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Les enfers virtuels versus Rupture dans le réel .

Posté : lun. janv. 09, 2012 12:54 am
par Hoêl
Bon , ça fait deux semaines que j'ai lu le dernier Banks , et ça fait aussi longtemps que ça me titille...
Pour le bouquin (Enfers virtuels) , globalement décevant , une intrigue cousue de fil blanc , des personnages ultre-stéréotypés (l'oie pas si blanche que ça et l'ultra-méchant capitaliste aux tendances sado-maso affichées...) seul le vaisseau de Crconstances spéciale fait le pli , mais d'autres l'ont dit mieux que moi .
Mon propos est autre et plus polémique (dans la mesure où celui de Banks me semble l'avoir été :
il m'a paru que Les enfers virtuels était , à un certain nombre de sujets , une réponse à Rupture dans le réel de Hamilton , paru dans la même collection .
Je m'explique , il est , à plusieurs reprises , fait mention dans le 1er tome d'une "irruption dans le réel" desdits enfers ; Banks a souvent exprimé clairement son idée (qui a dit idéologie ?) d'inventer avec la Culture , une société dégagée du capitalisme libéral dont , à plus d'un égard Hamilton serait le champion (encore qu'au regard du très verbeux dernier opus des tribulations de Greg Mandel , il prenne quelques distances vis-à-vis de ce genre de théorie et nuance son propos) .
Il m'a donc semblé que Banks voulait opposer la faculté réelle qu'ont les êtres pensants à voulir infliger à leurs congénères les pires sévices sous des prétextes fallacieux à un prétendu au-delà dont les revenants viendraient nou hanter .
Autrement dit : Hamilton opterait pour une vision fantastico-métaphysique (oui , je sais , j'aurais pas dû...) et Banks pour une interprétaion psychologique .
Qu'en pensez-vous ?
(Bien sûr , ça s'adresse d'abord à ceusses qu'ont lu les deux , mais les ôtres peuvent y mettre autant de grains de sel qu'ils en auront à moudre !) .

Posté : lun. janv. 09, 2012 8:52 am
par Eric
Banks définit lui même la Culture en ces termes :
"la société la plus proche possible d’une utopie, et dont les membres demeureraient humains".
Honnêtement, je n'ai pas le sentiment que Banks tente une approche particulièrement psychologique. Tout au contraire, il ancre sa réflexion dans son engagement politique.

Quant à Hamilton... J'ai surtout le sentiment qu'il est un sous produit de la culture dominante états-unienne et qu'il se distingue principalement par un manque de distance et recul par rapport aux thèses qui pourraient sous-tendre son univers. Mais ce n'est que mon avis et j'ai, il est vrai, trouvé Rupture dans le réel saugrenu, ne serait-ce que par sa taille parfaitement grotesque.

Posté : lun. janv. 09, 2012 9:37 am
par Lensman
Eric a écrit :.

Quant à Hamilton... J'ai surtout le sentiment qu'il est un sous produit de la culture dominante états-unienne et qu'il se distingue principalement par un manque de distance et recul par rapport aux thèses qui pourraient sous-tendre son univers. Mais ce n'est que mon avis et j'ai, il est vrai, trouvé Rupture dans le réel saugrenu, ne serait-ce que par sa taille parfaitement grotesque.
J'ai le même avis.
Banks est de toute façon un auteur autrement subtil, même quand il n'est pas son meilleur.
Oncle Joe

Posté : lun. janv. 09, 2012 10:40 am
par bormandg
Eric a écrit : Quant à Hamilton... J'ai surtout le sentiment qu'il est un sous produit de la culture dominante états-unienne et qu'il se distingue principalement par un manque de distance et recul par rapport aux thèses qui pourraient sous-tendre son univers. Mais ce n'est que mon avis et j'ai, il est vrai, trouvé Rupture dans le réel saugrenu, ne serait-ce que par sa taille parfaitement grotesque.
Juste un détail: Hamilton (comme Banks) est britannique. A part ça, je n'ai pas eu le courage d'attaquer la trilogie, quand j'ai eu fini par l'avoir au complet, alors je ne saurais émettre la moindre opinion à son sujet.

Re: Les enfers virtuels versus Rupture dans le réel .

