Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 7:57 pm

Gérard Klein a écrit :
bormandg a écrit :Entièrement d'accord avec Joe sur ce point.
Sinon, pour en revenir au rôle des "pulps" dans l'apparition de la SF américaine: la SF française existerait-elle sans Fiction, Galaxie (le premier), Satellite et les fanzines?
Ou serait-elle restée un amas de textes isolés, tandis que n'existerait qu'une branche structurée, la branche américaine?
La réponse "non à la première question, ou à la seconde" me paraît tellement évidente et inévitable que je ne sais pas pourquoi je pose la question.
Ce qui, à mes yeux, confirme que la science-fiction a été CRééE par Gernsback sur un terreau réel et important dans lequel Verne, Rosny Aîné, Maurice renard ont leur place, mais qui serait resté vierge sans Gernsback, Campbell, Heinlein et un certain nombre d'autres, et la SFWA.
Je ne le crois honnêtement pas. D'autres revues auraient été créées et Gernsback n'a eu aucun mal à vendre la sienne dès 1929.
C'est au Magazine of Fantasy and Science Fiction et à Galaxy et à leurs éditions françaises que la sf française doit le plus et Gernsback n'y a tenu aucune part.

Comme je l'ai déjà écrit (relire mon post à ce sujet), Gernsback a joué un rôle notable, celui de l'homme qui convenait, au bon moment, mais il n'a été nullement l'homme providentiel que l'on nous présente. Son métier principal a été durant l'essentiel de sa vie, de créer des revues (une trentaine dans tous les domaines) pour les revendre. Je ne pense pas que l'histoire américaine de la sf aurait été très différente en son absence. En revanche, Campbell me semble avoir tenu un rôle bien plus important en disciplinant et modernisant un genre qui tournait quelque peu en rond avant lui, et en manifestant une exigence qui a tranformé la sf.
Je ne mésestime pas Gernsback, je le resitue dans son contexte, c'est tout. C'est comme si on disait qu'il a introduit la TSF en Amérique. Il y a joué un rôle non négligrable certes mais cela se serait fait sans lui, à peine différemment.
Il ne faut évidemment pas exagérer l'importance des qualités de Gernsback lui-même, je crois que tout le monde est d'accord. Mais il initie les revues de SF, qui ensuite trouveront des directeurs de bien plus grande valeur, cela ne fait pas de doute. C''est cet ensemble qu'il faut considérer, qui a une histoire claire, avec une progression, pendant qu'il ne se passait tranquillement rien ailleurs. Il a suscité un enthousiasme, trouvé des successeurs (qui lui ont pris sa place…), des concurrents… et dans l'indifférence du "monde littéraire". Bref, ça bouge, il se construit quelque chose, et il n'y a pas besoin de l'imprimatur ou de la bénédiction de je ne sais qui.
On peut s'amuser à faire des uchronies, mais les faits sont là, et le catalogue de ta propre collection montre assez où s'est vraiment développée la SF… il faut partir du centre pour définir un concept…
Oncle Joe

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » sam. févr. 06, 2010 8:23 pm

Erion a écrit : Si, dans Rhinoceros, les individus se transforment en animaux, c'est bien une métaphore réifiée, aussi. Quand Capek crée les robots, il fait TOUT AUTANT une métaphore. Ca serait peut-être judicieux de comparer les deux, pour déterminer si, dans les deux cas, on a affaire à de la SF ou pas.
Le parallèle est intéressant. Mais chez Ionesco, le processus est inexpliqué sauf erreur de ma part (mes souvenirs de la pièce sont lointains) même s'il est bien métaphorique d'une déshumanisation; il s'agit donc de fantasy, au sens large.
Chez Capek, il s'agit d'une action ayant un but rationnel et un moyen supposément technologique, d'une création d'ouvriers artificiels et donc de science-fiction.

Si chez Ionesco, l'agent de la transformation était par exemple un ET conduisant une expérience, l'interprétation serait toute différente et la métaphore serait réifiée, deux fois plutôt qu'une.
Mon immortalité est provisoire.

Gérard Klein
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Message par Gérard Klein » sam. févr. 06, 2010 8:25 pm

Erion a écrit :Un jolie métaphore réifiée
Image

Et non, ce n'est pas une plaisanterie, ce modèle s'appelle VRAIMENT métaphore : http://www.espace-aubade.fr/P-75-3773-m ... allia.html

Métaphore de quoi, par contre, je sais pas.
Parce que ça vient après l'amphore, non?
Mon immortalité est provisoire.

