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Posté : ven. déc. 08, 2006 8:47 am
Salut,
Par flème de faire autant de messages que de livres, je m'en vais livrer mes dernières impressions en un bloc. Bref, mes dernières lectures depuis deux semaines.
D'abord, Tchinguiz Aïtmatov, La Marque de Cassandre, 1996, paru bizarrement chez Maisonneuve et Larose (plus connu pour ses essais d'ethnologie et de folklore). Dans ce roman, Aïtmatov imagine un biologiste soviétique, membre d'une mission à bord d'une station orbitale, qui refuse de retourner sur Terre, et du coup est totalement oublié dans l'espace durant le chaos de la Perestroika. Il y continuera ses observations et se convertira au christianisme, se faisant moine sous le nom de Philothée. A l'aide de "rayons-sonde" (on ignorera toujours ce que c'est), il découvre que durant les premières semaines de gestation, l'embryon humain manifeste son désir ou non de naître: si une tache (la marque de Cassandre) apparaît sur le front de la mère, c'est que l'être futur ne désire pas vivre. Philothée le fait savoir par voie de presse, dans un message adressé au Pape.
On le voit, le postulat de base est bancal, peu crédible, mais sert de prétexte à une longue dissertation, très bavarde, sur l'avenir de l'humanité. Tchinguiz Aïtmatov, grand écrivain soviétique, est alors en perte de repères. Il renie complètement Lénine et Staline (il fait dire à l'"ombre" de Lénine que celui-ci ne voulait pas naître). Au travers des longs discours de Philothée, mais surtout du futurologue Robert Bork, percent les intérogations de l'écrivains sur divers sujets: la bêtise des foules humaines (de quelque nation qu'elles soient), l'avortement (contrairement à ce qu'à pu écrire un critique de L'Humanité, il ne ressort pas de ce livre qu'Aïtmatov s'y oppose, au contraire), l'évolution de l'homme vers sa propre éradication par une sorte d'entrope sociale incontrôlée.
C'est bavard, donc, mais intéressant. Et ces discours n'empêchent pas quelques très belles pages: celles des rêves de Robert Bork; celles sur la chouette du Kremlin. Ca n'est donc pas le roman du siècle, mais c'est intéressant pour qui veut savoir ce qui peut se passer dans l'esprit d'un grand intellectuel qui voit ce dont il a toujours cru s'écrouler en quelques années seulement.
Pour changer de style, j'ai enchaîné sur trois numéros de Satellite, les n°6, 7 et 8, parus en 1958.
Je passe sur le roman de Kazantsev paru dans les trois numéros. On m'expliquera seulement comment la rédaction a fait pour faire passer un manuscrit de 650 p. en environ 3 fois 80 p. de traduction française: usage excessif d'une paire de ciseaux? Mais il est vrai que Kazantsev est lui aussi très bavard. Les nouvelles qui suivent, essentiellement françaises, sont vraiment anecdotiques. On sent qu'à l'époque la SF française se cherche et a du mal à s'affranchir des standards américains. Mais il y a aussi le fait qu'elles sont carrément plus faibles que celles qui pouvaient paraître à la même époque dans Fiction. On comprend pourquoi Satellite n'a tenu que quelques années.
Retour au sérieux avec Arc en Ciel lointain des frères Strougatski. Merci encore au Fleuve Noir d'avoir publié la collection des "Best Sellers" au début des années 80. Merci encore au maquettiste de la dite collection d'avoir si avantageusement illustré les couvertures. Il va sans dire que c'est de l'humour: la couv. de celui-ci n'a non seulement rien à voir avec le roman, mais est en plus carrément hideuse: un tennisman en short tenant un lance roquette, sur fond de robot géant. Ridicule.
