Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » sam. janv. 30, 2010 6:29 pm

Fabien Lyraud a écrit :Quitte à me répéter sans l'affaire Moselli il est calir que le développement de l'anticipation française aurait été paralléle à celui de la SF américaine.
Je renvoie à mon article. la première partie explique assez clairement les choses :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com ... igion.html
Là, tu fais de l'uchronie... Pour ma part, je constate surtout que le système éditorial américain était très différent du système français (l'existence de revues spécialisées, qui n'existaient pas en France, le fait aussi que la distinction textes " pour la jeunesse" et textes destiné au public "adulte" est beaucoup moins marquée, l'interaction entre une partie du public et les auteurs et éditeurs, par l'intermédiaire du courrier des lecteurs, la création de clubs, de fanzines, etc). On peut trouver des différences nombreuses, qui ont, de toute évidence, fait du phénomène SF aux USA quelque chose de particulier et de très dynamique. Il n'existe pas d'élan comparable en France, et il faudra le choc de l'arrivée de la SF américaine en 1950 pour réveiller ce monde somnolant.
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silramil
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Message par silramil » sam. janv. 30, 2010 6:30 pm

Ben on laisse la "SF sans étiquette" (contradiction dans les termes...) où elle est. Ce n'est pas vraiment méprisant, je trouve.
Modifié en dernier par silramil le sam. janv. 30, 2010 6:30 pm, modifié 1 fois.

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MF
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Message par MF » sam. janv. 30, 2010 6:30 pm

Lem a écrit :... quand je propose de considérer la SF comme "tout ce qui est publié sous l'étiquette", on me répond "non, c'est au sens strict la fiction de la science"… ce qui est exactement la position de Renard.
Je n'ai pas vu des gens te répondre "non", mais je rate parfois des messages.

Je ne crois pas que la position de Renard soit "la fiction des sciences". Ou alors, je l'ai mal lu.
Nous pouvons aussi appliquer des méthodes d’exploration scientifique à des objets, des êtres ou des phénomènes créés dans l’inconnu par des moyens rationnels d’analogie et de calcul, avec des présomptions logiques.
Je crois à l'importance dans le propos de Renard de cette nécessité de "présomption logique".
J'ai tendance à penser que c'est, pour lui, à cet endroit exact que se place la ligne de fracture avec le domaine du fantastique.
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » sam. janv. 30, 2010 6:40 pm

Lem a écrit :… Et en relisant les derniers messages échangés, je suis frappé par cette contradiction : on récuse Renard comme définisseur au motif qu'il n'a pas créé l'outil éditorial SF mais quand je propose de considérer la SF comme "tout ce qui est publié sous l'étiquette", on me répond "non, c'est au sens strict la fiction de la science"… ce qui est exactement la position de Renard.
Amusant.
Mais la SF n'est pas structurée, au temps de Renard. A son époque, la discussion n'a pas leu d'être. Une fois la SF structurée, il est évident que le choix de ce qui est publié dans les collections devient un vrai sujet.
Je reviens une nouvelle fois sur l'affaire Charles Duits, qui pour moi ne relève que par la bande de notre sujet, et je dis ça pour être gentil. Cela me paraît évident, tout comme "La fille du roi des elfes", publié en PdF, aussi, et dont nous nous fichons tous royalement, en tant que SF, en tout cas. Toi qui aimes l'intuition, je pense avoir l'intuition que Duits ne relève pas de la SF. Et je crois que tout le monde l'a, cette intuition (sauf toi?…) Ce qui n'empêche en rien d'apprécier Charles Duits, ni n'empêche un écrivain de SF de subir son influence, etc.
Mais le sujet, c'était la SF, pas TOUT ce qui peut influencer ou attirer un auteur (ou un amateur) de SF ET qui recoupe le champ d'autres sensibilités: fort heureusement pour nous tous, nos sensibilités sont multiples, et interagissent.
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Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 6:52 pm

