Mon troisième Priest, après
Le monde inverti et
Une femme sans histoires, que j'avais aimés mais pas compris complètement, j'en étais sortie avec une petite frustration.
Il y avait néanmoins chez Priest quelque chose qui m'attirait, qui m'intriguait, qui piquait ma curiosité, et j'ai donc attaqué ce roman.
Je l'ai lu pratiquement d'une traite, et là j'ai eu vraiment le sentiment de rentrer dans l'univers. Je ne dis pas que j'ai compris ! Ca serait assez prétentieux, et surtout hors de propos, parce que justement le livre propose de se perdre dans des méandres incroyables sur la vie, la mémoire, la mort, l'amour, le vrai et le mensonge, l'écriture, l'imagination, l'inconscient, les rêves....... et j'en oublie sûrement...
Il le dit au début. C'est à propos de l'écriture du manuscrit, mais ça me semble aussi un gros clin d'oeil qui concerne le roman lui-même, son écriture peut-être et aussi sa lecture.
"Ce phénomène était inaccessible à ma compréhension. C'était quelque chose que je sentais à un niveau purement instinctif ou émotionnel."
Disons que c'est une autre forme de compréhension, c'est la "compréhension" qu'on a d'un film de Lynch, c'est à dire quelque chose qui prend une forme particulière et étrange, quelque chose qui crée des sensations, des sentiments, que l'on intègre d'une manière ou d'une autre, en transposant dans sa propre réalité, mais qui ne pourrait pas être décrit avec des mots.
Toute la fin du roman à cet égard est remarquable d'ailleurs (après une cinquantaine de pages un peu pénibles, un peu "agaçantes" pour reprendre le mot utilisé dans la chronique du Cafard cosmique).
SPOILERS
La façon de déconstruire ce qui a été construit, le fait que le manuscrit soit blanc, le retour à la pièce blanche du début...
FIN SPOILERS
C'est un bouquin remarquable à bien des égards de toute façon...
La "description" du fonctionnement de l'inconscient et de l'imagination est très fine, et renvoie le lecteur à ses propres errances intérieures.
Il y a une question intriguante aussi qui est posée, et dont la réponse est laissée... en blanc...
c'est celle de l'immortalité. Avec l'histoire du manuscrit : à un premier degré, on peut dire que quelqu'un qui a écrit un livre, qui plus est son histoire, sur le papier, est devenu immortel. Dans une certaine vue métaphorique de l'immortalité.
Parallèle avec le traitement d'immortalité de la Loterie.
Immortalité qui passe pas une mort, non pas physique, mais mentale. Le personnage le dit lui-même : la mémoire et l'existence sont étroitement liées. Or, après le traitement, le patient a perdu toute sa mémoire.
Comme si pour vivre éternellement, il fallait être mort déjà. La technologie défie la mort, mais symboliquement, elle le fait simplement en provoquant cette mort et en la "soignant".
Bon, y'a plein d'autres choses soulevées, je vais pas écrire un roman pour parler du roman
Mais le fait que ça n'est pas une véritable immortalité, puisque c'est seulement l'usure du corps et la maladie qui sont stoppées.
Donc l'épée de Damoclès est toujours là, on peut toujours se prendre une poutre sur la tronche ou se faire écraser par un bus.
De même qu'écrire sa vie est un leurre d'immortalité.
Il y a des choses aussi sur la définition de soi. Le personnage se retrrouve enfermé dans sa propre définition de lui-même. Il ne peut plus évoluer. Donc quelque part... il est "mort". Il est figé, comme les objets dans la fontaine pétrifiante.
Bon je m'arrête là. Roman passionnant en tout cas.
Et ça me donne encore plus envie de lire les autres bouquins de Priest.