Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 9:00 am

Lem a écrit :
Lensman a écrit :J'ai parfois l'impression (mais je dois me tromper)…
Mais pourquoi faire toute une affaire de ceci ?
Ce n'est qu'un système critique. La question de ce qui est premier, de ce qui précède n'a aucune importance ici. Dans le processus d'un film, le scénario précède le tournage. Mais une fois le film fini, on peut l'analyser du point de vue de l'histoire ou de la mise en scène, il n'y a pas de hiérarchie à faire.
Oui, pourquoi? Je pourrais aussi poser qu'il n'y a rien à tirer de ce que tu dis, au prétexte que j'ai du mal à discerner le fond de ta pensée. Je n'arrive pas à m'y faire, d'où mon acharnement à comprendre, malgré les moments de découragement.
S'il n'y a pas de hiérarchie à faire, en revanche, il faut rester un peu modeste, et éviter les effets de manches. On peut sans doute dresser un corpus significatif des films de SF (encore que ça fera aussi… des histoires) et s'intéresser de près à leur mise en scène. Quelque chose me dit (la fameuse intuition?) que cela va poser bien davantage de problèmes qu'amener de clarifications sur la notion de "film de SF". Mais on apprendra certainement des choses, qui ne seront pas valables que pour la SF, ni que pour le cinéma, d'ailleurs.
Alors, encore une fois, c'est une démarche intéressante, passionnante même, mais il vaudrait mieux éviter de la mettre au centre de la caractérisation de la SF…
Quant au mainstream là dedans, s'il comprend quelque chose, je lui paie un kilo de figues sèches.
Oncle Joe

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 9:49 am

Petite erreur de manipulation… le manque de sucre, sans doute!
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le sam. févr. 06, 2010 10:08 am, modifié 1 fois.

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 9:50 am

Gérard Klein a écrit :Morin est marrant.
C'est moi qui lui ai suggéré ça. Et en plus je l'ai écrit il y a des dizaines d'années.
Une définition est centrale ou n'est pas.
.
Je veux bien que tu l'aies convaincu que "définir un concept ou un ensemble par son centre" est une manière plus EFFICACE que regarder ses frontières, mais je doute tout de même que l'idée de s'y prendre comme ça n'avait jamais traversé son esprit!
Oncle Joe

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silramil
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Message par silramil » sam. févr. 06, 2010 10:57 am

L'exemple de la "transparence" me paraît effectivement un bon point de départ pour réfléchir à ce que peut être la place de la métaphore, ou d'ailleurs d'autres figures, dans la science-fiction.
Je dirais, pour résumer mon sentiment là-dessus, qu'il s'agit au départ plus de littéralisation (prendre au pied de la lettre) que de réification, même si cette notion a un sens. Et cette littéralisation n'est qu'un point de départ, et non une clef de voûte de la fiction. (je suis donc l'avis général de Lensman)

Quand on dit d'un individu qu'il est transparent dans la vie courante, ou dans un roman réaliste, cela veut dire qu'il n'a guère de personnalité et qu'il est facile de comprendre ses intentions et de deviner ses pensées.
Cela ne signifie pas qu'il passe inaperçu dans une foule, ni qu'on l'oublie plus facilement. D'ailleurs, si Ayerdhal a repris le terme pour un roman qui est, lui, réaliste (Transparence), c'est qu'il n'en existe pas d'équivalent aussi satisfaisant dans le vocabulaire réel.
Roland pourrait bien avoir donné un nom à un phénomène jusqu'ici innomé, à savoir une manière d'utiliser à son avantage l'anonymat des foules, en gros (mais le pouvoir de SF ne s'arrête pas là). Un peu comme robot, astronautique, et tous ces petits mots passés dans le langage courant.

Je ne fais que spéculer, mais je crois que dans cette situation le concept précède le nom. C'est-à-dire qu'un écrivain passe d'abord par des périphrases, des approximations, des coordonnées générales : "mettons qu'un des personnages devienne parfaitement anonyme, qu'on ne le remarque pas, qu'on l'oublie, que même les ordinateurs aient du mal à garder sa trace, qu'il ne reste dans la mémoire que des ombres..." et parmi les mots possibles, inventés ou repris du lexique antérieur, il finit par en retenir un : il est "transparent", c'est-à-dire qu'il laisse passer la lumière, le regard, le souvenir, comme du verre. Ce qui fait que le mot est retenu, c'est en grande partie sa charge "poétique", au sens large : il faut que ce soit évocateur et que ça colle bien.

