Le Fleuve des dieux, Ian McDonald

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Pete Bondurant
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Message par Pete Bondurant » mer. oct. 13, 2010 7:39 am


Pete Bondurant
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Message par Pete Bondurant » lun. oct. 18, 2010 11:12 am

Suite à la fermeture du fil M, je déplace ici les commentaires sur Le Fleuve des dieux
Pete Bondurant a écrit :Il y a même de la Singularité dans Le Fleuve des dieux, "le meilleur bouquin de SF de l'année". Traitée de façon intéressante, en plus.

Lisez-le, lisez-le, lisez-le, c'est un livre qui nous réconciliera tous, mes frères, les métaphysiciens et les physicalistes, les cyberpunks et les space op', les fous de Brunner et les les fans de Dick, la SF politique, sociologique, anthropologique, et la hard science, et il me semble que c'est un objet sur lequel on pourrait tester les diverses hypothèses émises sur ce fil. Une sorte d'expérience, autour d'un livre qui jusqu'ici ne faisait pas partie du corpus, et qui contient tous les éléments (IA, contexte religieux, etc.) pour postuler au rang d'oeuvre du "coeur de genre" défini par Lem. Ou pas.
Lem a écrit :Je l'ai lu lu lu.

J'ai été impressionné mais pas séduit, pour plusieurs raisons.

D'abord, je suis handicapé par rapport à mes contemporains (surtout les Britanniques, j'imagine) : je ne ressens pas de fascination particulière pour Bollywood. Donc, l'intrigue IA-soap et l'histoire du "jardin sur le toit" m'ont laissé froid, je suis resté dehors et je les ai lues en spectateur, sans affect.

Ensuite, la densité d'indianismes (même avec le lexique final en renfort) m'a paru souvent décourageante. J'aime contextualiser mais là, c'est à peu près impossible et dans certains paragraphes, il y a des phrases vraiment incompréhensibles sans recours à l'appendice. Qui plus est (mais c'est peut-être moi qui vieillit, tout simplement), je n'ai pas ressenti d'accoutumance au fur et à mesure que j'avançais dans le livre ; à la page 400, j'étais toujours en train de faire des allers-retours entre le texte et le lexique pour vérifier le sens d'un terme déjà vu cinq ou six fois… Mémoriser un néologisme SF dont le sens est plus ou moins clair et le laisser agir sur la réception, ce n'est pas tout à fait la même chose que d'être sans cesse confronté à des termes non-traduits (pour transposer en allemand, ça donnerait : "Karl atteignit le höhepunkt en entrant dans Friedrichstrasse, mais un hund de la Polizei – un hubsch hund, il fallait en convenir, mais tout de même effrayant – le ramena sur le grund. L'heure n'était pas au mischung." (Je caricature mais, par moments, c'est presque ça.)

J'ai aussi trouvé la composition d'ensemble assez déséquilibrée. Je ne sais plus combien il y a de personnages (j'ai prêté le livre), sept je crois. Chacun d'eux a droit à deux ou trois tours de pistes (chapitres) individuels avant la dernière grande partie finale, très longue, où tous se croisent ou vivent leur acmé en simultané. C'est à la fois trop et trop peu…

Enfin, je n'ai pas tout à fait adhéré au subplot cosmologique. Je l'ai constamment ressenti comme une sorte de concession faite par l'auteur au cahier des charges de la sf (genre : "il faut quand même un truc pour les fans, un big dumb object dans les règles, sinon, je n'ai que des acteurs de soap opera virtuels, des ménagères dépressives, des hermaphrodites et des ministres pakistanais… Ça va pas le faire.)