MF a écrit :Je n'ai pas vu des gens te répondre "non", mais je rate parfois des messages.
Laissons les nonistes s'exprimer d'eux-mêmes : "Maurice Renard a donné la première théorie de la science-fiction et sa première définition".
Je ne crois pas que la position de Renard soit "la fiction des sciences". Ou alors, je l'ai mal lu.
"La fiction des sciences", c'est comme quand je dis "science et futur" : c'est une expression-symbole qui désigne ce qui est considéré ici comme le cœur du genre. Oncle, par exemple, récuse Renard comme définisseur parce qu'il n'a pas parlé du futur.
Cela dit, dans le texte fondateur on trouve ceci qui correspond :
Nous voilà donc forcé de chercher nos thèmes soit dans l'inconnu, soit dans l'incertain. Mais, puisqu'il s'agit de merveilleux-scientifique, comment pourrons-nous concilier ces exigences, d'apparence contradictoire, qui veulent que nous prenions nos sujets à la fois dans la science et dans ce qui n'est pas la science ? Nous agirons exactement comme fait le savant qui s'attaque aux problèmes de l'inconnu ; nous appliquerons à l'inconnu ou au douteux les méthodes de l'investigations scientifique. En d'autres termes (puisque nous savons pertinemment ne pas faire de vraies découvertes)…
Par ailleurs, ceci est assez frappant : j'ai raté dans l'Omnibus Renard de Lacassin un texte spécifiquement consacré au futur, intitulé Anticipations. Spécial dédicace pour Joseph, donc :
La science a marché d'une telle allure qu'elle distance aujourd'hui la plupart de nos rêves.
Avec le XIXème siècle, une belle époque commença pour les rêveurs épris de nouveautés. La science subit une poussée sir forte, elle se développa si largement qu'on put envisager, sans risquer trop de quolibets, la réalisations de vieux désirs humains confinés jusqu'ici dans le domaine de la chimère. En même temps, les découvertes répétées de nos savants ouvraient à l'imagination un champ qui parut illimité, où l'ont distinguait dans les brumes du possible des inventions auxquelles personne n'avait jamais songé.
En utilisant les données nouvelles, en prolongeant à travers l'avenir la suite présumée des études en court, des écrivains doués d'une imagination méthodique se complurent dès lors à résoudre fictivement certains problèmes qui se posaient depuis des siècles et certains autres que le progrès venait seulement de nous soumettre,. Ils se sont savamment divertis à supposer l'avènement de possibilités parfois souhaitables et parfois redoutables ; bref, ils se sont livrés à des anticipations, mot dont Wells s'est servi le premier en ce sens mais qu'il serait injuste de réserver à ses prévisions. Il eut en effet des prédecesseurs comme Edgar Poe, Villiers de l'Isle-Adam, Jules Verne, et, de nos jours, il n'est pas le seul anticipateur puisque nous possédons Camille Flammarion et J.-H. Rosny aîné pour ne citer que les plus illustres.
Et la fin du papier est tout aussi parfaite :
A ce train-là, s'il arrive encore à quelque penseur de déterminer un point de l'avenir, c'est que le hasard l'aura servi, dans un de ces rêves qui ont moins pour objet de dégager le futur que de jouer, pour lui-même, au jeu miroitant des hypothèses.
Et ce serait anticiper témérairement que d'appeler cela anticiper.
(Paru dans Paris-Soir le 8 mai 1925.)

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Lensman
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Message par Lensman » sam. janv. 30, 2010 7:02 pm

Bel acte manqué! Si tu l'avais repéré plutôt, tu insisterais sur le fait que Renard place l'avenir au centre de sa théorie, et nous, on passerait notre temps à te répondre que la SF ne parle pas QUE de l'avenir…
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 7:08 pm