Le nom ne surgit donc qu'une fois la chose délimitée, puis il aide à la préciser, en orientant les chaînes de déduction, de manière à ce que la nouvelle entrée du dictionnaire ainsi créée soit cohérente. (il reste toujours une marge d'interprétation entre l'entrée du dictionnaire et l'entrée d'une encyclopédie : le dictionnaire est statistique et consensuel, l'encyclopédie admet les cas particuliers et les paradoxes - Tem y fournirait l'exemple d'un transparent flamboyant...).

Cela dit, dans la perspective de Lem, la métaphore n'est pas que verbale, si je ne m'abuse. Il ne s'agit pas de dire que la transparence n'est qu'affaire de mots.
Il s'agit d'indiquer qu'on peut poser "avant", ou après le texte (au sens où on n'examine pas encore les détails de la narration) des formules qui en résument les aspects SF et apparaissent comme des "réifications", c'est-à-dire des concrétisations, des matérialisations de formules n'ayant sinon de sens que métaphorique.

Dire, à froid, que telle personne est si facile à oublier qu'elle paraît transparente, que c'est un "homme de verre" (hello, Cobra, pour une réification sans signification particulière), c'est faire une métaphore. Et cette métaphore, au lieu de rester métaphore, devient dans le courant du texte, par la force de la fiction, une réalité concrète.
Ainsi, d'une situation d'énonciation où il paraît métaphorique (hors du texte), le mot "transparent" passe à une situation d'énonciation où il est concret (dans le texte).

La question de l'avant/après n'a pas d'importance, ici, car ce qui compte est qu'on peut extraire du texte des métaphores, sous la responsabilité unique du critique littéraire qui les formule. Il ne s'agit que d'une méthode d'analyse, qui n'a pas d'influence (= qui ne peut pas en avoir) sur les textes eux-mêmes, mais seulement sur la manière dont ils sont perçus et lus.

Comme toute méthode qui vise à extraire des choses du texte, elle efface la subtilité des processus d'écriture d'un texte précis. Elle apparaît comme une simplification, parce qu'elle simplifie effectivement, mais pas forcément pour nier les détails du texte. Il est question de trouver des points communs, des mécanismes communs, à tous les textes de SF : il va sans dire qu'aucun texte particulier ne fournit d'exemple total et qu'il faut oublier les particularités pour faire une théorie générale.

Néanmoins, je suis d'accord avec Erion, Lensman et Roland pour contester la portée explicative de cette méthode. Une fois qu'on a identifié qu'un des éléments centraux des Futurs Mystères de Paris peut être formulé comme une métaphore, et qu'en un certain sens il s'agit d'une métaphore réifiée (càd une idée qui serait métaphorique dans la réalité mais qui est concrète dans la fiction), qu'est-ce qu'un tel constat apporte à la compréhension du texte?[/i]

Lem

Message par Lem » sam. févr. 06, 2010 12:20 pm

Lensman a écrit :Parce que toi, tu sais comment les idées se forment ?
Non. C'est pourquoi j'évite d'écrire des phrases catégoriques comme "d'abord le concept, ensuite la métaphore". On parle de littérature. S'intéresser au jeu des idées et des concepts dans un texte est licite. S'intéresser au langage l'est aussi. Soutenir qu'on dénature un roman en le scrutant de ce point de vue me paraît absurde, c'est tout. Le rôle formateur des jeux de langage, et en particulier des métaphores, est étudié en tant que tel jusque dans les sciences (cf par exemple Evelyn Fox Keller, ainsi que Latour je crois). La SF serait donc un domaine tellement spécifique que les instruments critiques appliqués à la littérature et à la science n'y seraient d'aucune utilité ?

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. févr. 06, 2010 12:58 pm

Exercice :

Isoler la métaphore dans le texte suivant.


