Du sense of wonder à la SF métaphysique

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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 26, 2010 8:46 am

Gérard Klein a écrit :
Roland C. Wagner a écrit : Sauf que plusieurs auteurs de science-fiction ont déjà obtenu des bourses du CNL sur des projets SF au début du siècle. J'ai moi-même eu droit à un peu de sous début 2002 sans projet précis, mais nib quatre ans plus tard alors que j'avais un projet en béton armé.

Sans indiscrétion, à quand remontent les dossiers en question, camarade directeur de collection ?
Peut-être à cette époque lointaine où j'avais encore un fantôme d'influence.
Ah, c'était de la manipulation! Du trafic d'influence! Tout s'explique!
Evidemment, si on lutte contre le déni avec des armes déloyales…
Oncle Joe

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bormandg
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Message par bormandg » ven. févr. 26, 2010 11:43 am

Lensman a écrit : Ah, c'était de la manipulation! Du trafic d'influence! Tout s'explique!
Evidemment, si on lutte contre le déni avec des armes déloyales…
Oncle Joe
Parce que les dénieurs sont très loyaux? Dis tout de suite que le déni est une marque de respect à la Littérature et que lutter contre lui est la marque d'un esprit pervers, tant que tu y es. :twisted: :wink: :twisted:
"If there is anything that can divert the land of my birth from its current stampede into the Stone Age, it is the widespread dissemination of the thoughts and perceptions that Robert Heinlein has been selling as entertainment since 1939."

Lem

Message par Lem » ven. févr. 26, 2010 2:45 pm

Lensman a écrit :Bon, prenons des exemples plus précis.
Si des biologistes travaillent à prolonger la vie humaine par exemple, je ne vois pas là de champ "métaphysique".
Mais ce n'est pas la question !
J'ai répété ici des dizaines de fois ce que j'ai écrit dans la préface : la SF transfère le champ du métaphysique dans l'ordre du technique (ou du technoscientifique, si tu prérères). Elle s'approprie des thèmes, des images, des sujets M (et R) et les traite comme problèmes concrets. Que cette appropriation soit éventuellement l'occasion d'une spéculation métaphysique sur la mort ou la condition humaine, c'est autre chose. C'est indépendant de mon propos.

La question, configurée par l'hypothèse M, est celle-ci :

– quand la SF moderne perce en France en 1950, la science travaille-t-elle publiquement sur l'immortalité ? (pour s'en tenir à ce seul sujet). L'immortalité est-elle perçue comme une question scientifique valide ? Non.

– au même moment, la littérature blanche travaille-t-elle publiquement le thème de l'immortalité du point de vue métaphysique et religieux, comme elle a pu le faire encore au XIXème siècle ? Non plus. On ne s'occupe pas tellement de sauver son âme dans le roman français de l'après-guerre. On ne spécule pas beaucoup sur l'après-vie. On est plutôt en train d'essayer de démontrer qu'il n'y a pas d'âme, que l'après-vie, c'est l'opium du peuple et que "la seule question philosophique sérieuse, c'est le suicide".

– la SF se retrouve donc dans une situation de monopole sur une question qui n'est jugée ni scientifique, ni littéraire.
Si des scientifiques l'approchent, ils ont une réaction du type "mais… ce n'est pas de la science, l'immortalité. C'est de la métaphysique ! Appeler ça science-fiction, c'est de l'escroquerie."
Et si des littéraires jettent un coup d'œil, leur réaction est symétriquement : "des histoires où on croit réellement à l'immortalité ? Qu'est-ce que c'est que cette littérature qui revendique d'être ultramoderne mais recycle tous les poncifs réacs de la métaphysique de bazar ?"
Pour saisir la façon dont la SF travaille réellement le concept d'immortalité, il faut la lire et la comprendre. Mais ce n'est pas ce que font les dénieurs. Ils jugent l'image globale du genre. Et ce qu'ils perçoivent (qu'ils soient scientifiques ou littéraires) ne colle pas avec leur norme de légitimité.
Telle est du moins l'hypothèse.

