Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » ven. janv. 29, 2010 10:30 pm

JDB a écrit :Le papier de Curval est paru au Magazine littéraire et, sauf erreur de ma part, certains l'ont jugé vexant.
Je précise que ce n'était pas mon cas.
« Regarde vers Lorient / Là tu trouveras la sagesse. » (Les Cravates à Pois)

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Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 12:30 am

bormandg a écrit :Est-ce que je ne lis pas là des choses avec lesquelles je suis parfaitement d'accord? Et des remarques qui, AMA, sont totalement en rupture avec ta "thèse M"
Elles ne sont pas en rupture ; elles abordent un autre aspect du déni. Tout ce qui s'inscrit sous la rubrique "mauvaise réputation du texte". Et le statut particulier de la métaphore dans le texte SF permet d'établir une connection. Mais je ne développe plus ces choses ici.
comme de voir le sense of wonder triompher dans la BD (aussi bien hors SF, d'ailleurs, au passage: Les Passagers du vent, par exemple)...
On ne va pas recommencer – enfin, pas moi. Si tu éprouves la même émotion en lisant un roman historique et un texte SF, et si tu souhaites appeler cette émotion sense of wonder, c'est que nous ne parlons pas de la même chose.
Ou la remarque que c'est au phénomène même de la fiction que les prescripteurs littéraires (eh oui, Joe, le problème du déni est quasiment limité à la littérature) se sont attaqués, la volonté de narrer, de conter, leur paraissant superflue.
De là à espérer un retour en grace de la fiction et une fin du déni... AMA, ce serait pousser l'optimisme jusqu'au niveau du wishful thinking.
On ne lutte pas contre son naturel.

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 1:02 am

Lensman a écrit :Mais qu'en était-il pendant les années 70? on a l'impression (je serai peut-être détrompé?), que les livres de SF se vendaient correctement, avait un public apparemment suffisant pour que ça tourne.
Coïncidence : j'ai sous la main un texte de GK qui me souffle une réponse (mais peut-être en sera-t-il pas d'accord ?)
Gérard, dans la préface à la réédition Néo du Gambit des Etoiles a écrit :Comment pouvait-on en une époque vouée à la relecture de Gide, Jouhandeau et Léautaud, prendre pour sujet littéraire (…) un objet aussi manifestement inaccessible que les étoiles ? Aujourd'hui que la science-fiction a conquis sinon tout à fait ses lettres de crédit, du moins le crédit de son linéaire dans les grandes surfaces, la question peut sembler oiseuse.
A la période dont on parle, la SF a établi sa place dans les librairies et s'est commercialement bien tenue. Mais contrairement à ce qui s'est passé pour la BD (ou le polar un peu plus tard), elle n'a pas conquis ses lettres de crédit culturelles. Sa place dans la littérature n'a pas été fermement établie. Pourquoi ? A-t-on laissé passer l'occasion ? C'est justement ce qu'on essaie de comprendre.
Quand tu parles de "littérature", j'ai l'impression que tu parles d'une certaine littérature "savante", si j'ose dire. Les lecteurs ordinaires de livres ordinaires, eux, ils lisent des livres avec des histoires dedans, et se moquent bien de la frange "savante" (je n'arrive pas à trouver le bon terme) de la littérature.
Le même texte de GK me souffle une deuxième réponse :
Je ne crois pas avoir été à l'époque littérairement niais. J'avais lu, par bribes ou en totalité, tout ce qu'on enfourne dans la cervelle d'un lycéen et une bonne partie de ce qu'on lui interdit. J'avais, il est vrai, peu de goût pour les lettres françaises et je leur préférais Hemingway, Steinbeck, Hammett et Erle Stanley Gardner. Je percevais donc, sans doute, les insuffisances de telle ou telle œuvre de science-fiction offerte à mon admiration. Mais il ne m'a jamais semblé – et je ne suis pas sûr d'avoir là-dessus beaucoup varié – qu'on pouvait tout à fait appliquer à la SF les critères de l'autre littérature. La toile de fond faisait la différence. Il y a là la racine d'un malentendu qui n'a jamais et ne sera sans doute jamais liquidé entre les critiques littéraires proprement dits et les prétendus "fanatiques" de la SF. Le critique voit des mots et des phrases, éventuellement mal équarris, là où l'amateur voit des idées et des images. Peu d'années après, l'illustration la plus parfaite de ce malentendu devait m'être proposée par Robert Kanters, homme subtil et fin lettré qui, bien que créateur de Présence du futur, ne vit jamais dans la SF qu'amusement et qui s'étonnait de mon enthousiasme de néophyte. Et pourtant perçait derrière le scepticisme réitéré de Kanters plus que de la curiosité : l'espoir incrédule et nié d'une autre littérature. Il avait, en ce domaine comme en d'autres peut-être, le désir de croire, mais il lui manquait la foi.
L'argumentation de Gérard est constante dans le temps : une bonne partie des arguments qu'il a développés ici sont en germe dans ce texte. Il y en a que je partage et d'autres pas. Mais la phrase en gras répond, me semble-t-il, à la question d'Oncle. Le texte SF a très souvent pour but de générer des images dans l'esprit du lecteur (cf tout ce qu'on a dit à partir des hallucinations sadouliennes sur Métallopolis). Alors que le critique littéraire – pourrait-on dire – travaille à l'oreille. Il écoute le haut-parleur et tourne le dos à l'écran où se passe l'essentiel. Ce fut là l'attitude commune des critiques jusqu'à une époque récente et même si ça s'atténue, ça reste un horizon d'attente de la littérature.
Ce n'est évidemment pas le cas en bande dessinée où le plaisir visuel est non seulement licite, mais consubstantiel au moyen d'expression. D'où la disponibilité paradoxale des mêmes critiques qui, alors qu'ils n'entendent que du bruit blanc quand ils lisent de la SF écrite, changent leur horizon d'attente et jouissent des images quand elle passe sur un autre support. Et du coup, ils trouvent ça très bien !