Mon nom est Temple Sacré de l’Aube Radieuse, mais vous pouvez m’appeler Tem. J’exerce avec plus ou moins de bonheur la profession de détective privé depuis le début des années soixante… Deux mille soixante, bien entendu ; je ne suis pas si âgé.
Alors que mes confrères partagent leur temps entre enquêtes financières et filatures de conjoints adultères, et que le nombre de crimes de sang est en chute libre depuis la Grande Terreur primitive, il se trouve que j’ai une fâcheuse tendance à buter sur des malheureux que l’on a… disons aidés à quitter cette vallée de larmes.
Mon parrain, ce vieil escroc de Ludwig, dit que c’est un comble pour un végétarien de découvrir autant de viande froide. Selon lui, il s’agirait même d’un Talent. Mais il se trompe : comme tous les mutants, je ne dispose en effet que d’un seul pouvoir parapsychique.
La transparence.
Imaginez que vous vous promeniez sur un trottoir au milieu de la foule. Vous ne pourrez jamais prêter attention à toutes les personnes que vous croiserez ; il en subsistera une certaine proportion que vous ne remarquerez même pas, sinon sous la forme de silhouettes noyées dans la masse. Eh bien, pour le commun des mortels, je fais le plus souvent partie de ces silhouettes. Ma sœur Rivière Paisible du Matin Calme aime à dire que je « glisse entre les mailles du tissu de la réalité ». Si j’ai affaire à des individus sensibles à mon Talent — et à condition de ne pas être attifé à ce moment-là comme le croisement d’un clown et d’un épouvantail —, je peux me faufiler parmi eux, traverser leur champ visuel, voire les toucher sans qu’ils s’en rendent compte.
Très pratique pour les filatures, pensez-vous. Mais imaginez mon calvaire dès lors qu’il s’agit d’interroger des témoins. J’ai beau m’habiller de la manière la plus voyante — borsalino vert fluo et mexicaines en Cuirex®™ (© 2031 Chips Co.) jaune citron —, certains sujets demeurent irrémédiablement aveugles à ma présence. Et la plupart des autres ne tardent pas à m’oublier si je néglige de me manifester régulièrement à eux.
De même, les enregistrements me concernant ont eux aussi tendance à s’effacer. Il est rare que mon image subsiste plus de quelques heures dans un fichier vidéo, et c’est en vain que vous effectueriez une recherche à mon sujet dans les méandres du wèbe, au cas bien improbable où vous ne m’auriez pas oublié entre-temps.
Pour ne rien arranger, ma transparence connaît des variations imprévisibles, qui dépendent aussi bien des gens auxquels je suis confronté que de facteurs dont la nature continue à m’échapper après toutes ces années.
La vie est parfois bien compliquée.
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Message par Lem » sam. févr. 06, 2010 1:15 pm

silramil a écrit :L'exemple de la "transparence" me paraît effectivement un bon point de départ
Je passe sur ton raisonnement. Certaines choses m'y paraissent justes, d'autres non. 'Le nom ne surgit donc qu'une fois la chose délimitée" me semble en particulier beaucoup trop catégorique. Je ne crois pas du tout à un scénario du genre : a) réfléchir sur un concept ; b) choisir le nom le plus approprié pour celui-ci parmi x possibles. Même comme idéalisation, je ne suis pas sûr qu'on puisse le retenir. Je crois qu'à la racine du processus créatif, il y a un bouillonnement chaotique où les mots, les concepts, les images s'échangent et s'enchevêtrent de façon indémélable et pas du tout la table d'opération cristalline que tu décris. Mais peu importe.
Ainsi, d'une situation d'énonciation où il paraît métaphorique (hors du texte), le mot "transparent" passe à une situation d'énonciation où il est concret (dans le texte).
Oui.
La question de l'avant/après n'a pas d'importance, ici, car ce qui compte est qu'on peut extraire du texte des métaphores, sous la responsabilité unique du critique littéraire qui les formule. Il ne s'agit que d'une méthode d'analyse, qui n'a pas d'influence (= qui ne peut pas en avoir) sur les textes eux-mêmes, mais seulement sur la manière dont ils sont perçus et lus.
Exactement.
Comme toute méthode qui vise à extraire des choses du texte, elle efface la subtilité des processus d'écriture d'un texte précis. Elle apparaît comme une simplification, parce qu'elle simplifie effectivement, mais pas forcément pour nier les détails du texte. Il est question de trouver des points communs, des mécanismes communs, à tous les textes de SF : il va sans dire qu'aucun texte particulier ne fournit d'exemple total et qu'il faut oublier les particularités pour faire une théorie générale.
Toujours d'accord. C'est agréable d'être lu correctement.
Néanmoins, je suis d'accord avec Erion, Lensman et Roland pour contester la portée explicative de cette méthode. Une fois qu'on a identifié qu'un des éléments centraux des Futurs Mystères de Paris peut être formulé comme une métaphore, et qu'en un certain sens il s'agit d'une métaphore réifiée (càd une idée qui serait métaphorique dans la réalité mais qui est concrète dans la fiction), qu'est-ce qu'un tel constat apporte à la compréhension du texte?[/i]
Deux choses.

