Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 5:01 pm

Lem a écrit :
silramil a écrit :
Lem a écrit : On regarde les articles théoriques de l'homme rétrospectivement considéré comme l'auteur de science-fiction français le plus important du début du siècle.
considéré par qui ?
Sadoul : ouverture de la "partie française" de son Histoire :
Les précurseurs de la SF évoqués au cours de l'Introduction de cet ouvrage ont donné dans notre pays une descendance bien différente de celle d'outre-Atlantique. D'une certaine manière, on pourrait même prétendre que la science-fiction moderne, telle que nous l'avons défnie, ne commence en France que dans les années 50 à l'imitation des auteurs américains. Ce serait à la fois injuste et faux : injuste car l'anticipation scientifique française d'avant-guerre fut une des plus riches du monde ; et faux car certains de ses membres, Maurice Renard en particulier, eurent une influence non-négligeable sur les auteurs anglo-saxons.
Versins à l'article correspondant de l'Encyclopédie :
L'activité conjecturale de cet écrivain français considéré comme le meilleur auteur d'anticipation scientifique français des années 1900-1930 entre Jules Verne et J.-H. Rosny d'une part, Jacques Spitz et René Barjavel d'autre part…
Bleiler, à l'article correspondant de Science fiction, the early years :
French writer, author of many science-fiction books that have not been translated. According to Versins, the most significant french writer in the genre between the Victorians and the moderns.
Clute & Nicholls, vous savez où :
French writer, generally regarded in France as the most important native sf writer for the period 1900-1930.
Autrement dit: il est "injuste et faux" de prétendre que la SF moderne ne commence que dans les années 50 à l'imitation des auteurs américains car "l'anticipation scientifique française de l'entre-deux-guerres est très riche". Si Sadoul écrit ça, c'est que l'anticipation scientifique (ou le merveilleux-scientifique, ou le roman scientifique) est l'un des noms de la science-fiction – exactement comme la scientific romance – et pas une chose différente. Et dans cette SF française du début du siècle, Renard est l'un des auteurs les plus importants, sinon le plus important.
En résumé, il semblerait que Versins soit l'unique source de cette réputation.
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Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 5:11 pm

silramil a écrit :on est reparti sur le débat "quand commence la science-fiction?", là ?
Non. J'ai juste remis en circulation la partie de l'article de Renard où il sort de l'analyse du jeu conceptuel dans la SF pour s'intéresser à la façon dont il affecte le texte qui "semble alors le développement scénique d’un paradoxe ou même la paraphrase en action d’une métaphore". Je trouvais que ma formule ressemblait beaucoup à la sienne. De la même manière, sa proposition de distinguer merveilleux-scientifique et logique paraît annoncer la distinction science et spéculative-fiction. Mais Gernsback reste l'horizon indépassable du fil.

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silramil
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Message par silramil » sam. janv. 30, 2010 5:19 pm

Gernsback n'est à mes yeux qu'un épiphénomène sans grande importance.
Et je suis d'accord pour considérer les textes de Maurice Renard, et sa démarche, comme très proches de la science-fiction.

Ce qui me paraît crucial dans la science-fiction, et que malheureusement pour lui Renard n'a pas connu, est la dimension collective, participative, favorisée par la présence de structures éditoriales adaptées, et par une plus grande audace conceptuelle.
Je sais que tu défends une position différente (cf chasseurs de chimère), mais nous aurons l'occasion d'en discuter un de ces jours.

Sans vouloir relancer ce débat interminable, je cite ici Gérard Klein, vu que je ne sais pas si cette citation a déjà été lancée au cours de ce fil
On peut atteindre, par ce biais, l'idéologie de la subculture. Elle est d'essence scientifique ou plutôt, elle procède de la métaphysique plus ou moins dérivée de la science. Elle prolonge et précède, parfois naïvement, l'effort de la science qui est d'affronter et d'expliquer la nature. Elle vise à annihiler le mystère, tout en sachant que sa disparition en découvrira d'autres plus nombreux et plus vastes. Elle est fondamentalement une interrogation. Mais en même temps, parce qu'elle est littérature, et au contraire de la science, les conséquences sur les plans humain, social, philosophique de cet effort ne lui échappent pas. Dans sa dynamique du dire, elle ne peut même pas les distinguer toujours de leurs origines.
c'est ici http://www.quarante-deux.org/archives/k ... lture.html
mais tout le monde connaît ce texte par coeur...

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Message par Fabien Lyraud » sam. janv. 30, 2010 5:27 pm

Quitte à me répéter sans l'affaire Moselli il est calir que le développement de l'anticipation française aurait été paralléle à celui de la SF américaine.
Je renvoie à mon article. la première partie explique assez clairement les choses :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com ... igion.html
Modifié en dernier par Fabien Lyraud le sam. janv. 30, 2010 5:45 pm, modifié 1 fois.
Bienvenu chez Pulp Factory :
http://pulp-factory.ovh


Le blog impertinent des littératures de l'imaginaire :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 5:32 pm

silramil a écrit :Gernsback n'est à mes yeux qu'un épiphénomène sans grande importance.