Cela dit, je reconnais l'importance de ce livre. La ligne narrative qui implique le flic-krishna est géniale (l'idée même de ce flic) et, tout autour, on a une hauteur de vue prospective absolument hallucinante. L'écriture est bonne – un peu trop, même. J'ai trouvé que McDonald montrait souvent ses muscles ; mais ça aussi, c'est une affaire de goût personnel, je préfère les textes plus secs, moins démonstratifs. L'impression de dépaysement, d'immersion dans une Inde future est réelle et profonde, ce qui signifie sans doute que le lexique non-traduit finit par payer ; sur un esprit moins rétif que le mien, l'effet doit être beaucoup plus fort. Les spéculations technoscientifiques et sociales sont bluffantes ; on ressort de la lecture avec le sentiment d'avoir entrevu un avenir tout à fait plausible. Dans l'ensemble, on a donc effectivement une sorte d'état de l'art de la science-fiction ; je pense qu'il faut le lire. Du point de vue spéculatif, c'est un livre qui redéfinit la norme, ou une partie de la norme. Je regrette simplement avoir ressenti une telle fatigue à sa lecture mais encore une fois, c'est sans doute moi qui ait besoin d'être upgradé.

Pete Bondurant
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Message par Pete Bondurant » lun. oct. 18, 2010 11:28 am

Cher Lem,

Les bras m'en tombent.

Tes goûts me sont de plus en plus impénétrables. Tu n'as pas aimé Vision aveugle (trop technique, trop peu écrit), ni Le Fleuve des dieux (trop technique, trop écrit), mes deux livres préférés en 2010. Es-tu sûr d'aimer la SF ? :).

Tes critiques sont recevables, cela dit. Moi aussi, j'aurais aimé moins de termes hindous et arabes, ou alors un glossaire plus complet. Moi aussi, je me fous complètement de Parvati et de son jardinier.

Pour le reste, tu fais un peu la fine bouche... C'est remarquablement bien écrit (ou traduit, je n'arrive pas trop à faire la part des choses), d'une poésie rare, avec des passages d'anthologie (la séance de derviche !)... Je suis assez stupéfait de voir que l'on peut y être insensible (pour moi, c'est un livre à la séduction immédiate, addictif dès les premières pages).

Le "subplot cosmologique", je ne l'ai pas ressenti comme un artifice. Moins que chez Wilson, par exemple, où l'anomalie n'est jamais insérée dans une trame d'évènements, mais intervient comme une rupture. Ici, l'artefact, les IA, l'Alterre, tout cela participe d'une même vue d'ensemble, d'une évolution logique d'un même système poussé à un degré de complexité inouï.
En tous cas, cela a créé chez moi le sentiment d'un roman total - et, comme tu dis, crédible.

Je me demande donc ce qui peut te plaire dans la production actuelle... A part Kloetzer, tu as lu des trucs emballants ces derniers temps ?

Quest. subs. : tu as lu Le Fond du ciel de R. Fresan ? Je crois que tu rigolerais bien.

+
p

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dracosolis
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Message par dracosolis » lun. oct. 18, 2010 11:38 am

Tes goûts me sont de plus en plus impénétrables. Tu n'as pas aimé Vision aveugle (trop technique, trop peu écrit), ni Le Fleuve des dieux (trop technique, trop écrit), mes deux livres préférés en 2010. Es-tu sûr d'aimer la SF ? Smile.
muhahahahahahahahahahahahah !!!
pardon
désolée
vraiment :lol: :lol: :lol:
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Lem

Message par Lem » lun. oct. 18, 2010 12:12 pm

Cher Pete,

Suis-je sûr d'aimer ? comme on disait au XVIIIème siècle.
Je suis sûr en tout cas de ne plus aimer comme j'ai aimé, c'est à dire exclusivement et par principe. J'aime la SF (quand je l'aime) comme j'aime le reste de la production littéraire (quand je l'aime) ; sans me poser la question de ce que c'est. Derniers bons souvenirs hormis les Kloetzer : Trames de Banks, Le club des policiers yiddish de Chabon (lu avec retard), le Déchronologue de Beauverger, Océanique d'Egan (mais pas tout), et l'émotion peut-être la plus pure : Exhalaison de Ted Chiang. Il y a aussi beaucoup de textes que je n'ai pas lus, faute de temps. Quant au Fleuve des dieux, j'ai bien précisé que je percevais son ambition et son importance et que mes réserves étaient essentiellement une affaire de goût.
Modifié en dernier par Lem le lun. oct. 18, 2010 1:20 pm, modifié 1 fois.