1) La nature de la "science" dans la SF. Dans de nombreux textes, le concept central n'a rien de scientifique. C'est une image linguisitique qui est prise de manière littérale et autour de laquelle un monde est construit qui la justifie et la rend logique. Et c'est la rigueur avec laquelle ce processus se déroule qui fait que le texte n'est pas une allégorie ou une fable mais bien de la SF. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière. Et comme on peut aussi décrire ainsi La bibliothèque de Babel, on a peut-être là une des clés unitaires de… disons la fiction spéculative pour ne fâcher personne.

2) Le caractère déconcertant de la SF pour les lecteurs du mainstream aux yeux de qui une image linguistique inhabituelle apparaît toujours comme pur discours, jamais comme monde (cf Card).

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Roland C. Wagner
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Message par Roland C. Wagner » sam. févr. 06, 2010 1:41 pm

Lem a écrit :Je ne crois pas du tout à un scénario du genre : a) réfléchir sur un concept ; b) choisir le nom le plus approprié pour celui-ci parmi x possibles. Même comme idéalisation, je ne suis pas sûr qu'on puisse le retenir.
Désolé, mais alors sincèrement désolé de te contredire d'une manière aussi péremptoire, seulement il se trouve que c'est bel et bien comme ça que ça marche chez moi.
Lem a écrit :Je crois qu'à la racine du processus créatif, il y a un bouillonnement chaotique où les mots, les concepts, les images s'échangent et s'enchevêtrent de façon indémélable et pas du tout la table d'opération cristalline que tu décris.
C'est sans doute comme ça que ça se passe chez toi, puisque tu le dis. Mais n'en fais pas une généralité.
Lem a écrit :
Silramil a écrit :Une fois qu'on a identifié qu'un des éléments centraux des Futurs Mystères de Paris peut être formulé comme une métaphore, et qu'en un certain sens il s'agit d'une métaphore réifiée (càd une idée qui serait métaphorique dans la réalité mais qui est concrète dans la fiction), qu'est-ce qu'un tel constat apporte à la compréhension du texte?[/i]
Deux choses.

1) La nature de la "science" dans la SF. Dans de nombreux textes, le concept central n'a rien de scientifique. C'est une image linguisitique qui est prise de manière littérale et autour de laquelle un monde est construit qui la justifie et la rend logique. Et c'est la rigueur avec laquelle ce processus se déroule qui fait que le texte n'est pas une allégorie ou une fable mais bien de la SF. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière. Et comme on peut aussi décrire ainsi La bibliothèque de Babel, on a peut-être là une des clés unitaires de… disons la fiction spéculative pour ne fâcher personne.

2) Le caractère déconcertant de la SF pour les lecteurs du mainstream aux yeux de qui une image linguistique inhabituelle apparaît toujours comme pur discours, jamais comme monde (cf Card).
Je me permets de te conseiller de (re)lire attentivement le texte que j'ai posté plus haut.

J'en profite pour ajouter une question subsidiaire à l'exercice :

La métaphore est-elle réifiée ? Justifier votre réponse.