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 1:10 am

Xavier Mauméjean a écrit :On peut parler du passé, le penser sans obsession, j'entends par là un attachement excessif au passé. Pour ma part, quand je parle du passé, je pense le présent. De même quand je parle du futur. Et c'est vrai, souvent je ne parle pas du futur, ou le pense, en vue du futur.
Les types qui ont séjourné à l'Hilbert Hôtel ne pensent pas comme nous.

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Message par Lensman » sam. janv. 30, 2010 9:09 am

Fausse manœuvre…
Modifié en dernier par Lensman le sam. janv. 30, 2010 10:05 am, modifié 1 fois.

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Message par Lensman » sam. janv. 30, 2010 10:03 am

Lensman a écrit :
Lem a écrit : L'argumentation de Gérard est constante dans le temps : une bonne partie des arguments qu'il a développés ici sont en germe dans ce texte. Il y en a que je partage et d'autres pas. Mais la phrase en gras répond, me semble-t-il, à la question d'Oncle. Le texte SF a très souvent pour but de générer des images dans l'esprit du lecteur (cf tout ce qu'on a dit à partir des hallucinations sadouliennes sur Métallopolis). Alors que le critique littéraire – pourrait-on dire – travaille à l'oreille. Il écoute le haut-parleur et tourne le dos à l'écran où se passe l'essentiel. Ce fut là l'attitude commune des critiques jusqu'à une époque récente et même si ça s'atténue, ça reste un horizon d'attente de la littérature.
Ce n'est évidemment pas le cas en bande dessinée où le plaisir visuel est non seulement licite, mais consubstantiel au moyen d'expression. D'où la disponibilité paradoxale des mêmes critiques qui, alors qu'ils n'entendent que du bruit blanc quand ils lisent de la SF écrite, changent leur horizon d'attente et jouissent des images quand elle passe sur un autre support. Et du coup, ils trouvent ça très bien !
Je pense que la SF (littéraire) ne fait pas que gérer des images, en tout cas, pas essentiellement. Elle demande (souvent) une réflexion intellectuelle relativement poussée, que beaucoup de lecteurs ne vont pas associer à un plaisir, mais à une activité pénible (ce qui, à nous, grands amateurs, est difficile à comprendre). La BD, elle, joue (souvent) sur un plaisir très immédiat.
La reconnaissance de la BD me semble d'ailleurs très "forcée": c'est une reconnaissance largement provoquée par le succès commercial, et elle est devenue une sorte de zone culturelle en elle-même (un média, mais avec SA culture interne, son fonctionnement). La SF, on l'a déjà remarqué, ce n'est pas un média, elle relève de différents médias, et elle doit négocier (ce mot qui est ressorti et que je trouve marrant) avec les autres morceaux de la culture, dans les différents médias. Pour celui de l'écrit (en principe, celui dont nous parlons), les places sont chères, et déjà prises.
Pour revenir à des considérations bien connues, je pense que, tant que les sciences seront regardées avec cette méfiance, voire cette peur par la société française ( je ne parle pas de l'assimilation des objets technologiques, là, aucun problème, mais de l'ouverture d'esprit vis à vis des sciences), il y a peu de chance que le statut culturel "officiel" (les prescripteurs et tout ça) de la SF se modifie. S'il y a évolution, cela ne peut être que du côté des jeunes gens formés de plus en plus aux sciences, et qui aiment ça. Seulement, eux, ils ne sont pas dans la dynamique "littéraire": ils jouent aux jeux vidéo, ils vont au cinéma, ils s'amusent sur le Net, regardent des séries télés, lisent des mangas, etc,et ont un rapport de plaisir à la lecture qui n'a que peu à voir (en fait, pas du tout…) avec la notion de littérature "traditionnelle" telle qu'on a tendance à l'entendre. Ce sont des jeunes gens de plus en plus coupés (éloignés, plutôt) du monde culturel traditionnel, alors que nous y sommes (enfin, à des degrés divers) très attachés.