Pete Bondurant
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Message par Pete Bondurant » lun. oct. 18, 2010 12:41 pm

Lem a écrit :Cher Pete,

Suis sûr d'aimer ? comme on disait au XVIIIème siècle.
Je suis sûr en tout cas de ne plus aimer comme j'ai aimé, c'est à dire exclusivement et par principe. J'aime la SF (quand je l'aime) comme j'aime le reste de la production littéraire (quand je l'aime) ; sans me poser la question de ce que c'est. Derniers bons souvenirs hormis les Kloetzer : Trames de Banks, Le club des policiers yiddish de Chabon (lu avec retard), le Déchronologue de Beauverger, Océanique d'Egan (mais pas tout), et l'émotion peut-être la plus pure : Exhalaison de Ted Chiang. Il y a aussi beaucoup de textes que je n'ai pas lus, faute de temps. Quant au Fleuve des dieux, j'ai bien précisé que je percevais son ambition et son importance et que mes réserves étaient essentiellement une affaire de goût.
Oui, tu reconnais théoriquement son importance, mais visiblement ce n'es pas ce que tu attends comme expérience littéraire. Il y a du vertige, de l'inhumain, appuyés par une puissante culture scientifique (et là je parle aussi, et surtout, de Vision aveugle), mais tu es resté sur le côté. Je comprends, mais Bester, Jeury, Egan, ton "coeur de genre", c'est précisément la réunion de ces éléments, et de les trouver là, à l'état presque pur, sans que tu y aies trouvé ton compte, ne peut signifier qu'une chose : l'effet-SF ne prend plus sur toi, ou plus aussi facilement que lorsqu'il est réduit à un concept simple (un roman de Bester, une nouvelle de Egan).

Lem

Message par Lem » lun. oct. 18, 2010 1:17 pm

Pete Bondurant a écrit :Il y a du vertige, de l'inhumain, appuyés par une puissante culture scientifique (et là je parle aussi, et surtout, de Vision aveugle), mais tu es resté sur le côté. Je comprends, mais Bester, Jeury, Egan, ton "coeur de genre", c'est précisément la réunion de ces éléments, et de les trouver là, à l'état presque pur…
Non, justement : pas presque pur. En lisant le Fleuve, je me suis retrouvé plus d'une fois à survoler en accéléré tous les trucs Bollywood précisément parce que j'avais envie de voir revenir les lignes narratives qui m'intéressaient vraiment – le flic krishna, l'Objet Cosmique – et que je n'avais pas la patience d'attendre qu'elles prennent leur tour. Entre deux consultations du glossaire, je jetais un coup d'œil à la table des matières et c'était genre : encore deux cents pages avant de savoir ce qui s'est passé dans l'astéroïde ! Je ne suis plus aussi patient qu'avant (= je vieillis, éventuellement). Donc, oui, il y a du vertige, de l'inhumain, du métaphysique, mais pas à l'état presque pur, au contraire : dilués dans un texte dont des segments entiers ne sont pas parvenus à me capter.
l'effet-SF ne prend plus sur toi, ou plus aussi facilement que lorsqu'il est réduit à un concept simple (un roman de Bester, une nouvelle de Egan).
C'est possible. J'ai toujours été plus nouvelle et novella que roman. Fin de la discussion sur mes goûts.

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Hoêl
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Message par Hoêl » lun. oct. 18, 2010 6:23 pm

Bon , pour l'épisode "Bollywood" , je vais ajouter mon grain de sel .

D'abord , un bon paquet de personnages du bouquin cherchent une romance , que ce soit le "neutre" , le politicien musulman ou la créatrice d'univers virtuels .

Ensuite , comme je l'ai dit sur un autre forum , il s'agit manifestement d'une relecture de L'amant de Lady Chatterley et Mc Donald aime s'adonner à ce genre d'exercices littéraires .

Enfin , loin d'alordir l'intrigue (même si elle la ralentit) , l'amourette de ces deux personnages "ordinaires" sert aussi à montrer qu'au milieu d'un monde en mutation , certaines situations sont pérennes .

