Assez pertinent, en fait. Je ne pense pas que ça épuise le sujet mais on peut certainement décrire la chose comme ça. Faire ensuite l'analyse esthétique de ce phénomène consiste (par exemple) à étudier comment l'écrivain procède pour poser des questions déguisées en phrases affirmatives.Roland C. Wagner a écrit :Je reviens là-dessus parce que l'idée vient de me frapper.
Dans le cas de Padgett, la question naît du comportement impossible d'un objet connu. Plusieurs inteprétations sont possibles : puisqu'il y a un sujet conscient impliqué par "le regarda", c'est que le bouton de porte est vu par lui. Le sujet peut être en proie à une hallucination, ça pourrait être l'histoire d'un fou. Ça pourrait aussi être une simple métaphore ; le sujet est un animiste naturel, comme Homère ("l'aurore aux doigts de rose") et dans sa maison, tous les boutons de porte sont bleus, c'est comme ça. Quand il s'éveille le matin, "le réveil lui sourit jaune", la douche "le purifie comme un long baiser sorti d'une bouche humide" et la cafetière "l'attend avec la patience d'un animal domestique". Si on sait que le texte est de la science-fiction, peut-être se situe-t-il à une époque où la technologie des boutons de porte a évolué, où ils ouvrent "un œil" quand on approche pour identifier le visiteur ; ce serait très dickien. On peut faire bien des interprétations de cette phrase et in fine, admettre qu'il en existe potentiellement d'autres auxquelles on n'a pas pensé. Par ailleurs, il y aurait beaucoup à dire sur le choix de "bleu". Je ne sais pas vraiment pourquoi mais ce mot ici me donne l'impression de renvoyer du côté d'Alice au pays des merveilles (peut-être la juxtaposition avec le bouton de porte). Etc.
Chez Priest, ce n'est pas le comportement impossible d'un objet mais l'usage délibérément inapproprié d'une catégorie pour une autre (compter l'âge en kilomètres). Comme chez Klein où le soleil se regarde avec "des lunettes de temps".
Dans tous les cas, il y a un usage incongru du langage, un rapprochement paradoxal, éventuellement monstrueux qui peut-être interprété de toutes sortes de manières. Je crois que la SF est l'une d'elles. En ce sens (puisqu'il y a un usage délibéré du langage et que cet usage possède une empreinte caractéristique, pour ne pas dire poétique), cela justifie de la considérer sous l'angle esthétique.