Mais la métaphysique, ça peut être fun.Erion a écrit :Le fun, c'est pas métaphysique.Roland C. Wagner a écrit :e latin, c'est rigolo.
Du sense of wonder à la SF métaphysique
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- Roland C. Wagner
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OK, merci, j'essaierai de voir ce message, mais quand je me reconnecte sur le forum il y a entre quatre et douze pages supplémentaires, alors si à mon tour je mets du temps...Lem a écrit :Oups ! Silramil, pardon. Tu as posté des remarques très intéressantes sur Borgès, dix pages plus haut et je les ai complètement shuntées dans le feu de l'action. Je te répondrai dès que je pourrai (et je relirais un peu tout le récent pour faire le point).
Pour revenir sur ce que disait l'Oncle plus haut, je fais partie de ceux qui lisent régulièrement le fil, mais je n'ai pas le temps de participer (ou plus exactement, si je participe ça détruit mon temps...).
j'ose quand même un petit bilan d'étape personnel...
j'ai le sentiment que la théorie initiale n'était pas mûre, et qu'elle s'affirme au fur et à mesure de la discussion (c'est moins des volte-face que des étapes dans le raisonnement). de ce point de vue, c'est un point de départ très stimulant et la vigueur de ce fil doit moins au flood qu'à l'intérêt des participants.
Pour autant, je reste un peu dubitatif sur le bénéfice à tirer de cette hypothèse : j'accepte volontiers la présence du métaphysique, j'aime bien l'idée qu'il y ait des concepts réifiés dans cette littérature, et c'est une voie d'étude des textes qui me paraît féconde ; ce qui me gêne encore, c'est le saut entre un critère d'analyse littéraire (de quoi parle la SF? pour quels effets?) et un facteur explicatif d'histoire littéraire.
Pour préciser encore, je serais prêt à accepter l'idée que l'arrière-plan métaphysique (pour moi indéniable dans une grande variété d'oeuvres d'imagination) contribue à faire rejeter la SF, parce que cet arrière-plan n'est pas sérieux ; mais ce "pas sérieux", comme il a été évoqué à un moment entre Erion et Lem, est opposable à un "sérieux" qui est, lui, métaphysique aussi.
Le mécanisme SF = métaphysique, ergo rejet me paraît largement insuffisant, d'autant que des oeuvres citées par Lem au côté des textes de SF canoniques, au premier rangs celles de Borges, sont vertigineusement métaphysiques (même si elles peuvent être considérées comme de jolis objets spéculaires) et appréciées en grande partie pour cette raison.
Ainsi, la partie M de la SF me paraît neutre, pour ce qui concerne le mécanisme de rejet, que j'attribue plus volontiers à des facteurs socio-culturels, comme évoqué par de nombreux intervenants. La "quincaillerie" est ce qui est perçu en premier et c'est là que joue vraiment le "sérieux/pas sérieux". L'aspect M se situe en profondeur, quand on se met à faire jouer le texte et qu'on commence à prendre au sérieux (dans la fiction) les possibilités qu'il fait miroiter. Quelqu'un qui rejette l'aspect M, à ce stade, me paraît être un lecteur qui a fait l'effort de dépasser les premières pages, mais qui ne voit quand même sous la quincaillerie que des réflexions sans objet, vu qu'elles portent sur un autre monde que le sien (ce genre de personne a des réflexes de lecture déformés par la manière dominante de lire - pour avoir des informations pseudo-littérales sur la réalité).
Désolé, c'est un peu long et je ne pourrai pas réagir rapidement... mais j'espère que cet avis ne sera pas inutile dans le flot du fil...
- Roland C. Wagner
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C'est aussi mon opinion.silramil a écrit :Ainsi, la partie M de la SF me paraît neutre, pour ce qui concerne le mécanisme de rejet, que j'attribue plus volontiers à des facteurs socio-culturels, comme évoqué par de nombreux intervenants. La "quincaillerie" est ce qui est perçu en premier et c'est là que joue vraiment le "sérieux/pas sérieux".
Merci, Silramil, de l'exposer avec tant de clarté, une clarté qui manque cruellement dans l'essentiel de cette enfilade.
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Je suis du même avis.silramil a écrit : Pour autant, je reste un peu dubitatif sur le bénéfice à tirer de cette hypothèse : j'accepte volontiers la présence du métaphysique, j'aime bien l'idée qu'il y ait des concepts réifiés dans cette littérature, et c'est une voie d'étude des textes qui me paraît féconde ; ce qui me gêne encore, c'est le saut entre un critère d'analyse littéraire (de quoi parle la SF? pour quels effets?) et un facteur explicatif d'histoire littéraire.