Pour prendre un exemple récent, je crois qu'on a observé lors de la parution des Particules élémentaires une réaction assez typique de ce qui a pu se produire dans les décennies précédentes. L'avantage, c'est que comme le livre a été ultra-médiatisé et qu'il est paru hors-label, cette réaction a été explicite (violemment explicite, dirais-je), ce qui n'était pas le cas auparavant.

Extrait de l'épilogue où le narrateur raconte le basculement terminal dans la posthumanité (immortalité génique) et la lente liquidation de l'humanité ancienne :
Ayant rompu le lien filial qui nous rattachait à l’humanité, nous vivons. A l’estimation des hommes, nous sommes heureux ; il est vrai que nous avons su dépasser les puissances, insurmontables pour eux, de l’égoïsme, de la cruauté et de la colère ; nous vivons de toute façon une vie différente. La science et l’art existent toujours dans notre société ; mais la poursuite du Vrai et du Beau, moins stimulée par l’aiguillon de la vanité individuelle, a de fait acquis un caractère moins urgent. Aux humains de l’ancienne race, notre monde fait l’effet d’un paradis. Il nous arrive d’ailleurs parfois de nous qualifier nous-mêmes – sur un mode il est vrai légèrement humoristique – de ce nom de “dieux” qui les avait tant fait rêver.
Il faut se souvenir des articles qui ont été publiés à la sortie. Houellebecq a été accusé de vouloir rétablir l'eugénisme ! Il a quasiment été traité de nazi, à plusieurs reprises. Beaucoup de critiques n'ont pas supporté ça : les dieux immortels qui succèdent à l'homme – même avec le léger sourire ironique qu'ajoute MH. Tout simplement parce que pour eux, ce n'est pas un sujet littéraire, c'est du fantasme adolescent, du désir de toute-puissance, c'est tout ce dont la littérature "sérieuse" s'est émancipée. L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible sur laquelle on puisse réfléchir dans un roman, dont on puisse mettre en scène les conséquences ne les a pas effleurés un instant. Génétique + immortels + dieux = cocktail métaphysique réac, infantile et éventuellement dangereux.

Maintenant, pose-toi la question des autres sujets à fort parfum M qui étaient la spécialité (le monopole) de la SF moderne quand elle a été introduite ici : l'origine et la fin du monde ; les super-civilisations disparues ; les intelligences non-humaines ; le pouvoirs parapsychiques et d'une manière générale le surhomme, etc. Tous ces sujets étaient-ils travaillés par la science ? Perçus comme travaillés par la science ? Avaient-ils d'autre part leur place dans le mainstream ? Dans les deux cas, la réponse est non (avec un bémol pour "l'origine et la fin du monde comme sujet scientifique" mais les polémiques autour des connotations religieuses du Big Bang montrent que même là, c'était sans doute loin d'être perçu comme légitime.)

Je pense donc qu'à côté de l'hostilité du mainstream aux sciences en tant que telles et au thème du futur, du mépris pour les genres dits populaires (dont la SF est un faux cas, à mon avis, mais peu importe), de la mauvaise réputation du texte et des autres facteurs du déni, cette perception du monopole MR de la SF a joué un rôle, dont on voit encore les traces aujourd'hui sous le registre "métaphysique de bazar".

*
Note à propos du rationalisme français : j'ai relu l'excellent dypitique de Valérian Métro Chatelet / Brooklyn station hier soir et dedans, il y a une scène qui fait mouche. C'est l'analyse finale rétroactive de ce qui s'est passé – en particulier la raison pour laquelle les multinationales qui intriguent en sous-main ont décidé de tester les super-armes extraterrestres en France : la case montre l'émeute qui s'est produite à Beaubourg après l'envol de "l'oiseau énergétique", avec des flics butés arrêtant tout le monde. Texte off : "Schlomo et Albert pensent aussi que ce pays a été choisi en fonction de son vieux fond rationaliste". Une femme attrapée par un flic proteste : "Mais tout le monde a vu…" (l'oiseau énergétique). Et le flic, imperturbable : "M'en fous. Au bloc."

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marypop
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Message par marypop » ven. févr. 26, 2010 2:52 pm

faites attention, le fil se rapproche dangereusement de la page 666 ...
si on commence à mélanger sf archaïque et proto-sf, personne ne s'y retrouvera plus.
Dieu.