Posté : lun. janv. 09, 2012 1:19 pm
par JDB
Hoêl a écrit :Je m'explique , il est , à plusieurs reprises , fait mention dans le 1er tome d'une "irruption dans le réel" desdits enfers.
Il faudrait vérifier dans le texte original de Banks s'il est fait allusion à une "reality dysfunction", terme utilisé par Peter F. Hamilton pour décrire le phénomène, que Pierre K. Rey et moi-même avons rendu par "rupture dans le réel" suite à la suggestion de Gérard Klein.
Sinon, c'est une initiative du traducteur et peut-être de l'éditeur français.
JDB

Posté : lun. janv. 09, 2012 6:46 pm
par Gérard Klein
Non, il n'est jamais question dans le texte de Banks d'une "reality dysfunction" et je ne lui ai trouvé aucun rapport avec la trilogie (en français hexalogie de Hamilton).
L'idée ne m'est même pas venue à l'esprit et je la trouve complètement saugrenue.
Ce qui est très intéressant chez Banks, c'est l'idée et le traitement des guerres virtuelles en contrepoint de ses enfers. Et la façon dont il la réincorpore à l'ensemble du cycle dans sa dernière phrase, sans jamais se contredire, est magistrale

Banks dans ses Enfers utilise le concept de réalité virtuelle et de copie transhumaniste de personnalités dans de telles réalités, ce qui n'a strictement rien à voir avec l'idée de Hamilton.
Ce dernier m'a beaucoup déçu et après ce qui reste son chef d'œuvre, L'Aube de la nuit, énorme space op distrayant, il me semble qu'il s'est surtout répété et j'ai cessé de le suivre.

Par Ailleurs, Hoël se prend les pieds dans le tapis car la trilogie de Greg Mandel est bien antérieure à L'Aube de la nuit, et l'évolution de Hamilton s'est faite dans le sens inverse de celui qu'il évoque. Vieille illusion des lecteurs superficiels qui prennent leur ordre de lecture des ouvrages pour leur ordre de parution originale alors qu'un coup d'œil au copyright suffit pour se faire une idée.
Je ne comprends vraiment pas ses réserves vis à vis des Enfers Virtuels. On l'impression qu'il n'a pas lu le livre ou distraitement. Traiter la malheureuse Lededje, esclave dès son enfance, d'oie blanche "pas si oie blanche que ça" est un contre-sens.

Le reste est à l'avenant.
On peut reprocher tout ce qu'on voudra à Banks mais certainement pas d'avoir des intrigues cousues de fil blanc.
Quant à ses conclusions volontairement abruptes, c'est depuis longtemps sa marque de fabrique. Il n'est pas du genre à laisser un ténor agoniser sur la scène pendant trois quarts d'heure en chantant à pleins poumons.
Parfois un mot lui suffit et la messe est dite.

Posté : lun. janv. 09, 2012 10:41 pm
par Eric
Et à propos des fins chez Banks, l'intéressé lui-même s'est exprimé sur la question avec ce sens de la clarté qui a fait sa célébrité :
"J’aime les intrigues, j’aime les histoires. Je déteste ces romans qui s’arrêtent d’un coup. Je ne peux pas m’empêcher de penser "Hey, les gars ! Qu’est ce qui s’est passé ? Vous êtes tombés en panne de mots ?" Ces auteurs ont l’air de s’imaginer que c’est la manière la plus intelligente de terminer un roman. Pas moi ! Il me faut une fin. Bordel ! Je ne veux pas de ces merdes existentialistes post-modernes. Je veux une histoire, avec une fin."

Posté : lun. janv. 09, 2012 11:29 pm
par Bull
Eric a écrit :Banks définit lui même la Culture en ces termes :
"la société la plus proche possible d’une utopie, et dont les membres demeureraient humains".
...
Juste pour le principe, je ne sais pas si j'aurai le temps de poursuivre longtemps la discussion, mais je redis ce que j'avais écrit sur le CC il y a quelques années de cela.

Utopie, utopie. Mhouais. Chiant à mourir oui.
Les Délices de Capoue c'est sympa un moment, mais bon.

Quelle est la place pour le "cerveau" humain ?

Et ne me parlez-pas de ces rares élus (je crois dans excession, mais je ne suis pas sûr) qui par miracle peuvent avoir des intuitions géniales à la hauteur des meilleurs IAs.

La seule partie de la Culture où l'Homme, à mon sens, a une réelle place, c'est au sein de CS.

