Lensman a écrit :Lem a écrit :
Tout est décidément chez Renard.
Y compris le mot "rationnel", qu'il a l'air de priser (une faute de goût: on dirait Versins…)
Hum… je crois surtout que tu y trouves tout ce que tu a envie d'y trouver… Mais Si tu avais trouvé tout cela dans Paul Claudel, j'aurais été plus inquiet
C'est tout le charme des coïncidences.
On regarde les articles théoriques de l'homme rétrospectivement considéré comme l'auteur de science-fiction français le plus important du début du siècle. On y trouve une déclaration sur "un nouveau genre" et des références à Wells, à Rosny, à Conan Doyle. On y trouve une analyse des processus de création d'un objet SF, des remarques frappantes sur le type de suspension de l'incrédulité que ces textes demandent au lecteur. On y entend déjà un étonnement de ne pas être pris au sérieux par la littérature. On y découvre même une anticipation frappante de la conversation qu'on vient d'avoir : la récusation des textes qui prennent prétexte de la SF pour faire de la satire ou de l'allégorie et aussi celle des textes qui ne sont pas strictement fondés sur la science, pour lesquels Renard propose un classement plus large :
Si la maîtrise de Wells à imaginer et à mettre en valeur des thèmes de merveilleux-scientifique a fait sa gloire, tous ses livres sont loin d’en être autant de types. Je ne retiens comme tels que cinq romans et quelques nouvelles (1). Sans parler des vaticinations socialistes et de certaines œuvres d’un modèle assez quelconque, il y a en effet quelques écrits de Wells où le m-s n’est qu’un prétexte à philosopher, un facteur secondaire de l’intrigue et que, pour cela, nous récuserons. Exemple : Place aux géants. (Ce n’est pas, remarquons-le, que, dans les cinq romans et quelques nouvelles retenus, Wells se prive de satires ou d’enseignements. Au contraire. Mais les hautes leçons qu’il nous y donne se dégagent si naturellement de l’affabulation m-s qu’il n’a même pas besoin de les exprimer et que, d’un bout à l’autre du roman, il poursuit sans une digression, sans une révélation de sous-entendu, l’histoire de la découverte prodigieuse ou de l’événement extraordinaire. Exemple, cet apologue formidable : L’île du docteur Moreau.)
Et il y a aussi d’autres ouvrages – fort curieux du reste, et qui font de Wells un véritable novateur – où ce n’est plus la science, mais la seule logique (considérée non comme une science mais comme habitude de l’esprit) qui vient se mêler au merveilleux. Je les écarte aussi et propose de réserver à ces fables (exemples : La merveilleuse visite), l’épithète de merveilleux-logique, réservant celle de m-s pour celles qui nous présentent l’aventure d’une science poussée jusqu’à la merveille ou d’une merveille envisagée scientifiquement.
(1) Cinq romans : La guerre des mondes, L’île du docteur Moreau, Les premiers hommes dans la lune, L’homme invisible, La machine à explorer le temps. Quelques nouvelles : Dans l’abîme, Le nouvel accélérateur, Le corps volé, La vérité concernant Pyecraft, etc.
Claudel ou Valéry auraient pu le faire, c'est vrai.
Quant à moi, j'ai du bol que Renard ait écrit
Le péril bleu et
Le brouillard du 26 octobre (et que Gernsback ait traduit
Le voyage immobile dans la petite collection Amazing) sinon il se serait sans doute trouvé quelques esprits retors ici pour soutenir que ce dont il parle n'a
absolument rien à voir avec la science-fiction.