Lensman a écrit :Mais la SF n'est pas structurée, au temps de Renard. A son époque, la discussion n'a pas leu d'être. Une fois la SF structurée, il est évident que le choix de ce qui est publié dans les collections devient un vrai sujet.
Si je comprends bien ton argument :
– Renard donne la bonne définition de la SF
– mais comme il le fait à une époque où la SF n'éprouve pas le besoin de trier ce qui se publie sous son étiquette, cette définition n'a aucune importance et on ne peut donc pas dire que Renard est le définisseur ?
Je trouve ce raisonnement… je ne sais pas. Etonnant.
Toi qui aimes l'intuition, je pense avoir l'intuition que Duits ne relève pas de la SF. Et je crois que tout le monde l'a, cette intuition (sauf toi?…) Ce qui n'empêche en rien d'apprécier Charles Duits, ni n'empêche un écrivain de SF de subir son influence, etc.
Mais le sujet, c'était la SF, pas TOUT ce qui peut influencer ou attirer un auteur (ou un amateur) de SF ET qui recoupe le champ d'autres sensibilités: fort heureusement pour nous tous, nos sensibilités sont multiples, et interagissent.
Moi non plus, je ne pense pas que le roman de Duits soit de la SF "au sens strict". Mais il est paru sous l'étiquette comme des centaines d'autres textes non-stricts. Et de ce fait, il a élargi et enrichi (on peut aussi dire : rendu diffuse) la perception de la SF en tant que phénomène éditorial, en tant que somme intuitive de tout ce qui est publié sous l'étiquette. Quand Elisabeth Vonarburg publie Chroniques du pays des mères, il y a quand même un petit parfum de fantasy qui plane (ne serait-ce qu'au niveau de l'esthétique générale). Quand Brussolo fait Portrait du Diable au chapeau melon, ça n'a rien de scandaleux parce que dans cette même collection, cinquante ans plus tôt, on publiait Malpertuis de Jean Ray. Individuellement, Duits et les autres peuvent ne pas être de la SF. Mais leur présence dans les multiples catalogues a contribué à la perception générale du genre : il est licite d'y lire(et d'y écrire) des textes non-stricts. De toute façon, cette partie de la discussion est close. Le genre élargi, c'est la fiction spéculative. (Pour la première fois, hier, je me suis surpris à me dire qu'effectivement, le terme convenait mieux. Je repensais à Un jour sans fin, film que j'adore, que j'ai toujours intuitivement classé SF (large) et j'y ai pensé comme ça : fiction spéculative. Je suis en train de métaboliser.)

Lem

Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 7:20 pm

Lensman a écrit :Bel acte manqué! Si tu l'avais repéré plutôt, tu insisterais sur le fait que Renard place l'avenir au centre de sa théorie, et nous, on passerait notre temps à te répondre que la SF ne parle pas QUE de l'avenir…
Avec le sourire : non. Selon Renard, le futur est le lieu naturel où les auteurs développent les conséquences de leurs hypothèses, il peut même leur arriver de voir juste et d'anticiper (le plus souvent par hasard). Mais le nerf de la guerre, le cœur du processus et l'élément central de la définition, ce n'est pas le futur : c'est un certain type de spéculation et d'exigence logique cultivé pour l'émotion qu'il provoque chez le lecteur.

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bormandg
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Message par bormandg » sam. janv. 30, 2010 7:24 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Bel acte manqué! Si tu l'avais repéré plutôt, tu insisterais sur le fait que Renard place l'avenir au centre de sa théorie, et nous, on passerait notre temps à te répondre que la SF ne parle pas QUE de l'avenir…
Avec le sourire : non. Selon Renard, le futur est le lieu naturel où les auteurs développent les conséquences de leurs hypothèses, il peut même leur arriver de voir juste et d'anticiper (le plus souvent par hasard). Mais le nerf de la guerre, le cœur du processus et l'élément central de la définition, ce n'est pas le futur : c'est un certain type de spéculation et d'exigence logique cultivé pour l'émotion qu'il provoque chez le lecteur.
ce que Heinlein qualifiera d'extrapolation... 8)
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 7:33 pm

Lem a écrit :Le genre élargi, c'est la fiction spéculative. (Pour la première fois, hier, je me suis surpris à me dire qu'effectivement, le terme convenait mieux. Je repensais à Un jour sans fin, film que j'adore, que j'ai toujours intuitivement classé SF (large) et j'y ai pensé comme ça : fiction spéculative. Je suis en train de métaboliser.)
Avec quelques lustres de retard sur Harlan Ellison, peut-être ?