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Message par Gérard Klein » sam. févr. 06, 2010 8:39 pm

Dracosolis a écrit à MF:
epouse-moi
tant pis si tu n'as pas de bibliothèque
C'est pas juste. Moi j'ai une bibliothèque énorme et je peux écrire des trucs aussi compliqués et même drôles, à l'occasion.
Mon immortalité est provisoire.

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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 8:41 pm

Gérard Klein a écrit :
Si chez Ionesco, l'agent de la transformation était par exemple un ET conduisant une expérience, l'interprétation serait toute différente et la métaphore serait réifiée, deux fois plutôt qu'une.
Mais l'ET lui-même, pourquoi devrait-il être qualifié de métaphore réifiée? Et s'il mène une expérience, en transformant les hommes en animaux, je ne vois pas non plus pourquoi il faudrait qualifier cette activité ou cette transformation de métaphore réifiée. C'est une activité tout à fait banale et parfaitement cataloguée chez les extraterrestres. Si à chaque fois qu'on fait des expériences, on réifie des métaphores, où va-t-on!
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Lem

Message par Lem » sam. févr. 06, 2010 8:43 pm

Gérard Klein a écrit :C'est pas juste…
Les femmes te perdront.

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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 8:45 pm

Lem a écrit :
Gérard Klein a écrit :C'est pas juste…
Les femmes te perdront.
Il y a au moins deux manières de comprendre cette phrase (maintenant, je me méfie…)
Oncle Joe

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Message par dracosolis » sam. févr. 06, 2010 8:46 pm

Gérard Klein a écrit :Dracosolis a écrit à MF:
epouse-moi
tant pis si tu n'as pas de bibliothèque
C'est pas juste. Moi j'ai une bibliothèque énorme et je peux écrire des trucs aussi compliqués et même drôles, à l'occasion.
il faut renoncer à Lacan et à ses pompes pour me plaire ^^
Lem a écrit :Les femmes te perdront
j'aurais pensé que c'était déjà fait...
donc si j'envisage de perdre Gérard dans une librairie, ce sera une métaphore réifiée ?
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Message par Lensman » sam. févr. 06, 2010 8:47 pm

dracosolis a écrit : j'aurais pensé que c'était déjà fait...
donc si j'envisage de perdre Gérard dans une librairie, ce sera une métaphore réifiée ?
Les grands esprits…
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Message par Roland C. Wagner » sam. févr. 06, 2010 8:48 pm

Gérard Klein a écrit :j'ai une bibliothèque énorme.
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Message par MF » sam. févr. 06, 2010 9:02 pm

Lem a écrit :Au fait.
J'oubliais que la réification a un antécédant célèbre. Non pas dans l'ordre de l'analyse littéraire – encore que – mais dans celui de l'épistémologie. A la jonction entre spéculation scientifique et monde concret, il y a l'expérience. Or, selon Bachelard…
l'observation scientifique est toujours une observation polémique ; elle confirme ou infirme une thèse antérieure, un schéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant ; elle hiérarchise les apparences ; elle transcende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas. Naturellement, dès qu'on passe de l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore. Alors il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes part la marque théorique.
Rappelons-nous que les premiers instruments scientifiques sont des instruments de mesure, et que les premiers instruments de mesure sont des parties du corps humain.
Quelle pouvait bien être, pour Bachelard, la théorie sous-jacente ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par MF » sam. févr. 06, 2010 9:10 pm

Gérard Klein a écrit :Dracosolis a écrit à MF:
epouse-moi
tant pis si tu n'as pas de bibliothèque
C'est pas juste.
Image
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par bormandg » sam. févr. 06, 2010 9:51 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :
Roland C. Wagner a écrit :Il s'agit donc d'une transparence… disons sociale.
Oui, spontanément, j'ai pensé que c'était de cet ordre. En général, on utilise cette métaphore pour parler des types qui sont incolores en société, qui sont passe-partout, sans personnalité, etc… On l'utilise aussi beaucoup pour les sdf et tous ceux qu'on ne veut pas voir.
C'est vraiment une métaphore commune.
RCW a écrit :
Lensman a écrit :Il n'y a donc pas réification d'une métaphore, mas mise en scène d'une idée, et cette idée est conçue avant toute considération sur la métaphore, ou toute métaphore pré-existante. C'est la spéculation qui préexiste, et l'auteur emploie des mots pour la décrire.
Je ne l'aurais pas mieux dit. S'il y a un aspect métaphorique, il naît de l'idée, et non le contraire
Et les idées se forment dans ta tête sans rien devoir au langage, c'est bien connu. Tu penses sans mots. Et tu n'as pas d'inconscient, non plus. Tout ton propre processus créatif t'est parfaitement limpide. C'est impressionnant.
Parce que toi, tu sais comment les idées se forment? C'est impressionnant.
Tu penses en mots? C'est dommage pour la télépathie, entre personnes qui ne parlent pas la même langue (une question rigolote, d'ailleurs, rarement abordée de manière convaincante, que ce soit en SF, ou par les gens qui s'intéressent à la télépathie).
Oncle Joe
Personnellement je suis moi aussi convaincu qu'une très grande partie d la pensée (processus conscient, ce qui se passe dans l'inconscient porte certainement un autre nom) est effectivement de nazture verbale, non transmissible à des locuteurs d'une autre langue.Même ce qui provient d'une image ou d'une sensation ne devient une véritable pensée qu'une fois transformé, par les processus compliqués dont tu nous parles dans la suite de ton message, en mots. :?
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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Message par dracosolis » sam. févr. 06, 2010 10:06 pm