Et je pense qu'il faut absolument que l'étiquette SF soit maintenue, et même encore plus affirmée, pour que ce public puisse la repérer, au sein de la production littéraire.

Oncle Joe[

/quote]

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Message par MF » sam. janv. 30, 2010 10:11 am

Gérard Klein a écrit :Quant au sempiternel débat sur le sens des mots, je dois dire qu'il me fatigue. Je sais bien que la plupart d'entre vous sont des profs mais il n'est pas indispensable d'insister pour se faire passer pour des pions.
Je sais bien aussi que Lem et moi n'avons aucune pratique de la langue, ni diplômes censés confirmer la parfaite connaissance de cette pratique (ainsi, moi, je n'ai même pas le certificat d'études primaires) mais ce n'est pas une raison pour nous enfoncer, nous autres sous-prolétaires de l'expression.

Je croyais que le sujet de ce fil était la réception de la science-fiction, et plus précisément d'analyser les raisons de son déni et de son rejet, dans l'espoir, hautement problématique, de modifier cette situation.

Je suis loin d'être d'accord sur tout avec Lem, mais je crois que je comprends ce qu'il veut dire, parfois en faisant un petit effort, et c'est l'essentiel. Ça me permet de voir où nous différons.

Maintenant si, au lieu de se poser cette question, on l'évacue en prétendant que lui ou ou moi ou quiconque a un discours insignifiant parce qu'incompréhensible, ce fil n'a plus d'intérêt. Donc, ceux qui ergotent sur les mots, sauf raison particulièrement forte, feraient mieux de cesser de perdre leur temps et le nôtre et d'aller voir ailleurs.
Gérard, je ne crois pas que ce soit l'objet.

Lorsque malentendu il y a, et que celui-ci est... comment dire... substantiel au débat, il est utile d'essayer de le dissiper, sinon la faille ne peut aller qu'en s'approfondissant.
Ce fil nous l'a prouvé sur LE/LA métaphysique. Nous ne parlions pas, les uns et les autres, de la même chose. Il a fallu l'intervention éclairée de JDB pour éclairer la faille.

Lorsque je vois revenir à plusieurs reprises une question de Joe qui dit ne pas comprendre l'usage par Lem de la notion de métaphore (et accessoirement que l'on en arrive à chercher si Clément Ader est une incarnation de Phaëton) il est peut-être utile d'essayer de lever ce qui ne semblant être qu'un malentendu est en réalité une faille profonde.