Et puis , la fin de ladite amourette m'a fait furieusement penser à la 1ère/dernière scène de L'impasse/Carlito's way de Brian de Palma , encore une relecture .
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AdHoc
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Message par AdHoc » ven. nov. 19, 2010 6:07 pm

Bonjour à toutes et à tous,
je suis en train de le terminer. Pour tout dire, je l'ai dévoré. Cela faisait quelques temps que je n'avais pas lu de roman SF de type "Futur proche" et je viens de m'apercevoir que cela me manquait.
J'adore ce roman, mix nerveux de cyber punk, environnement, politique, tiers monde, développement durable plus un poil d'espace, des personnages attachants ou répulsants (ça existe?), de l'action et le coté bordélique et complexe de l'inde (cf Les Après-midi d'un fonctionnaire très déjanté).
Rhaaaaaaaa Lovely !!!
Bref, pour moi une vraie bonne surprise.
A+
Modifié en dernier par AdHoc le mer. nov. 24, 2010 10:17 am, modifié 1 fois.

Soleil vert
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Message par Soleil vert » sam. nov. 20, 2010 12:40 pm

j'avais envie de voir revenir les lignes narratives qui m'intéressaient vraiment – le flic krishna, l'Objet Cosmique – et que je n'avais pas la patience d'attendre qu'elles prennent leur tour
Une technique d'écriture héritée de Tous à Zanzibar. Etant prévenu, j'ai pris mon temps pour le lire. Je n'ai pas eu de difficulté de lecture contrairement à Vision
aveugle

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Message par Matthieu » mar. nov. 23, 2010 1:12 am

Je viens de finir "Le fleuve des dieux", que j'ai beaucoup apprécié, même si je reconnais que les critiques que fait Lem sont justifiés.

La prospective sur quelques décennie est un art difficile. On pense forcément au maitre du genre, John Brunner. Peu importe la justesse ou non des prévisions, ce n'est pas vraiment le but.

La difficulté de l'exercice est de décrire des bouleversements technologiques, culturels et géopolitiques à la hauteur de ceux que nous avons connus disons entre 1970 et 2010, mais aussi de montrer que malgré cela le monde semble immuable. L'inde de Ian McDonald est exactement dans ce paradoxe.
Bomba Kryptologiczna & Le Prix du Pardon
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Patrice
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Message par Patrice » mer. mars 30, 2011 1:09 pm

Salut,

Ca y est. Lu le monstre.

C'est un chef-d'oeuvre.

Et effectivement, parler de ce qui en fait l'enjeu revient à dévoiler l'intrigue. Je l'ai fait dans ma critique, mais avec avertissement.

A+

Patrice

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Message par Hoêl » mer. mars 30, 2011 2:50 pm

Patrice a écrit :Salut,

Ca y est. Lu le monstre.

C'est un chef-d'oeuvre.

Et effectivement, parler de ce qui en fait l'enjeu revient à dévoiler l'intrigue. Je l'ai fait dans ma critique, mais avec avertissement.

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Ah , toi aussi tu y vois un renouveau du cyberpunk , bien content je suis .
Il ne reste plus qu'à te procurer Nécroville et Roi du matin , reine du jour .
"Tout est relatif donc rien n'est relatif !"

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Message par Patrice » mer. mars 30, 2011 3:35 pm

Salut,

Un lecteur russe disait dans un commentaire: "cyber, oui, mais pas punk". Je serais tenté de le suivre.

Sinon, j'ai les deux autres romans. Et ne les avais pas lu, en raison du blocage que je signale dans ma note.
Maintenant, j'y vais.

A+

Patrice

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kibu
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Message par kibu » mer. mars 30, 2011 4:27 pm

Intéressant ton article.
Je ne savais pas pour la conception linéaire. J'ai toujours cru que les hindous considéraient l'histoire comme une succession de cycles. De mémoire, c'est ainsi que les choses m'ont été présentées par un Indien lors de mon voyage dans le sous-continent.
A l'envers, à l'endroit

Ô Dingos, ô châteaux

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