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Erion
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Message par Erion » ven. févr. 26, 2010 3:21 pm

Lem a écrit : – quand la SF moderne perce en France en 1950, la science travaille-t-elle publiquement sur l'immortalité ? (pour s'en tenir à ce seul sujet). L'immortalité est-elle perçue comme une question scientifique valide ? Non.
L'immortalité en SF, combien de divisions ?
L'immortalité dans la littérature : le juif errant
Karel Capek - L'affaire Makropoulos
Casarès - L'invention de Morel
Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels
Kundera - L'immortalité

Ce dont tu parles, c'est d'un archétype. Et, effectivement, la SF traite ces questions à sa manière, mais elle n'en a pas le monopole. Que les écrivains se détournent d'un thème et en abordent d'autres, c'est ce qui arrive. En SF, le thème de l'immortalité en est un parmi d'autres, mais nombre de récits SF ne mettent PAS en scène le thème de l'immortalité.

Et sinon, concernant la critique de Houellebecq, ce qui a suscité la polémique, aussi, c'était son discours politique, sur mai 68 et l'image des femmes. Tracer comme tu le fais les réticences envers Houellebecq sur la base unique de la métaphysique et des dieux, c'est aller un peu vite en besogne.

Parlant du livre, sur le site de la République des Lettres, on y dit : "Les Particules élémentaires, fut le grand événement littéraire en France de l'automne 1998. Avec pour résultat que Houellebecq, qui avait eu un succès culte avec son premier livre Extension du domaine de la lutte, a été successivement dénoncé comme stalinien, raciste, eugéniste et pornographe; il a été taxé d'anti-féministe, d'anti-écologiste et de misanthrope homophobe; il a été fêté par la droite catholique pour ses vues sur l'avortement, attaqué par les lycéens et mis sur liste noire par les enseignants qui, entre autres griefs, ont pris ombrage de voir leur profession dépeinte à travers le sordide rôle du personnage Bruno Clément. La génération soixante-huitarde a été particulièrement mécontente car en dénonçant comme des platitudes ses idéaux d'individualisme et de libre choix, Michel Houellebecq a frappé au coeur de l'Establishment français de gauche. Dans un coup très parisien, il a été mis à la porte de la direction éditoriale de Perpendiculaire, une revue de gauche fondée en 1995. Les médias ont voulu l'interviewer afin qu'il justifie les opinions exprimées dans son livre, procédé qui a été assimilé par Houellebecq à un procès politique."
"There's an old Earth saying, Captain. A phrase of great power and wisdom. A consolation to the soul, in times of need : Allons-y !" (The Doctor)
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Hoêl
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Message par Hoêl » ven. févr. 26, 2010 3:24 pm

marypop a écrit :faites attention, le fil se rapproche dangereusement de la page 666 ...
Bah , pas grave , on a dépassé la 500 , or , comme chacun sait :
"Nous partîmes 500 mais , par un prompt renfort ,
Nous nous vîmes 3000 en arrivant au port ."
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

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MF
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Message par MF » ven. févr. 26, 2010 3:36 pm

Lem a écrit :– quand la SF moderne perce en France en 1950, la science travaille-t-elle publiquement sur l'immortalité ? (pour s'en tenir à ce seul sujet). L'immortalité est-elle perçue comme une question scientifique valide ? Non.
Et aujourd'hui ?
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 26, 2010 3:38 pm

Lem a écrit :Tout simplement parce que pour eux, ce n'est pas un sujet littéraire, c'est du fantasme adolescent, du désir de toute-puissance, c'est tout ce dont la littérature "sérieuse" s'est émancipée. L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible sur laquelle on puisse réfléchir dans un roman, dont on puisse mettre en scène les conséquences ne les a pas effleurés un instant.
Là, il est très intéressant de préciser. Qu'est ce qui n'est pas pris au sérieux.
1.L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible?
2. L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible QUI PUISSE ETRE un sujet de roman?