Maintenant, on peut aussi voir ça comme de la dipterosodomie...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par MF » sam. janv. 30, 2010 10:18 am

Lensman a écrit :Je pense que la SF (littéraire) ne fait pas que gérer des images, en tout cas, pas essentiellement. Elle demande (souvent) une réflexion intellectuelle relativement poussée, que beaucoup de lecteurs ne vont pas associer à un plaisir, mais à une activité pénible (ce qui, à nous, grands amateurs, est difficile à comprendre).
Joe, je crois que tu enfonces un peu plus le clou de ma conviction de ce qu'est un lecteur de SF.
Un mélange de "gambler" et de "game player".
Le premier est à la recherche d'une émotion, et le second à la recherche d'une compréhension.
Pour reprendre un exemple largement cité, on peut ne rien comprendre aux développements théoriques utilisés par Egan et être ému par la poésie de (certains de) ses textes.
Ou l'inverse ; ne voir que le raffinement de l'usage qu'il fait des théories scientifiques en les injectant dans la réalité en en ignorant l'aspect esthétique.
Et il me semble qu'un lecteur de SF est un mélange, en proportions variables, de ces deux types.
A la lecture de ce fil, je vous classerais volontiers, toi et Lem de part et d'autre de la médiane.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 11:21 am

Tiens, j'avais oublié ça !
Au risque d'agacer les tenants de la thèse Gernsback-only, je recolle ci-dessous l'analyse que Renard fait du jeu conceptuel impliqué dans la construction d'un récit SF. La dernière phrase connecte avec le débat sur le statut de la métaphore mais quoi de plus normal chez le théoricien d'un nouveau genre littéraire ?
Ce qui différencie donc une spéculation SF d'une hypothèse scientifique… :
… c’est l’introduction volontaire, dans la chaîne des propositions, d’un ou de plusieurs éléments vicieux de nature à déterminer, par la suite, l’apparition de l’être, ou de l’objet, ou du fait merveilleux (c’est à dire qui nous semble actuellement merveilleux. Car l’avenir peut démontrer que l’élément supposé vicieux ne l’était nullement et que notre merveilleux scientifique était purement et simplement de la science, involontaire comme la prose de M. Jourdain). (…) Ce procédé général pour construire la charpente d’une histoire revêt des formes infiniment variées. Exemple : nous pouvons admettre comme certitudes des hypothèses scientifiques et en déduire les conséquences de droit (habitation de Mars acceptée et confrontée avec ce que l’étude de la planète nous a enseigné ou suggéré : La guerre des mondes.) Nous pouvons encore confondre deux notions : prêter à l’une certaines propriétés de l’autre, subterfuge qui nous permettra d’appliquer à la première tel système d’investigation en réalité impraticable mais qui nous aidera à solutionner un problème en le supposant résolu. (Qualités de l’espace prêtées au temps : La machine à explorer le temps). Nous pouvons aussi appliquer des méthodes d’exploration scientifique à des objets, des êtres ou des phénomènes créés dans l’inconnu par des moyens rationnels d’analogie et de calcul, avec des présomptions logiques. (Etude d’un peuple extrahumain : Le peuple du pôle.) (…) Telle est donc la structure élémentaire de toute œuvre de merveilleux-scientifique, quelle qu’en soit souvent l’apparence élégamment littéraire : qu’elle semble être le développement scénique d’un paradoxe ou même la paraphrase en action d’une métaphore.
De la "paraphrase en action" à la "réification", il y a moins qu'un pas.
Tout est décidément chez Renard.

Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » sam. janv. 30, 2010 11:29 am

La fiction n'est que prétexte à l'usage littéraire du langage et le débouché naturel de cette pente, c'est l'autofiction (qui m'intéresse par ailleurs), c'est à dire la disparition même du prétexte de la fiction pour faire de la littérature.
Ou plutôt à une forme réductrice du langage. La langage c'est aussi tout un tas de composante non verbale. Et la sémiotique s'intéresse à des système non verbaux qui sont aussi des langages. Ici ce n'est pas le langage c'est le style. Ne pas oublier que Drode,
Delany, Silverberg ou Wagner... se sont intéressés au langage. Et ce sont bien des auteurs de SF.
Je pense que la littérature c'est surtout intéressé à la psychologie des personnages. L'auteur qui a déclenché cette psychologisation aigüe c'est Proust qui finalement est le premier auteur d'autofiction. Pendant tout une partie du 20éme siècle l'auteur de référence c'était Balzac, ce qui laissait quant même une large place à la narration et au récit. Quand l'auteur de référence devient Proust, on laisse le récit derrière et il n'y a plus que le personnage. Le reste devient accessoire.