Et pas tout le monde a la structure psychique adapté aux forces spéciales.

Non, une Humanité, piégé au sein de la culture, c'est une Humanité décadente et/ou deshumanisée. Qui pour évoluer se soit de quitter ce plan de l'espace-temps.

Bien dommage que les Iridans soient des Fanatiques religieux, sinon j'aurai pris ma carte sans hésiter.

Posté : lun. janv. 09, 2012 11:48 pm
par Sylvaner
Bull a écrit :
Eric a écrit :Banks définit lui même la Culture en ces termes :
"la société la plus proche possible d’une utopie, et dont les membres demeureraient humains".
...
Juste pour le principe, je ne sais pas si j'aurai le temps de poursuivre longtemps la discussion, mais je redis ce que j'avais écrit sur le CC il y a quelques années de cela.

Utopie, utopie. Mhouais. Chiant à mourir oui.
Les Délices de Capoue c'est sympa un moment, mais bon.

Quelle est la place pour le "cerveau" humain ?

Et ne me parlez-pas de ces rares élus (je crois dans excession, mais je ne suis pas sûr) qui par miracle peuvent avoir des intuitions géniales à la hauteur des meilleurs IAs.

La seule partie de la Culture où l'Homme, à mon sens, a une réelle place, c'est au sein de CS.

Et pas tout le monde a la structure psychique adapté aux forces spéciales.

Non, une Humanité, piégé au sein de la culture, c'est une Humanité décadente et/ou deshumanisée. Qui pour évoluer se soit de quitter ce plan de l'espace-temps.

Bien dommage que les Iridans soient des Fanatiques religieux, sinon j'aurai pris ma carte sans hésiter.
ça c'est intéressant. Je n'ai pas lu le dernier mais, je me suis souvent dit la même chose à la lecture de Banks...

Si je vivais dans la Culture, aurais-je les c... apacités pour faire partie, sinon de CS, au moins de Contact ?
Et dans le cas contraire, à quel point me ferais-je ch... ? au point de débrancher mon moniteur et tenter l'overdose de Caol Ila ?

Et je ne suis pas sûr de la réponse de Banks lui-même dans ses livres. Si la Culture semble vraiment utopique à la plupart de ses habitants, il est quand même révélateur qu'il n'ait rien à raconter qui ne soit à la marge... guerre ou Contact avec des civilisations moins "cultivées".

Posté : lun. janv. 09, 2012 11:59 pm
par Hoêl
Dieu .
]Par Ailleurs, Hoël se prend les pieds dans le tapis car la trilogie de Greg Mandel est bien antérieure à L'Aube de la nuit, et l'évolution de Hamilton s'est faite dans le sens inverse de celui qu'il évoque. Vieille illusion des lecteurs superficiels qui prennent leur ordre de lecture des ouvrages pour leur ordre de parution originale alors qu'un coup d'œil au copyright suffit pour se faire une idée.
M. klein , je suis un vieux lecteur et ai l'habitude de compulser les périodes de parution des différents auteurs dont je suis le parcours .
Il ne m'avait donc pas échappé que La trilogie de Mandel était antérieure au monument de Rupture dans le réel .
Je mentionnai juste et donc que ledit Hamilton semblait dans ladite série (celle de mandel , pour ceusses qui suivraient encore) , avoir pris quelques distances à l'égard des visions ultra-libéralistes qu'il semblait avoir adoptées...
Cela dit , j'ai lu tous ses livres traduits en français , ce qui , de votre propre aveu , ne semble pas avoir été votre cas... , je l'ai suivi chez d'autres éditeurs... serait-ce la raison pour laquelle vous ne l'avez pas poursuivi ? Lorsque je parle d'un livre , c'est que je l'ai lu... Avez- vous lu la trilogie de Mendel , celle de Pandore , celle du Vide ou encore Dragon déchu ?
Je vous respecte en temps qu'éditeur , mais ne venez pas me donner de leçons en temps que lecteur !
Dieu , one more time .
Je ne comprends vraiment pas ses réserves vis à vis des Enfers Virtuels. On l'impression qu'il n'a pas lu le livre ou distraitement. Traiter la malheureuse Lededje, esclave dès son enfance, d'oie blanche "pas si oie blanche que ça" est un contre-sens.
ace op distrayant, il me semble qu'il s'est surtout répété et j'ai cessé de le suivre[/quote].

