Roma Aeterna - Robert Silverberg

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Patrice
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Message par Patrice » mer. juin 03, 2009 3:31 pm

Salut,
L'Empereur dit "Dieu nous vienne en aide". Pas les Dieux, pas Mars ou Jupiter ou le dieu machin. Dieu, avec un D.
Curieux, non ?
Non, si on connaît l'état du paganisme gréco-romain à la fin de notre Antiquité. Les penseurs païens comme l'empereur Julien, LIbanios, Saloustios, et tout ça, s'en réfèrent sans arrêt à "Dieu", dans une sorte d'énothéisme intéressant.

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Patrice

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Lisore
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Message par Lisore » mer. juin 03, 2009 3:54 pm

Oui, mais la fin de Notre Antiquité a aussi subi les influences du monothéisme tel qu'on le connaît.
En outre, comme dit plus haut, Silverberg passe totalement sous silence les évolutions de la société et on n'a pas la moindre idée des pensées philosophiques de l'époque de cette nouvelle. Alors, le "Dieu nous vienne en aide" arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. D'autant que l'Empereur en question n'est pas franchement un penseur de type marc aurèlien :lol:

Tiens, ça me fait penser à un autre détail qui fait "tilt" par moment. Quand certains personnages pensent au passé, ils se réfèrent aux périodes en utilisant les termes "Antiquité", "Moyen Age" et "Epoque moderne".
Pour le dernier, je veux bien (on considère toujours que la période dans laquelle on vit est la plus "moderne"). Par contre, pour Antiquité, et surtotu Moyen Age... heu... comment dire ? Non.

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Lensman
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Message par Lensman » mer. juin 03, 2009 4:08 pm

Lisore a écrit :
Tiens, ça me fait penser à un autre détail qui fait "tilt" par moment. Quand certains personnages pensent au passé, ils se réfèrent aux périodes en utilisant les termes "Antiquité", "Moyen Age" et "Epoque moderne".
Pour le dernier, je veux bien (on considère toujours que la période dans laquelle on vit est la plus "moderne"). Par contre, pour Antiquité, et surtotu Moyen Age... heu... comment dire ? Non.
... ça, c'est une remarque qui frappe juste... J'en reviens à cette idée que Silverberg a laissé trop (à notre goût) d'allusions à la véritable histoire, pour ne pas trop perdre les lecteurs.
Oncle Joe

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Patrice
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Message par Patrice » mer. juin 03, 2009 4:25 pm

Salut,
Oui, mais la fin de Notre Antiquité a aussi subi les influences du monothéisme tel qu'on le connaît.
Bof.
C'est plus subtil que ça. C'est un jeu d'influences croisées permanent à l'époque impériale, mais l'énothéisme est bien antérieur au christianisme. Voir par exemple le cas du démiurge de Platon (Timée, 28c 3-4). Et avant le christianisme, l'influence du judaïsme est nulle.
Tiens, ça me fait penser à un autre détail qui fait "tilt" par moment. Quand certains personnages pensent au passé, ils se réfèrent aux périodes en utilisant les termes "Antiquité", "Moyen Age" et "Epoque moderne".
Pour le dernier, je veux bien (on considère toujours que la période dans laquelle on vit est la plus "moderne"). Par contre, pour Antiquité, et surtotu Moyen Age... heu... comment dire ? Non.
Non, puisque la trame historique du monde de Roma Aeterna est finalement la même que la notre. Il est donc normal que les historiens de ce monde aient le réflexe de découper l'Histoire en catégories similaires.
Quant à l'Epoque Moderne, elle s'arrête en fait à la Révolution. Après, on parle d'Epoque Contemporaine.

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Patrice

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Message par Lisore » jeu. juin 04, 2009 7:13 am

Désolée, mais je n'adhère pas à ta justification. Surtout en ce qui concerne le Moyen Age, en fait. C'est une époque qui a été définie comme telle par des "historiens" de périodes ultérieures qui souhaitaient marquer la rupture entre leur période, qu'ils jugeaient éclairée, et la période précédente, considérée comme barbare et obscurantiste (ce qui n'était pas le cas, mais passons).
En gros.

Dans Roma Aeterna, il y a continuité de l'Empire et, apparemment, des mentalités. Il n'y a pas de césure entre périodes, pas de révolutions de pensées ou de technologies (du moins, on n'en a pas connaissance). Bref, rien qui justifie un découpage correspondant au nôtre, encore moins l'appellation méprisante de Moyen Age.

Notre Moyen Age débute, à peu près, avec la chute de Rome et l'âge d'or des "royaumes barbares". Or, là, non seulement Rome a tenu bon, mais en plus, les "barbares" ont été écrasés et l'Empire s'est trouvé consolidé (puisqu'en plus, il n'a pas eu la lente agonie qu'il a connut dans notre Ve siècle).