(…)

Ce qui me paraît crucial dans la science-fiction (…) est la dimension collective, participative, favorisée par la présence de structures éditoriales adaptées, et par une plus grande audace conceptuelle.
Voyons… qui a créé les premières structures éditoriales adaptées, déjà ?…

:wink:

Tu devrais vraiment lire Gary Westfahl.
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silramil
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Message par silramil » sam. janv. 30, 2010 5:39 pm

Roland C. Wagner a écrit :
silramil a écrit :Gernsback n'est à mes yeux qu'un épiphénomène sans grande importance.

(…)

Ce qui me paraît crucial dans la science-fiction (…) est la dimension collective, participative, favorisée par la présence de structures éditoriales adaptées, et par une plus grande audace conceptuelle.
Voyons… qui a créé les premières structures éditoriales adaptées, déjà ?…

:wink:

Tu devrais vraiment lire Gary Westfahl.
Tu as raison...
mais Gernsback lui-même a moins d'importance que les structures - c'est pour ça que je le traite assez cavalièrement d'épiphénomène.

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 5:55 pm

silramil a écrit :Ce qui me paraît crucial dans la science-fiction, et que malheureusement pour lui Renard n'a pas connu, est la dimension collective, participative, favorisée par la présence de structures éditoriales adaptées, et par une plus grande audace conceptuelle.
Je sais que tu défends une position différente (cf chasseurs de chimère), mais nous aurons l'occasion d'en discuter un de ces jours.
Je ne sais pas si je défends une position différente. Aurais-je inventé Notre Club si la dimension collective et participative m'avait semblé anecdotique ? Je dis simplement qu'on ne peut accorder à Gernsback le privilège exorbitant d'être l'inventeur de la science-fiction juste parce qu'il en a fait une catégorie éditoriale commercialement viable. Même si cet acte a eu des conséquences énormes sur l'histoire de la SF par la suite et sa consitution en subculture. Renard n'a apparemment jamais eu l'idée de créer une collection de romans scientifiques mais il a parfaitement défini "le nouveau genre" tel qu'il se présentait à lui, en 1909. Son geste me paraît aussi décisif que celui de Gernsback.
On peut atteindre, par ce biais, l'idéologie de la subculture. Elle est d'essence scientifique ou plutôt, elle procède de la métaphysique plus ou moins dérivée de la science. Elle prolonge et précède, parfois naïvement, l'effort de la science qui est d'affronter et d'expliquer la nature. Elle vise à annihiler le mystère, tout en sachant que sa disparition en découvrira d'autres plus nombreux et plus vastes. Elle est fondamentalement une interrogation. Mais en même temps, parce qu'elle est littérature, et au contraire de la science, les conséquences sur les plans humain, social, philosophique de cet effort ne lui échappent pas. Dans sa dynamique du dire, elle ne peut même pas les distinguer toujours de leurs origines.
Ce n'est pas moi qui dirai le contraire.

Quant aux remarques sur Versins, source unique de la représentation "Renard auteur important, sinon le plus important", elle m'arrache un demi-sourire. Dans la mesure où L'Encyclopédie a été la première étude systématique à s'intéresser aux vieux auteurs français, quoi d'étonnant ? Surtout pour les critiques anglo-saxons dont Versins est souvent la seule source. Mais le jugement n'est pas répercuté à l'aveugle ; Bleiler, par exemple, le confirme quand il trouve que la traduction du Voyage Immobile par Gernsback est le meilleur de tous les textes publiés dans les Science Fiction Series. Il y a eu un papier de Van Herp dans la première décennie de la revue Fiction intitulé "Maurice Renard, scribe des miracles" : il est de 1956, donc antérieur à Versins. Il ya eu par ailleurs l'essai de Bridenne (le roman scientifique français) qui date de 1950 mais je ne l'ai pas sous la main. Renard doit y figurer, j'imagine. Et en tête de l'article d'Evans, que j'ai cité ici, il y a quelques temps, il y a ceci :
For example, most European and French-Canadian sf scholars generally hold the work of Maurice Renard in very high esteem: Versins calls him "the best French sf writer of the years 1900-1930" (734), another critic describes Renard’s short stories as "among the most gripping in French literature" (Bridenne 211), and another notes that Renard was "the first French author of the genre to see himself cited in René Lalou and Henri Clouard’s History of Literature" (Van Herp 110).
Et de mon point de vue, pour ce qu'il vaut : j'ai relu tout Renard au moins deux fois Certains de ses textes me laissent de marbre, mais je trouve que Le péril bleu, Le brouillard du 26 octobre et quelques autres nouvelles sont de purs classiques. Si on ajoute à ça sa production théorique, le succès de son roman le plus connu – Les mains d'Orlac, adapté au moins deux fois sinon trois au cinéma –, ses analyses de Wells et Rosny, son amitié avec Jean Ray et sa traduction par Gernsback, je crois que, oui, on peut dire qu'il est l'auteur français le plus important de la période.

