Les Loups de Prague d'Olivier Paquet
Posté : jeu. mai 12, 2011 9:09 pm
Après la lecture du stupéfiant (sic) Rêves de Gloire de Roland C. Wagner (et avant celle de D’or et d’émeraude d’Eric Holstein, que j’avais dû abandonner après quelques pages pour d’autres trucs urgents à faire, et que je vais reprendre au début), je me suis lancé dans Les Loups de Prague d’Olivier Paquet (L’Atalante).
L’action se déroule dans une Prague du futur, un futur pas si lointain (la vie de monsieur tout le monde ressemble à la nôtre), mais pas si proche non plus, au regard des bouleversements politiques considérables qui se sont déroulés (il n’est plus du tout question d’Union Européenne, ni même de pays tels qu’ils existent actuellement, mais plutôt de « Villes » européennes qui semblent indépendantes et en état de conflit perpétuel plus ou moins ouvert) et des progrès technologiques (super-armures qui transforment les combattants en cyborgs, super-projet « Gaïa » de défense « biologique » de la Ville (Prague), fort en avance sur les possibilités actuelles. On assiste à un affrontement entre l’Armée du Commandeur (qui a pris le pouvoir et peaufine sa main mise sur la ville au moyen de l’extraordinaire projet Gaïa), la Guilde commandée par Miro (association de malfaiteurs suréquipés fonctionnant sur le modèle de clans à totem - les Rats, les Serpents, les Aigles, etc.-, plus précisément de la meute (surtout pour les Loups), et un groupe de révolutionnaires (un peu falots) qui veulent renverser la dictature.
Un thriller passionnant (avec sa dose de manipulations, de trahisons et de retournements finals), et qui soulève beaucoup de questions. L’histoire (laquelle comporte sa part de sentiments et de romance, si ! si !) captive, mais le soubassement social, politique, et socio-politique accroche encore davantage l’attention (en tout cas, la mienne…). Par exemple, le fonctionnement des clans (pour se décrire, les membres des clans assument ouvertement l’emploi d’un vocabulaire – femelle alfa, mâle dominant, etc – caractérisant plutôt pour le lecteur des comportements animaux), les motivations des militaires, celles des révolutionnaires, les faiblesses d’un système social, les mécanismes à l’œuvre derrière un mouvement de rébellion, les techniques de manipulation individuelles et de l’information, etc. On voit bien qu’OP ne manque pas d’idées dans ces domaines. Je prends un exemple précis : le passage où les Loups organisent sciemment un cambriolage par provocation ; on assiste à l’humiliation du couple de bourgeois qui en est victime, mais, en même temps, à une réflexion sur la vanité de la position sociale (pp.60-63)). C’est le genre de détail qui réjouit un lecteur de mon type (nourri de Brunner), et je considère que, dans Les Loups de Prague, cet aspect aurait pu être encore davantage développé, histoire d’avoir une vision d’ensemble plus complète de ce futur. Critique que je ne ferais pas à son roman précédent (Structura Maxima), plus esthétisant, et où ce type de développement trop sociologique aurait sans doute détoné. Il y a chez OP une tentation du lyrique (les scènes de combat réglées comme des ballets, ou encore, la belle agonie informationnelle d’Orel, l’Aigle maître des réseaux), qu’il combine avec une approche beaucoup plus, disons, intellectuelle (sociologie) ; certes, ça fonctionne plutôt bien dans Les Loups de Prague, mais j’aimerais bien voir OP se lâcher dans un récit plus ouvertement cérébral ; un grand roman socio-politique sur l’Europe de 2050, par exemple…
Il y a quelques scènes de sexe, qui au tout début, m’ont semblé inutiles comme dans 99% au moins des romans où j’en trouve. Mais je me suis rendu compte qu’elles servaient surtout à expliquer des aspects fondamentaux du mécanisme social interne du clan des Loups et ne sont donc pas si inutiles, tout compte fait, car on a des surprises quant aux véritables raison de certaines pulsions… Les Loups et leur étrange micro-société restent au cœur du roman, et tout y ramène, d’une manière ou d’une autre.
Un dernier petit détail qui m’a bien plu. Un des personnages, pris de désespoir, songe à se suicider. Il y renonce, mais s’entaille l’avant-bras : « Chaque fois qu’il penserait à la mort, il se ferait une entaille ». Cela m’a fait penser à cette anecdote (légende ?) à propos du grand Jean Potocki lequel, à chaque fois qu’il avait une crise de neurasthénie, limait un morceau de métal ; lorsque le morceau de métal put entrer dans le canon de son pistolet pour faire office de balle, il se le tira dans la tête.