J'aurais d'autres remarques, mais pas le temps de développer tout de suite.
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silramil
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Message par silramil » sam. févr. 06, 2010 1:50 pm

Lem a écrit :
silramil a écrit :L'exemple de la "transparence" me paraît effectivement un bon point de départ
Je passe sur ton raisonnement. Certaines choses m'y paraissent justes, d'autre non. 'Le nom ne surgit donc qu'une fois la chose délimitée" me semble en particulier beaucoup trop catégorique. Je ne crois pas du tout à un scénario du genre : a) réfléchir sur un concept ; b) choisir le nom le plus approprié pour celui-ci parmi x possibles. Même comme idéalisation, je ne suis pas sûr qu'on puisse le retenir. Je crois qu'à la racine du processus créatif, il y a un bouillonnement chaotique où les mots, les concepts, les images s'échangent et s'enchevêtrent de façon indémélable et pas du tout la table d'opération cristalline que tu décris. Mais peu importe.
Je suis d'accord avec toi sur la représentation "chaotique", mais ce que je voulais souligner, c'est que le processus créatif lui-même n'est pas d'ordre métaphorique (il ne se passe pas dans le langage seul, mais dans le dialogue entre image et idée, entre forme et fond pour simplifier) : c'est éventuellement le résultat qui l'est, envisagé après-coup par un regard critique.

edit : mais même si c'est chaotique, il me semble qu'il y a une supériorité du concept, qui est la véritable source de force d'un texte - une belle formule, si elle ne désigne pas une réalité fascinante, reste creuse.
C'est agréable d'être lu correctement.
Et c'est agréable de lire correctement.
Néanmoins, je suis d'accord avec Erion, Lensman et Roland pour contester la portée explicative de cette méthode. Une fois qu'on a identifié qu'un des éléments centraux des Futurs Mystères de Paris peut être formulé comme une métaphore, et qu'en un certain sens il s'agit d'une métaphore réifiée (càd une idée qui serait métaphorique dans la réalité mais qui est concrète dans la fiction), qu'est-ce qu'un tel constat apporte à la compréhension du texte?[/i]
Deux choses.

1) La nature de la "science" dans la SF. Dans de nombreux textes, le concept central n'a rien de scientifique. C'est une image linguisitique qui est prise de manière littérale et autour de laquelle un monde est construit qui la justifie et la rend logique. Et c'est la rigueur avec laquelle ce processus se déroule qui fait que le texte n'est pas une allégorie ou une fable mais bien de la SF. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière. Et comme on peut aussi décrire ainsi La bibliothèque de Babel, on a peut-être là une des clés unitaires de… disons la fiction spéculative pour ne fâcher personne.
Mmm... il y a quelque chose qui cloche, mais je ne suis pas très sûr.
L'idée d'une image linguistique comme source d'un récit de SF, ça je suis parfaitement d'accord. D'ailleurs, j'ai eu beau décomposer le processus de création en plaçant d'abord le concept, j'ai ensuite mentionné le fait que le mot choisi pèse sur le développement du sens. Il faut que les choses soient cohérentes et évocatrices. Je ne développe pas plus, mais il y aurait à causer. En tout cas, d'accord là-dessus.

C'est quand on en vient aux exemples que c'est plus délicat. Là, nos postures de recherche se heurtent, donc il y a une part de préjugé, mais je ne désire pas simplement formuler une objection de principe.

Je commence par un rappel/une explicitation de mes présupposés : je fais, pour ma part, une différence cruciale entre la BB et le MI. D'après mes catégories, la BB est essentiellement un trompe-l'oeil, un piège verbal qui pousse le lecteur à envisager des situations presque inconcevables, à toucher du cerveau l'infini. C'est bien et ça fait du sense of wonder, je ne le conteste pas. Seulement, être un trompe-l(oeil est en quelque sorte la finalité exclusive du dispositif textuel. Il ne s'agit pas vraiment de raconter quelque chose, mais de donner une forme à l'infini (quel infini, au juste, je ne sais trop).
Le fait que le Monde inverti fonctionne comme un trompe-l'oeil également (= donne le sentiment au lecteur que cette quête de l'optimum est une activité concrète, plausible, se déroulant dans un monde "réel") lui fait un point commun avec la BB. Mais le centre de gravité du Monde Inverti n'est pas l'impulsion qui donne une forme à une métaphore (la poussée en avant vers un optimum), c'est tout le réseau d'objets mineurs et majeurs qui fourmille dans le récit et lui donne effectivement sa charge concrète.
Pour simplifier, je dirai que la réification vient du haut dans la BB (= c'est une réification globale, qui trouve à s'exprimer dans des descriptions détaillées) et du bas dans le Monde inverti (= c'est la conjugaison des objets qui forme peu à peu un monde cohérent).

