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par Lem » lun. févr. 08, 2010 10:13 am
Vu, hier soir tard, sur Canal, un doc intitulé Viande made in France consacré au cinéma d'horreur et, plus généralement, "de genre" tel qu'il se fait ici. J'ai raté le début mais j'imagine que la sortie de La horde de Dahan en était le prétexte.
Pour l'essentiel, le doc était composé d'entretiens avec de jeunes réalisateurs (Laugier, Welz, Gens, Aja, etc.)
Perso, je ne suis pas un bon client pour ces films ; je souffre trop quand j'en vois un, surtout les français que je trouve vraiment hardcore donc, la plupart du temps, j'évite. Mais le lien historique entre fantastique et SF étant ce qu'il est, j'ai regardé et il y avait des choses intéressantes, des parallèles avec ce dont on parle ici.
Par exemple, la conscience aiguë chez tous ces gars d'être (au choix) des fans, des nerds, des geeks, etc. Bref, d'être "une subculture" – le mot a été prononcé. Conscience qui débouchait à la fois sur une sorte de fierté identitaire génératrice de fuck you basiques mais aussi sur un malaise. "On a tous lu Mad Movies, on a tous les mêmes références. Quand on a l'occasion de faire un film, on se dit que ce sera peut-être la seule fois alors, on y met ce qu'on connaît, ce qu'on aime, on est toujours plus ou moins dans l'hommage, c'est pas forcément génial sur le plan créatif…" Des trucs comme ça.
L'ambivalence à l'égard de la reconnaissance. La horde a été sélectionné pour la Mostra de Venise et Dahan en était fier, évidemment. "Premier film de genre projeté ici, t'imagines ?" Mais rire un peu jaune en constatant que "les films normaux, c'est dans la grande salle et nous, c'est là, sur le côté, sous le chapiteau, dans les préfabriqués…"
La saisie intuitive – acceptée et refusée dans le même mouvement – des limites en terme d'audience et de public. "Un film comme ça, ici, tu sais que ça ne peut pas aller au-delà de cent, deux cent mille spectateurs (en général, c'est quelques dizaines de milliers, plutôt). Ça ne peut pas passer à 20 h 50. Donc, budget très très réduit et impossibilité de créer vraiment un monde visuel convainquant. OK. Mais pourquoi, nous, c'est comme ça alors que les films US font plusieurs millions d'entrées en France ? Pourquoi nous maintenir dans le confidentiel alors que des trucs aussi crus et sadiques que Saw sont perçus comme à peu près tout public ? Quand les producteurs vont-ils comprendre l'intérêt qu'il peut y avoir à miser, à se donner vraiment les moyens ?"
La réputation déconcertante – vécue à l'envers, pour ainsi dire – de la France dans ce domaine. "Nous, quand on regarde l'Espagne, par exemple (ne parlons pas des Etats-Unis), on se dit qu'ils ont tout compris. Là-bas, il y a des films fantastiques avec des moyens qui trouvent le grand public et ils marchent très bien ici aussi. Mais quand les types viennent nous voir, nous les petits Français, ils nous disent ouais, vous ne vous rendez pas compte, nous, on fait un film de temps en temps mais vous, il y a cette espèce de bouillonnement permanent, cette recherche… C'est bizarre mais la France est perçue comme une espèce d'eldorado dans le domaine. Sauf que c'est pas comme ça qu'on le vit."
Le tropisme américain, le désir d'y céder, le désir d'y résister. "Dès qu'un réal marche ici, il reçoit des propositions de Hollywood mais en général, c'est pour tourner des fonds de tiroir. Parce que ça fait chic d'avoir un réal européen, et Français en particulier. Ça donne une touche arty. Le fric est sans comparaison mais derrière la chaise du réal, il y a dix fauteuils avec dix producteurs assis dedans qui commentent chaque décision que tu prends, c'est insoutenable. Tous les types qui sont partis là-bas reviennent pour dire que le système des studios est merdique. Nous, on n'est pas prêts à partir. On veut encore essayer ici. Peut-être qu'un jour, si c'est trop dur, on cédera mais pour l'instant, on tient. Alors…" (gros plan sur le dernier intervenant du film qui a une sorte de sourire retenu, gai et triste, un peu fier, un peu fataliste) "… prenez-nous au sérieux. Prenez-nous au sérieux avant qu'on soit tous partis."
Le parallèle a des limites, mais c'est quand même à verser au dossier.
Modifié en dernier par Lem le lun. févr. 08, 2010 10:32 am, modifié 1 fois.