Selon Wikipédia :
The term has been used to express dissatisfaction with what some people consider the limitations of science fiction per se. For example, in Harlan Ellison's writing, the term may signal a wish not to be pigeonholed as a science fiction writer, and a desire to break out of science fiction's genre conventions in a literary and modernist direction; or to escape the prejudice with which science fiction is often met by mainstream critics[1][2]. Some readers and writers of science fiction see the term as insulting towards science fiction, and therefore as having negative connotations.
L'article de Peter Watts sur Margaret Atwood signalé en note est aussi intéressant.
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Fabien Lyraud
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Message par Fabien Lyraud » sam. janv. 30, 2010 7:36 pm

Lensman a écrit :
Fabien Lyraud a écrit :Quitte à me répéter sans l'affaire Moselli il est calir que le développement de l'anticipation française aurait été paralléle à celui de la SF américaine.
Je renvoie à mon article. la première partie explique assez clairement les choses :
http://propos-iconoclastes.blogspot.com ... igion.html
Là, tu fais de l'uchronie... Pour ma part, je constate surtout que le système éditorial américain était très différent du système français (l'existence de revues spécialisées, qui n'existaient pas en France, le fait aussi que la distinction textes " pour la jeunesse" et textes destiné au public "adulte" est beaucoup moins marquée, l'interaction entre une partie du public et les auteurs et éditeurs, par l'intermédiaire du courrier des lecteurs, la création de clubs, de fanzines, etc). On peut trouver des différences nombreuses, qui ont, de toute évidence, fait du phénomène SF aux USA quelque chose de particulier et de très dynamique. Il n'existe pas d'élan comparable en France, et il faudra le choc de l'arrivée de la SF américaine en 1950 pour réveiller ce monde somnolant.
Oncle Joe
Quelle était l'intention des Offenstadt en publiant La Fin d'Illa ? Connaissaient ils d'ailleurs les textes de Renard évoqués par Serge ? Je dois dire que ça m'intéresse assez de le savoir. Je ne me suis pas intéressé à cet aspect du problème à l'époque de l'article. Mais Jacques Van Herp lorsqu'il parle de ça, laisse plus ou moins entendre qu'un texte aussi différent de ce qui se publiait à l'époque relevait de la volonté de publier une anticipation plus sombre, pessimiste, moins axé sur le positivisme. N'était ce que cela ou est qu'ils avaient la volonté de publier une anticipation plus osée, plus moderne ?
Je dois dire que je serais intéressé par ce que Serge aurait à dire là dessus. Le procès Moselli a-t-il était la cause d'un acte manqué.
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Message par Erion » sam. janv. 30, 2010 7:40 pm

Lem a écrit : Ensuite, les jugements critiques qu'il porte sont indépendants de sa fiction (même s'il se sert manifestement de ses instruments d'analyse pour construire ses histoires, comme Poe et quelques centaines d'auteurs-théoriciens). N'eût-il été qu'un parodiste de Wells, ce qui n'est pas le cas, son analyse de la SF n'en resterat pas moins parfaitement valable.
Ce n'est pas ce que dit Gouanvic. Je te renvoie à la référence déjà cité.

Mais, en relisant le Gouanvic, je suis aussi tombé sur quelque chose de beaucoup plus précis. Il a étudié 68 numéros de la NRF de 1909 à 1914, et il montre que les Ghéon, Arnauld, Copeau et Larbaud tiennent en grande estime H.G. Wells (Ghéon l'appelle le "prophète cosmique"), et l'utilisent même pour assassiner Verne, Rosny (dans une très moindre mesure) et Renard.
Quand Henri Ghéon dit de Verne qu'il est le "H.G. Wells anglais", Michel Arnauld répond qu'il commet là une "involontaire injustice". Le même Arnauld qui associait Rosny à Wells en disant qu'ils ont tous deux "le sens des possibilités cosmiques", "Ils sentent, et nous font sentir le caractère relatifs de nos lois, de nos croyances, de nos moeurs"

Dans la même NRF Copeau s'attaque au Docteur Lerne et au Péril bleu : "Une anticipation qui n'est point géniale, passera pour un amusement assez puéril. Et c'est la tare de nombre de ces romans dits scientifiques, qu'ils nous paraissent inspirés, le plus souvent, d'une actualité un peu froide et déjà vulgarisée par la lecture des journaux" Et il conclut : "Cette liaison féconde du roman psychologique avec le roman d'aventures à merveilleux scientifique ; cette main-mise hardie sur le vaste champ romanesque qu'offre au créateur de caractères toute forme de roman-feuilleton - Et il faut avouer que M. Maurice Renard ne l'a point réalisée".
L'échec de Maurice Renard, alors que Wells est célébré par l'intelligentsia littéraire de la NRF, est interprétée par Gouanvic comme la preuve d'une peur que le roman psychologique perde son hégémonie dans le champ littéraire français (Wells bénéficiant d'une clause d'extraterritorialité, au final).
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 7:41 pm

Roland C. Wagner a écrit :Avec quelques lustres de retard sur Harlan Ellison, peut-être ?
Et avec encore plus de retard sur Heinlein. Je n'invente rien. Puisque ce dont je parle n'est pas la SF selon vous, je me rabats sur le terme standard pour désigner l'ensemble plus-large-esthétiquement-proche-mais-pas-tout-à-fait-superposable. Ne me fais pas le procès de revenir aux années 60 alors que le refus d'utiliser l'étiquette au sens large vient, entre autres, de toi.