Le roman lui-même est une belle surprise, car il passe généralement pour un roman mineur des deux frères. Arc en Ciel est une planète sur laquelle les physiciens se livrent à de multiples expériences à l'échelle planétaire, sans contrôle réel. Ils sont comme autant de savants fous, ou mieux, comme autant d'enfants dans un bac à sable. Cela abouti bien évidemment à une catastrophe qui est l'occasion d'une galerie de portraits vraiment intéressant, avec l'intervention régulièrement d'un personnage qui n'apparaît qu'en filigrane mais aurait pu être un grand personnage de roman de SF: Camille, physicien si génial que personne ne comprend ce qu'il dit, mort et ressuscité, véritable fantôme vivant. Le livre se lit d'une traite, sans ennui car les réflexions "philosophiques" n'apparaissent, une fois n'est pas coutume, qu'en arrière plan. Et le dernier chapitre est une pure merveille.
Dernier en date, maintenant, un roman méconnu de George R. R. Martin, Le Volcryn (en anglais Night Flyers). Ma foi, la déception est grande, car je suis un fan des premiers textes de Martin, notamment de ses nouvelles, véritables petits joyaux, de L'agonie de la lumière (un des plus beaux planet opera jamais écrit), d'Armageddon Rag, roman somptueux sur la déchéance de hyppies et du rock des années 70. Le Volcryn a côté de ça s'évère n'être qu'un petit space opera sans ambition, juste un Fleuve Noir bien écrit. L'intrigue aurait pu être intéressant si elle avait été développée sur au moins le double de pages (d'habitude j'aime le format court, mais là ça ne passe pas). Les Volcryns sont des vaisseaux mystérieux, qui depuis des millénaires traversent la galaxie, de son centre vers la bordure, à une vitesse subluminique. De ce fait, ils apparaissent dans les légendes de la plupart des peuples que l'Humanité rencontre lors de son extension. Un savant, aidé de plusieurs jeunes spécialistes, s'embarque à leur recherche sur un vaisseau presque entièrement automatisé commandé par un associal parfait qui ne se montre que par l'intermédiaire d'un hologramme. Mais une présence maléfique hante le vaisseau. Ce qui aurait pu être l'occasion là aussi d'une parfaite galerie de portraits esquissés dans un suspense de huis clot ne s'avère en définitive qu'une aventure spatiale baclée, avec une chute vraiment pas crédible. Moyen donc. On dirait un roman de jeunesse.
Voilou, c'est tout pour aujourd'hui. Prochaine salve dans deux semaines.
A+
Patrice
Par flème de faire autant de messages que de livres, je m'en vais livrer mes dernières impressions en un bloc. Bref, mes dernières lectures depuis deux semaines.
D'abord, Tchinguiz Aïtmatov, La Marque de Cassandre, 1996, paru bizarrement chez Maisonneuve et Larose (plus connu pour ses essais d'ethnologie et de folklore). Dans ce roman, Aïtmatov imagine un biologiste soviétique, membre d'une mission à bord d'une station orbitale, qui refuse de retourner sur Terre, et du coup est totalement oublié dans l'espace durant le chaos de la Perestroika. Il y continuera ses observations et se convertira au christianisme, se faisant moine sous le nom de Philothée. A l'aide de "rayons-sonde" (on ignorera toujours ce que c'est), il découvre que durant les premières semaines de gestation, l'embryon humain manifeste son désir ou non de naître: si une tache (la marque de Cassandre) apparaît sur le front de la mère, c'est que l'être futur ne désire pas vivre. Philothée le fait savoir par voie de presse, dans un message adressé au Pape.
On le voit, le postulat de base est bancal, peu crédible, mais sert de prétexte à une longue dissertation, très bavarde, sur l'avenir de l'humanité. Tchinguiz Aïtmatov, grand écrivain soviétique, est alors en perte de repères. Il renie complètement Lénine et Staline (il fait dire à l'"ombre" de Lénine que celui-ci ne voulait pas naître). Au travers des longs discours de Philothée, mais surtout du futurologue Robert Bork, percent les intérogations de l'écrivains sur divers sujets: la bêtise des foules humaines (de quelque nation qu'elles soient), l'avortement (contrairement à ce qu'à pu écrire un critique de L'Humanité, il ne ressort pas de ce livre qu'Aïtmatov s'y oppose, au contraire), l'évolution de l'homme vers sa propre éradication par une sorte d'entrope sociale incontrôlée.