Pour en venir à mon objection, que j'espère constructive et placée à l'intérieur de ton propre système, le fait d'indiquer la métaphore mettons "primitive" à la source de la Bibliothèque de Babel rend compte de la nouvelle. On peut sentir quelle est la construction verbale établie par Borges simplement en disant que son monde, littéralement, est une bibliothèque.
Par contre, quand on propose une métaphore séminale pour le Monde Inverti, on n'a qu'une vague idée d'un arrière-plan. Il nous manque toute la chair du texte, et surtout tout ce qui, dans le récit est hétérogène à la métaphore. Chercher l'optimum, OK, mais en quoi cela conditionne-t-il la forme de la cité roulante? ses castes? ses coutumes? ses représentations?
En somme, la portée explicative de cette partie de ta réflexion me paraît fort limitée, pour l'instant.

edit : je précise, sans préjudice de justification ultérieure, que je mettrais les textes d'imagination scientifique, comme Le Péril bleu, dans la même catégorie que Le monde Inverti en ce qui concerne ces questions.
2) Le caractère déconcertant de la SF pour les lecteurs du mainstream aux yeux de qui une image linguistique inhabituelle apparaît toujours comme pur discours, jamais comme monde (cf Card).
Rien contre ça : la langue peut faire obstacle à la lecture et l'emploi de certaines images peut rester incompréhensible.
Et j'analyse en tant que chercheur les textes de SF d'abord comme des machines textuelles. (mais je les lis personnellement comme des fenêtres sur des mondes nouveaux...)

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 3:06 pm

Lem a écrit :
Lensman a écrit :Parce que toi, tu sais comment les idées se forment ?
Non. C'est pourquoi j'évite d'écrire des phrases catégoriques comme "d'abord le concept, ensuite la métaphore". On parle de littérature. S'intéresser au jeu des idées et des concepts dans un texte est licite. S'intéresser au langage l'est aussi. Soutenir qu'on dénature un roman en le scrutant de ce point de vue me paraît absurde, c'est tout. Le rôle formateur des jeux de langage, et en particulier des métaphores, est étudié en tant que tel jusque dans les sciences (cf par exemple Evelyn Fox Keller, ainsi que Latour je crois). La SF serait donc un domaine tellement spécifique que les instruments critiques appliqués à la littérature et à la science n'y seraient d'aucune utilité ?
Quand j'écris, "d'abord le concept", je ne préjuge pas de la manière dont se construit le concept (je l'ignore, et il peut y avoir toutes les métaphores que l'on veut dans ce processus sur lequel nous ne savons rien, si il y a quelque chose à savoir). Quand j'écris "ensuite la métaphore", c'est pour parle du texte de l'auteur, où il a pu faire appel à toute une série de techniques et d'outils, sa connaissance de la langue, sa conception de l'écriture, l'effet qu'il veut fournir, etc.. Ce que je dis là ne te paraissait pas évident, pour que je sois obligé de le préciser?
Encore faut-il que l'"instrument critique", comme tu dis, ne soit pas posé abruptement, comme un truc qui tombe sous le sens ("voyons, ne me dis pas que tu ne sais pas ce que c'est qu'une métaphore!!!"), et qui servirait dans tous les domaines. On peut parler de "matrice" aussi, comme concept, et ça va être intéressant, vu la manière désinvolte dont le terme (qui a plus d'un sens) est joyeusement utilisé, selon les corps de métier… Il y a des emplois, disons, "métaphorique" du terme "matrice", mais aussi du terme "métaphore".
Oncle Joe
Modifié en dernier par Lensman le sam. févr. 06, 2010 3:47 pm, modifié 2 fois.

