tout de même, la barrière des vingt ans a cassé deux fois le développement du genre ici. Et c'est un phénomène sur lequel l'Histoire hypothétique pourrait agir. A partir du moment où la SF n'est plus perçue comme uniquement "pour ado", à partir du moment où il est légitime de continuer à en lire sans considération d'âge, où l'intérêt culturel n'est plus discuté, le lectorat s'accumule (ou subit des pertes considérablement moindres) et tout le reste du circuit en profite. Et dans l'autre sens – vers le passé cette fois – le repérage d'une tradition et la mise à disposition d'une liste de classiques, du dernier tiers du XIXème siècle jusqu'à nos jours, devrait à la fois neutraliser l'impression périodique de repartir à zéro tous les vingt ans et permettre d'entrer dans le genre à n'importe quel moment.
Comme le disait Borgès, "ma solitude se console à cet élégant espoir".

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De quoi parle-t-on en attendant la suite du feuilleton K ? Du futur ? Du sense of wonder ? De ce que la métaphysique a à voir dans ces deux concepts ?

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