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. janv. 30, 2010 7:48 pm

Lem a écrit :Ne me fais pas le procès de revenir aux années 60 alors que le refus d'utiliser l'étiquette au sens large vient, entre autres, de toi.
Loin de moi cette idée. Je trouve au contraire sacrément sympa — et, pour tout dire, carrément excitant — de voir la décennie la plus coule du siècle dernier revenir au premier plan. D'autant que, en tant qu'auteur de speculative fiction, j'ai, à titre personnel, tout à y gagner.

Tiens, poiur fêter ça, voici un cadeau, tout droit venu de cette époque magique où l'on rêvait de changer le monde :

Fuck the 2000's, let's go back to the 60's !

'tain, ça fait plaisir de voir arriver sur le tapis les véritables valeurs : le sexe, la drogue et le rock'n'roll.
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Message par Lem » sam. janv. 30, 2010 7:51 pm

Erion > Ecoute. Le mieux, pour te faire une idée sur Renard et la valeur de ses textes, c'est encore de le lire. J'ai dit ce que j'en pensais. A ton tour (de relire, éventuellement) pour te faire une idée. Je pense que Le péril et Le brouillard tiennent parfaitement le coup.
Erion a écrit :Mais, en relisant le Gouanvic, je suis aussi tombé sur quelque chose de beaucoup plus précis.
En effet. Passionnant.
Il a étudié 68 numéros de la NRF de 1909 à 1914, et il montre que les Ghéon, Arnauld, Copeau et Larbaud tiennent en grande estime H.G. Wells (Ghéon l'appelle le "prophète cosmique"), et l'utilisent même pour assassiner Verne, Rosny (dans une très moindre mesure) et Renard.
Quand Henri Ghéon dit de Verne qu'il est le "H.G. Wells anglais", Michel Arnauld répond qu'il commet là une "involontaire injustice". Le même Arnauld qui associait Rosny à Wells en disant qu'ils ont tous deux "le sens des possibilités cosmiques", "Ils sentent, et nous font sentir le caractère relatifs de nos lois, de nos croyances, de nos moeurs"
Oncle n'insistera jamais assez sur le prestige de Wells à cette époque. On l'observe ici. C'est intéressant. Ça prouve qu'il y avait bien perception (problématique, éventuellement conflictuelle) de quelque chose de spécifique.
Dans la même NRF Copeau s'attaque au Docteur Lerne et au Péril bleu : "Une anticipation qui n'est point géniale
Il n'y a pas l'ombre d'une anticipation chez Renard. Tout se passe au présent et il y a même ici et là un peu de name-dropping impliquant des contemporains.
un amusement assez puéril. Et c'est la tare de nombre de ces romans dits scientifiques, qu'ils nous paraissent inspirés, le plus souvent, d'une actualité un peu froide et déjà vulgarisée par la lecture des journaux" Et il conclut : "Cette liaison féconde du roman psychologique avec le roman d'aventures à merveilleux scientifique ; cette main-mise hardie sur le vaste champ romanesque qu'offre au créateur de caractères toute forme de roman-feuilleton - Et il faut avouer que M. Maurice Renard ne l'a point réalisée".
Beaucoup de jugements de valeur. Mais c'est très intéressant. La conclusion, en particulier, laisse entendre que le projet merveilleux-scientifique n'était pas illégitime en lui-même.
L'échec de Maurice Renard, alors que Wells est célébré par l'intelligentsia littéraire de la NRF, est interprétée par Gouanvic comme la preuve d'une peur que le roman psychologique perde son hégémonie dans le champ littéraire français (Wells bénéficiant d'une clause d'extraterritorialité, au final).
C'est possible.

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