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- Roland C. Wagner
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Moi aussi. Étonnant, non ?Shalmaneser a écrit :Je suis du même avis.silramil a écrit : Pour autant, je reste un peu dubitatif sur le bénéfice à tirer de cette hypothèse : j'accepte volontiers la présence du métaphysique, j'aime bien l'idée qu'il y ait des concepts réifiés dans cette littérature, et c'est une voie d'étude des textes qui me paraît féconde ; ce qui me gêne encore, c'est le saut entre un critère d'analyse littéraire (de quoi parle la SF? pour quels effets?) et un facteur explicatif d'histoire littéraire.
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- Roland C. Wagner
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Lensman a écrit :C'est la marque de Silramil : sérieux, intelligence, concision.silramil a écrit :
Tout ce que tu as dit me semble à la fois clair et très intéressant!
Oncle Joe
J'attends avec une impatience non dissimulée l'article qu'il m'a promis pour GSF.
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Yeah ! Si on pouvait arrêter de se bouffer le nez et tous se donner la main...Roland C. Wagner a écrit :Moi aussi. Étonnant, non ?Shalmaneser a écrit :Je suis du même avis.silramil a écrit : Pour autant, je reste un peu dubitatif sur le bénéfice à tirer de cette hypothèse : j'accepte volontiers la présence du métaphysique, j'aime bien l'idée qu'il y ait des concepts réifiés dans cette littérature, et c'est une voie d'étude des textes qui me paraît féconde ; ce qui me gêne encore, c'est le saut entre un critère d'analyse littéraire (de quoi parle la SF? pour quels effets?) et un facteur explicatif d'histoire littéraire.
hum.
Sur ce, je vais au lit.
(pourvu qu'il n'y ait pas douze pages demain matin...)
Tout d'un coup, ça fait bizarre... une intervention dense, où on comprend tout , et où on arrive à être d'accord sur des points précis sans être obligé de tourner le texte dans tous les sens pour essayer de clarifier des concepts obscurs et pour en détecter le non-dit sous-jacent...
Bref, on est quelques-uns à devoir retourner à l'école...
Oncle Joe
Bref, on est quelques-uns à devoir retourner à l'école...
Oncle Joe
mais, heu ! ma modestie me force à rappeler que je ne fais que reprendre des choses déjà dites dans le fil et qu'il y a plein de choses que je ne maîtrise pas (notamment, la synthèse sur les questions métaphysiques, j'ai essayé, mais là , ça me dépasse...).Lensman a écrit :Tout d'un coup, ça fait bizarre... une intervention dense, où on comprend tout , et où on arrive à être d'accord sur des points précis sans être obligé de tourner le texte dans tous les sens pour essayer de clarifier des concepts obscurs et pour en détecter le non-dit...
Oncle Joe
Sur ce, dodo !
Pour moi l'hypothèse M n'est pas tout à fait cela. Dans cette hypothèse, la SF est rejeté pour son contenu métaphysique, mais pas parce que ce contenu est jugé peu sérieux. Au contraire, ce qui gène, c'est que la SF continue de traiter la métaphysique comme un objet de réflexion valide, alors que la métaphysique est "bannie" de la pensée du XXe siècle pour des raisons idéologiques.silramil a écrit : Pour préciser encore, je serais prêt à accepter l'idée que l'arrière-plan métaphysique (pour moi indéniable dans une grande variété d'oeuvres d'imagination) contribue à faire rejeter la SF, parce que cet arrière-plan n'est pas sérieux ; mais ce "pas sérieux", comme il a été évoqué à un moment entre Erion et Lem, est opposable à un "sérieux" qui est, lui, métaphysique aussi.
Quel est le poid relatif de M parmis les autres sources de déni ? C'est difficile à dire. Peut-être que M explique la violence qu'a parfois le rejet de la SF. Quelqu'un qui a simplement peur de l'avenir aura seulement tendance à se détourner de la SF. Quelqu'un qui a le sentiment que la SF heurte ses convictions aura une réaction épidermique et violente.
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J'y reviendrai éventuellement mais c'est assez bien bouclé, rien à dire. Je passe sur les gentillesses pour lever le point critique :silramil a écrit :j'ose quand même un petit bilan d'étape personnel...
N'oublie pas que le mécanisme M ergo rejet complète les autres ergos déjà bien identifiés qui ne sont pas remis en cause. Cependant, une ébauche de réponse, que je développerai dès que ce sera possible :Le mécanisme SF = métaphysique, ergo rejet me paraît largement insuffisant, d'autant que des oeuvres citées par Lem au côté des textes de SF canoniques, au premier rangs celles de Borges, sont vertigineusement métaphysiques (même si elles peuvent être considérées comme de jolis objets spéculaires) et appréciées en grande partie pour cette raison.
– On parle d'un genre qui a été réintroduit en France au début des années 50 sous l'appellation science (et non métaphysique)-fiction.