Quant à la BD, c'est plutôt les innovations narratives empruntées parfois à l'art contemporain qui plaisent aux intellectuels. Et il ne faut pas oublier non plus que le pop art avait emprunté pas mal de choses à la BD ce qui a pu rendre curieux certains vis à vis de la BD. Si les auteurs de SF utilisaient des artifices stylistiques comme la déconstruction par exemple, ils seraient présents dans les émissions littéraires. On en revient au problème d'une certaine vision du langage. La littérature est acceptée si elle joue avec la forme du récit, le fond est devenu accessoire. En terme sémiotique l'on dirait que l'expression prime le contenu. La SF c'est avant tout du contenu et donc pour faire accepter la SF, il faut que le contenu aille de pair avec une recherche stylistique, donc un travail sur l'expression.
Je pense aussi que la génération Métal ne cherchait absolument pas une reconnaissance mais juste à faire changer les choses. Ce n'est pas la même démarche. Je pense que la meilleure manière de lutter contre le déni c'est de l'ignorer et de continuer à sortir de la SF.
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Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 12:01 pm

Fabien Lyraud a écrit :Je pense que la littérature c'est surtout intéressé à la psychologie des personnages. L'auteur qui a déclenché cette psychologisation aigüe c'est Proust
Je crois que tu inverses la perspective : Proust achève la psychologisation. Comme, à peu près au même moment, James Joyce. Pour leurs contemporains et successeurs, la question est : quoi faire après le Temps retrouvé et le monologue de Molly Bloom ? Et aussi, d'une certaine manière biaisée, Monsieur Teste de Valéry ?Est-il possible (souhaitable) d'aller plus loin dans l'exploration de l'intériorité ? Quand on lit le fameux texte de Rivière sur "le roman d'aventures", dans les premiers temps de la NRF, la question est bien posée dans ces termes : puisqu'on est allé au bout de l'intériorité, il faut revenir à l'extérieur, à l'événement. Stevenson est un exemple constant et c'est dans cette optique que Alain Fournier écrit Le grand Meaulnes, par exemple. Dans l'entre-deux-guerres, outre la destruction du roman lui-même comme projet littéraire par les Surréalistes, voire la destruction du sujet chez Artaud, la sensation littéraire s'appelle Céline et ce qui l'intéresse, ce n'est pas la psychologie dont le Nouveau Roman se moquera tout autant vingt ans plus tard. Si je devais résumer d'une formule toute cette évolution, je dirais qu'elle est post-proustienne : au lieu de sonder l'intérieur et de rendre compte de ce qu'on observe dans l'écriture, on bouleverse l'écriture et on observe les conséquences de cet acte sur l'intérieur. Au lieu de créer des personnages et de les faire vivre dans l'écriture, on crée une écriture et on en laisse émerger un ensemble flou qui tient lieu de personnage.
Quant à la BD, c'est plutôt les innovations narratives empruntées parfois à l'art contemporain qui plaisent aux intellectuels.
Non. J'y étais et je t'assure que ça ne s'est pas passé comme ça.
Si les auteurs de SF utilisaient des artifices stylistiques comme la déconstruction par exemple, ils seraient présents dans les émissions littéraires.
Je ne crois pas non plus. La trilogie chronoloytique de Jeury est une pure déconstruction.
On en revient au problème d'une certaine vision du langage. La littérature est acceptée si elle joue avec la forme du récit, le fond est devenu accessoire.
Effectivement. Mais dans ce cas, pourquoi parler de psychologisation ? Le personnage et son intériorité font dans l'ensemble partie de ce qui est devenu accessoire.
Je pense aussi que la génération Métal ne cherchait absolument pas une reconnaissance mais juste à faire changer les choses. Ce n'est pas la même démarche.
"Changer les choses" pour eux, ça voulait dire : imposer la BD comme un moyen d'expression légitime pour des artistes (et des lecteurs) adultes. Mais même si on s'en tient à ta formule, la question demeure : pourquoi ont-ils réussi à changer les choses – et pas nous ?