Ce n'est pas du tout la même chose.
Si demain, des traitements sont mis au point pour prolonger la vie indéfiniment, les gens s'entretueront pour en bénéficier (on s'entretue pour bien moins que cela…). L'idée 1 est non seulement prise au sérieux, mais très enviée…
C'est l'attitude 2 qui nous concerne: spéculer sur l'avenir sous forme de roman, ce n'est généralement pas considéré comme de la vraie littérature. On admet bien des exceptions isolées, genre "1984", "Le meilleur des mondes", "Chroniques martiennes", etc. On connaît la liste, qui peut s'allonger d'ailleurs (Les Particules élémentaires" sera peut-être dans la liste, un jour, qui sait?) . Mais elle sert de frontière.
Spéculer sur l'avenir, ça ne peut pas être de la littérature, parce qu'une production culturelle de ce type perd le caractère d'"éternité", justement, dont doit être imprégné tout grand chef-d'œuvre. Les grands chefs-d'œuvre ont besoin de critères esthétiques que l'on croit "absolus". Je doute que ces critères existent, ni même aient jamais existé bien clairement (sauf imposés, bien entendu!), mais pour légitimer la culture, il faut absolument faire comme si.
La SF (ne parlons même que des productions sophistiquées) est ressentie comme une production culturelle "jetable", qui se démode. A vrai dire, des tas de livres se démodent sans être de la SF, mais pour elle, c'est considéré comme inhérent à sa nature, ce qui n'est pas faux. Mais on lui fera à ce sujet des reproches particuliers, que l'on n'osera pas faire ailleurs.
Je pense que la culture "légitimée", même quand elle fait des efforts, ne peut pas la prendre en compte, même pour ses productions sophistiquées, mieux que comme une subculture, que l'on regarde au mieux avec curiosité, au pire avec mépris, le plus souvent avec indifférence. Cela s'oppose trop à l'idée de l'Art telle qu'elle s'est imposée dans notre culture.
Oncle Joe

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Message par MF » ven. févr. 26, 2010 3:40 pm

Lensman a écrit :Si demain, des traitements sont mis au point pour prolonger la vie indéfiniment, les gens s'entretueront pour en bénéficier
L'immortalité comme facteur de mortalité...

(même si la prolongation médicale de la vie n'est pas l'immortalité)
Le message ci-dessus peut contenir des traces de second degré, d'ironie, voire de mauvais esprit.
Son rédacteur ne pourra être tenu pour responsable des effets indésirables de votre lecture.

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Message par Lensman » ven. févr. 26, 2010 3:48 pm

MF a écrit :
Lensman a écrit :Si demain, des traitements sont mis au point pour prolonger la vie indéfiniment, les gens s'entretueront pour en bénéficier
L'immortalité comme facteur de mortalité...

(même si la prolongation médicale de la vie n'est pas l'immortalité)
La richesse comme facteur de pauvreté…
D'accord avec ta remarque sur la notion d'immortalité, mais justement, il faut voir ce que l'on entend par là, selon les textes de SF : prolongation indéfinie de la vie, clones, "copies" d'esprit, etc.
C'est surtout cela qui est intéressant, et non pas une notion vague d'"immortalité" comme ça, dans l'absolu. Enfin, il me semble…
Oncle Joe

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silramil
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Message par silramil » ven. févr. 26, 2010 3:58 pm

Hoêl a écrit :
marypop a écrit :faites attention, le fil se rapproche dangereusement de la page 666 ...
Bah , pas grave , on a dépassé la 500 , or , comme chacun sait :
"Nous partîmes 500 mais , par un prompt renfort ,
Nous nous vîmes 3000 en arrivant au port ."
Déjà faite à la page 500...

Lem

Message par Lem » ven. févr. 26, 2010 4:03 pm

Erion a écrit :
Lem a écrit : – quand la SF moderne perce en France en 1950, la science travaille-t-elle publiquement sur l'immortalité ? (pour s'en tenir à ce seul sujet). L'immortalité est-elle perçue comme une question scientifique valide ? Non.
Tu cites quelques titres. C'est intéressant.
L'immortalité dans la littérature : le juif errant
Hum. Après 1950, s'il te plaît.
Karel Capek - L'affaire Makropoulos
C'est de 1922, tchèque, et un classique de la SF hors-label, comme RUR et La guerre des salamandres.
Casarès - L'invention de Morel
C'est de 1940, argentin, et un classique de la SF hors-label.
Simone de Beauvoir, Tous les hommes sont mortels
C'est de 1946 et français, donc ça marche à peu près. C'est recensé en général sous la catégorie conte philosophique à la manière du XVIIIème, même si Versins en parle dans l'Encyclopédie. Enfin, disons que ça marche. Un.
Kundera - L'immortalité
Il n'est pas question d'immortalité concrète dans ce roman mais d'une métaphore, comme dans Vertigo d'Hitchcock.