– Il a été présenté comme "nouveau" et reçu comme tel.
– La collection refondatrice (le Rayon Fantastique) avait dans ses premiers volumes une page de questions-réponses qui présentait le genre et l'accent était mis, si je me souviens bien, sur le futur et la science, de façon tout à fait classique (je n'ai aucun vieux RF sous la main, si quelqu'un peut resaisir le texte, ce serait bien).
– je ne crois pas que dans aucun des discours, documents de presse, matériels publicitaires, papiers fondateurs de cette période, il y ait eu un signalement de ce qui, aujourd'hui, à la page 350 de ce fil, apparaît quand même comme indéniable : la présence de M dans la SF.
– bref : la SF a été perçue comme elle l'est encore largement aujourd'hui (voir la définition du Larousse) : un nouveau genre américain de tonalité assez optimiste, centré sur la science et le futur. C'était l'époque, de toute façon, comme le prouve le papier unesco posté il y a quelques jours. C'était ce qu'on attendait de la SF et ce qu'elle semblait promettre, jusque dans son intitulé.
– (Je passe sur le fait que la SF a rencontré sinon son public, du moins un public . Il y a heureusement une partie du lectorat qui n'a rien dénié, qui a aimé ce qu'il a découvert et c'est toujours le cas aujourd'hui. Ceci ne pose pas de problème.)
– en elle-même, la représentation ci-dessus était déjà une source de rejet sur le mode longuement décrit par GK : pour une partie des lecteur potentiels, la science, le futur, pas question.
– mais il y avait aussi (c'est du moins l'hypothèse) une source de rejet cachée. Ceux qui sont venus au genre sur sa promesse explicite (la science, le futur), qu'ont-ils bien pu éprouver en découvrant qu'il grouillait de dieux, de surhommes aux pouvoirs métapsychiques, d'immortels, de spéculations absconses sur l'origine de l'univers, d'objets en violation totale avec les lois les plus élémentaires de la physique, d'hyperespace, de "triangles à quatre côtés", de "cristaux qui songe", de "guerre aux invisibles" (pour ne rien dire de la métaphysique basse : soucoupes volantes, Atlantide, etc.) Depuis un certain temps, comme l'a rappelé MF, la science a recommencé à faire un place à un certain nombre d'objets ou de concepts métaphysiques. Et par ailleurs, la métaphysique elle-même, en tant que discipline ou source poétique éventuellement, réintègre depuis dix-quinze ans le champ de la pensée. Mais en 1950, ce n'était pas du tout le cas, ni d'un côté, ni de l'autre. La science était réputée "froide" et la métaphysique discréditée. Quelle image les lecteurs venus à la SF sur son message originel (la science, le futur) ont-ils pu se forger du genre quand ils ont constaté la tératologie qu'il abritait et qui n'était annoncée nulle part ? Je crois, quelque chose comme : "mais… mais… ce n'est pas de la science, ça. C'est de la métaphysique pour ado, un franc n'importe quoi".
(Et sur Borgès, dans le cadre de cette problématique : il n'était pas étiqueté SF, il ne promettait aucune "science", il écrivait fabuleusement, des textes très courts, à la limite de la poésie, de la vignette et de l'essai – il ne pouvait absolument pas être reçu dans les mêmes conditions. Ce sont les gens de la SF qui l'ont reconnu comme l'un des leurs, pas les prescripteurs qui l'ont classé sous l'étiquette.)
- Thomas Geha
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et si ce déni venait de l'intérieur et pas de l'extérieur ? C'est à dire de note incapacité à faire comprendre ce qu'est la SF ?Matthieu a écrit :Pour moi l'hypothèse M n'est pas tout à fait cela. Dans cette hypothèse, la SF est rejeté pour son contenu métaphysique, mais pas parce que ce contenu est jugé peu sérieux. Au contraire, ce qui gène, c'est que la SF continue de traiter la métaphysique comme un objet de réflexion valide, alors que la métaphysique est "bannie" de la pensée du XXe siècle pour des raisons idéologiques.silramil a écrit : Pour préciser encore, je serais prêt à accepter l'idée que l'arrière-plan métaphysique (pour moi indéniable dans une grande variété d'oeuvres d'imagination) contribue à faire rejeter la SF, parce que cet arrière-plan n'est pas sérieux ; mais ce "pas sérieux", comme il a été évoqué à un moment entre Erion et Lem, est opposable à un "sérieux" qui est, lui, métaphysique aussi.
Quel est le poid relatif de M parmis les autres sources de déni ? C'est difficile à dire. Peut-être que M explique la violence qu'a parfois le rejet de la SF. Quelqu'un qui a simplement peur de l'avenir aura seulement tendance à se détourner de la SF. Quelqu'un qui a le sentiment que la SF heurte ses convictions aura une réaction épidermique et violente.