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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 12:32 pm

Lem a écrit :Ce qui différencie donc une spéculation SF d'une hypothèse scientifique… :
(…) Telle est donc la structure élémentaire de toute œuvre de merveilleux-scientifique, (…)
De la "paraphrase en action" à la "réification", il y a moins qu'un pas.
Il me semble qu'il y a confusion ci-dessus entre "science-fiction" et "merveilleux-scientifique", qui ne sont pas superposables comme cette enfilade l'a montré.
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Message par Fabien Lyraud » sam. janv. 30, 2010 12:59 pm

Je ne crois pas non plus. La trilogie chronoloytique de Jeury est une pure déconstruction.
Et les années 70 ont été les années de reconnaissance du genre par excellence. Parce qu'il y avait des auteurs qui innovaient sur le plan littéraire : Jeury bien sûr mais aussi Dominique Douay (qui me semble-t-il a aussi porté le genre sur les planches), et Daniel Walther. Que penser aussi du succès d'un Brussolo ? Auteur on ne peu plus narratif mais qui utilise ses obsessions et réussit à les réifier dans des oeuvres délirantes. Là aussi il y a un style qui est personnel. Bref ce qui fonctionne ce n'est pas le genre mais un ensemble d'individualités qui plaisent parce qu'elles ont un feeling plus littéraire. Qu'elles construisent un style.
Je ne connais pas assez Limite pour savoir se cela a été un échec ou une réussite.
Mais dans ce cas, pourquoi parler de psychologisation ?
Parce que la psychologie (le plus souvent pathologique) est le sujet de la littérature française de la fin du 20éme début du 21éme. Les auteurs parlent de leur petite personne ou d'individus pathologiques. C'est la littérature des états d'âmes pas celle de l'action. En sémiotique on oppose le passionnel au narratif. Ce mode passionnel du récit a été créé par Jacques Fontanille pour rendre compte de la construction du sens chez Proust. Le passionnel se caractérise par des tensions entre des personnages. Tandis que le narratifs s'exprime dans un enchaînement de programmes qui forme une progression. Une narration c'est une transformation, un passage d'un état à un autre. Quand Jean Claude parle de littérature de la métamorphose il rend compte de ce premier niveau de transformation auquel il rajoute la transformation du lecteur. La SF est donc un genre narratif pas un genre passionnel (même si certains textes de Dick mettent en avant le mode passionnel).
La SF en tant que littérature de la narration est étrangère au monde de la littérature dominé par le récit passionnel.
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Message par silramil » sam. janv. 30, 2010 1:41 pm

Roland C. Wagner a écrit :
Lem a écrit :Ce qui différencie donc une spéculation SF d'une hypothèse scientifique… :
(…) Telle est donc la structure élémentaire de toute œuvre de merveilleux-scientifique, (…)
De la "paraphrase en action" à la "réification", il y a moins qu'un pas.
Il me semble qu'il y a confusion ci-dessus entre "science-fiction" et "merveilleux-scientifique", qui ne sont pas superposables comme cette enfilade l'a montré.
et la "réification" n'est pas l'apanage de la science-fiction.

S'il s'agit de rappeler que Renard a eu des intuitions intéressantes, et compatibles avec la réflexion sur la science-fiction, je suis d'accord.
Cela dit, le point le plus important est de signaler que les intuitions de Renard n'ont eu à peu près aucun effet sur ses contemporains, qu'il s'agisse des lecteurs ou des écrivains, même quand ils les connaissaient, et que la réédition de cet article dans les années 80 n'a rien provoqué chez ses lecteurs.
Cela permet de supposer que ce qui a manqué à Renard, ce n'est ni le talent ni l'intuition, mais bien la structure éditoriale, et que sans cette structure, pas de science-fiction (sens restreint), même s'il y a des doses de spéculation et de réification.

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Message par MF » sam. janv. 30, 2010 1:50 pm

Lem a écrit :Tiens, j'avais oublié ça !
Nous pouvons aussi appliquer des méthodes d’exploration scientifique à des objets, des êtres ou des phénomènes créés dans l’inconnu par des moyens rationnels d’analogie et de calcul, avec des présomptions logiques. (Etude d’un peuple extrahumain : Le peuple du pôle.) (…) Telle est donc la structure élémentaire de toute œuvre de merveilleux-scientifique, quelle qu’en soit souvent l’apparence élégamment littéraire : qu’elle semble être le développement scénique d’un paradoxe ou même la paraphrase en action d’une métaphore.
De la "paraphrase en action" à la "réification", il y a moins qu'un pas.
Tout est décidément chez Renard.
Chacun y soulignera ce qu'il veut.
Personnellement, c'est "Nous pouvons aussi appliquer des méthodes d’exploration scientifique à des objets, des êtres ou des phénomènes créés dans l’inconnu par des moyens rationnels d’analogie et de calcul, avec des présomptions logiques et "qu’elle semble être le développement scénique d’un paradoxe...
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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