C'est bavard, donc, mais intéressant. Et ces discours n'empêchent pas quelques très belles pages: celles des rêves de Robert Bork; celles sur la chouette du Kremlin. Ca n'est donc pas le roman du siècle, mais c'est intéressant pour qui veut savoir ce qui peut se passer dans l'esprit d'un grand intellectuel qui voit ce dont il a toujours cru s'écrouler en quelques années seulement.
Pour changer de style, j'ai enchaîné sur trois numéros de Satellite, les n°6, 7 et 8, parus en 1958.
Je passe sur le roman de Kazantsev paru dans les trois numéros. On m'expliquera seulement comment la rédaction a fait pour faire passer un manuscrit de 650 p. en environ 3 fois 80 p. de traduction française: usage excessif d'une paire de ciseaux? Mais il est vrai que Kazantsev est lui aussi très bavard. Les nouvelles qui suivent, essentiellement françaises, sont vraiment anecdotiques. On sent qu'à l'époque la SF française se cherche et a du mal à s'affranchir des standards américains. Mais il y a aussi le fait qu'elles sont carrément plus faibles que celles qui pouvaient paraître à la même époque dans Fiction. On comprend pourquoi Satellite n'a tenu que quelques années.
Retour au sérieux avec Arc en Ciel lointain des frères Strougatski. Merci encore au Fleuve Noir d'avoir publié la collection des "Best Sellers" au début des années 80. Merci encore au maquettiste de la dite collection d'avoir si avantageusement illustré les couvertures. Il va sans dire que c'est de l'humour: la couv. de celui-ci n'a non seulement rien à voir avec le roman, mais est en plus carrément hideuse: un tennisman en short tenant un lance roquette, sur fond de robot géant. Ridicule.
Le roman lui-même est une belle surprise, car il passe généralement pour un roman mineur des deux frères. Arc en Ciel est une planète sur laquelle les physiciens se livrent à de multiples expériences à l'échelle planétaire, sans contrôle réel. Ils sont comme autant de savants fous, ou mieux, comme autant d'enfants dans un bac à sable. Cela abouti bien évidemment à une catastrophe qui est l'occasion d'une galerie de portraits vraiment intéressant, avec l'intervention régulièrement d'un personnage qui n'apparaît qu'en filigrane mais aurait pu être un grand personnage de roman de SF: Camille, physicien si génial que personne ne comprend ce qu'il dit, mort et ressuscité, véritable fantôme vivant. Le livre se lit d'une traite, sans ennui car les réflexions "philosophiques" n'apparaissent, une fois n'est pas coutume, qu'en arrière plan. Et le dernier chapitre est une pure merveille.
Dernier en date, maintenant, un roman méconnu de George R. R. Martin, Le Volcryn (en anglais Night Flyers). Ma foi, la déception est grande, car je suis un fan des premiers textes de Martin, notamment de ses nouvelles, véritables petits joyaux, de L'agonie de la lumière (un des plus beaux planet opera jamais écrit), d'Armageddon Rag, roman somptueux sur la déchéance de hyppies et du rock des années 70. Le Volcryn a côté de ça s'évère n'être qu'un petit space opera sans ambition, juste un Fleuve Noir bien écrit. L'intrigue aurait pu être intéressant si elle avait été développée sur au moins le double de pages (d'habitude j'aime le format court, mais là ça ne passe pas). Les Volcryns sont des vaisseaux mystérieux, qui depuis des millénaires traversent la galaxie, de son centre vers la bordure, à une vitesse subluminique. De ce fait, ils apparaissent dans les légendes de la plupart des peuples que l'Humanité rencontre lors de son extension. Un savant, aidé de plusieurs jeunes spécialistes, s'embarque à leur recherche sur un vaisseau presque entièrement automatisé commandé par un associal parfait qui ne se montre que par l'intermédiaire d'un hologramme. Mais une présence maléfique hante le vaisseau. Ce qui aurait pu être l'occasion là aussi d'une parfaite galerie de portraits esquissés dans un suspense de huis clot ne s'avère en définitive qu'une aventure spatiale baclée, avec une chute vraiment pas crédible. Moyen donc. On dirait un roman de jeunesse.
Voilou, c'est tout pour aujourd'hui. Prochaine salve dans deux semaines.
A+
Patrice