Allez, j’attaque maintenant pour de bon D’or et d’émeraude.
Oncle Joe
PS : je ne sais pas comment font les vrais critiques ! C’est fatigant de réfléchir et de rédiger !
L’action se déroule dans une Prague du futur, un futur pas si lointain (la vie de monsieur tout le monde ressemble à la nôtre), mais pas si proche non plus, au regard des bouleversements politiques considérables qui se sont déroulés (il n’est plus du tout question d’Union Européenne, ni même de pays tels qu’ils existent actuellement, mais plutôt de « Villes » européennes qui semblent indépendantes et en état de conflit perpétuel plus ou moins ouvert) et des progrès technologiques (super-armures qui transforment les combattants en cyborgs, super-projet « Gaïa » de défense « biologique » de la Ville (Prague), fort en avance sur les possibilités actuelles. On assiste à un affrontement entre l’Armée du Commandeur (qui a pris le pouvoir et peaufine sa main mise sur la ville au moyen de l’extraordinaire projet Gaïa), la Guilde commandée par Miro (association de malfaiteurs suréquipés fonctionnant sur le modèle de clans à totem - les Rats, les Serpents, les Aigles, etc.-, plus précisément de la meute (surtout pour les Loups), et un groupe de révolutionnaires (un peu falots) qui veulent renverser la dictature.
Un thriller passionnant (avec sa dose de manipulations, de trahisons et de retournements finals), et qui soulève beaucoup de questions. L’histoire (laquelle comporte sa part de sentiments et de romance, si ! si !) captive, mais le soubassement social, politique, et socio-politique accroche encore davantage l’attention (en tout cas, la mienne…). Par exemple, le fonctionnement des clans (pour se décrire, les membres des clans assument ouvertement l’emploi d’un vocabulaire – femelle alfa, mâle dominant, etc – caractérisant plutôt pour le lecteur des comportements animaux), les motivations des militaires, celles des révolutionnaires, les faiblesses d’un système social, les mécanismes à l’œuvre derrière un mouvement de rébellion, les techniques de manipulation individuelles et de l’information, etc. On voit bien qu’OP ne manque pas d’idées dans ces domaines. Je prends un exemple précis : le passage où les Loups organisent sciemment un cambriolage par provocation ; on assiste à l’humiliation du couple de bourgeois qui en est victime, mais, en même temps, à une réflexion sur la vanité de la position sociale (pp.60-63)). C’est le genre de détail qui réjouit un lecteur de mon type (nourri de Brunner), et je considère que, dans Les Loups de Prague, cet aspect aurait pu être encore davantage développé, histoire d’avoir une vision d’ensemble plus complète de ce futur. Critique que je ne ferais pas à son roman précédent (Structura Maxima), plus esthétisant, et où ce type de développement trop sociologique aurait sans doute détoné. Il y a chez OP une tentation du lyrique (les scènes de combat réglées comme des ballets, ou encore, la belle agonie informationnelle d’Orel, l’Aigle maître des réseaux), qu’il combine avec une approche beaucoup plus, disons, intellectuelle (sociologie) ; certes, ça fonctionne plutôt bien dans Les Loups de Prague, mais j’aimerais bien voir OP se lâcher dans un récit plus ouvertement cérébral ; un grand roman socio-politique sur l’Europe de 2050, par exemple…
Il y a quelques scènes de sexe, qui au tout début, m’ont semblé inutiles comme dans 99% au moins des romans où j’en trouve. Mais je me suis rendu compte qu’elles servaient surtout à expliquer des aspects fondamentaux du mécanisme social interne du clan des Loups et ne sont donc pas si inutiles, tout compte fait, car on a des surprises quant aux véritables raison de certaines pulsions… Les Loups et leur étrange micro-société restent au cœur du roman, et tout y ramène, d’une manière ou d’une autre.
Un dernier petit détail qui m’a bien plu. Un des personnages, pris de désespoir, songe à se suicider. Il y renonce, mais s’entaille l’avant-bras : « Chaque fois qu’il penserait à la mort, il se ferait une entaille ». Cela m’a fait penser à cette anecdote (légende ?) à propos du grand Jean Potocki lequel, à chaque fois qu’il avait une crise de neurasthénie, limait un morceau de métal ; lorsque le morceau de métal put entrer dans le canon de son pistolet pour faire office de balle, il se le tira dans la tête.
Allez, j’attaque maintenant pour de bon D’or et d’émeraude.
Oncle Joe
PS : je ne sais pas comment font les vrais critiques ! C’est fatigant de réfléchir et de rédiger !