Pour l'héroïne des Enfers virtuels , je consolide mon propos , une très jeune fille ayant été violée à moultes reprises par l'assassin de son père , s'en sortant après son propre meurtre et décidant de profiter de la vie , en particulier sur le plan sexuel , ça ne me paraît guère crédible , mais sans doute suis-je une oie blanche ?

Posté : mar. janv. 10, 2012 1:23 am
par Eric
Sylvaner a écrit : il est quand même révélateur qu'il n'ait rien à raconter qui ne soit à la marge... guerre ou Contact avec des civilisations moins "cultivées".
Pas si étonnant que ça. L'utopie est anti-dramatique au possible. Disons qu'elle ne serait sans doute pas vécue de la même manière dans une société hédoniste comme la Culture, mais au regard de notre propre système de référence, ses enjeux au quotidien seraient si dérisoire que ça ne vaudrait pas la peine d'abattre tous ces arbres pour si peu.

Banks en est d'ailleurs conscient. Comme tu le dis, ce n'est pas un hasard si, effectivement, les seuls enjeux dramatiques dignes de ce nom se trouvent à la marge. C'est Godard, je crois, qui disait que ce qu'il y avait d'intéressant avec la marge, c'est qu'elle tenait le cahier. Mais c'est surtout l'endroit où l'on peut tester le plus facilement le point de rupture de la structure toute entière.

Et en soit, les intrigues même de Banks ne sont pas révolutionnaires. Mais la maestria et l'intelligence avec lesquelles il les développe est simplement magistrale.

Posté : mar. janv. 10, 2012 8:32 am
par Eons
Gérard Klein a écrit :Non, il n'est jamais question dans le texte de Banks d'une "reality dysfunction" et je ne lui ai trouvé aucun rapport avec la trilogie (en français hexalogie de Hamilton).
Heptalogie chez Pocket. :wink:

Posté : mar. janv. 10, 2012 9:02 am
par dracosolis
Eric a écrit :
Sylvaner a écrit : il est quand même révélateur qu'il n'ait rien à raconter qui ne soit à la marge... guerre ou Contact avec des civilisations moins "cultivées".
Pas si étonnant que ça. L'utopie est anti-dramatique au possible. Disons qu'elle ne serait sans doute pas vécue de la même manière dans une société hédoniste comme la Culture, mais au regard de notre propre système de référence, ses enjeux au quotidien seraient si dérisoire que ça ne vaudrait pas la peine d'abattre tous ces arbres pour si peu.

Banks en est d'ailleurs conscient. Comme tu le dis, ce n'est pas un hasard si, effectivement, les seuls enjeux dramatiques dignes de ce nom se trouvent à la marge. C'est Godard, je crois, qui disait que ce qu'il y avait d'intéressant avec la marge, c'est qu'elle tenait le cahier. Mais c'est surtout l'endroit où l'on peut tester le plus facilement le point de rupture de la structure toute entière.

Et en soit, les intrigues même de Banks ne sont pas révolutionnaires. Mais la maestria et l'intelligence avec lesquelles il les développe est simplement magistrale.
plus 1 avec Eric:
"les gens heureux n'ont pas d'histoires"
ou "puisse-tu avoir une vie intéressante"
(la malédiction chinoise ou whatever, bien connue)
bref ce qui est intéressant dans une utopie, ce sont ses limites pas les endroits où elle fonctionne

(sans compter que je ne suis pas persuadée que même Banks -- ni quiconque - soit capable de les concevoir seulement, ces endroits où elle fonctionne à taux pleins.)

Posté : mar. janv. 10, 2012 9:13 am
par Eric
Et quand bien même serions-nous capables de concevoir effectivement ces utopies, est-ce que ça aurait un intérêt autre que le simple exercice intellectuel ?

Les tentatives sont relativement nombreuses. Elles sont même aux origines de l'idée même d'anticipation. Force est tout de même de constater que le 2440 de Louis Sébastien Mercier (je pense à lui, parce que si sa tentative n'est pas dénuée d'arrière pensées politiques, elle est sincère dans son objectif utopique) est tout de même à mourir d'ennui.

Posté : mar. janv. 10, 2012 9:15 am
par Jules
Pas encore lu Enfers virtuels, je le ferai bientôt histoire de me faire mon propre avis sur la chose...