Lem a écrit :Lensman a écrit :Sauf que ça revient à peu près à dire que la science-fiction, c'est la littérature de la science-fiction, vu le flou qui entoure la notion de sense of wonder, que l'on peine à définir,
Je suis désolé, Oncle. C'est dans la postface de ton encyclopédie, assez précisément défini. Tu me prends en traître comme ça, maintenant, en faisant comme si toute cette partie de mon discours t'avait échappé alors que ça fait dix ans que je le tiens. Je ne dis pas que cette définition est juste ou définitive. Je dis que c'est la mienne, celle qui m'a paru la plus satisfaisante. C'est ma base théorique. Je l'ai choisie soigneusement, après trente ans d'intimité avec le genre. Elle n'est pas originale (il y a un courant critique classique US qui considère que c'est une bonne définition). Elle n'est pas moins digne que "la SF, c'est ce qui parle de science et du futur" qui doit laisser dehors deux ou trois mille textes de SF que tu aimes. Mais je sais très précisément ce que tu n'aimes pas :
C'est une définition esthétique. Elle ne dit pas ce dont la science-fiction parle. Elle dit l'effet qu'elle produit sur le lecteur.
La définition de Gérard sur l'impact des technoscience sur la société (si c'est bien une définition) me paraît de nature sociologique. Elle n'est pas du tout antinomique, d'ailleurs.
Elle m'échappe largement, la théorie esthétique, mais ça ne m'empêche de lire avec intérêt ce que tu en dis, ce que tu tentes de préciser.
La remarque que tu fais sur Gérard montre sans doute un des grands problèmes, qui est qu'une définition de la SF d'une seule nature (par exemple, esthétique, par exemple, sociologique, par exemple, éditoriale, etc) ne peut pas fonctionner. Le malheureux qui se lance dans l'entreprise de la définition est obligé de combiner tout cela et d'autres choses.
Oui, il y a évidemment dans Maurice Renard des considérations qui décrivent une partie de la SF, ou une partie de son fonctionnement, je pense que là, tout le monde sur le fil est d'accord. Oui, c'est un pionnier de la théorie à ce niveau.
Mais mon point de vue est que ce n'est qu'un rouage de l'ensemble du phénomène.
Il ne s'agit pas de décourager le chercheur pour le simple plaisir pervers de le contredire, même si forcément, c'est une vilaine tentation dans les discussions. Mais je trouve que, finalement, ton système aboutit d'une certaine manière à quelque chose de restrictif, même s'il a d'évidentes qualités.
En fin de compte, dans le "sense of wonder", qu'est-ce qui compterait: ce qui le produit, ou l'effet qu'il produit? Si quelqu'un écrit la nième histoire d'invasion extraterrestre, et qu'en plus le texte est vraiment mauvais, ne provoque aucun "sense of wonder" chez le lecteur, on va tout de même dire que c'est de la science-fiction. De la science-fiction ratée, mais de la science-fiction. A ce compte, il vaut mieux dire que c'est de la SF, parce que c'est une histoire d'extraterrestres envahisseurs. Là, tout le monde est d'accord sur le fait que c'est de la SF, sans discussion, à moins d'être d'une mauvaise fois extrême ou têtus comme des mules (pas le genre des amis de ce fil, bien sûr...)
OK, il faut aller plus loin, sinon, c'est tristounet, je suis d'accord. On se dit alors: c'est que le thème en lui-même est reconnaissable: les extraterrestres, on n'en connaît pas, mais ça pourrait exister (spéculation scientifique), ils pourraient nous envahir. Le thème en lui-même nous intéresse, Va-t-on dire qu'il y a là "sense of wonder"? Je ne dis pas non, mais je dis qu'on n'est plus dans l'émotion de la lecture, qui me semble être ce que beaucoup de gens entendent par "sense of wonder".
Bref, cette théorie esthétique est extrêmement complexe (tu en sais quelque chose), et prise seule, extrêmement périlleuse.
Elle n'a pas cette espèce de clarté que tu a l'air de percevoir, en tout cas pas pour moi.
Oncle Joe