C'est comme la liste de George que j'attends. Evidemment, on trouvera quelques textes ici et là. Mais tout naturellement, nous les connaîtrons déjà, presque toujours : ils sont dans les bilbiographies de SF hors-label. Et pourquoi le sont-ils ? Parce que la SF est le lieu naturel pour réifier des sujets M. Quand on les réifie – quand on ne les utilise pas comme métaphores ou allégories, comme Kundera ou l'Académie française parlant de ses membres comme des Immortels – on fait de la SF. C'est presque mécanique.

Et par ailleurs, que pèsent ces quelques contre-exemples contre la puissance du thème de l'immortalité dans la SF ? Le premier texte inédit publié par Gernsback est une histoire d'immortel (L'arrivée des glaces). Toute la construction de la Singularité est hantée par l'immortalité. Entre les deux : la science-fiction et des milliers de textes sur le sujet. C'est curieux que tu ne vois pas ça. C'est comme si je te disais : les extra-terrestres ne sont pas le privilège de la SF : il y a La soupe aux choux ! Quel intérêt d'aller chercher un ou deux contre-exemples alors que le thème est totalement massif d'un côté, et pratiquement réduit à rien de l'autre ?
Ce dont tu parles, c'est d'un archétype.
Oui.
Et, effectivement, la SF traite ces questions à sa manière, mais elle n'en a pas le monopole.
Pff. Si ça t'amuse. La SF n'a pas le monopole du futur : il y a Le meilleur des mondes, 1984, et un roman récent de Robert Sabatier. Je répète : quel intérêt de faire ce genre d'objections ?
En SF, le thème de l'immortalité en est un parmi d'autres, mais nombre de récits SF ne mettent PAS en scène le thème de l'immortalité.
… Mais il n'y a pratiquement QUE la SF qui le mette en scène sous forme concrète.
Tracer comme tu le fais les réticences envers Houellebecq sur la base unique de la métaphysique et des dieux, c'est aller un peu vite en besogne.
Je n'ai pas dit que c'était la base unique. J'ai dit que c'était une des bases. Il y a eu bien d'autres critiques – y compris sur la prose. Le texte que tu cites les recense assez bien, avec une focalisation typique sur le politique.

Lem

Message par Lem » ven. févr. 26, 2010 4:10 pm

MF a écrit :
Lem a écrit :– quand la SF moderne perce en France en 1950, la science travaille-t-elle publiquement sur l'immortalité ? (pour s'en tenir à ce seul sujet). L'immortalité est-elle perçue comme une question scientifique valide ? Non.
Et aujourd'hui ?
Voilà ce qu'on trouve quand on tape "immortalité" sur wikipédia :
On nomme immortalité le fait d’échapper à la mort et d’exister pour une période de temps indéfinie, voire éternelle.
Sommaire
1 Chronologie inverse
2 Vision moderne
2.1 Les êtres vivants potentiellement immortels
2.2 Carrel : Le cœur de poulet « éternel »
2.3 Rostand : La fleur ou la chaise
2.4 Limite de Hayflick. Les télomères
2.5 Ettinger : la salle d’attente cryologique
2.6 Gamow et Hofstadter : qu’est-ce que le « moi » ?
2.7 Gordon Bell et le projet Mylifebits
2.8 La thèse de Bruno Marchal (CPC)
2.9 Kurzweil et le rêve d'immortalité par l'intelligence artificielle
2.10 Aubrey de Grey et les 7 causes biologiques du vieillissement (SENS)
3 Le pour et le contre
3.1 Point de vue en faveur de la mortalité
4 L'immortalité comme source d'inspiration
4.1 Personnalités historiques
4.1.1 Bibliographie
4.2 L'immortalité dans la littérature
4.3 L’immortalité au cinéma et à la télévision
4.3.1 Arrêt du vieillissement
4.3.2 Rajeunissement
4.4 L'immortalité dans la bande dessinée
4.4.1 Personnages de fiction très âgés
4.5 L’immortalité dans le jeu vidéo
Voilà ce qu'on trouvait dans le Littré à la fin du XIXème siècle :
Immortalité (lat. immortalitas). sf. Qualité de ce qui est immortel. L'immortalité de l'âme. Durée perpétuelle dans le souvenir des hommes. Cette immortalité que donne un beau trépas (Corneille). En blas. Immortalité, phénix sur son bûcher.
Que s'est-il passé entre les deux ?
Ce que j'ai écrit dans la préface :
La science-fiction a trouvé ces problèmes là où la haute culture les avait laissés : au carrefour désert de la science, de la philosophie, de la religion et de l’art. Elle les a maintenus en vie clandestinement tout au long du XXème siècle derrière l’écran de son panthéon baroque et graduellement réaménagés avant de les transmettre dans les termes où le monde les affronte aujourd’hui : Singularité, aliens, posthumains, cybermonde.