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Message par Erion » sam. févr. 06, 2010 3:17 pm

Un jolie métaphore réifiée
Image

Et non, ce n'est pas une plaisanterie, ce modèle s'appelle VRAIMENT métaphore : http://www.espace-aubade.fr/P-75-3773-m ... allia.html

Métaphore de quoi, par contre, je sais pas.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
http://melkine.wordpress.com/

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MF
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Message par MF » sam. févr. 06, 2010 3:22 pm

Lem a écrit :1) La nature de la "science" dans la SF. Dans de nombreux textes, le concept central n'a rien de scientifique. C'est une image linguisitique qui est prise de manière littérale et autour de laquelle un monde est construit qui la justifie et la rend logique. Et c'est la rigueur avec laquelle ce processus se déroule qui fait que le texte n'est pas une allégorie ou une fable mais bien de la SF. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière.
Et ce serait bien ce que pourraient faire les critiques littéraires : décrire ce roman par analogie à une "métaphore du discours économique" (laquelle d'ailleurs ?).

Au lieu de regarder le noyau du texte pour ce qu'il est : "ET SI... la géométrie de l'espace-temps était hyperbolique ?"

C'est sûr que c'est moins facile à conceptualiser pour un critique littéraire.


Pour revenir au fond du sujet, je comprends :
1°) émergence d'idées/concepts/abstractions chez l'auteur
2°) transcription textuelle dans une forme narrative
3°) lecture et analyse par le critique littéraire.
Le critique littéraire ayant l'habitude de narration "réaliste" sort de sa besace d'analyste le mot "métaphore" dès qu'il rencontre un élément de transcription textuelle qui s'extrait de la (sa ?) réalité.
Et il faut donc lui expliquer que ce qu'il croit être une "métaphore" n'en est pas une mais est plutôt une "métaphore réifiée", afin qu'il soit capable de revenir aux idées/concepts/abstractions, et ainsi de lire le texte pour ce qu'il est et pas pour ce qu'il croit qu'il est.

And Now For Something Completely Different

Lem : Ce que vous voyez là, ce n'est pas une métaphore.
Critique littéraire : Ah bon ?
Lem : Oui, bien que l'auteur soit un véritable écrivain et qu'il manipule à merveille l'ensemble des outils lexicaux et des figures de style -il lui arrive d'ailleurs d'user de la métaphore- ce n'est pas ce qu'il fait lorsqu'il présente son personnage principal sous la forme d'un homme transparent.
Critique Littéraire : "Homme transparent" ne serait donc pas une métaphore ?
Lem : Non ! c'est une métaphore réifiée !
Critique Littéraire : Attendez. Vous me dites que ce n'est pas une métaphore, puis vous m'affirmer que c'en est une.
Lem : Non, pas une métaphore. Une métaphore réifiée !
Critique Littéraire : Une "métaphore réifiée" ? Quelque chose m'échappe. Est-ce que par hasard, une "métaphore réifiée" ne serait pas... comment dire ? une métaphore qui aurait été réifiée. En gros une métaphore.
Lem : C'est uniquement parce que vous limitez la notion de métaphore à la figure de style. Que vous raisonnez en terme de champ lexical. Sortez ce mot de métaphore de son acception classique et voyez-y plutôt des analogies conceptuelles faites par l'auteur lors de la phase réflexive de son travail. La narration littéraire de ces analogies abstraites produit des éléments textuels structurés comme des métaphores et qui peuvent passer pour telles aux yeux du lecteur peu au fait de ce qu'est le processus science-fictif.
Critique Littéraire : Donc, ce ne sont pas des métaphores. Alors pourquoi les nommer ainsi au risque de créer de la confusion ?
Lem : Car au niveau de l'abstraction, c'est bien une forme de métaphore. "L'inconscient est structuré comme un langage", voyez-vous. Ainsi, même si l'auteur n'en est pas conscient, ou même en disconvient, il faut bien parler de métaphore.
Critique Littéraire : Heu... et si on n'est pas lacanien, ça marche aussi ?
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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 3:35 pm