Lem a écrit : Et les idées se forment dans ta tête sans rien devoir au langage, c'est bien connu. .
en tout cas c'est possible, j'en ai la preuve tous les jours avec mon fils (autiste asperger)
le langage ne lui est absolument pas naturel, on sent lorsqu'il parle qu'il "traduit" sa pensée d'autre chose que des mots
(de quoi ? images ? sensations ?couleurs ? je n'en sais rien)
il a un langage corporel tout à fait limpide et comprend absolument tout ce qui se passe (il sait lire, écrire, compter, se repérer dans l'espace à un point qu'aucun d'entre nous ici ne peut atteindre (sauf ce dont il refuse l'existence ou la non existence, mais ça, y'a pas besoin d'être autiste, 8) )
N'empêche que tout recours au langage est un effort sans nom (c'est le mot^^) pour lui
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Message par bormandg » sam. févr. 06, 2010 10:16 pm

Gérard Klein a écrit :
bormandg a écrit :Entièrement d'accord avec Joe sur ce point.
Sinon, pour en revenir au rôle des "pulps" dans l'apparition de la SF américaine: la SF française existerait-elle sans Fiction, Galaxie (le premier), Satellite et les fanzines?
Ou serait-elle restée un amas de textes isolés, tandis que n'existerait qu'une branche structurée, la branche américaine?
La réponse "non à la première question, ou à la seconde" me paraît tellement évidente et inévitable que je ne sais pas pourquoi je pose la question.
Ce qui, à mes yeux, confirme que la science-fiction a été CRééE par Gernsback sur un terreau réel et important dans lequel Verne, Rosny Aîné, Maurice Renard ont leur place, mais qui serait resté vierge sans Gernsback, Campbell, Heinlein et un certain nombre d'autres, et la SFWA.
Je ne le crois honnêtement pas. D'autres revues auraient été créées et Gernsback n'a eu aucun mal à vendre la sienne dès 1929.
C'est au Magazine of Fantasy and Science Fiction et à Galaxy et à leurs éditions françaises que la sf française doit le plus et Gernsback n'y a tenu aucune part.

Comme je l'ai déjà écrit (relire mon post à ce sujet), Gernsback a joué un rôle notable, celui de l'homme qui convenait, au bon moment, mais il n'a été nullement l'homme providentiel que l'on nous présente. Son métier principal a été durant l'essentiel de sa vie, de créer des revues (une trentaine dans tous les domaines) pour les revendre. Je ne pense pas que l'histoire américaine de la sf aurait été très différente en son absence. En revanche, Campbell me semble avoir tenu un rôle bien plus important en disciplinant et modernisant un genre qui tournait quelque peu en rond avant lui, et en manifestant une exigence qui a tranformé la sf.
Je ne mésestime pas Gernsback, je le resitue dans son contexte, c'est tout. C'est comme si on disait qu'il a introduit la TSF en Amérique. Il y a joué un rôle non négligrable certes mais cela se serait fait sans lui, à peine différemment.
Ce n'est pas à ce que j'ai écrit que tu réponds, mais à une variante où tu ferais grossir un point secondaire, parce que je suis d'accord avec toi sur l'essentiel. L'importance de Gernsback est effectivement d'avoir été là au moment-clé pour accomplir l'acte qui a CRéé la science-fiction (et s'il n'avait pas été là, sans doute que:lqu'un d'autre l'aurait-il fait un certain temps plus tard), et après lui Campbell, Heinlein et plusieurs autres ont eu une importance égale ou suopérieure à la sienne. Gernsback a créé la science-fiction, d'autres l'ont fait grandirr.
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

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