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Lensman
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Message par Lensman » ven. févr. 26, 2010 4:16 pm

Lem a écrit :
Maintenant, pose-toi la question des autres sujets à fort parfum M qui étaient la spécialité (le monopole) de la SF moderne quand elle a été introduite ici : l'origine et la fin du monde ; les super-civilisations disparues ; les intelligences non-humaines ; le pouvoirs parapsychiques et d'une manière générale le surhomme, etc. Tous ces sujets étaient-ils travaillés par la science ? Perçus comme travaillés par la science ? Avaient-ils d'autre part leur place dans le mainstream ? Dans les deux cas, la réponse est non (avec un bémol pour "l'origine et la fin du monde comme sujet scientifique" mais les polémiques autour des connotations religieuses du Big Bang montrent que même là, c'était sans doute loin d'être perçu comme légitime.)
Pour la plupart, ils peuvent être perçus comme de la pseudo-science (science barjote) ou de la science dévoyée (surhommes). Et il faut bien admettre que ce n'est pas toujours sans raison.
L'origine et la fin du monde, beaucoup moins, car c'est de l'astrophysique, que tout le monde perçoit comme une belle science qui admire l'univers. Je ne vois pas trop ce que viennent faire les polémiques sur le Big Bang là dedans, qui est une théorie comme une autre, dominante mais discutée.
Il reste que, faire de la littérature "sérieuse" avec des sujets pareils, qu'est ce que ça veut dire?
Oncle Joe

Lem

Message par Lem » ven. févr. 26, 2010 4:17 pm

Lensman a écrit :
Lem a écrit :Tout simplement parce que pour eux, ce n'est pas un sujet littéraire, c'est du fantasme adolescent, du désir de toute-puissance, c'est tout ce dont la littérature "sérieuse" s'est émancipée. L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible sur laquelle on puisse réfléchir dans un roman, dont on puisse mettre en scène les conséquences ne les a pas effleurés un instant.
Là, il est très intéressant de préciser. Qu'est ce qui n'est pas pris au sérieux.
1.L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible?
2. L'idée que l'immortalité soit une perspective scientifique plausible QUI PUISSE ETRE un sujet de roman?
Ça dépend de quel côté vient la critique.

1. Je pense que très peu de scientifiques en 1950 étaient capable de concevoir l'immortalité comme une perspective scientifique crédible. C'est exactement comme les extra-terrestres. On ne trouvait pas beaucoup d'astronomes ou de biologistes à cette époque pour juger que le thème était digne d'intérêt et scientifiquement plausible. Pourtant, il l'était. Donc "pas plausible" était une critique de scientifique.

2. A contrario, que l'immortalité scientifique ne soit pas un sjet de roman ne peut être qu'une critique de littéraire.

Sur ce sujet comme sur les autres, j'aurais tendance à dire que la SF a été prise entre deux feux. Pas sérieuse scientifiquement ; pas crédible littérairement. On peut difficilement imaginer meilleure structure de déni.

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