Lem a écrit :. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière.
Que je sache, le discours économique, il est déjà réifié dans la vie "normale" (course aux points de retraite, par exemple…). Je veux bien qu'on parle de métaphore, mais je verrais plutôt une satire, et je ne vois plus trop ce qui distinguerait "Le monde inverti" d'un conte, d'une fable, ou d'une allégorie, effectivement. Ce que ça peut être aussi, d'ailleurs: pourquoi serait-ce exclusif? Et la notion de "rigueur" me paraît pour le moins périlleuse…
Il y a d'ailleurs une distinction entre "La bibliothèque de Babel" et "Le monde inverti", me semble-t-il (mais tout le monde ne sera pas d'accord, c'est sans doute assez subjectif. Vos avis?). "Le monde inverti", on y "croit", au sens où on a l'impression que les personnages "existent". Cela ne me semble pas être une question de rigueur (ça pourrait être plus décousu, ce ne serait pas si grave). Alors que "La bibliothèque de Babel", c'est un texte tout à fait "extérieur", uniquement "cérébral". On s'en fout un peu, au niveau émotionnel. Curieusement, dans Egan, je suis souvent touché par les personnages, que pas mal de critiques se plaisent pourtant à décrire comme inexistants.
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Erion
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Message par Erion » sam. févr. 06, 2010 3:43 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière.
Que je sache, le discours économique, il est déjà réifié dans la vie "normale" (course aux points de retraite, par exemple…). Je veux bien qu'on parle de métaphore, mais je verrais plutôt une satire, et je ne vois plus trop ce qui distinguerait "Le monde inverti" d'un conte, d'une fable, ou d'une allégorie, effectivement. Ce que ça peut être aussi, d'ailleurs: pourquoi serait-ce exclusif? Et la notion de "rigueur" me paraît pour le moins périlleuse…
Ca montre surtout une chose, qu'on est un peu en train de répéter en boucle. C'est que, quand bien même on liste les métaphores, c'est pas ça qui aide à comprendre ce qui fait un texte de SF. Quand bien même on trouve une métaphore réifiée dans "Nulle part à Liverion", ça n'aide pas à comprendre l'enjeu du texte, idem pour Déchiffre la Trame, ou pour les textes de Silverberg.

Dès que l'on quitte les généralités pour entrer dans chaque texte, on voit bien que le texte ne se réduit pas à sa métaphore.

Je reprends donc : OUI, la métaphore réifiée est un outil utilisé dans les textes de SF sous un angle rationnel ou techno-scientifique. Mais c'est un outil parmi d'autres.

Si, dans Rhinoceros, les individus se transforment en animaux, c'est bien une métaphore réifiée, aussi. Quand Capek crée les robots, il fait TOUT AUTANT une métaphore. Ca serait peut-être judicieux de comparer les deux, pour déterminer si, dans les deux cas, on a affaire à de la SF ou pas.
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 3:44 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :1) La nature de la "science" dans la SF. Dans de nombreux textes, le concept central n'a rien de scientifique. C'est une image linguisitique qui est prise de manière littérale et autour de laquelle un monde est construit qui la justifie et la rend logique. Et c'est la rigueur avec laquelle ce processus se déroule qui fait que le texte n'est pas une allégorie ou une fable mais bien de la SF. Dans Le monde inverti, par exemple, la cité mobile poursuit un objet qui s'éloigne devant elle et qu'elle ne peut jamais rattraper, "l'optimum". C'est la réification d'une métaphore classique du discours économique et tout le reste en découle logiquement, y compris le fait de compter l'âge des personnages en kilomètres. Je ne dis pas que c'est comme ça que Priest a créé son roman mais qu'on peut le décrire de cette manière.
Et ce serait bien ce que pourraient faire les critiques littéraires : décrire ce roman par analogie à une "métaphore du discours économique" (laquelle d'ailleurs ?).

Au lieu de regarder le noyau du texte pour ce qu'il est : "ET SI... la géométrie de l'espace-temps était hyperbolique ?"

C'est sûr que c'est moins facile à conceptualiser pour un critique littéraire.
Quand la science-fiction revient, dans nos échanges, ça fait tout drôle… C'est dire à quel point on arrive à s'éloigner du sujet!!!
Oncle Joe

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