Lensman a écrit :c'est toi qui présentes Renard comme un théoricien de la science-fiction.
Oui.
J'ai l'impression que ton raisonnement est:
Je cherche un théoricien de la science-fiction.
Non.
Mon raisonnement est, depuis 2001 et repris dans presque tous les articles que j'ai écrits depuis, y compris la postface à ton encyclopédie :
On ne peut pas définir la science-fiction par une liste de thèmes ou de motifs qui lui seraient propre. Chaque liste exclut du domaine trop de classiques pour que la définition soit recevable, comme tous les critiques qui s'y sont essayés l'ont constaté.
Et on ne peut pas non plus la définir comme "ce qui paraît sous l'étiquette SF" pour des raisons évidentes (il y a de la Sf au dehors, et il y a de la non-SF sous le label).
En fin de compte, la seule définition fiable paraît être celle qui s'appuie sur l'émotion spécifique de lecture, identifiée dès le début par les premiers fans comme
le sense of wonder. Selon cette définition, la SF, c'est ce qui suscite le
sense of wonder – un certain type d'émerveillement, ou d'étonnement, très particulier. C'est la raison pour laquelle on "reconnaît" une œuvre SF, même hors collection. C'est la raison pour laquelle on peut dire que Rosny et Wells en écrivent – alors que le label n'est pas encore inventé. La science-fiction, c'est la littérature qui produit cette émotion, ou cet état d'esprit, comme tu voudras.
Ce raisonnement était au point dès le début des années 2000 et public, bien avant que je remette le nez dans les textes de Renard. C'est la base de ma réflexion sur la SF et je pensais que tout le monde en était informé (et confortable avec, dans la mesure où personne n'a jugé bon de le réfuter ou de le contester). Il figure dans la préface de l'anthologie. Je l'ai redit ici plusieurs fois. Pour comprendre l'importance que j'accorde à Renard, il faut le considérer de ce point de vue.
Je trouve des textes de Renard sur le merveilleux scientifique, qui ont l'air de bien aller.
A partir du moment où, à mes yeux, la définition de la SF passe par le
sense of wonder, il est difficile de ne pas voir que Renard en a été effectivement le premier théoricien. Car c'est le sujet même de son article : "l'action du merveilleux-scientifique" sur "l'intelligence du progrès", c'est exactement ça : la théorie d'un saisissement, d'un étonnement, d'un état d'esprit très spécial créé dans l'esprit du lecteur par le texte. C'est en toutes lettres dans son papier, très bien analysé. C'est aussi la raison pour laquelle il introduit le mot "merveilleux" dans le nom du nouveau genre. Faut-il rappeler, comme je l'ai déjà fait ici et ailleurs, que les premiers pulps de SF s'intitulaient
Amazing, Astounding, Astonishing, Wonder, Stirring, etc ? Et que si on traduit "merveilleux-scientifique" en anglais, ça donne…
Science Wonder ?
Tiens, on me fait remarquer qu'il ne parle pas tellement du futur, alors que tout de même, ça a l'air d'être pour le moins présent dans la science-fiction, à tel point qu'il y a même des gens qui croient que la science-fiction se confond avec l'anticipation.
c'est embêtant... mais non, pas tant que ça: il suffit de dire que, puisque Renard n'y accorde pas tellement d'importance, c'est que ce n'est pas si important que ça dans la science-fiction. Prouvez moi le contraire!
Allons, je n'ai jamais dit ça. Dans tous les posts sur ce sujet aujourd'hui, j'ai redit à chaque fois que le futur était sans doute le thème le plus important de la SF. Mais le but de Renard, ce n'est pas de faire une liste de thèmes : c'est de définir. A partir du moment où on est d'accord sur la définition de la SF comme littérature du sense of wonder, on ne peut que reconnaître que Renard l'a définie correctement en 1909.
Si tu n'es pas d'accord avec cette définition de la SF, quelle est la tienne ?