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Message par Erion » sam. janv. 30, 2010 6:08 pm

Lem a écrit : Et de mon point de vue, pour ce qu'il vaut : j'ai relu tout Renard au moins deux fois Certains de ses textes me laissent de marbre, mais je trouve que Le péril bleu, Le brouillard du 26 octobre et quelques autres nouvelles sont de purs classiques. Si on ajoute à ça sa production théorique, le succès de son roman le plus connu – Les mains d'Orlac, adapté au moins deux fois sinon trois au cinéma –, ses analyses de Wells et Rosny, son amitié avec Jean Ray et sa traduction par Gernsback, je crois que, oui, on peut dire qu'il est l'auteur français le plus important de la période.
Sauf que, comme le note Jean-Marc Gouanvic, toutes les oeuvres que tu cites (péril bleu, brouillard du 26 octobre) sont des reprises des oeuvres de Poe, Verne, Wells, Rosny. Alors je veux bien qu'on considère les imitations et parodies comme des classiques, mais comme inventeur de la SF, c'est sans doute mieux de partir des sources, que des imitateurs, même talentueux, et même critiques (car le péril bleu met en face les deux systèmes, celui de Rosny/Wells et celui de Verne) non ?
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

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Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 6:12 pm

… Et en relisant les derniers messages échangés, je suis frappé par cette contradiction : on récuse Renard comme définisseur au motif qu'il n'a pas créé l'outil éditorial SF mais quand je propose de considérer la SF comme "tout ce qui est publié sous l'étiquette", on me répond "non, c'est au sens strict la fiction de la science"… ce qui est exactement la position de Renard.
Amusant.

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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 6:13 pm

Lem a écrit :Aurais-je inventé Notre Club si la dimension collective et participative m'avait semblé anecdotique ?
"Dimension collective et participative" pour ainsi dire inexistante en France durant la première partie du XXe siècle, me semble-t-il.
Lem a écrit :Je dis simplement qu'on ne peut accorder à Gernsback le privilège exorbitant d'être l'inventeur de la science-fiction juste parce qu'il en a fait une catégorie éditoriale commercialement viable.
C'est sûr qu'il ne lui a pas non plus trouvé un nom.

Et qu'il n'avait aucun souci de se pencher sur son histoire.

Et qu'il n'est pas du tout à l'origine du fandom et (au moins en partie) de la critique spécifique au genre parce qu'il a publié des lettres de lecteurs avec leurs adresses.

Et qu'il n'est pour rien dans l'apparition de gens comme Heinlein, Van Vogt, Sturgeon ou Asimov.

Etc.
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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 6:14 pm

Lem a écrit :… Et en relisant les derniers messages échangés, je suis frappé par cette contradiction : on récuse Renard comme définisseur au motif qu'il n'a pas créé l'outil éditorial SF
Il y a bien d'autres motifs.

Voir mon message précédent.

Tout ça devient bien lassant…
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Message par silramil » sam. janv. 30, 2010 6:19 pm

Lem a écrit :quand je propose de considérer la SF comme "tout ce qui est publié sous l'étiquette",
(perso c'est ma posture.)

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 6:21 pm

Erion a écrit :Sauf que, comme le note Jean-Marc Gouanvic, toutes les oeuvres que tu cites (péril bleu, brouillard du 26 octobre) sont des reprises des oeuvres de Poe, Verne, Wells, Rosny. Alors je veux bien qu'on considère les imitations et parodies comme des classiques, mais comme inventeur de la SF, c'est sans doute mieux de partir des sources, que des imitateurs, même talentueux, et même critiques (car le péril bleu met en face les deux systèmes, celui de Rosny/Wells et celui de Verne) non ?
Plusieurs confusions.

D'abord, "reprise" n'est pas "parodie". Le péril et Le brouillard ne sont absolumement pas des parodies mais des variations sur un thème c'est à dire, très exactement, le début de l'intertextualité qui est si typique de la SF. Les aliens archanoïdes invisibles du Péril sont une très belle création qui s'opère dans le concept wellsien de l'envahisseur extraterrestre. Si ça lui interdit d'être un classique, alors aucun récit d'invasion ET ne l'est sauf le premier dentre eux. De la même manière avec L'homme qui voulut être invisible où MR démontre que l'homme invisible de Wells aurait été aveugle. Renard n'est en rien un imitateur.

Ensuite, les jugements critiques qu'il porte sont indépendants de sa fiction (même s'il se sert manifestement de ses instruments d'analyse pour construire ses histoires, comme Poe et quelques centaines d'auteurs-théoriciens). N'eût-il été qu'un parodiste de Wells, ce qui n'est pas le cas, son analyse de la SF n'en resterat pas moins parfaitement valable.

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Aldaran
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Message par Aldaran » sam. janv. 30, 2010 6:21 pm

silramil a écrit :
Lem a écrit :quand je propose de considérer la SF comme "tout ce qui est publié sous l'étiquette",
(perso c'est ma posture.)
Et la SF publiée sans étiquette, on la jette ?

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 6:29 pm

Mais non. On prend en compte les outsiders les plus importants, comme ça a toujours été dit.

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