En outre, le personnage qui utilise ce découpage vit, il me semble au 20e siècle romain, soit à peu près notre 12e ou 13e siècle. Et il a tendance à considérer, comme d'autres avant lui, que les périodes précédentes étaient plus fastes, plus glorieuses. Pas de mépris donc justifiant l'appellation de Moyen Age.

Donc, non, désolée, je ne trouve pas justifiable que le même découpage ait été utilisé.

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Message par Lensman » jeu. juin 04, 2009 7:33 am

Je trouve que Lisore a raison.
Il aurait été tout à fait possible (on refait l'histoire, au sens propre) d'introduire une période de recul ou déciln pour telle ou telle raison et dans tel ou tel domaine, et de lui donner un nom (l'âge anxieux, l'âge troublé, la stagnation,...), mais le réemploi du terme "moyen âge" (trop précis, malgré son caractère discuté) me paraît une facilité fort peu satisfaisante (même si j'apprécie beaucoup ce Silverberg).
Oncle Joe

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Eric
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Message par Eric » jeu. juin 04, 2009 7:44 am

À toutes fins utiles, je vous mets en lien l'interview que le maître nous avait accordée à propos de Roma Eterna. Elle apporte quelques éléments de réponses aux questions que vous vous posez. Notamment en ce qui concerne le manque de densité sociale (ce qui est d'ailleurs partiellement inexact, dans la mesure où c'est quelque chose qui reste en arrière-plan de manière assez constante).

Je rappelle, en outre, qu'il ne s'agit pas d'un roman, mais d'une série de nouvelles écrites sur près de 15 ans.

Enfin, j'ai bien rigolé en lisant qu'on puisse soupçonné Silverberg d'être 1) marxiste 2) déiste. Je pense qu'il aurait bien rigolé aussi.
"Ueeuuggthhhg", laissa échapper Caity. Ce qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi.

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Message par Patrice » jeu. juin 04, 2009 8:38 am

Salut,
1) marxiste
Au sens historiographique du terme, pas au sens politique.

A+

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Message par Lensman » jeu. juin 04, 2009 8:41 am

Je pense que Patrice ne voulait pas dire "marxiste", mais voulait parler d'une conception historique fondée sur des tendances matérialistes, où les mouvements généraux (économiques, sociaux, etc) jouent un rôle plus fondamental que la personnalité de tel dictateur, ou telle bataille gagnée ou perdue, ou telle liste de rois, etc...
Mais il précisera lui-même...
Oncle Joe

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Message par bormandg » jeu. juin 04, 2009 10:41 am

Patrice a écrit :Salut,
Oui, mais la fin de Notre Antiquité a aussi subi les influences du monothéisme tel qu'on le connaît.
Bof.
C'est plus subtil que ça. C'est un jeu d'influences croisées permanent à l'époque impériale, mais l'énothéisme est bien antérieur au christianisme. Voir par exemple le cas du démiurge de Platon (Timée, 28c 3-4). Et avant le christianisme, l'influence du judaïsme est nulle.
Affirmation auto-contradictoire, puisqu'il y avait des juifs à Athènes à l'époque de Platon. Mais c'est vrai qu'à Rome il a fallu une forme romanisée (appelée Christianisme, parce que la référence quecontient le christianisme aux mythes fondateurs de Rome est loin d'être négligeable) pour que cette influence se répande.
Tiens, ça me fait penser à un autre détail qui fait "tilt" par moment. Quand certains personnages pensent au passé, ils se réfèrent aux périodes en utilisant les termes "Antiquité", "Moyen Age" et "Epoque moderne".
Pour le dernier, je veux bien (on considère toujours que la période dans laquelle on vit est la plus "moderne"). Par contre, pour Antiquité, et surtotu Moyen Age... heu... comment dire ? Non.
Et Renaissance (à la limite le moins invraisemblable, sauf que sa spécialisation à LA période voulue n'est pas acceptable).

:twisted:
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Message par bormandg » jeu. juin 04, 2009 10:55 am

Bon, je suis loin d'avoir fini le livre, mais déjà je peux dire que je n'y ai pas vraiment trouvé les dérives que ce fil m'avait fait redouter. A part le défaut initial (si le judaïsme n'a jamais existé faute de sortie d'Egypte et de double royaume d'Israel et de Juda, et si le christianisme n'existe pas, la divergence de l'histoire romaine devrait apparaître dès le règne de Tibère, et être énorme dès celui de Néron), et le caractère totalement artificiel des fantasmes de l'historien de la première nouvelle et de l'assassin de Mahmud, deux nouvelles qui me paraissent 100% invraisemblables dans le contexte, les autres idées semblent assez cohérentes et envisageables; il manque une toile de fond qui montrerait comment le progrès technique a pu suivre un fil commun à celui de notre histoire (qui, par exemple, a apporté la poudre à canon aux romains?), mais Roma eterna est une suite de nouvelles et non une encyclopédie d'histoire alternative.
J'attends toutefois d'arriver à la dernière nouvelle, qui, lors de mon feuilletage initial, m'a paru une réintroduction artificielle du judaïsme, pour décider si le livre est intéressant. 8) :? 8)
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Message par bormandg » jeu. juin 04, 2009 8:42 pm

Fin, et la dernière nouvelle ne confirme pas mes craintes liéeds à une lecture trop rapide. Bien que je me pose des questions sur la date choisie, qui aurait pu correspondre à qqch, mais je ne trouve rien à cette date (9 octobre 1969 pour nous), l'histoire n'est qu'une touche de plus à une évolution plus ou moins patrallèle à celle de notre histoire.
Je déniche tout de même une remarque de l'historien comme quoi l'Empire romain était extrêmement conservateur; remarque à mon avis fort juste; en ce cas, l'évolution, en particulier sur le plan technique, aurait dû être bien plus lente. Une fusée qui explose à la façon de Challenger en 1969... mille ans de plus auraient probablement été justifiés. 8)
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Message par Eons » dim. juil. 19, 2009 7:30 am

Terminé à mon tour. Agréable à lire, mais reste loin en retrait de Chroniques des années sombres. Comme le fait remarquer Georges, le parallélisme avec notre ligne temporelle reste très fort, il n'y a en deux mille ans aucune apparition de "prophète" en dehors d'un Mahomet vite zigouillé, on n'apprend pratiquement rien sur l'évolution sociale à l'extérieur des frontières de l'empire romain d'Occident que nous avons connu, aucun indice d'évolution technologique avant les trois derniers textes (à partir de notre année 1850), et ce sont exactement celles que nous connaissons, et telles que nous les connaissons, qui surgissent tout à coup. Même le texte qui se passe en 2568 (notre 1815) a un scénario qui rappelle furieusement notre Révolution, mais dans un cadre identique à celui de la Rome d'il y a 2000 ans.

En plus, l'évolution du latin vers le romain donne très exactement notre italien. Et ça, c'est invraisemblable.

Donc, un peu décevant pour un véritable amateur d'uchronie.

@Georges : le dernier texte ne se passe pas en 1969, mais en 1970. Et l'évènement le plus marquant de cette date semble être le décès de Jean Giono. :lol:
Les beaux livres, c’est aussi par ici : www.eons.fr

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Message par Patrice » dim. juil. 19, 2009 11:38 am

Salut,
Donc, un peu décevant pour un véritable amateur d'uchronie.
C'est quoi, donc, la vraie uchronie? Celle où ça se passe obligatoirement différemment?
Mais comment faire quand le propos de l'auteur est justement de montrer que c'est impossible?

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Message par Lensman » dim. juil. 19, 2009 12:26 pm

Patrice a écrit :Salut,
Donc, un peu décevant pour un véritable amateur d'uchronie.
C'est quoi, donc, la vraie uchronie? Celle où ça se passe obligatoirement différemment?
Mais comment faire quand le propos de l'auteur est justement de montrer que c'est impossible?

A+

Patrice
C'est une vraie bonne remarque...
A mon sens, et à moins qu'il ne soit complètement fou et mégalomane (mais ça peut être intéressant, remarquez...), aucun écrivain ne pense être capable d'écrire une "vraie" uchronie à partir d'un point de divergence donné. L'ampleur des données et des variables à prendre en compte dépasse totalement l'entendement (dans plusieurs sens du terme, par dessus le marché!).
La "vraie" uchronie, non seulement ça n'existe pas, mais il n'est pas question de s'en approcher, même de très loin. (Hum... ça fait bizarre quand je relis la phrase précédente... c'est pourtant ce que j'essaie de dire...).
Donc, si on veut critiquer une uchronie, avant de dire 'là, ça ne tient pas debout!", "là ça n'est pas possible, ça n'aurait pas pu se passez si vite (ou si lentement"), etc, il faut essayer, tant que faire se peut, de voir quelles sont les intentions de l'auteur (en dehors du pur divertissement à la "steampunk"), sur quoi il veut mettre l'accent.
il faut aussi savoir quelles sont les conceptions du "fonctionnement" de l'histoire de cet auteur, fonctionnement qui, je crois, ne fait pas l'unanimité (il faut dire qu'il est assez difficile d'expérimenter vraiment en ce domaine...). L'auteur peut d'ailleurs, sciemment, prendre ses distances avec ses propres conceptions (le tout est qu'il le fasse comprendre au lecteur), dans le but de dire quelque chose de spécifique, d'"exagéré" exprès (sans doute le cas de Silverberg).
J'ai parfois lu que l'uchronie se distinguait complètement de la SF. J'ai l'impression exactement contraire: c'est une des branches les plus significatives de la SF, par le jeu sur les hypothèses et discussions qu'elle peut susciter, y compris et même surtout chez des auteurs et lecteurs qui ne sont pas des "spécialistes" de l'histoire. C'est une activité de dilettantes passionnés (comme celle d'auteur et de lecteur de SF, très souvent en tout cas).
Oncle Joe

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